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 Le réveil de la déesse

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Teneombre

Teneombre


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MessageSujet: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 8 Juil - 13:40

Chapitre 1
Rentrée



- Aetiher Ga'Ian !

La musique tendre qui se déversait dans ses oreilles ne suffit pas à couvrir l'appel. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle. Un vieil homme scannait la foule du regard, de l'autre côté de la cours, tandis que la plupart des élèves discutaient par petits groupes. C'était l'heure pour les anciennes alliances de se reformer avant les dix mois de guerres psychologiques propres aux lycéens.
Personne ne l'avait abordée.
Une chance.
Il faut dire aussi qu'elle cumulait les critères négatifs : nouvelle dans l'établissement Saint Espoir, vêtue avec excentricité - encore qu'il y a quelques dizaines d'années, les longues capes à capuchons capable de dissimuler tout le corps et bien d'autres choses, étaient à la mode -, solitaire et surtout, difforme.
Elle se décida enfin à bouger lorsque le rythme de la musique changea, devenant plus profond.
Doucement.
Chaque mouvement était une torture, chaque minute d’immobilité, une heure en enfer. Mais elle endurait cela depuis plus de dix ans alors son visage resta impassible. De toute façon, dissimulé sous le capuchon de sa cape verte et bleue, personne ne le remarquait.
Les élèves s'écartèrent. Elle supporta les regards, les doigts pointés vers elle et les murmures, courbée sous le poids de sa bosse.
Elle frôla un professeur étonné et alla se mettre contre le mur du fond, quelques mètres derrières ses nouveaux camarades de classe. Elle ferma les yeux et se laissa emporter par la mélodie La Dryade du groupe Gris, la couleur de son humeur depuis bien longtemps.
Les dernière notes de piano quittaient ses écouteurs lorsqu'il lui fallut fermer son baladeur pour suivre la trentaine d'adolescents surexcités.
Elle rentra dans la classe en bonne dernière et forcement, toutes les tables du fond étaient prises. En revanche, celle dans le coin près de la fenêtre n'était occupée que par un garçon. Elle se dirigea lentement vers lui, profitant que les élèves chahutaient pour éviter d'être trop remarquée. Elle se glissa derrière son nouveau voisin et s'assit dans un léger grognement de douleur. À gauche, la fenêtre, à droite, toute la classe. C'était parfait. Elle tira sa trousse et quelques feuilles de son sac et les étala sur sa part de table avant d'attendre que le professeur ait fini de tenter en quelques phrases de ramener un calme tout à fait relatif.

- Bien. Nous allons pouvoir commencer. Je me présente : Michel Dubois. J'enseigne normalement le français mais je serrais pour vous votre professeur principal. Nous ne nous croiserons pas en dehors des heures de vie de classe puisque vous êtes en terminale scientifique. Cependant, je reste persuadé que l'expression vous serra très utile dans votre vie et la classe n'a pas besoin, je suis sûr, d'une heure par semaine pour avoir un comportement correct au lycée. En conséquent, je vous demanderai à chaque fois de venir devant tout le monde pour vous exprimer sur un texte, par exemple, de vous ou d'un autre. Il est évident que votre absence ne sera pas transmise à l'administration : moins on est, plus cela sera convivial. Pour l'heure, puisque vous n'étiez pas prévenus et que je n'ai rien à vous dire, je vous libère. Vous prendrez une feuille en sortant. J'y ai mis vos emplois du temps et la liste des diverses fournitures indispensables pour vos travaux pratiques. Je vous rassure tout de suite, même si certains articles n'étaient pas mentionnés l'année dernière, votre matériel de première suffira.

Il désigna un tas de polycopiés posé sur la table juste à côté de la porte qu'il ouvrit avant de conclure en souhaitant à la classe un bon week-end.
Aeither était soufflée. Elle n'avait pas eu souvent à faire au système scolaire mais une chose était certaine : Monsieur Dubois était un sacré lascar dans le milieu. Il n'y avait eu ni rengaine sur le bac, ni exhortation à travailler tout du long de l'année. Il avait même fait fi du programme pour ajouter sa petite touche personnelle. Elle allait ranger ses affaires lorsqu'elle remarqua une feuille qui n'était pas la sienne, au-dessus de son paquet.
Elle tourna la tête vers son voisin mais elle n'eut que le temps de voir ses cheveux courts s'éloigner dans le couloir. Elle reporta son attention sur les quelques mots qui étaient tracés là :

Ailes blanches,
Ailes noires.
Elles apportent la vie,
Elles vivent de mort.
Deux parts d'une même divinité.
À jamais ennemies.

J'ai supposé que tu préférerais un coin sûr et cette place m'a paru appropriée. Je suis celui qui doit se charger de ta relative sécurité cette année.

Arthur Davis, agent de la S.P.A.


Elle fixa le dernier sigle, surprise. Mais le poème code était le bon et cela expliquait cette place providentielle dans la classe : les élèves ne pouvaient la voir qu'en se retournant et sur son rang, l'agent Davis leur cachait la vue. Elle se retint de justesse de hausser les épaules et rangea ses affaires sous le regard chaleureux du professeur.
Elle s'empara de la grille des horaires et quitta la salle. Vendredi et le seul " cours " de cette journée venait de s'achever. Elle se dirigea donc vers la sortie et fut surprise d'y trouver son père qui l'attendait sur sa moto. Elle devait être la seule à ignorer que les rentrées au lycée étaient aussi courtes. Ensemble, ils quittèrent Béthune pour de longues heures de route vers la Bretagne et ceux qu'elle considérait depuis toujours comme les siens. Deux jours de pur bonheur.
Ça, c'était du week-end.
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Teneombre

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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 15 Juil - 2:02

Chapitre 2
La rencontre


Lundi était arrivé. Comme d'habitude, il était le premier dans les couloirs. Il posa son sac et sauta agilement sur le rebord de la fenêtre du premier étage, savourant la fraîcheur de la vitre dans son dos.
Teneombre soupira. Logiquement, s'il n'avait pas oublié son réveil, Arthur, son meilleur ami, ne tarderait pas.
Effectivement, des pas firent craquer le vieil escalier de bois à peine quelques minutes plus tard. Mais il se ravisa vite : son ami était doté d'une forme olympique et cette allure lente ne pouvait être la sienne.
Il descendit de son perchoir.
Il ne lui fut pas dur d'identifier alors la silhouette qui s'était arrêtée sur le palier. Il doutait que quiconque dans le lycée soit vêtu de la même manière que la nouvelle, à moins qu'elle n'ait lancé une nouvelle mode mais c'était improbable.
Il n'hésita pas longtemps. Pour l'avoir vu marcher le jour de la rentrée, il se doutait que c'était difficile pour elle de monter cet escalier.
Il avait à peine descendu quelques marches qu'elle recula tandis qu'un chat noir s'était glissé entre ses jambes faisant le gros dos et crachant vers l'adolescent. Il s'arrêta, surpris par cette agressivité.

- Euh... Je voulais juste prendre ton sac.. On a une sacrée journée et pas mal de livres alors ça doit être lourd à porter à bout de bras et ça ne doit pas t'aider.

Elle fit un geste qui s'apparenta à un haussement des épaules sous sa cape. Prenant ce signe pour un accord, il se remit en marche doucement, contourna prudemment le chat puis posa sa main sur la poignée du sac de cours : un de ces sacs en tissu noir calculé pour contenir des livres et des cahiers.
Par pur énervement, elle lâcha le lourd poids. Surpris, l'adolescent faillit tomber. Étrangement, pour la première fois depuis longtemps, elle eut quelques remords à faire souffrir quelqu'un qui voulait juste l'aider. D'autant que pour ce qu'elle avait remarqué, ce n'était pas réellement de la pitié qui avait guidé le jeune homme. En prime, ce dernier faisait partie des rares lycéens à ne pas l'avoir regardée comme une bête de zoo.
Cerise sur le gâteau, il était plutôt mignon. Il portait une chemisette noire laissant voir deux bras assez musclés pour son âge. C'était donc quelqu'un qui aimait le sport. Ses cheveux noirs assez courts, qui auraient nécessité un bon coup de peigne, laissaient deviner un esprit assez mutin. Son visage fermé lui apprenait bien plus qu'il n'aurait dû : elle n'avait vu ce genre d'expression que chez ceux qui savaient encore la signification des mots honneur et respect et qui se faisaient souffrir en s'accrochant à leurs valeurs dans un monde à la dérive.
Étrangement, alors même qu'elle haïssait le genre humain depuis son " accident ", elle accorda quelques crédits à son camarade de classe. Elle se surprit même à ouvrir la bouche pour autre chose qu'une insulte :

- Merci.

Les bruits d'une cavalcade épargnèrent au lycéen la peine de répondre.
Elle n'eut pas besoin de réprimander Douleur qui se faufila dans sa cape avant de se rouler en boule dans les bandages de son dos. Son voisin de table du vendredi surgit à peine une seconde plus tard, légèrement essoufflé.

- Oh !

Apparemment, son vocabulaire était plutôt limité le matin. Elle retint son sourire, laissant à l'agent le soin de s'expliquer :

- Tu es déjà là Ten ?
- Bien sûr ! Je suis TOUJOURS le premier...
- En effet... Bon ben je te présente Aeither Ga'Ian, une amie de la famille. Aeither : Teneombre
Dalin, mon meilleur ami.

Elle croisa le regard de son protecteur et dût admettre qu'il était intelligent. En une phrase, il justifiait qu'il allait devoir passer le reste de l'année non loin d'elle et il lui demandait, discrètement, l'autorisation d'intégrer le jeune homme au groupe. Elle n'eut pas le cœur de briser leurs attentes, à moins que ce ne soit l'idée de passer seul à seul ses journées avec Arthur qui ne la motiva. Aucun des deux ne la connaissait. Ils ne pouvaient pas voir la faveur qu'elle leurs accordait. Mais pour des humains, ils n'étaient de toute façon pas bien méchants.
Abattant la plupart de ses défenses, elle tendit la main au dénommé Teneombre :

- Enchantée.

Elle s'autorisa même un sourire puisque personne ici ne pouvait voir sous la capuche de sa cape. Elle reprit ensuite sa montée des marches, faisant comprendre par là même aux deux amis qu'ils n'obtiendraient rien de plus que ce qu'elle venait de leur offrir. Le reste de la journée s'écoula tranquillement.
Elle profita de sa position dans le coin au fond de la salle que lui réservait systématiquement son protecteur pour en apprendre un peu plus sur son environnement. Elle remarqua d'abord la surprise de Teneombre lorsque Arthur le laissait à chaque cours. Elle en déduisit que normalement, l'adolescent n'allait pas s’asseoir au fond mais devant, à côté de son ami. Elle remarqua, avec un léger pincement au cœur qu'elle ignora, que dès le second cours, la place à côté de son nouveau porteur n'était plus libre : une lycéenne blonde, à l'allure assez sportive et pourtant en tenue vraiment pas trop provocante s'était assise là. Elle crut au début que c'était elle-même que la jeune fille regardait régulièrement mais il lui fallut pas longtemps pour comprendre que c'était surtout son voisin qu'elle dévorait des yeux. Arrivée au dernier cours, il était établi que si ils n'étaient pas déjà en couple, Arthur et Camille (c'était son nom) finiraient ensemble.
Pour la première fois depuis longtemps, elle s'inquiéta un peu pour l'espèce humaine en la personne de l'agent de la SPA. La dernière sonnerie de la journée allait retentir lorsqu'elle se pencha vers son voisin, prononçant ses premier mots depuis la " discussion " sur le pallier, au matin.

- Tu sais, tu n'es pas obligé de passer tout ton temps avec moi au risque de fragiliser tes relations existantes. Dans les faits, tu dois juste être dans le coin si on me cherche des noises mais le reste du temps, tu peux faire ce que tu veux. D'ailleurs, quand j'aurai ma place dans tous les cours, tu pourras très bien échanger la tienne avec Teneombre.

Il la regarde, surpris :

- Euh, je ne voudrais pas que Ten t'importune. Ce n'est pas un dragueur invétéré mais on ne sait jamais...

Elle soupira.

- Écoute, je suis parfaitement apte à remettre un garçon trop lourd à sa place. De toute façon, en général, je ne parle pas. Alors non, je ne crains rien avec Teneombre comme voisin et toi, même si je voulais être plus discrète, tu pourras voir avec ta blonde.
- Oh !

Il rougit et se tut mais le message était passé. C'était sa plus longue conversation avec un homme depuis l'accident qui l'avait mise dans cet état. Elle maudit intérieurement sa grand-mère en se rendant compte que le fait d'étudier avec d'autres élèves était réellement en train de l'ouvrir, comme la vieille femme le voulait.
La sonnerie retentit et elle se dirigea aussi rapidement que la douleur lui permettait vers la sortie avant de prendre la direction de son appartement pour pouvoir enfin retirer ses bandages et s'offrir quelques heures de répit sans souffrance et redevenir ainsi elle-même.
*
Elle soupira d'aise lorsque, après une longue bataille, la dernière bande tomba sur son lit. Douleur s'y roula aussitôt en boule et reprit son sommeil, laissant sa maîtresse savourer l'air tiède qui agissait pourtant comme un glaçon, apaisant les muscles tordus de son dos. Elle se déplaça, toujours voûtée en avant, vers la cuisine de l'appartement quatre pièces, se saisit d'une boîte d’allumette et alluma la vingtaine de bougies, éclairant cuisine, salle de bain, chambre et bureau.
En réalité, il n'y avait que trois pièces à proprement parler puisque son lieux de travail et le lieux de vie de beaucoup d'habitations n'étaient séparés que par un mur dont une grande partie de la moitié supérieure avait été abattue afin de donner plus de profondeur. En face de l'entrée, une porte en dissimulé deux autres, le tout formant un triangle. Celle de droite s'ouvrait sur la chambre de la jeune femme et celle de gauche, sur la salle de bain.
Baignée dans une lumière qui donnait à l'appartement un aspect mystique, la jeune femme s'assura que les lourds rideaux devant chacune des fenêtres étaient bien en place, empêchant les regards curieux, puis s'avança vers un bureau au bois clair, couvert de feuilles volantes et, tandis que la cire se consumait en répandant des senteurs florales, elle s'empara d'un crayon de bois1 et commença à dessiner : elle s'accordait deux heures avant de manger puis de passer à la flûte traversière et de réfléchir à ce qu'elle jouerait vendredi en vie de classe. Il était hors de question qu'elle parle en présence d'autant d'humains étrangers à sa tribu. La musique valait bien la parole en manière d'expression. Un professeur de français devait le savoir. Du moins, elle l'espérait.




1crayon à papier pour les non-nordistes
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 22 Juil - 10:24

Chapitre 3
Retour à la réalité

La première semaine de cours se passa sans trop de problèmes. Teneombre était devenu son porteur attitré. Il lui sembla même voir une lueur de remerciement dans les yeux de Camille lorsque les deux amis échangèrent leur place et Aeither eut le plaisir de constater que son nouveau voisin ne cherchait pas spécialement la discussion, se contentant d'une présence discrète durant les cours et les récréations.
Pendant ce temps, le couple que formaient son agent de la SPA et la jeune blonde semblait très fusionnel et se bécotait toujours non loin de là. Il était évident pour l'adolescente qu'Arthur tenait à pouvoir intervenir au moindre souci. Comme cela ne semblait pas déranger sa petite amie, Aeither le laissa faire.
Il n'y avait pas la moitié de la classe pour la dernière heure du vendredi, sans surprise. Par contre, la jeune bossue fut très étonnée lorsque le professeur se contenta d'applaudir après son passage, sans lui reprocher le moyen d'expression qu'elle avait utilisé.

- Eh bien, le moindre que je puisse dire, c'est que vous avez un très bon talent pour la musique. Teneombre, à ton tour.

Le professeur se rassit en même temps que la jeune fille et son voisin se leva pour se diriger vers la petite estrade devant le tableau.

- Ce récit est la retranscription d'une légende qui circule dans l'air autour de nous, dans le vent et même dans l'eau. Elle vient d'un monde évolué depuis longtemps révolu et raconte l'histoire d'une déesse déchue. On l'appelait La Gardienne1.

La voix douce, comme lointaine, donna à ce récit une profondeur unique qui arracha même quelques larmes à Aeither. Une chance que sa capuche les dissimulait. Elle remercia mentalement son père d'avoir longuement discuté avec le directeur pour qu'elle puisse toujours garder sa cape. L'adolescent brun resta quelques secondes dans le silence, prostré dans son histoire, puis redressa la tête et retourna s’asseoir sous les applaudissements de Monsieur Dubois, vite imité par le reste des élèves.

- Ce magnifique récit sera le dernier avant le week-end. Pour la semaine prochaine, j'aimerais que vous cherchiez/inventiez deux phrases : une citation ou une phrase profonde selon vous et une autre qui pourrait être votre devise. Vous nous expliquerez pourquoi vous les avez choisies. Reposez-vous bien et à vendredi prochain !

Les élèves rangèrent leurs affaires et tandis que l'adolescente faisait aussi vite, et le moins douloureusement que possible, elle fut interrompue par Teneombre.

- Il est joli le tatouage de dragon que tu as sur le dos de ta main.

Elle interrompit son geste et regarda la peau blanche ornée d'un magnifique dragon, tout en noir, aux ailes ouvertes, près à prendre son envol.

- Merci. Il s'appelle Bubu.

Il haussa les sourcils, surpris, puis sourit :

- Je vois. Tu en as d'autres ?
- Ça, tu ne le sauras peut-être jamais.

Elle lui fit un clin d’œil pour atténuer ses propos et, si le garçon ne le vit pas, il comprit l'intention. Il sortit de la classe en secouant la tête, un grand sourire aux lèvres. Elle entendit vaguement Bubu avant que l'adolescent ne lâche un éclat de rire dans le couloir, sous le regard surpris de ses condisciples. Elle l'entendit crier " je verrais les autres ! " et sentit ses lèvres monter pour un sourire, bien malgré elle puis quitta à son tour la classe, pressée de rejoindre les siens et de profiter de deux jours sans douleur.
*
Deux semaines s'étaient écoulées lorsque la stupidité humaine rattrapa Aeither. Cela se déroula durant une pause de midi.
Elle attendait avec Teneombre le retour de Camille et d'Arthur, partis chercher des sandwichs à la cafétéria du lycée. Ils étaient donc assis sur un banc, dans la cours, lorsqu'une petite dizaine d'adolescents s'approchèrent, à grand renfort de cris et de rires.
À leur tête se trouvait un élève de dix-neuf ans, redoublant et perturbateur en classe. Il s'arrêta à seulement quelques centimètres de la bossue, sans aucun égard pour son espace vital :

- Eh l'handicapée ! C'est pas trop dur de se trouver un petit copain quand on fait partie de la famille des escargots ?! Enfin... Si tu me payes, j'accepterais peut-être de te rendre service en te trouant le cul !

Éclats de rires presque général. L'adolescente ne prit même pas la peine de bouger ou de laisser transparaître la moindre émotion. Teneombre, qui commençait à bien connaître les silences de la jeune femme, se chargea de répondre à sa place :

- BC, tu ne crois pas que te laver les dents épargnerait à la jolie demoiselle en face de toi de devoir supporter ton haleine de porc immature et manquant cruellement de discussion ? Je ne commenterai pas l'usage que tu fais de la langue française, tu es au-delà de toute espérance.

La tension devient soudain palpable et le meneur lui répondit, tout en fixant Aeither :

- Jolie ? Personne n'a jamais vu sa sale gueule de chienne alors tu t’avances un peu... Et puis de toute façon, lorsque j'en aurai terminé avec elle, elle aura une bonne raison de se cacher sous sa cape.

La suite se déroula un peu trop vite pour le brun. Le redoublant lança son poing vers la figure de son amie. Dans le même temps, Arthur revint et attrapa le poignet de l'attaquant tandis que la jeune fille frappait de sa main gantée de cuir brun. Au bruit que provoquèrent les phalanges du lycéen, le gant devait être renforcé avec du métal. Avant même d'avoir eu le temps de laisser échapper un cri de douleur, la petite brute fut violemment repoussée vers ses compères et plusieurs d'entre eux, dans un élan de solidarité masculine tout à fait fortuit, l'accompagnèrent sur le bitume de la cour.
Les quatre amis s'éloignèrent aussitôt de la scène pour trouver un coin tranquille pour déjeuner, à l’abri d'une intervention de surveillants. Arthur ne semblait pas le moindre du monde ennuyé par ce qu'il venait de faire et essayait de rassurer une Camille légèrement choquée. Teneombre devait, quant à lui, surmonter, seul, la surprise et les questions que tout cela soulevait. La remarque de BC, comme on aimait à l'appeler dans son dos -ou pas-, lui tournait sans arrêt dans la tête : non, il n'avait jamais vu le visage de son amie. Il ne savait ni la couleur de ses cheveux, ni celle de ses yeux. Et puis, en bruit de fond, dans son crâne, le son des os qui se brisaient se répétait à l'infini.
Il est vrai qu'il n'avait pas besoin d'une image pour apprécier la jeune fille mais parler à quelqu'un sans pouvoir y mettre un visage était assez difficile. Tout comme il était perturbant de rêv...

- Ten !

L'appel le sortit de sa réflexion. Ses trois amis le dévisageaient bizarrement, enfin, deux d'entre eux puisque c'était plus difficile à déterminer pour Aeither. Il sourit pour les rassurer sur son " absence " et se saisit du sandwich que lui tentait Arthur avant de l'attaquer avec ardeur.
*
Elle soupira. Ses gants d'escrime, renforçaient en acier afin de pouvoir arrêter des lames, lui avaient été bien utiles mais son geste avait mis en marche des muscles et la douleur était désormais plus forte que ce qu'elle avait l'habitude d'endurer. Elle ne savait même pas comment elle était encore capable de marcher. Alors de là à le supporter jusqu'à la fin des cours, cela lui semblait déjà impossible.
De plus, cette altercation lui avait rappelé que si elle était tombée sur trois personnes ouvertes à la différence, la nature humaine avait plutôt tendance à prôner l'injustice, la violence et l'intolérance. Bien malgré elle, des souvenirs s'éveillèrent en elle. Elle ressentit à nouveau les coups de ses camarades de jeu, l'explosion de douleur alors que ses amis d'enfance détruisaient à jamais quelque chose en elle. Et enfin, le noir salvateur de l'inconscience.
*
Arthur était inquiet. Il était arrivé un poil trop tard alors qu'Aeither nécessitait, pour la première fois, son intervention en tant qu'agent. De plus, Camille, qui avait toujours vécu à l'abri dans une famille un peu bourgeoise, venait d'entrer dans la réalité de l'intolérance et il devait la rassurer, au-delà de ses propres angoisses quand à la pérennité de son emploi. Dans le même temps, il voyait son ami partir dans ses pensées. Il le rappela rapidement vers eux en l'appelant, lui tendait un sandwich tandis que les autres regardaient. Ils mangèrent tous rapidement, sauf la jeune Ga'Ian.
Au moment où il allait lui faire remarquer, elle bascula dans l'inconscience et il ne dut qu'à ses réflexes de la rattraper avant que sa tête ne heurte le sol. Camille poussa un cri de frayeur lorsque la cape remua et que Douleur jaillit en miaulant. En lâchant une bordée de jurons, l'agent Davis allongea la bossue sur le ventre, sortit son portable et composa un numéro qu'il semblait connaître par cœur. Cela sembla répondre presque immédiatement.

- Bonjour Monsieur. Je suis chargé de votre fille. Elle vient de faire un malaise. Je ne peux pas la déplacer à cause de son problème de dos. Il faudrait la ramener à son appartement afin de la libérer le plus rapidement possible.

Il y eut une réponse rapide et l'adolescent raccrocha. Il vit les regards interrogatifs de ses amis et rassembla rapidement ses esprits.

- Écoutez, je sais que vous vous posez beaucoup de questions mais je ne peux rien vous dire. Aeither est assez secrète et son dos est probablement le truc qu'elle veut le moins partager...
- Mais... un chat ?! Dans son dos ! Comment est-ce seulement possible ?

Arthur fut étonné par sa petite amie. Il ne lui fallut cependant que peu de temps pour comprendre que c'était probablement la seule question à laquelle il pouvait répondre et Camille en était probablement consciente. Encore que, même pour cela, il devait mentir :

- Elle a le dos dans un sale état, dit Arthur. De ce fait, Douleur a une place dans une sorte de nœud dans les bandages de Aeither. Je crois que ce chat y est presque toujours et qu'il ne lâche quasiment jamais sa maîtresse d'une semelle.

Finalement, le père de Aeither arriva très rapidement. Arthur en fut vraiment surpris et il en déduisit que l'homme ne devait pas être loin au moment de son coup de téléphone. Celui-ci confirma d'ailleurs immédiatement, ne s'encombrant pas de la moindre politesse :

- Une chance que je devais passer chez elle et que je me trouvais à deux rues du lycée...

Il se baissa, passa un bras sous les jambes de la jeune fille et une autre sous tout le haut du corps. La prise permettait de ne pas toucher à la difformité mais gardait la bossue très droite, dans une position qu'elle aurait eu du mal à supporter si elle avait été consciente.
Il la souleva comme si elle ne pesait rien et s'en fut vers la sortie, sans que le corps enseignant n'est le temps de réagir au fait qu'un homme, dont la quarantaine commençait à griser ses cheveux roux mi-longs absolument pas coiffés, emmenait une jeune fille de l'établissement visiblement dans les vapes. Arthur ne put que se poser de sérieuses questions sur la sécurité de l'établissement lorsque, suivant le père loin derrière, il vit la surveillante gardant la porte laisser passer un homme que l'on pourrait croire tout droit sorti de l'un de ces films sur les gangs de motards aux USA.
*
- C'était vraiment son père ?

La voix, inquiète, de Teneombre avait brisé le malaise qui s'était installé lorsqu'il avait rejoins les deux autres quelques minutes plus tôt. L'agent fit un hochement de tête pour répondre et remercia mentalement la sonnerie qui les rappela en cours, permettant peut-être à ses deux amis de digérer ce qu'ils venaient de voir et vivre.



1 La Gardienne est un récit que l'on peut trouver sur fictionpress, sur mon profil, et qui porte le même nom.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 5 Aoû - 20:41

Chapitre 4
Invitation


Ce fut le seul incident qui vint troubler le premier trimestre de scolarité de Aeither. Elle ne revint qu'au bout de deux jours de repos et découvrit que la petite brute à l'origine de sa douleur ne récupérerait probablement jamais l'usage complet de sa main, ses os ayant subis de multiples fractures ouvertes. De plus, lui et deux de ses amis avaient été virés. Le directeur, probablement sur ordre du père de la jeune fille, s'était arrangé pour qu'aucun des quatre amis ne soit inquiété.
L'automne arriva puis s'écoula lentement, au rythme des pluies glaciales et d'un ciel d'un gris infini. Le froid s'installa et les vacances de Noël arrivèrent à leur tour. L'hiver s'étira peu à peu, au rythme des cours entrecoupés régulièrement de vacances et de week-ends plein de bonheur en Bretagne. Le temps fit son œuvre et la jeune Ga'Ian se surprit à apprécier la compagnie de Teneombre, Arthur et Camille, même si les paroles qu'elle échangeait avec eux chaque semaine se comptaient sur les doigts d'un main. Elle commençait à comprendre pourquoi sa grand-mère l'avait obligée à suivre ces cours et à endurer la souffrance de son dos alors même que ses week-ends et ses vacances de la Toussaint, de Noël et de février avaient à peine suffi à l’apaiser et que le rythme scolaire l'obligeait à surfer en permanence avec son seuil de résistance.
Dans le même temps, Douleur était devenu la mascotte de la classe, après une ou deux interventions en cours de mathématiques où il avait ridiculisé le professeur, un vieil homme aigri et sadique, en faisant disparaître plusieurs de ses objets alors qu'il avait le dos tourné. Il lui arrivait également de faire le tour des tables lorsque le cours était particulièrement soporifique avant d'aller s’allonger sur les genoux des trois amis de la jeune fille ou sur le bureau d'un professeur blasé. Ces derniers avaient fini par admettre le chat noir puisque sa présence semblait un peu calmer les élèves et que le propriétaire du félin leur était toujours inconnu.
*
La journée du huit avril avait plutôt bien commencée. Le soleil brillait depuis son lever et les terminales n'avaient plus qu'une heure de vie de classe après le déjeuner avant le week-end.
Les quatre compères se dirigeaient vers leur banc habituel, armés de leur sandwich. Arthur et Camille étaient devant, papotant gaiement, dans les bras l'un de l'autre, de leurs vacances communes au Sri Lanka avec la famille de la jeune fille. Teneombre, quand à lui, marchait calmement, aux côtés de Aeither qui restait, comme toujours, silencieuse.
Pourtant, son cerveau était dans une activité des plus intenses. Elle avait remarqué que le brun passait tout son temps avec elle tout en respectant toujours son silence. Il n'avait pas de petite amie et n'en cherchait visiblement pas, ce qui était plutôt surprenant pour un garçon de son âge. Elle était une battante mais elle savait quand même ce qu'étaient les hormones. Elle-même, malgré son handicap qui lui occupait une grande partie de ses pensées, n'avait pas pu empêcher le jeune homme de se glisser dans ses rêves et de se faire une place, encore discrète, dans son cœur, lui faisant même naître l'espoir de pouvoir un jour occuper la place que son ami gardait libre pour le moment.
Pourtant, elle se devait de rester lucide. On ne plaît pas à quelqu'un qui n'a jamais vu plus que la peau de votre main, qui n'a jamais entendu de vous plus que quelques mots par mois. Alors elle s’astreignait au silence. De toute façon, sa famille et même sa tribu ne verrait probablement pas d'un bon œil une relation avec quelqu'un d'extérieur, surtout avec sa particularité...
À moins que...
*
Elle vit Camille qui faillit tomber lorsque Arthur stoppa brusquement leur avancée pour se retourner vivement vers elle sans prendre la peine de lâcher sa petite amie.
Dans le même temps, elle s'était également arrêtée, stupéfaite par la phrase qui tournait en boucle dans sa tête et qui venait apparemment de franchir la barrière de ses lèvres :

- Dis, Ten, cela te tente de venir chez moi pendant les vacances, en Bretagne ?

Elle n'osait même pas regarder son porteur, essayant pour le moment de mesurer l'ampleur de la catastrophe et la rougeur de ses joues ; encore que ce dernier point n'était visible pour personne.
La réponse tarda à venir mais Teneombre daigna enfin prendre la parole, dans un silence de mort, d'une voix qui trahissait le fait qu'il y réfléchissait sérieusement.

- De quand à quand ?

Aeither maîtrisa le timbre de sa propre voix pour répondre :

- Comme tu veux. Je pars le vendredi après les cours. Tu n'as qu'à venir à ce moment là et on te ramène quand tu le voudras.

Voilà, c'était fait. L'invitation était lancée. Arthur semblait visiblement prier pour que Teneombre refuse l'invitation de sa protégée.

- Pourquoi pas... Je te donne ma réponse lundi. Il faut que je m'arrange avec mes parents.

Il se tourna vers son meilleur ami, passant sans le voir sur le regard d'avertissement de ce dernier :

- Ça ne te dérange pas de me servir de couverture ?

Il dut cependant comprendre que ce dernier allait refuser car son visage se ferma et il se décida à argumenter d'un ton dur :

- Écoute Arthur, je ne sais pas ce que tu as contre cette idée mais avec ou sans ton appui, j'irai. Ton aide m'évitera juste les questions gênantes. Tu pars t'éclater au Sri avec Camille et tu voudrais que pendant ce temps là, je reste à me faire chier tout seul pendant deux semaines ? Fais attention à ta réponse. Je t'ai bien aidé au début de ta relation...

L'agent s'adressa alors à la jeune bossue :

- Tu es sûre de toi ?

Aeither hocha légèrement la tête et le blond soupira avant de répondre :

- Comme tu veux Ten. J'espère juste pour toi que cela se passera bien. Tu me donneras tes dates et la version officielle que j’arrange cela avec mes parents.

Le brun lui sourit :

- Je pense que je partirai toutes les vacances. Deux semaine loin de chez moi, ça me fera une petite pause. Je te confirmerai tout ça sur MSN demain.

Il se tourna vers elle et elle approuva d'un autre hochement de tête, un immense sourire lui faisant oublier sa douleur et lui donnant presque envie de danser.
Cependant, au fond d'elle-même, elle savait qu'il n'y avait que deux possibilités : soit il s'enfuirait au bout d'une minute, soit il aurait envie de rester pour le restant de ses jours.
Elle était consciente des enjeux. Ce n'était pas seulement une amitié mais aussi son cœur et donc son humanité tout juste retrouvée qui étaient dans la balance. Être rejetée pour une chose sur laquelle elle n'avait aucun contrôle réduirait sa capacité à aimer en miette. Son humanité en ruine qui avait renaît de ses cendres cette année serait alors définitivement perdue.
Une chose était sûre, ce week-end promettait de l'agitation dans sa tribu. Encore une fois, c'était elle qui allait éveiller les passions.
Le déjeuner se fit en silence, Camille ayant cessée de tenter de soutirer des informations auprès de son petit ami avec de la tendresse et Teneombre boudait le blond.
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Teneombre

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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeLun 6 Aoû - 23:47

Chapitre 5
Gaïan


- Je vous souhaite de bonnes vacances et j'espère vous retrouver en pleine forme dans trois semaines !

Les élèves se précipitèrent vers la sortie sous le sourire de M. Dubois. De son côté, Teneombre prit son temps. Il savait que Aeither ne pouvait se déplacer rapidement et il commençait un peu à angoisser. Elle lui avait fait signer lundi un papier certifiant qu'il garderait le silence sur tout ce qu'il verrait... Inquiétant en soi.
Finalement, il accompagna la jeune fille dans les couloirs et ils se dirigèrent doucement vers la sortie dans un bâtiment déjà presque vide.

- Tu penses pouvoir accrocher ton sac dans le dos ?

Il haussa les épaules et passa le gros sac de sport qui lui servait de valise dans son dos, utilisant les deux poignées comme des sangles. Il préféra ne pas imaginer l'allure qu'il avait ainsi.

- Dis, je verrai ton visage pendant les vacances ?

Un léger amusement fut perceptible dans sa réponse :

- Tu verras.
- Tu parles plus chez toi ?
- Tu verras.
- Ta famille est sympa ?
- Tu verras.
- Tu viens de battre ton record de mots dans une journée pour cette nouvelle année.
- Je sais.

Il rit et laissa tomber. C'est ce qu'elle aimait chez lui : il était patient et savait se taire. Deux qualités appréciable, surtout quand en plus on était assez agréable à regarder et que l'on possédait une intelligence et une culture générale très large. C'était une bonne chose connaissant le monde qu'il s’apprêtait à pénétrer.
Dehors, deux motos les attendaient. Sur la première, une belle bête noire et brillante, se trouvait le père de la jeune fille. Cette dernière s'y dirigea aussitôt et utilisa quelques épingles pour fermer sa cape avant d'enfiler un casque sans même retirer son capuchon.
L'adolescent, lui, se dirigea vers une femme dont la combinaison de cuir noir ne laissait pas deviner l'âge. Son véhicule, par contre, était beaucoup plus joyeux. La moto était d'un beau vert électrique agrémenté de flammes bleues.
La conductrice lui tendit un casque. Une verrière teintée l'empêchait de voir son visage. Il imita sa camarade et s'assit à l'arrière du véhicule, calant ses pieds sur les barres prévues à cette effet. Il posa ensuite ses mains sur les flans de la femme mais cette dernière l'obligea sans douceur à se coller contre elle et à croiser ses bras contre son ventre, améliorant considérablement la prise du jeune homme et lui évitant probablement une chute à la première accélération, surtout avec ce qu'il avait sur le dos.
Avant qu'il n'ait eu le temps d'émettre le moindre commentaire qui aurait probablement été inaudible, les deux moteurs vrombirent et les motos s'élancèrent, le condamnant à découvrir ce que lui cachait son amie depuis la rentrée.
*
Lorsqu'ils arrivèrent sur l'autoroute et qu'elle vit le compteur atteindre en quelques secondes les cent trente kilomètres par heure, elle ne put s'empêcher de maudire son père qui avec son habitude de la vitesse lui faisait perdre de précieuses minutes de tranquillité et faisait s'approcher bien trop rapidement pour elle, le moment de la révélation. Remarque, cela lui enlèverait également le temps d'élaborer un ou deux scénario catastrophes supplémentaires.
*
Le soleil était presque couché mais il ferait encore clair pendant une heure ou deux : on était au printemps après tout. Ils étaient sortis de l'autoroute depuis une dizaine de minutes et elle reconnaissait peu à peu le paysage qui défilait à toute vitesse. Chaque mètre parcouru la rapprochait de la délivrance.
Oh elle n'avait pas oublié Teneombre ! Mais la route et les secousses avaient mis son dos à vive épreuve et elle n'était pas sûre de supporter encore très longtemps cette torture.
Finalement, du haut d'une colline, elle put apercevoir l'horizon d'un bleu marin et la forêt qui couvrait une bonne partie du territoire compris entre leur position et la côte : plus qu'un petit kilomètre !
Elle resserra ses bras et son père comprit le message. Il fit vrombir le moteur et la moto fit un bon en avant.
La forêt.
Enfin.
Les arbres étaient déjà couverts de feuilles et l'air s'était réchauffé d'une dizaine de degrés. Un lointain cousin d'Aeither avait émis l'hypothèse que ces terres familiales étaient soumises à un micro-climat beaucoup moins rigoureux que ce qu'il aurait dû être à cette latitude. C'était une belle couverture.
Ils franchirent un virage qui les mirent à l'abri du regard du monde et s'arrêtèrent. Elle descendit de la moto et son père l'aida à retirer son casque puis sa cape et enfin, ses bandages, stoppant ainsi la douleur, ou presque. Elle entendit la seconde moto qui arrivait. Elle s'éloigna, laissant Douleur assit dignement derrière son père.
*
Ils avaient pris un peu de retard mais il ne s'en formalisa pas : il lui semblait logique que Aeither veuille abréger son voyage. Il savait que le moindre mouvement était une torture alors trois heures à moto... Ses propres fesses demandaient grâce.
Ils pénétrèrent sous le couvert végétal d'une forêt qui lui sembla accueillante, franchirent un tournant puis s'arrêtèrent.
Il regarda, étonné, autour de lui mais non, ils ne pouvaient pas être arrivés. Il n'y avait rien d'autres que des arbres autour de lui. Il faisait encore clair mais l'idée d'être encore ici quand la nuit tomberait ne lui plaisait guère, aussi accueillant que soit l'environnement.
Au moment où il ouvrait la bouche pour questionner la conductrice, cette dernière ouvrit sa visière et sans prendre la peine de tourner sa tête, lui adressa enfin la parole :

- C'est ici que tu descends. Aeither devrait revenir sous peu. Le village n'est accessible qu'à pied et nous garons nos véhicules beaucoup plus loin.

Il obéit, ne cherchant pas à comprendre. Il laissa échapper un gémissement de douleur lorsque ses muscles se remirent en marche, ôta son casque et le tendit à la femme qui le récupéra et se mit aussitôt en route.
Il la regarda s'éloigner puis se débarrassa de son sac et s'assit dessus. Il n'eut pas le temps de faire autre chose que deux mains lui immobilisèrent la tête. Il était pourtant certain qu'il n'y avait personne derrière lui quelques secondes auparavant. Alors que la peur prenait le dessus et qu'il s’apprêtait à faire n'importe quel geste pour se défendre, la voix de son amie retentit dans son dos :

- Calme toi Teneombre.

Il y eut un profond soupir, comme si elle cherchait à se donner du courage puis elle reprit :

- Je t'ai fait signer un papier cette semaine, te demandant de garder le secret sur tout ce que tu verrais durant ces vacances et même si je n'aime pas les menaces, il est de mon devoir de t'informer que si tu manques à ta parole, c'est la mort qui t'attend, ainsi que tout ceux à qui tu auras parlé... Ceci devait être dit. J'espère que tu ne m'en veux pas et que tu n'oublieras pas quoi qu'il arrive...

Il ne put même pas hocher la tête, les mains de la jeune fille s'étaient crispées : elle n'avait pas menti en disant qu'elle n'aimait pas les menaces.

- N'oublie pas non plus que j'ai presque dû me battre avec ma tribu pour que tu puisses venir alors si tu décides de rester, évite de réagir à tout ce que tu verras car tu serras jugé en fonction de ton attitude et l'hostilité générale contre toi te fait partir avec un sacré handicap.

Nouveau silence. Il ne préféra pas interpréter tout ce qu'il venait d'entendre.

- Bon, je ne fais que retarder le moment que je redoute. J'aurais aimé être plus normale, pouvoir te faire découvrir nos particularités tout en douceur mais on m'a privé de ce droit il y a près de treize ans... Je ne suis plus normale... Tu as vu que ni mon père ni ma mère ne sont bossus lorsqu'ils doivent sortir...
- C'était ta mère ?
- Oui... Bon. Quand il faut y aller, il faut y aller. Je te demande juste, par pitié, de ne pas hurler. S'il te plaît.

Il la sentit hésitante lorsqu'elle lâcha sa tête et il se promit de faire attention à sa réaction. Il commença par se redresser puis, après quelques secondes d'hésitation, ferma les yeux, se retourna puis les rouvrit.
*
Un poisson rouge.
Il avait tout à fait conscience que c'était ce qu'il imitait mais il ne pouvait faire autrement. Il avait toujours su que sa camarade de classe devait avoir une grande beauté intérieure mais son apparence extérieure le soufflait littéralement.
La première chose qui le frappait, c'était les deux immenses ailes blanches qui devaient jaillir de ses omoplates. De deux mètres chacune, elle étaient recouvertes de plumes immaculées. La partie inférieure était composée de plumes beaucoup plus grande qui devait mesurer pas moins de quarante centimètres chacune. Il ne put s'empêcher de penser aux ailes des anges car c'était tout à fait ce qu'elles représentaient.
Son regard revint sur Aeither elle-même.
Rousse.
Cela aussi sautait aux yeux. Une belle chevelure, couleur flamme, qui ondulait jusqu'à ses épaules. Le tout encadrait un visage fin et presque parfait. Presque parce qu'il était visible que les sourires devaient y être très très rares. Elle avait deux beaux yeux verts aux reflets d'argent et sa peau blanche ne faisait que ressortir les deux fins dragons noirs aux ailes déployées qui les encadraient. Un nez délicat surplombait une bouche parfaitement dessinée. Un visage irréel, comme sortit du crayon d'un artiste.
Les bras de la jeune femme étaient nus et dévoilaient la même peau blanche qui semblait si douce. Il n'y avait pas d'autres tatouages que les trois dragons qu'il avait déjà vu. Elle portait une sorte de débardeur noir qui la moulait assez et qui laissait deviner une poitrine tout à fait correct, soulignée par un léger décolleté, ainsi qu'un ventre plat sur lequel se dessinait légèrement des abdominaux. Un léger retour en arrière sur les bras où l'on distinguait également quelques muscles lui permirent de déduire que malgré ce qui devait être un handicap en dehors de cette forêt, elle pratiquait une activité physique régulière.
Des jambes parfaites étaient moulées par un pantalon de cuir noir qui n'en avait probablement que l'apparence. Ce dernier rentrait dans deux bottes noires, qui remontaient jusqu’à mi-mollet et qui étaient ornées de quelques dessins fantaisistes dans un métal argenté.
Son regard remonta sur le corps de la jeune fille et il fut une nouvelle fois attiré par ses yeux, si bien mit en valeur. Cependant, il ne put que reconnaître que ces derniers ne convenaient pas à une adolescente d'à peine dix-huit ans tant ils semblaient avoir vécu et renfermer une sagesse et une douleur immense. Ce de qu'il avait vu, c'était probablement la seule chose qui l'effrayait. Il s'attarda sur les deux dragons et ne put s'empêcher un commentaire :

- Je t'avais bien dit que je verrais les autres tatouages non ?

La surprise naquit sur les traits de la jeune fille puis se transforma vite en amusement qui se traduisit par un petit sourire embellissant encore sa camarade. Intérieurement, il se promit de le faire apparaître aussi souvent que possible sur les lèvres de son amie. Cette dernière en profita pour le provoquer un peu, contente qu'il est passé le test sans aucun soucis :

- Ten... Tu es encore loin d'avoir vu tous mes tatouages...

Elle lâcha un léger éclat de rire lorsque son ami scanna une nouvelle fois son corps pour essayer de deviner ce qu'elle pouvait bien cacher sous ses vêtements. Elle était soulagée qu'il ait si bien réagi.
Cependant, il reprit vite son sérieux :

- Tu peux voler avec ces ailes ? D'où viennent-elles ? Tu... Tu es une sorte d'ange ?
- Je ne répondrais pas à ta seconde question. Ce soir, la chaman de notre tribu devrait raconter l'histoire de mon peuple et tu devrais avoir quelques éléments de réponses. Cela m'évitera les explications longues et embrouillées. En effet, je peux voler et je l'ai d'ailleurs fait pour que tu ne me vois pas mais je vais éviter pour le moment, les bandages qui permettent de cacher mes ailes les tordent dans tous les sens et j'ai toujours des muscles un peu froissés à force. Et non, je ne suis pas une ange, même si je te remercie pour la comparaison. Tu apprendras ma vrai nature ce soir.

Teneombre comprit que la plupart de ses interrogations trouveraient leur réponse dans la soirée. Il n'insista donc pas et reprit son sac. La jeune fille comprit son message et l'invita à la suivre. Ils contournèrent un buisson sur le bord de la petite route et tombèrent sur un sentier qui s'enfonçait vers le cœur de la forêt, en direction de la côte.

- Tu verras peu-être des trucs étranges que les histoires de notre chaman n'expliqueront pas mais je te les expliquerai lorsque l'on sera plus tranquille.
- Pourquoi tiens-tu tant à ce que je passe bien auprès des tiens ?

Elle était restée derrière et il ne put la voir rougir, ce qui ne l'empêcha cependant pas de deviner la gène de la jeune femme puisqu'elle tarda à répondre :

- Ce sont des humains qui m'ont condamnée, à grands coups violents, à souffrir en dehors des territoires de mon peuple. Avant le début de cette année, il n'y avait personne qui pouvait haïr autant que moi ta race. Et soudain, voilà que je propose la venue de l'un d'entre eux au cœur du Sanctuaire Européen. J'aime autant te dire que ce brusque changement de situation n'a pas plu à tout le monde. Ajoute à cela la jalousie de toutes les familles qui espèrent marier leur fils avec moi pour gagner en prestige...
- En prestige ?

Cette fois, ce fut le ton de son amie qui lui apprit la gène de cette dernière :

- Euh... Disons que la chaman de notre tribu est ma grand-mère maternelle et que mon père est le chef. M'épouser revient donc, à terme, à diriger la plus importante tribu d'Europe et donc, avoir sous ses ordres l'un des quatre clans de la planète.
- J'ai donc plein de jeunes hommes jaloux de moi ?

Elle rit. C'était quelque chose de rare mais peut-être que la libération de ses ailes l'avait soulagée et qu'elle devenait ainsi plus heureuse et joyeuse. La remarque cassante de la jeune fille ne le déstabilisa pas le moindre du monde :

- Tu n'as pas vu assez de tatouages pour ça.
- J'arrangerai ça alors.

Elle soupira :

- Écoute Ten, mon peuple est guerrier. Un garçon de ton âge serait déjà un expert dans l'art de tuer. Alors ne cherche pas à provoquer avant de savoir te défendre. Je vais essayer de ne pas te lâcher mais si tu restes deux semaines, ils trouveront une faille dans ma garde.
- Et je risque quoi ?
- Si c'est en public, l'humiliation de ta vie. Si c'est plus discret, cela peut aller jusqu'à la mort. Alors je t'en supplie, ne cherche pas les ennuis.

Il ne put empêcher un sourire heureux s'épanouir sur son visage, en total contradiction avec ce qu'il venait d'entendre, en se rendant compte qu'elle s'inquiétait pour LUI !!

- Ça marche.

Ils continuèrent la route en silence pendant près d'une demi-heure. La nuit tombait vraiment lorsqu'ils arrivèrent enfin au village.
La première chose qui frappa l'adolescent, ce fut l'impression d'avoir quitté le XXIe siècle. Le monde réel aussi d'ailleurs.
Il n'y avait pas d'électricité ni de route. Il n'y avait ni clairière ni quoique ce soit hormis, peut-être, des arbres plus anciens que dans le reste de la forêt, probablement quelques dizaines d'années, voir même, à la réflexion, plusieurs siècles.
Mais à part ça, il n'y avait rien au sol. Non, tout était aérien.
Les maisons étaient des cabanes réparties autour des troncs, dans des entremêlas de branches. Le tout était relié par des ponts de cordes et de bois. Des bougies enfermées dans des urnes de verre savamment travaillées éclairaient le tout.
Teneombre avait l'impression d'être désormais dans un village elfique au cœur du Seigneur des Anneaux de Tolkien et non dans une forêt de la côte bretonne. Les gens qui arrêtaient leur activité pour le dévisager n'étaient cependant pas des elfes. Ils étaient vêtus normalement, si on exceptait l'absence totale des logo de marques. Il fallut quelques secondes au lycéen pour comprendre que les habits étaient probablement tous sortis de l'atelier d'un tailleur local.

- Chérie ! Passe me voir rapidement !

La voix âgée avait couvert sans problème le silence qui s'était installé. Comme si c'était un signal, la plupart des gens reprirent leur activité.

- C'était ma grand-mère. Je dois aller la voir pour qu'elle s'occupe de mes ailes. Cela ne te dérange pas de m'accompagner ? On ira déposer tes affaires après.

Il acquiesça. Il entendit de lourds battements d'ailes et une poignée de secondes plus tard, après l'avoir survolé de près, sa camarade de classe se posait sur une passerelle avec une grimace. Le vol n'avait rien de gracieux mais Teneombre mit ça sur le compte de la douleur de la jeune fille. De toute façon, son cerveau avait renoncé à comprendre et prenait, pour le moment, tout cela pour un rêve.
Elle lança une corde et il repassa son sac dans son dos. Il soupira en pensant que c'était une chance pour lui qu'il soit assez dégourdi pour savoir grimper à une corde lisse et que le premier niveau n'était qu'à environ quatre mètres du sol.
Finalement, c'est sans se ridiculiser le moindre du monde (un miracle) qu'il posa pied à côté de son amie. La lueur des bougies qui dansaient non loin de là accentuait l'éclat roux de ses cheveux et semblait donner vie aux dragons sur le visage de la jeune femme. Non, il devait vraiment rêver. Elle était tout simplement trop belle pour être réelle.
Il faillit rater la légère rougeur sur les joues de la divine apparition lorsqu'elle remarqua son regard. C'est le cœur léger qu'il lui emboîta le pas.
*
La hutte de la chaman se trouvait au centre du village, autour de l'un des plus gros arbres de la forêt. Un escalier taillé dans le tronc en reliait les deux étages. À l'intérieur, au premier niveau qui était probablement le lieu de vie de l'habitation, les murs étaient couverts d'étagères encombrées de centaines de petits casiers contenant autant de plantes, de fleurs et de poudres. L'arbre, qui occupait tout le centre de la pièce circulaire, avait été creusé de niches occupées par des fioles et d'autres ingrédients. Trois fenêtres étaient réparties dans le mur de bois et une cheminée en brique s'élevait à côté de la porte, donnant un aspect étrange à la pièce.

- Whaou ! Le paradis...

La jeune fille retint un sourire au commentaire de son ami et presque aussitôt, une silhouette surgit de la pénombre, la pièce n'étant éclairée que par les flammes du feu.
La dame devait avoir dans les soixante ans, au moins. Si sa peau et son corps étaient assez marqués par une vie en pleine air, ses yeux, eux, pétillaient de malice. Tout comme sa petite fille, deux petits dragons les encadraient mais l'encre était devenue plus claire, tournant même au bleu.

- Je te remercie jeune homme mais pourquoi qualifier ma modeste demeure de paradis ? Aeither, je suis heureuse de te revoir. Assis-toi là -elle désigna un tabouret devant le feu- et enlève ce tee-shirt, que je te soulage un peu.

Teneombre eut la délicatesse de regarder le reste de la pièce en répondant tandis que la jeune fille retirait son haut. Il y eut quelques bruits de velcro et de pressions que l'on détache puis le froissement du tissu. L'adolescent préféra se concentrer sur sa réponse :

- J'ai toujours rêvé de pouvoir manipuler les plantes. L'idée de me promener, de cueillir puis de
préparer et utiliser... Cela m'a toujours plu. Cela m'évoque l'alchimie, la nature, les druides... La liberté et un autre temps en quelque sorte.
- Tu peux te retourner.

La chaman se saisit d'une écuelle dans laquelle se trouvait une épaisse crème ambrée où apparaissait quelques morceaux de feuilles. Elle s'en enduisit les mains puis les posa sur les épaules de Aeither et commença à la masser, lui arrachant même quelques gémissement de plaisir.
Le lycéen aurait donné cher pour être à la place de la chaman et pouvoir toucher cette peau douce et tentante. À la place, il lâcha son sac et s'assit dessus en détaillant le corps de son amie qui gardait les bras croisés sur sa poitrine.
Les ailes de la jeune femme jaillissaient du milieu de son dos environ, un peu plus haut même, chacune séparée de quelques centimètres de la colonne vertébrale. À la base, elles mesuraient trente centimètres de haut pour probablement cinq de larges dans la partie supérieur qui devait comporter les os qui maintenaient la rigidité de ses appendices et servaient de support aux muscles qui lui permettaient de s'en servir.
Il ne lui fallût pas longtemps pour comprendre que la jeune fille possédait au moins deux os supplémentaires dans la partie normale de son corps qui devaient s'articuler entre le bas de l’omoplate, les vertèbres et les côtes. Il ne devait cependant pas y avoir d’articulation mobile à cette endroit, juste de nombreuses attaches de puissants muscles que la chaman essayait de défroisser avec sa crème artisanale.
Le plus étrange, c'était le passage de la peau aux plumes. Il y avait une véritable ligne de démarcation entre les deux. Pas de plume autour des ailes et pas la moindre bout de peau visible à la base de ses dernières. Certes, le corps de la jeune fille était parfaitement harmonieux dans son ensemble mais il y avait quelque chose de pas naturel dans la présence de ces appendices d'ange, alors même qu'elle semblait anatomiquement prévu pour ça.
Comme si elles n'étaient pas censées être là en permanence...
Était-ce là le secret de l'histoire de sa tribu ?
Comme pour le ramener à la réalité, Aeither se mit à faire bouger en douceur ses ailes, tendant une à une les nombreuses articulations de ces membres si spéciaux. Il n'y avait qu'une articulation vraiment importante qui formait un coude au repos et lui permettait de voler en battant l'air, en action. Les autres ne servaient qu'à imprimer une légère courbure et à s'orienter en vol. Enfin, c'était ce qu'il pouvait deviner.

- Bien. Tu as récupéré toute ta mobilité sans douleur ?

À interrogation de sa grand-mère, la lycéenne accentua tous ses mouvements et Teneombre n'osa même pas imaginer le nombre d'os et de muscles que cachait le blanc plumage pour offrir autant de possibilités de mouvements et de précision.

- Elles sont lourdes ?

La question lui avait échappé sans qu'il ne s'en rende compte et, tout en continuant ses tests, son amie lui répondit :

- Je pense que oui. En temps normal, je devrais faire dans les soixante kilos mais elles me soulèvent sans problème. Maintenant, je ne suis jamais monté sur une balance et je ne saurais te dire. Pour ce qui est des sensations, je les ai depuis si longtemps que je ne sais plu trop. Je m'y suis habituée. C'est un peu comme si je te demandais le poids de ta jambe. Tu te doutes que c'est assez lourd quand tu vois le morceau mais cela s'arrête là.

Elle fit deux ou trois derniers mouvements puis tourna légèrement la tête vers l'arrière et s'adressa à sa grand-mère :

- Ça a l'air bon. Je ferai un vol d'essai demain soir pour confirmation. Tu m'aides à remettre mon tee-shirt ?

La vieille femme acquiesça et alors qu'elle l'aidait à fermer le vêtement dans le dos, le garçon remarqua seulement les tatouages qui montaient le long des flancs de la jeune fille : une sorte de plante grimpante. Accaparé par les ailes de la jeune fille, il ne les avait même pas vus :

- Deux de plus au compteur. Tu n'auras bientôt plus de secrets pour moi à ce rythme là.

La chaman le regarda bizarrement mais retourna à son activité, fixant les dernières pressions dans le dos de Aeither tandis que cette dernière éclatait de rire :

- Si tu dis qu'il y en a deux, c'est que j'ai encore BEAUCOUP de secrets pour toi.

Elle se leva, se tourna vers son camarade et lui fit un clin d’œil.

- Bien, on va pouvoir y aller. Merci grand-mère.
- Mais de rien mon enfant. Tu sais bien que tu pourras toujours compter sur moi.

Elle hocha la tête puis sortit. Le lycéen observa, médusé, la jeune fille passer la porte de face, ses ailes ondulant presque pour passer le montant sans le toucher. À l'entrée, elle était passée de profil, se servant de ses mains pour réduire la place qu'elles prenaient. Il dut admettre que la chaman avait fait des miracles et que l'anatomie de ces deux appendices était loin d'être aussi évident qu'il l'avait pensé de prime abord. Il était inutile de chercher à comprendre.

- Aeither, arrête d'allumer. Teneombre, si tu es intéressé pour apprendre quelques trucs sur les plantes et les potions, tu es le bienvenu ici à toute heure du jour ou de la nuit.
- Vous ne dormez jamais ?

La proposition était vraiment intéressante mais il était surpris par sa formulation. Il dut se contenter d'un sourire mystérieux pour réponse car la jeune fille s'impatientait dehors.
Elle l'emmena sur de nombreuses passerelles et il dut monter à une ou deux cordes. La métamorphose de son amie était impressionnante. Avant le passage chez la chaman, ses ailes étaient une sorte de poids mort, comme des membres que l'on ne sent plus alors qu'elles étaient désormais pleine de grâce. De légères ondulations lui permettaient un pas presque aérien. En deux grands coups, elle s'élevait vers les étages supérieurs. Si leur présence ne semblait pas naturelle, Aeither devait cependant vivre avec depuis toujours.
Ils arrivèrent finalement à destination. La hutte de la lycéenne se trouvait un peu à l'extérieur du village, presque perchée dans les cimes. À cette hauteur, le tronc ne faisait plus qu'un demi mètre de largeur mais cela devait être suffisant.
Il s'agissait d'une pièce triangulaire, tout juste assez grande pour accueillir un lit double, une armoire et une table poussée contre un mur, sous une fenêtre qui était encombrée d'un sacré bazar.
Il vit immédiatement se profiler un problème de taille à l'horizon :

- Euh... Je dors où ?

Elle eut le charme de paraître gênée :

- Le lit est assez grand pour que cela fasse comme deux lits simples. De toute façon, ce n'est que pour deux ou trois nuits. Après, nos sommeils seront probablement décalés. Il n'y a que la nuit que je peux réellement voler comme je veux, sans être vue, donc quand tu dormiras, moi je serai dans les airs et je me coucherai lorsque toi, tu te lèveras. Bref, c'est un arrangement vraiment temporaire avant que tu ne sois un peu plus tranquille.

Il hocha la tête, n'osant pas commenter ce '' lâcher dans l'arène '' qu'elle lui imposait. Il avait bien l'intention de suivre le rythme du village, même si celui-ci était nocturne. Il lâcha son sac et se tourna vers elle avec un petit air moqueur qui envoya quelques décharges électriques dans le corps de la jeune fille :

- Tu prends quel côté ?
- Comme tu veux.

Il acquiesça mais ne se décida pas, il y avait plus urgent :

- On mange ici ?

Il n'y avait visiblement pas de frigo ni quoique ce soit, en réalité, permettant de faire la cuisine.

- Non, chez mes parents. Je ne travaille pas donc ils m'entretiennent.

Il hocha la tête, se demandant déjà combien de mètres il allait devoir escalader.
Elle dut le deviner car elle sourit une nouvelle fois. L'adolescent était d'ailleurs bien loin de se douter à quel point c'était un événement exceptionnel.

- Je te rassure, leur hutte est juste en dessous de la mienne. Donc soit tu descends les vingt mètres à la corde, soit je te porte jusque là.

L'hésitation fut encore plus palpable :

- Euh... je fais dans les soixante-dix kilos quand même... De ce que je sais, les ailes ne sont pas prévues pour porter des charges aussi lourdes...

Elle laissa échapper un petit rire :

- Les oiseaux, oui. Mais pas pour moi. Je n'ai pas les os creux. Bon, certes, si il fallait décoller, je serais dans la panade mais là, on se contente de descendre. Il me suffit de planer.

Il finit par accepter la proposition, mettant aux oubliettes son vertige.

- OK. Attends moi dehors. J'ai encore une ou deux choses à faire ici.

Il sortit et croisa Douleur qui marchait tranquillement sur la plate-forme qui se trouvait à l'entrée de la hutte. Il préféra ne pas se demander comment un chat pouvait se retrouver à près de quarante mètres du sol.
Il ne fallut que quelques secondes à la jeune femme pour le rejoindre.

- Non, je reste derrière, cela sera plus simple, lui dit-elle lorsqu'il s’apprêtait à se tourner vers elle. Je vais monter sur ton dos puis tu n'auras plus qu'à basculer dans le vide. Tu le fais comme si tu te laissais tomber face contre terre, en restant bien droit surtout.

Il y eut un vague bruissement puis elle sauta sur son dos, passant ses jambes autour de sa taille et ses bras autour de ses épaules. Il la pensait plus grande mais il ne s'en plaignit pas car elle aurait dû se tenir autour de son cou, sachant qu'ensuite elle le porterait, il aurait certainement fini mort, étranglé. Cependant, il fut surpris par ce poids :

- Outch ! Tu es lourde.

Il la sentit se crisper un peu sous le reproche et s'en voulut d'avoir parlé sans réfléchir. Surtout qu'après un nouveau bruissement, elle se fit aussi légère qu'une plume (sans mauvais jeu de mots).

- Désolée, cela va mieux ?

Il marmonna un oui, mal à l'aise sous le fait que ce soit elle qui s'excuse alors qu'il avait été indélicat.

- Bien. Je suis prête, quand tu veux.

Il se tendit, mettant toute son énergie à rester droit, plaça ses pieds en équilibre avec le vide puis bascula lentement vers l'avant, préférant ne pas penser à la stupidité de son geste.
Étrangement, il n'y eut pas la moindre chute et ils se contentèrent de s'éloigner lentement du tronc tout en descendant doucement. Ils tournèrent dans une spirale calme et reposante, à tel point que malgré l'aspect tout à fait sur-naturel de la chose, Teneombre se détendit. Probablement un peu trop même puisque son cerveau commença à réceptionner toutes les informations de ses nerfs sur la position de la jeune fille, notamment la pression de ses seins sur son dos et le souffle chaud dans son cou, caressant son oreille. Il dut presque se faire violence pour penser à autre chose. Le sujet lui vint pourtant assez facilement :

- Et pour l'atterrissage ?

Il sut qu'il était inutile d'espérer une réponse rassurante lorsqu'il entendit le premier mot d'Aeither :

- Euh... Pour tout te dire, je ne pensais pas que cela serait aussi difficile. Pour planer, ça va mais pour atterrir, il faudrait que je batte l'air et comme je n'ai pas volé depuis février, je ne pense pas y arriver avec toi. Donc on va improviser. Je vais survoler la passerelle qui mène à la hutte de mes parents et je te lâcherai les jambes puis les bras. Tu t'accroupis immédiatement sinon je vais me scratcher sur toi ou pire, sur la passerelle et ses rambardes de cordes et de bois. Tu n'imagines même pas à quel point c'est douloureux.

Il n'eut pas le temps de protester que déjà, elle survolait un pont suspendu, deux mètres plus bas et qui ne cessait de se rapprocher. Lorsqu'elle desserra ses jambes, la gravité le ramena à la verticale, la prise de la jeune fille au niveau de ses épaules servant de pivot.
Il comprit aussitôt que si elle le tenait plus longtemps, sa propre gravité serait modifiée et elle piquerait du nez vers le sol. Elle devait connaître son domaine car presque immédiatement, elle le lâcha.
Il fut obligé de lui obéir car s'accroupir était bien le seul moyen à sa disposition pour amortir le choc. Elle atterrit à son tour.
Sans arrêter son mouvement, elle s'avança vers la porte, une dizaine de mètres plus loin. Cette action, là aussi, prouvait bien que bien que non naturelle, la jeune fille avait ces ailes depuis longtemps. Elle n'avait eu aucun mal à passer du vol à la marche comme lui même aurait pu passer de la course à la marche.
Il se redressa et se dépêcha de rattraper son amie.

- Entre.

La voix qui avait donné cette autorisation avant même qu'Aeither ne tape sur le montant de la porte pour avertir de leur arrivée était grave et avait une autorité certaine.
Le père de la lycéenne était installé à une table où quatre couverts avait été mis en place, face à face, deux par deux. Teneombre s'installa à côté d'Aeither qui avait pris place sur le seul tabouret. Il craignait de se montrer impoli mais le motard n'avait pas fait le moindre mouvement pour le saluer et il ne sentait que moyennement d'aller contrarier cet homme. Il ne dut d'ailleurs pas s'en formaliser puisqu'il questionna aussitôt sa fille sur ses études et sa santé. Cette dernière lui répondit calmement et parfois même en plaisantant. Il était évident pour le lycéen que ces deux là s'étaient toujours bien entendus malgré l'apparence un peu brut du chef de la tribu.

- Ta mère ne devrait pas tarder à revenir. Elle est partie cuire un poulet au four du village.

Ceci expliquait cela. Teneombre avait en effet remarqué que seul la hutte de la chaman était équipée d'une cheminée et donc d'un feu. D'ailleurs, les huttes devaient être très fonctionnelles puisque même celle du chef ne comportait pas plus qu'une cinquantaine de mètres carrés, occupés par un grand lit, une table, trois chaises, un tabouret, une armoire et une commode. Cette fois également, comme pour la hutte de Aeither, le tronc ne servait pas de mur, même si la paroi de planche devait probablement s'y appuyer.

- Chaud devant !

Une femme entra en trombe et posa un poulet fumant dans un plat de céramique blanche sur la table.
Ses yeux verts étaient, comme pour sa fille, cerclés de dragons. Probablement des tatouages féminins de famille. Ses longs cheveux étaient rassemblés dans une tresse qui lui tombait jusqu'à mi épaule. Son visage était agrémenté de quelques rides qui trahissait un sourire presque permanent. Sur son épaule droite, dénudée par un débardeur rouge, on pouvait voir une licorne qui se cabrait, brandissant fièrement vers le ciel son unique corne. C'était le seul autre tatouage visible mais il devait y en avoir d'autres. C'était d'ailleurs étrange cette proportion aux tatouages dans ce village. La plupart des personnes qu'il avait vu en arborait au moins un. Et puis, alors même qu'elle était encore mineure, Aeither en avait déjà au moins quatre dont un très important qui devait couvrir une bonne surface de sa peau.
*
Cela devait être la place centrale du village, la seule partie sur le sol de la forêt qui avait été aménagée : une cercle de cinquante mètres de diamètre couvert d'une couche de feuilles mortes qui devait être régulièrement renouvelée.
Une quarantaine de personnes était assise à même le sol, face à la chaman posée sur un tabouret et qui tournait le dos au feu de bois qui réchauffait l'air de cette nuit encore un peu fraîche.
Les enfants occupaient les deux premiers rangs, regardant la conteuse avec des étoiles dans les yeux. Aeither s'était mise un peu à l'écart pour éviter de gêner avec ses ailes et Teneombre s'était assis à côté d'elle, impatient d'en apprendre un peu plus.
La voix, grave et profonde, pleine de sagesse et de souvenirs, s'éleva.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 12 Aoû - 13:37

Chapitre 6
Origine


La terre est très ancienne et l'homme n'est pour elle qu'un champignon de quelques jours, à peine apparu et qui s'en ira tout aussi vite. Notre histoire remonte bien au-delà de cette naissance, à l'époque où des monstres gigantesques foulaient la Terre et régnaient en maître sur le monde. Enfin, ceci jusqu'à ce que les forces cosmiques changent la donne en une série de cataclysmes ravageant tout sur leurs passages.
De cette énergie presque infinie qui s'est dégagée, pleine de sang, de feu et de mort, une partie a pris vie. C'est ainsi qu'est née Gaïa, déesse de la nature et des forces bienveillantes.
Et puis doucement, la vie a repris ses droits. L'évolution a continué son travail sur des millions d'années tandis que la mère protectrice sommeillait au fond des océans, attendant que le monde requière son intervention.
Ce temps est venu lorsque les primates se sont redressés et ont commencé à maîtriser la langue et le feu, lorsqu'ils ont commencé à faire preuve d'une violence excessive et injustifiée.
Elle a quitté l'onde pour le Tout et a sélectionné quelques individus bons et respectueux, leur accordant l'évolution ultime : des homo sapiens qui n'en étaient pas vraiment à une époque ou Erectus était unique. C'est ainsi que sont nés les premiers fils de Gaïa, les Gaïans, chargés de protéger la Déesse et la Vie. C'est aussi de ce temps là que la légende sur un peuple gracieux est née, traversant les siècles, les millénaires, enjolivée sans cesse, modifiée : les elfes. Et oui, c'est bien de nous qu'il s'agit même si la proportion de l'Homme à se souvenir de ce qui est inutile et à oublier l'essentiel nous épate encore.
Ainsi, sous la direction de nos ancêtres, l'humanité a évolué et prospéré, respectant la nature et Gaïa. Puis les premières religions sont apparues et si nous avons pu les influencer au début, nous avons rapidement perdu tout contrôle.
Alors nous avons changé de fonctionnement. Les patriarches ont cessé de diriger les communautés et se sont réunis en clan. Quatre clans sur les quatre continents, divisés chacun en plusieurs tribus de moindre importance. Nous intervenions quand c'était nécessaire, nous contentant le reste du temps de protéger nos terres de toute intrusion. Il en est encore ainsi aujourd'hui même si il est clair que nous avons presque échoué dans notre tâche : nos guerriers ne peuvent arrêter les grandes entreprises et notre magie diminue peu à peu, vouée à disparaître dans un avenir lugubre de ténèbres et de mort.
« Humain mais pas humain... N'oubliez jamais. Vous naissez avec la marque de Gaïa, ces deux ailes tatouées dans le dos. Dans votre sang coule une magie ancestrale, résidu de l'énergie qui a failli tout annihiler et cette dernière vous permettra d'activer la marque, de la rendre réelle, ainsi que tout ce qui sera tatoué avec l'encre de Gaïa, enchantée par un chaman de tribu. » Telles sont les derniers mots de notre Mère.
N'oubliez jamais et combattez pour ce qui peut encore être sauvé. La mort n'est pas une fatalité. Ne soyez pas prompt à juger et restez ouvert à chaque chose. Chaque tribu est un sanctuaire, chaque clan un élément de notre mère.
Dans l'ombre de la vie,
Danse les lames.
Un combat pour la vie,
Contre les larmes.

Une jeune fleur sauvage,
Fille de la Lune.
Un peuple sans âge,
Caché dans la brume.

Comme un lac profond,
Immobile dans l'Histoire.
Comme une flamme à l'horizon,
Synonyme d'espoir.

Enfant du désert,
Règne de mort.
Fils de la Terre,
Toujours plus fort.


La voix se tut, la chaman avait les yeux vitreux et seul le crépitement du feu qui dévorait le bois dans son dos rompait le silence.

- Et les Daé Mons ?

C'était une petite fille qui ne devait pas avoir plus de six ans. Je doute que qui que ce soit d'autre n'aurait osé interrompre ainsi le silence de la vieille femme.

- Ah ! Les Daé Mons... C'est une longue histoire. Ce sont également des enfants de la Déesse. Il y a bien longtemps, ils ont perdu foi en l'Homme et su que la partie était perdue d'avance. Ils se sont éloignés des enseignements de celle qui nous dirige, adhérant à l'idée que seul la fin de l'humanité permettrait un retour de l'équilibre. Ils se sont dans un premier temps retournés contre les communauté humaine uniquement puis ils ont dû faire face à leurs frères et sœurs Gaïans. La guerre qui en résulta apprit à tous qu'il serait impossible pour les deux clans de remplir à bien la mission qu'ils s'étaient fixés tant que leur adversaire serait en vie. C'est la raison pour laquelle les Daé Mons cherchent à nous détruire depuis si longtemps et inversement. Ils sont la raison pour laquelle la Terre est en perdition. Leur allégeance à la mort a dénaturé le don de Gaïa et leur permet souvent de réveiller les défunts et de les contrôler.

Le silence retomba à nouveau et finalement, un par un, les membres de la tribu retournèrent à leur activité.
Aeither avait bien envie de continuer sa nuit en restant active, de même que Teneombre qui voulait voir cette vie nocturne et réfléchir à tout ce qu'il venait d'entendre et apprendre mais l'un comme l'autre ne pouvait pas enchaîner une nuit blanche après une journée de cours et trois heures de voyage, surtout si cela s'ajoutait à une lourde fatigue dû à la douleur pour l'une et à un bouleversement total de son monde pour l'autre.
Suivant les indications de la jeune fille, le lycéen parvint à retrouver la hutte de cette dernière tandis qu'elle s'y rendait en quelques secondes de vol. Il dut bien admettre qu'elle semblait encore plus à l'aise dans les airs, encore plus gracieuse que lorsqu'elle marchait avec ses ailes détachées.
*
Ils se regardèrent, gênés, devant le même lit. Ce fut le garçon qui parla le premier, et pas pour améliorer la situation :

- Je n'avais pas prévu de partager le lit avec quelqu'un donc je n'ai rien d'autres à mettre qu'un boxer pour dormir...
- Pareil, je dors également en sous-vêtements...

La gêne monta d'un cran mais la fatigue les obligea à se bouger. Teneombre se contenta d'une vanne avant de se déshabiller :

- J'espère qu'on restera de notre côté alors.

Aeither fit le tour des bougies, les soufflant une par une avant de commencer à retirer ses vêtements à son tour, profitant de l'obscurité, et du fait que l'adolescent se couchait, pour préserver sa pudeur.
La nuit avait rafraîchi l'air et elle remercia mentalement la personne qui avait eu la présence d'esprit de placer quelques pierres chauffés au rouge sous son lit, réchauffant ainsi ce dernier. Contrairement à tous, elle ne pouvait pas se blottir sous un tas de couverture.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeVen 7 Sep - 12:00

Chapitre 7
Nouveau jour


Ce fut le soleil qui les réveilla lorsque ses chauds rayons, après avoir traversé la canopée, pénétrèrent par la fenêtre, vers dix heures du matin.
Ils se levèrent rapidement, tentant d'oublier, dans un silence gêné, que l'astre les avait trouvés dans une position très gênante au vu de leur lien d'amitié. Aeither avait en effet troqué son oreiller pour un torse chaud et pris son ami pour un gros nounours tandis que Teneombre s'était réveillé avec ses mains caressant le bas du dos de la jeune femme.
Leurs vêtements mis, l'air redevint respirable et c'est le lycéen, moins fautif dans son sommeil, qui brisa le silence en premier :

- C'est quoi le programme de ce matin ?
- Je pensais déjeuner avec toi chez ma grand-mère. Je profiterai ensuite de la période creuse pour faire une patrouille qui me permettra également de contrôler réellement mes ailes. Tu n'auras qu'à papoter avec notre chaman à propos des plantes. Elle sera heureuse de trouver un interlocuteur intéressé et avec un peu de chance te proposera même d'apprendre un peu son art. Je pense qu'on mangera ensuite chez elle. Dans l'après-midi, j'ai prévu de m’entraîner au combat avec une amie. Tu pourras y assister ou, si tu préfères, tu n'auras qu'à travailler tes cours.
- Ça me va. On vole jusqu'au centre du village je suppose ?
- Pourquoi pas ?

Teneombre préféra ne pas s'attarder sur la confiance qu'il accordait à son amie. Il bascula en effet dans le vide sans la moindre crainte alors que durant toute sa jeunesse, il avait eu une peur bleue des hauteurs et du vide.
Le vol fut silencieux et le lycéen dut admettre que c'était grisant de survoler les gens sans qu'ils ne s'en aperçoivent. C'était étrange aussi. Normalement, leur corps n'aurait pas dû être suffisamment aérodynamique pour empêcher l'air de siffler.
L'atterrissage fut un peu plus acrobatique que la veille. Le premier étage de la hutte de la vieille femme n'étant relié à aucune passerelle. En deux battements d'ailes assez difficile, Aeither les suréleva de quelques mètres avant de le lâcher. Avec sa vitesse initiale, il parvint à passer dans le cadre de la porte qui donnait dans le vide et atterrit dans un beau vacarme tandis que son amie posait le pied avec grâce juste à côté de lui quelques secondes plus tard.
Finalement, il n'y avait qu'une seule possibilité expliquant sa confiance en elle malgré ce qu'elle lui faisait faire : son esprit était hors service. Les récents événements lui faisaient croire qu'il rêvait et l'on ne meurt pas dans un rêve... Enfin, on pourrait s'attarder sur cette question métaphysique mais ce n'est pas là le sujet.

- Et bien... On dirait que ces vacances vont être animées... Le pain est tout chaud et j'ai rajouté quelques ingrédients de ma composition à la pâte, de quoi vous garder éveillé jusqu'au prochain lever de soleil.

La chamane était assise devant une table de bois, une tasse pleine à la main témoignant qu'elle n'avait même pas sursauté malgré leur entrée. Un pain chaud d'au moins deux livres trônait devant elle, dégageant une légère fumée et le délicieux parfum de sa croûte tout juste dorée. Teneombre dut se faire violence pour ne pas sauter dessus.
Son amie, elle, ne s’embarrassa pas des politesses et plongea presque vers le tabouret vide. Un coup violent du couteau de grand-mère frôla presque ses doigts et trancha la moitié du pain. L'autre fut happée avec avidité. Elle arracha une partie de la mie, se brûlant les doigts au passage et l'enfourna dans sa bouche grande ouverte avant de mâcher en poussant un gémissement de plaisir.
Le lycéen imita sa camarade avec plus de retenue mais son énergie n'échappa pas à la vieille femme :

- Finalement, je crois que je vais regretter mes ajouts... Tu prendras quoi avec ça jeune homme ? Jus de cerise artisanal ou thé ?

Il désigna du doigt le liquide rouge contenu dans un carafe qu'elle versait dans le verre de sa petite fille et elle le servit à son tour.
L'adolescent tartina une large portion de croûte de beurre qu'il couvrit ensuite de fraises écrasées et sucrées. Un délice pour son palais.

- Aeither, si tu pouvais profiter de ta patrouille pour pousser vers la côte et voir si les cultures aériennes sont prometteuses, cela serait gentil. Tu serras plus rapide que n'importe lequel d'entre nous et le temps de nos guerriers est précieux. Au passage, tu me ramèneras une belle laitue si elles ont poussé, j'ai envi de vous faire mes sandwichs maisons.
- Pas de problème. Je vais faire la zone ouest alors.

Teneombre ne chercha pas à comprendre, savourant un petit déjeuner de roi - enfin, ce qu'il en restait -. La chaman continua :

- Bien. Par contre, la magie a été bouleversée à plusieurs reprises ces derniers temps en lisière de notre territoire. Comme tu le sais, il n'y a que les Daé Mons qui puissent encore la perturber.
- Pourtant nos forêt ont un pouvoir ancestral. Leur caractère sacré devrait suffire à les protéger, même d'Eux...
- En théorie, oui. Mais le sacré tire sa puissance de Gaïa elle-même et il semblerait que malgré nos efforts, même nos demeures soient affectées par la folie humaine. En tout cas, soit prudente.
- Je le serai.
*
Il n'y avait pas de plaisir qui égalait celui de voler : sentir le moindre souffle et s'en servir pour filer toujours plus vite...
Elle ferma les yeux quelques instants pour ouvrir son esprit au monde qui l'entourait. La perception de Gaïa comme l'appelait son peuple n'était pas à proprement parlé consciente. Ce n'était ni une vision ni quoique ce soit de palpable. C'était plutôt comme une tension dans l'esprit qui représentait les champs d'énergie naturelle. Si ceux-ci étaient perturbés, la tension se modifiait. La modification augmentait si l'on s'approchait de la perturbation.
La tension était quasi-uniforme. Elle rouvrit les yeux et se servit d'un courant chaud issu d'une petite source chaude pour se ré-élever de quelques mètres. Elle concentra sa magie et dans un éclair de douleur, une épée apparut de son cou, grandissant avant que le fourreau ne soit bloqué entre la base des deux ailes. La guerrière gaïanne était de retour.
Elle vira légèrement, gardant le soleil derrière elle, filant vers la côte et vers la seconde et dernière source chaude de la forêt séculaire. C'était là que la tribu cultivait l'essentiel de son alimentation. Plusieurs dizaines de terrasses étaient réparties sur le tronc des arbres alentours. La chaleur dégagée par l'eau permettait de conserver une température correcte tout au long de l'année. Par contre, la culture aérienne demandait beaucoup d'entretien. De plus, un très vieux sort canalisait les gaz toxiques vers une autre zone. Si il lâchait un jour, Aeither doutait que qui que ce soit parvienne à le rétablir.
Elle ralentit et manœuvra avec adresse entre les branches, en attrapant parfois une de la main pour se rediriger avec facilité. La terrasse de salades commençait tout juste à être exploitable. Elle sortit un couteau de sa ceinture de vol et en choisit une assez grosse. Elle la rangea ensuite dans l'une des sacoches qui se trouvaient à côté de l'étui à couteau. Elle vérifia que les fioles étaient toujours en place.
Elles se trouvaient également dans la ceinture. Elle en portait cinq mais en temps de guerre, deux cartouchières modifiées permettaient de multiplier leur nombre par quatre. Ces potions étaient la véritable puissance des fils de Gaïa contre leur ennemi ancestral. Elles étaient fabriquées par les chamans des tribus selon des recettes vieilles comme le monde et contenaient magie et ingrédients rituels.
Elle reprit de l'altitude et fila vers la falaise de grès qui séparait les royaumes d'Artémis et de Poséidon.
L'océan, avec sa houle et sa puissance infinie avait toujours été un pilier dans le culte de Gaïa. Une des tribus vivait d'ailleurs dans une extraordinaire cité sous-marine qu'il était donné à peu de mortels de pouvoir observer un jour. Une rumeur chez les Gaïans affirmait que c'était d'ailleurs celle-ci qui avait fait naître la conception moderne des cités elfiques. Aeither avait l'espoir d'observer un jour ce havre de paix et de sérénité hors du temps.
Elle plongea vers les vagues qui explosaient en des millions de flocons blancs contre la roche, dans un fracas de tonnerre. La houle portait sa propre force magique et les meilleurs guerriers volant jouaient un jeu dangereux avec elle. La blessure de la lycéenne avait au moins l'avantage de l'avoir placé très haut dans la liste des voltigeurs cristallins comme ils s’appelaient entre eux.
Elle s'éloigna de la falaise et frôla la surface de l'eau. Elle ferma ensuite les yeux pour se concentrer uniquement sur cette tension dans l'esprit. Elle vira brutalement à droite et prit la vague magique en surf, les yeux toujours fermés. Son corps n'était qu'à quelques millimètres d'une surface qui cachait une puissance capable de réduire son corps à l'état de bouilli. Elle fonça vers la falaise avant de virevolter et de tourbillonner pour éviter les colonnes d'eau que les rochers soulevaient.
Forte de sa vitesse acquise, elle se propulsa à nouveau vers le large et se saisit d'une nouvelle vague pour recommencer la manœuvre. Son visage rayonnant était loin de permettre de deviner l'extrême concentration qu'exigeait la Danse des Fous.
*
- Chaque plante a une propriété. Chaque roche, chaque geste également. Cela fait plusieurs millénaires cependant que beaucoup d'entre elles ont été oubliées. Certains d'entre nous consacrent leur vie à essayer de retrouver ce qui a été perdu. Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est le pouvoir des choses les plus puissantes. Ce sont elles qui entrent dans la composition de beaucoup de nos potions. Tu es humain donc sans magie, tu devras te concentrer sur les plantes et avec des effets vraiment minimes. On vérifiera plus tard si tu as éventuellement un peu de magie dans les veines ou non. Tes potions seront moins puissantes que celles d'un chaman mais comme tu es juste là pour apprendre, il n'y a rien de dramatique. En parlant de drame, évite de te servir de ce que tu vas apprendre à mauvais escient car nous le saurons et crois moi, tu le regretteras amèrement.

Sur ces paroles inquiétantes, la vieille dame tourna le dos à Teneombre, se saisit d'un torchon, le posa sur une table et l'ouvrit. Elle se saisit d'une des fleurs qu'il contenait et la montra :

- Ceci est une rose rouge. Rien de surprenant et toutes les autres plantes que nous étudierons te seront également connues. Tu remarqueras que la variété importe peu. En général, la plante est choisi pour une caractéristique particulière.

Elle jeta un regard à son élève qui l'écoutait avec attention puis revint à la fleur fraîche qui reposait entre ses doigts.

- La préparation de cette fleur conditionne son effet. Distillée, son essence naturelle est un ingrédient du filtre d'amour. Pressée et intégrée à un jus de cerise contenant un soupçon de menthe, elle devient une potion d'énergie. Brûlée avec de l’eucalyptus, elle dégage une fumée qui détend les muscles et exacerbe la sensibilité.

Elle sortit une autre fleur, un soleil jaune encerclé de rayon blanc.

- La pâquerette est très réputée parmi vos enfants mais ses pouvoirs sont assez faibles. Cependant, filées en bracelet, elle offre une légère résistance à la magie. Une crème contenant ses pétales apaisera les brûlures légères.

Elle la rangea puis sortit un brin de lavande. Le manège continua ainsi. Teneombre devait ingurgité une quantité impressionnante de données presque sans interruption. Par chance, sa passion pour les plantes l'aidait dans cette tache.
*
Elle surfa sur une nouvelle déferlante d'énergie puis, contrairement aux autres fois, elle continua lorsque la vague explosa et fila comme le vent le long de la falaise, à la verticale et sans se servir des puissants muscles pouvant mettre en action ses ailes.
Pas une goutte d'eau salée ne tachait ses protections. Si un jour les Gaïans organisaient un tournoi international, elle brillerait par son excellence et l'adage « il faut souffrir pour être bon » prendrait alors tout son sens.
Elle vira vers le sud et longea la côte, vérifiant que l'énergie du territoire de la tribu ne présentait pas de variation synonyme d'intrusion ou d'attaque.
Elle vola une heure durant et, alors qu'elle s'approchait de la lisière sud et s’apprêtait à faire demi-tour, une puissante perturbation la frappa et faillit lui faire perdre le contrôle de son vol.
Elle n'hésita qu'une seule seconde. Seuls les Daé Mons étaient capables de créer de tel perturbation par leur art contre-nature. Et seule une créature pouvait fouler cette terre.
Elle stabilisa son vol, prit une pincée de poudre argentée dans un petit sachet en tissu bleu et la fit tomber dans une fiole contenant un liquide transparent. Celui-ci vira au rouge dès qu'elle l'agita. Elle versa le contenu sur un morceau de tissu et passa celui-ci sur la lame de son épée. Elle activa les deux autres potions et rangea tout pelle mêle dans sa ceinture avant de s'élancer, l'épée bien en main, vers l'origine de la perturbation, sa concentration au maximum.
Les morts-vivants étaient une arme d'importance dans la culture Daé Mon. Les plus prisés et utiles étaient bien sûr les corps réanimés humains mais théoriquement, tout cadavre pouvait être dirigé. Cela exigeait bien sûr une bonne compétence magique et un certains entraînements ainsi qu'un sacrifice sous forme de sang mais cela permettait surtout d'éviter les blessures physiques voir mentales puisque ces armes pouvaient être dirigées à plusieurs dizaines de kilomètres de distance.
Contrairement à la croyance populaire, souvent issus de nombreux films d'horreur et d'épouvante, ils n'était pas lents. Ils possédaient les capacités physiques de leur vivant, à la condition que les muscles à utiliser soient encore en état de marche. Ils ne ressentaient ni la douleur, ni la faim, ni la soif.
Leurs mouvement étaient animés magiquement. Il fallait un sortilège puissant pour les ramener à la terre, rendre leurs membres inutilisables pour les réduire à l'impuissance ou une potion particulière qui les rongeait. C'était là-dessus qu'Aeither comptait, étant trop jeune pour pouvoir utiliser des sorts.
Elle se laissa tomber de l'autre côté de la clairière où la créature s'était arrêtée. Il s'agissait d'un spécimen mâle qui avait dû être videur dans sa vie passée. Un mètre quatre-vingt et une centaine de kilogrammes de muscles et de puissance. Le nécromancien qui l'avait relevé avait fait du bon boulot. Seuls ses yeux entièrement blancs trahissaient son état de mort possédé.

- Quelle impatience à mourir, jeune écervelée. Je reconnais bien là la stupidité caractéristique de ton peuple. Si tu n'es pas trop amochée, je prendrais beaucoup de plaisir avec ton corps.

La rousse ne réagit pas à la provocation. L'un de ses tatouages disparus dans un élan douloureux et un allié inattendu la rejoignit. Dans le même temps, le sorcier ennemi lança le corps à l'attaque.
*
- Chaque sorcier, chaman ou fabricant de potions possède un activateur de magie qui lui est propre. Sans celui-ci, la potion est inerte et peut se conserver indéfiniment. Avec, elle prend toute sa puissance. L'astuce est donc de l'ajouter au dernier moment. Pour savoir si tu as un activateur et donc si tu peux fabriquer des potions, nous ferrons un test lors de la prochaine séance. En attendant...

Un puissant rugissement couvrit sa voix. La chaman se figea de surprise avant de lâcher un juron qui étonna le lycéen effrayé par le bruit. Avant qu'aucun des deux n'ait eu le temps de réagir, Aeither franchit l'ouverture de la porte. Il y eut un craquement de bois et la tête d'un dragon suivit du regard la jeune fille.
Teneombre était pétrifié et à dire vrai, il en ignorait la raison. Enfin, laquelle parmi toutes celles possible : la jeune fille qui hantait ses rêves dont même les ailes avaient viré au rouge sous la quantité de sang qui la recouvrait, le dragon de la taille d'un cheval dont les écailles brillaient comme des rubis et qui le fixait avec des yeux qui rappelaient l'amusement ou la gourmandise, la vieille chaman qui ne prenait même pas la peine de sembler surprise ou tout simplement le fait qu'Aeither, malgré son état, arborait un visage figé, sans la moindre trace d'émotion ou de douleur.

- Les Daé Mons ont tenté une percée à la lisière sud, à un kilomètre de la côte. Le problème est réglé et le champs d'énergie s'est régénéré mais le nécromancien n'était pas sur notre territoire.

La voix de la jeune fille était devenue dure mais ne contenait ni colère ni douleur. C'était comme si un automate s'exprimait sauf que les gestes de la lycéenne n'avait rien d'automatique. Elle n'était même pas en état de choc. Elle déposa trois fioles vides et un tissu ensanglanté puis fit demi-tour.

- Aeither.

La voix de la chaman l'arrêta :

- Il n'y a aucun signe de contamination ?
- Non.

Elle ne s'était même pas retournée pour répondre.

- Alors va à la source du village pour te laver. La plupart des membres sont absents donc tu serras tranquille.

Elle sortit sans un mot.
Le dragon fut comme aspiré sur sa main et dans un flash, il disparut. Le lycéen eut juste le temps de voir le tatouage du fameux Bubu bouger sur la peau de la rousse avant qu'elle ne franchisse le seuil.
La chaman poussa un profond soupir et se dirigea vers ce qu'avait laissé la guerrière. Elle posa les trois fioles ensanglantées à côté d'une dizaine d'autres sur une étagère au bas de l'arbre. Elle ouvrit ensuite le chiffon, récupéra la laitue qu'elle mit de côté puis mit le tissu à tremper dans une bassine d'eau.
Elle retourna ensuite à sa place, derrière la table, en face de l'adolescent en état de choc :

- Teneombre... l'appela-t-elle doucement.

Il ne réagit pas. Son regard était toujours fixé sur l'endroit où s'était tenue la fille du chef une minute auparavant.

- Teneombre !

Elle claque du plat de ses deux mains sur le bois de la table et le brun sursauta en se tournant vers elle. Elle comprit cependant qu'il n'était pas vraiment avec elle quand elle vit son regard affolé :

- Écoute Teneombre, calme toi, elle va bien. Les Daé Mons possèdent une arme bien à eux : les morts-vivants et le seul moyen de les arrêter, c'est d'en faire du hachis.

Elle parlait vite, essayant d'obliger le cerveau de son interlocuteur à se reconnecter pour la suivre et voulant le rassurer avant qu'il n'est compris toute la situation.

- Tout le rouge que tu as vu, c'est uniquement le sang de son ennemi et probablement un peu de mes potions.

Il avait admis à l'instant même où il avait vu pour la première fois les ailes de Aeither qu'il ne savait en réalité rien de ce qui se passait réellement sur Terre et que la plus grande partie de ce qu'il verrait avec elle ou sa tribu dépasserait de loin sa compréhension. Des morts-vivants ? Des dragons ? Pourquoi pas...

- Ces morts-vivants... Ils sont dangereux ?

Sa voix était hésitante mais il avait dit à son amie qu'il ne lui attirerait pas d'ennui et un mec paumé et choqué ne devait pas être en mesure de respecter sa parole.

- Assez. Tout dépend de la forme physique du cadavre juste avant sa mort et du contrôle que le Daé Mon a dessus. Il faut cependant bien admettre que les nécromanciens ne sont pas stupides et en général, bien entraînés... Donc oui, ils représentent un danger au combat mais bon, c'est comme tout...
- Mais... Elle a à peine dix-huit ans ! Elle vient tout juste de rentrer dans le monde des adultes et vous la laissez déjà se battre... C'est de la folie !
- Teneombre, tu dois comprendre deux choses : la première c'est que nous sommes un peuple de guerriers qui combattent dans l'ombre depuis la nuit des temps. Mon mari est mort à quarante cinq ans lors d'un raid et ce n'est pas un cas isolé. J'ai également déjà perdu une fille. Je suis une chamane et c'est la seule raison pour laquelle j'ai dépassé mon soixantième anniversaire. Mourir de vieillesse n'arrive qu'à nous. La plupart de nos enfants voit leur premier combat à quinze ans. La seconde, c'est que Aeither est brisée et c'est d'ailleurs pour cela que tu as été accepté pour ton séjour. Je ne devrais pas te le dire mais ma petite fille est comme une handicapée. Lorsqu'elle était jeune, elle jouait parfois avec un groupe d'enfants un peu plus âgés, dans le village d'à-côté. Notre magie est inhibée et si l'on sait qu'elle devient enfin active à cinq ans, on ne sait jamais précisément quand. La sienne s'est activée durant l'un de leurs jeux. Ils l'ont traitée de monstre puis frappée et battue presque à mort. Ils lui ont brisée la magie de ses ailes, l’empêchant de les rappeler dans sa peau. Par chance, le reste est resté intact chez elle. Elle vit depuis ses cinq ans un véritable martyr : elle doit supporter ses ailes en permanence. Dès qu'elle sort de notre territoire, on doit les lui lier dans le dos et la douleur est vraiment terrible. Elle avait huit ans qu'on a été obligé de le lui faire la première fois. La nuit, elle a dû s'habituer à dormir uniquement sur le ventre et à ne surtout pas se retourner sous peine de hurler à s'en briser les cordes vocales. En contre partie, à quinze ans, elle était déjà ne plein possession de son agilité aérienne et aujourd'hui, son habilité et sa maîtrise en vol en ont presque fait une légende parmi les nôtres. Habituée depuis si longtemps à les avoir en permanence, elle est capable de presque tout faire avec. Elle n'a pas l'expérience des armes de nos plus grands guerriers mais elle les vaincrait probablement tous en duel. Les ailes sont notre atout en combat. Alors oui, elle se bat à dix-huit ans, comme tous et toutes, mais elle est probablement la jeune de cette génération à avoir le plus de chance de survivre.

En temps normal, elle se serrait énervée contre l'imprudent qui aurait osé critiquer leur mode de vie mais elle s'était exprimée avec patience. Il ne faisait aucun doute, pour qui que ce soit, que sa petite fille tenait énormément au jeune garçon. Aeither haïssait littéralement le genre humain depuis qu'elle était en âge de comprendre ce qu'il lui était arrivé pourtant c'était elle qui avait brisé nombre de règles ancestrales juste pour pouvoir passer ces deux semaines chez elle avec un humain et lui permettre de découvrir son monde...

- Et qu'est-il arrivé à ceux qui lui ont fait ça ?

La voix de Teneombre était à nouveau calme, assurée. Les paroles de la chaman l'avaient touché comme le prouvait ses yeux qu'il avait baissé sur la table pour réfléchir à tout ce qu'il venait t'entendre et à ce que cela impliquait.

- Nous les avons obligés à tenir leur langue et il y a deux ans, ils ont eu un accident de voiture. Deux sont morts et le troisième est entièrement paralysé, probablement à vie. Avant que tu ne poses la question, il ne s’agissait pas d'un ordre mais il est un secret pour personne que Aeither a quitté le territoire de la tribu cette nuit là...

Il aurait dû être surpris ou choqué mais il se souvenait parfaitement de la brute du lycée et du fait qu'elle n'avait jamais semblé avoir eu le moindre remord.

- Elle les a tués ?
- On ne sait pas. Toute la tribu le pense mais c'est impossible à prouver. Tu peux trouver cela cruel de sa part mais nous, cela ne nous étonne pas. Je me répète probablement mais elle est véritablement brisée. On sait qu'elle est encore capable d'éprouver une certaine joie mais c'est uniquement lorsqu'elle joue avec la mort lors de la danse des fous. On ne l'a jamais vu sourire ou en des occasions si rare qu'on pourrait les compter facilement sur les doigts de cinq personnes. On ignore si elle est encore capable de comprendre l'amitié et d'éprouver de l'amour. On ne lui connaît pas la moindre amourette alors même que les adolescents sont les plus prolifiques à ce niveau là. À dire vrai, la plupart des Gaïans de cette tribu ont du mal à se faire à l'idée qu'elle est entourée de trois personnes au lycée. C'était dans cet objectif qu'on l'y avait inscrite mais personne n'y croyait vraiment.
- En fait, Arthur est ami avec elle, Camille est sa petite amie et moi, je suis son meilleur ami. Certes elle est intégrée au groupe mais elle n'en est pas le centre, loin de là et, sauf avec moi, elle ouvre très rarement la bouche.
- Je me doute. Arthur est quelqu'un de spécial en réalité. Tu l'apprendras tôt ou tard donc je vais m'en charger. Il existe un organisme mondial, financé par les tribus, chargé, en secret, de veiller à effacer nos traces, sur les images satellites notamment et éventuellement accompagner certains d'entre nous à l'extérieur de nos terres. Ils se sont auto-baptisés : The Angels' Protection Society. La APS ou SPA en français. Arthur est l'agent chargé de protéger Aeither dès qu'elle n'est plus avec l'un des nôtres. Ses ailes la rendent extrêmement vulnérable quand elle doit les dissimuler.

Ce fut un nouveau choc pour Teneombre. Arthur était son meilleur ami depuis leur plus tendre enfance et si il s'absentait bien quelques fois par an, jamais il n'avait laissé le moindre indice pouvant indiquer qu'il faisait parti d'une quelconque organisation. Enfin, il ne pouvait pas lui en vouloir en sachant que c'était probablement la seule raison qui avait poussé Aeither à lui laisser une chance pour devenir son ami.

- Il n'est pas un peu jeune pour cela ?
- Si. Mais un adulte serait passé très moyennement dans les rangs de ton lycée. La SPA compte donc quelques membres couvrant une très large tranche d'âges afin de parer à toute situation d'infiltration. C'est tombé sur Arthur quand Aeither a dû rentrer dans le circuit scolaire.
- Je vois...

La vieille femme semblait prête à répondre à ses questions. Aeither lui avait promis ces réponses après le récit de la veille mais, gêné par le fait de devoir dormir avec la jeune fille et toute son attention accaparée par ce fait, il avait oublié de lui demander des explications.

- Le dragon de tout à l'heure, c'était un vrai ? Pourquoi a-t-il disparu ?

La chaman soupira en comprenant qu'elle allait devoir expliquer des choses basiques et naturelles pour son peuple mais si cela pouvait permettre à l'adolescent d'oublier l'image sanglante qui les avait quittés un peu plus tôt, elle pouvait bien s'y coller.

- Comme je l'ai dit hier, la magie qui coule dans nos veines nous permet d'invoquer ce que l'on tatoue sur nos corps à condition d'utiliser une certaine encre. Cette dernière est difficile à fabriquer et demande beaucoup de temps. C'est pourquoi, en dehors des armes que l'on tatoue dans la nuque de tout le monde, les tatouages sont donnés uniquement en récompense. Aeither, pour son habilité au combat et le martyr qu'elle endure a eut le droit plusieurs fois à cet honneur. Le dragon que tu as vu tout à l'heure est l'un d'eux. Elle l'a appelé Bubu mais malgré ce nom ridicule, c'est une vrai teigne et seule ma petite fille est capable de le contrôler...

« Il s'appelle Bubu... »

- Mais... Le dragon qu'elle a sur la main est beaucoup plus petit !
- On peut modifier la taille des apparitions. Les armes dans le cou ne font que deux centimètres -une vrai gageuse à tatouer au passage-, nos ailes à peine trente. Il y a des limites mais Bubu peut facilement atteindre la taille d'un cabanon de jardin. Je pense que la limite est la taille réelle pensée par le chaman au moment où il réalise le tatouage. Ainsi, mon aigle ne dépasse pas les deux mètres d'envergure alors que ceux de la tribu canadienne peuvent les transporter et en font au bas mot sept. Pour nos ailes, on ne contrôle pas leur taille. Elles grandissent avec le temps, en même temps que nos corps.
- J'ai vu les lierres, ou quoique ce soit, qui monte le long des flancs de Aeither. A quoi peuvent-ils bien lui servir en combat, ou dans une quelconque autre situation d'ailleurs ?
La chaman sourit. Connaissant la pudeur des humains, Teneombre aurait été beaucoup plus gêné si il avait su d'où partait réellement les arabesques qu'elle avait commencé à tatouer il y a deux ans.
- Il s'agit d'une encre normale. Le dessin, en plus de symboliser la vie et Gaïa, sert à dissimuler quelques tatouages afin que son corps ne soit pas rendu horrible à cause de dessins peu esthétiques.
- Comme ?
- Elle a le dessin de deux dagues dans un ceinture, deux bagues et une chaîne de front qui lui permettent de pouvoir représenter officiellement, à tout moment, notre peuple. Ces tatouages, isolés, n'auraient pas été esthétiques donc on les a fait dans les feuilles et les fleurs : noir sur noir. Invisible mais présent.
- Pourquoi ne pas les avoir fait dans Bubu ou dans les dragons autour de ses yeux ?
- La magie ignore totalement l'encre normale. Par contre, si on les avait fait sur le dessin de Bubu, cela aurait juste rajouté de l'encre magique, sans aucun autre effet.
- Donc les dragons de ses yeux sont également invocables ?
- En fait, non. Les tatouages que les guerriers ont autour des yeux sont bien en encre magique mais étrangement, ils ne sont pas réel. La raison se perd dans le fil des âges donc on ne cherche plus à comprendre et on admet. Dans certaines circonstances, ces symboles migrent dans les yeux et apportent certains pouvoir supplémentaires mais on ne maîtrise pas, ou probablement plus, cette action. Ces tatouages sont donc devenus un symbole familiale ou tribal, cela dépend des tribus concernées. Chez nous, cela marque surtout le passage à l'âge adulte avec la première victoire d'un guerrier ou d'une guerrière.

La crise était passée. L'adolescent s'assit sur un tabouret et la vieille femme se mit en mouvement. Elle retira le morceau de tissu qui étrangement avait retrouvé sa couleur initiale. Elle rinça ensuite les trois fioles puis la salade et l'eau de récupération alla rejoindre à son tour la bassine de cuivre. Elle se saisit ensuite de cette dernière et la posa sur le feu en commençant une autre leçon :

- Chaque fabricant de potion a son activateur et une fois la potion utilisée, il est important de bien récurer toute trace de l'activation afin de pouvoir conserver la potion suivante. À cette fin, on utilise l'eau salée qui neutralise normalement la magie. Il est à noter que toute solution ionique devrait pouvoir remplir ce rôle. Je dis normalement car il existe une exception dont nous parlerons une autre fois. La plupart des chamans ou sorcier peuvent s'arrêter là. Personnellement, je dois aller un peu plus loin car mon activateur est l'argent et c'est un métal qui coûte cher, même avec nos mines privées. Pour la récupération, il faut porter à ébullition l'eau de rinçage et y mettre quelques feuilles de gui. La magie va littéralement faire disparaître ces dernières et l'argent va prendre leur place. De manière plus générale, c'est ainsi que l'on peut récupérer tous les catalyseurs magiques métalliques.
- Chaque activateur est réellement spécifique ou il existe de grandes familles ?
- La deuxième option est la bonne je pense. La plus grande partie des chamans gaïans de ma connaissance ont utilisé, ou utilisent, si ils sont encore en vie, des métaux ou de la pierre. À l'inverse, ceux que nous appelons les sorciers utilisent en général des éléments végétaux.
- Est-il possible d'utiliser plusieurs catalyseurs pour une même personne ?
- Ah là, tu poses une question intéressante.

Elle se saisit d'une branche de gui et commença à préparer quelques feuilles puis elle entreprit de commencer à ranger les feuilles et fleurs qu'elle lui avait présentées auparavant avant de lui répondre tout en effectuant diverses et obscures taches.

- Les opinions divergent à ce sujet. Est-ce qu'un chaman peut utiliser un autre métal ? Je ne pense pas. Est-ce qu'un métal récupéré d'une certaine façon plutôt qu'une autre canalisera plus de magie ? Peut-être.

Il y eut un petit moment de silence entrecoupé du choc du couteau contre la planche en bois tandis qu'elle débitait la salade.

- Prenons l'exemple d'un sorcier. On établie que la rose est son catalyseur. Imagine à partir de là toutes les possibilités à tester pour voir si il y a une différence : quelle rose ? Fleur, racine, écorce, bourgeon, épine ? Quel âge à l'épine, la branche... ? Quelle heure de récolte ? Quel jour ? Bref, c'est impossible. On admet tout de même que les catalyseurs récupéraient aux équinoxes, surtout celui du printemps, donnent en général des potions plus puissantes pour les sorciers, les humains ont toujours considéré les levers et couchers comme étant magiques. Ce n'est qu'une croyance mais on vient de voir avec la leçon précédente que les symboles et les croyances sur les plantes cachent des réelles propriétés. Cela sera à toi de te faire une idée là-dessus...
- Comment une potion peut-elle être « plus puissante » ?

Un sourire en coin apparut sur les lèvres de la jeune chamane alors qu'elle terminait de découper la laitue en un millier de morceaux verts et blancs.

- Tu viens de mettre le doigt sur l'un des problèmes qui empêchent une expérimentation scientifique sur les évolutions des catalyseurs en fonction du temps où ils sont récoltés et de la manière dont ils sont utilisés. L'effet sera plus puissant, c'est tout. Le mort-vivant sera rongé plus vite, une plus grande partie de la douleur sera inhibée, au lieux de sentir un léger désir sexuel, les vapeurs feront réagir franchement les corps... Et ainsi de suite. C'est pour cela également que l'on ne peut pas vraiment répondre à ta question précédente. La plupart des potion ne traitent jamais deux fois exactement la même chose. Deux bleus ne seront jamais identiques, ni deux patients avec le même patrimoine génétique, état mental et physique. De plus, il ne s'agit pas de comparer des valeurs mesurables comme une couleur ou une température mais des problèmes souvent plus subjectif : la faim, le désir, la douleur...

Elle se retourna et jeta trois feuilles de gui dans l'eau qui commençait à entrer en ébullition. En regardant le dos du gilet de la chaman qui était d'une seule pièce, une évidence lui sauta soudain aux yeux : si elle avait affirmé lors de son récit que tous les Gaïans avaient un tatouage ailé dans le dos, et il ne le remettait pas en cause, il n'avait pas encore vu quiconque d'autre que Aeither en arborait dans la réalité.

- Pourquoi Aeither est la seule que j'ai vu avec des ailes pour le moment ? Cela doit être un moyen de transport assez pratique dans un village aérien comme celui-ci...
- Nos tatouages sont limités dans le temps pour l'invocation et demandent beaucoup d'énergie (ce qui est la clause limitante en fait). En prime, l'invocation et la disparition des invocations apportent à chaque fois en une fraction de secondes toute la douleur qu'aurait apporté la réalisation du tatouage. À moins de devoir s'en servir quelques minutes, on évite donc de les utiliser. C'est pour cette raison que Aeither a une telle maîtrise du vol par rapport à nous.
- Cette... dépense énergétique pour maintenir ses ailes, elle la subit également ?
- On ne sait pas et comme ma petite fille ne peut pas faire de comparaison... C'est cependant fortement probable. Avec le temps, son corps a dû s'y habituer et elle a eut naturellement une endurance suffisante pour que cela passe inaperçue.

Elle se saisit de deux torchons pour se protéger les mains et retira la bassine du feu avec une force impressionnante pour son grand âge. Elle prit ensuite une longue pince de bois et entreprit de retirer avec délicatesse trois feuilles d'argent. Le résultat forçait l'admiration. Chaque nervure était représentée. Il s'agissait réellement du clone des feuilles qu'elle avait jeté une minute plus tôt.

- Comment être sûr d'avoir récupérer tout le catalyseur ?

Elle sourit et lui fit tendre la main avant de déposer une par une les feuilles. Si les deux premières étaient exactement du même poids, la troisième était beaucoup plus légère.

- Je vois.

Il sourit à son tour et les posa doucement sur la table.

- Sur ce, je ne veux pas te jeter dehors mais Aeither doit avoir terminé de se laver. Retourne donc à sa hutte voir si elle a besoin d'aide. Nous nous reverrons tout à l'heure pour le déjeuner.

Teneombre acquiesça, s'inclina légèrement pour lui présenter ses hommages et ses remerciements à sa façon puis sortit et prit calmement le chemin du retour.
*
Il trouva son chemin et Aeither coiffait ses cheveux mouillés devant une petite glace. Elle tournait le dos à la porte et ne le remarqua donc pas. Il s'appuya contre la chambranle, profitant du spectacle de ce corps enrobé dans un pantalon de cuir noir moulant et un débardeur de la même matière. Tandis qu'elle se battait contre les nœuds récalcitrant, ses ailes battaient doucement l'air. Il y avait une telle douceur et lenteur dans ce geste qu'il aurait tout aussi bien pu s'agir d'une caresse.
Elles étaient redevenues blanches, même si quelques plumes, surtout les plus proches de la peau de son dos étaient encore emmêlées dans des croûtes de sang séché.
Il s'approcha doucement de la jeune fille même si le craquement du plancher permit immédiatement à Aeither de le repérer comme le prouva le brusque arrêt du battement d'ailes.
Elle accéléra le mouvement de ses mains et il était encore à un mètre d'elle lorsqu'elle se retourna après avoir posé le peigne sur l'étagère qui soutenait le miroir. Elle dressa presque à la verticale ses appendices angéliques pour éviter de le heurter avec.
Son visage était fermé, sa peau blanche tranchant toujours autant avec ses deux tatouages noirs et ses cheveux qui, avec l'eau, étaient brun avec des reflets de feu. L'expression de ses yeux laissait cependant deviner une certaine inquiétude et peut-être même du soucis pour celui qu'elle avait embarqué dans cette vie au-delà des frontières habituellement admises du réel.

- Comment ta peau peut-elle être aussi blanche alors que tu dois passer la majeure partie de ton temps ici dehors ?

Il regretta aussitôt sa question. Une demi-heure plutôt, il la voyait pleine de sang et il ne trouvait que cela à lui demander... Pourtant, cela fit sourire la jeune fille et cela le surprit d'autant plus qu'il savait désormais à quel point c'était rare. Cela la rendait pourtant éblouissante, cette marque de joie, d'amusement et de bonheur semblait comme allumer une lumière qui rendait sa frimousse terriblement belle, ses yeux verts vivants et ses lèvres attirantes de manière totalement déraisonnable. C'était dans des moments comme celui-ci qu'il lui fallait résister contre la tentation de glisser une main derrière son cou et l'autre sur sa taille pour l'attirer contre lui et s'offrir un baiser plein de douceur, d'amour et de tendresse.
Loin de se douter du trouble de son vis-à-vis, accaparée par le sien, Aeither répondit de cette voix chaude et presque heureuse qu'elle ne réservait qu'à lui, ou plutôt que son corps ne réservait qu'à lui, sans la consulter au préalable.

- La magie de mon sang me sert de protection contre les rayons nocifs du soleil et ma peau ne sécrète donc pas de mélanine. Cela changera avec le temps si j'ai à utiliser mes pouvoirs trop souvent.
- Ok. Euh... sinon... ça va ?

Elle gloussa, amusée par sa question.

- Oui oui. J'aurai probablement quelques bleus demain mais sans une arme il risquait pas de me faire grand-chose.
*
Un gloussement ! Comment pouvait-on tomber plus bas ?! « Salut, ça c'est la vrai moi ! Ahah ! Je sais glousser mieux que n'importe quelle pouffe de base ! Hihi ! » Si il n'avait pas été là, elle se serait bien éclatée la tête contre un mur pour avoir bousillé toutes ses chances de lui plaire...
Mais Teneombre ou pas, la prochaine fois que ces pu****s d'hormones se manifestaient, il y aurait un gros boom et un trou dans le mur.

- Des bleus ? Aïe ! Il ne t'a pas fait si mal que ça quand même ?

Elle crut percevoir de l'inquiétude dans sa voix et son cœur eut quelques ratés avant qu'elle ne se raisonne : il était juste poli et faisait la conversation. Un garçon si droit, juste et intelligent n'avait probablement rien d'autre à offrir qu'un peu d'amitié et de pitié à un monstre, handicapée en prime, comme elle...

- Non non. Ne t'inquiète pas, c'est rien. Nous avons un meilleur métabolisme et demain matin, tout sera à nouveau en état de marche.

Elle sourit mais une petite voix dans son esprit corrigea avec amertume : ''presque tout''. Elle inspira un bon coup pour reprendre le contrôle de son corps et clarifier son esprit.

- Bon, on fait nos devoirs ?
*
Et voilà ! Existe-t-il quelque chose de plus stupide à faire que d'insulter et de croire faible la meilleure guerrière de la tribu en s'inquiétant pour des bleus ?! Non mais franchement... des bleus !! Non non, inutile de répondre, merci... Triple idiot...
Il fit le deuil de la moindre chance de connaître la douceur des lèvres de la Gaïanne et acquiesça sans conviction.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Sep - 13:24

Chapitre 8
Duel


Le soleil n'était plus qu'un lointain souvenir et la lune brillait, haute et forte, dans la nuit. L'air était juste frais, la magie régnant dans ces bois contribuant à augmenter la vague de douceur qui frappait la France en ce début de printemps. Il devait être près de minuit, dimanche soir, et pourtant l'activité de la tribu battait son plein.
Enfin, aurait dû, parce que pour le moment, il n'y avait que deux gaïans en mouvement. Teneombre et les autres préféraient regarder le spectacle du haut des nombreuses passerelles qui faisaient le tour de la place en la surplombant.
Le cliquetis du métal frappant le métal dominait largement le bruit des rares conversations et le fond sonore de la nuit.
C'était le dernier duel de Aeither avant les prochaines vacances puisque dans deux heures, ils seraient sur les routes avec ses parents pour remonter dans le nord et attaquer au matin, sans la moindre heure de sommeil, la rentrée.
Apparemment, la jeune fille tenait à profiter de cet instant. Il avait assisté à tous ses combats d’entraînement, frémissant et applaudissant, mais jamais elle n'avait été aussi gracieuse, virevoltant, multipliant les acrobaties. Son adversaire, pourtant un jeune homme de probablement au moins sept ans son aîné, ne pouvait rien faire d'autre que subir. Dans les airs, elle le battait à plate couture et quand il se décida à la combattre au sol, il ne put rien faire d'autre que de parer in-extremis ses attaques puisque l'adolescente se servait de ses ailes pour surgir de n'importe où.
Finalement, une entaille rouge apparut sur sa joue et la pointe de la lame de la jeune fille se posa sur sa gorge, sous les applaudissement de la foule.
Aeither tourna la tête vers son camarade et attendit. On lui avait bien expliqué son rôle et dès que le silence, relatif, revient, il parla d'une voix haute et claire :

- Offense lavée.

Elle acquiesça avec un discret sourire que personne ne manqua de remarquer, rangea son arme et décolla d'un unique et puissant battement d'ailes. Exprimant ainsi une nouvelle fois sa supériorité.
*
En fait, le duel différait un peu des précédents puisqu'il était ici un combat visant à arbitrer un léger différent.
La veille, alors qu'il regagnait la hutte de son amie après une longue nuit à préparer des potions sous l’œil de la tyrannique chaman, Teneombre avait été pris à parti par l'adversaire de Aeither qui avait osé lui dire tout haut ce que beaucoup pensait tout bas dans son dos. Par chance pour le lycéen, Dana -la grand-mère de la jeune fille- s'était doutée qu'une chose de ce genre finirait par arriver et elle lui avait fait connaître toutes les lois qui régissaient la vie des tribus.
Il n'avait donc pas répondu à l'insulte, ce qui aurait permis au guerrier de tirer ses armes sur le champs mais il avait réclamé, prenant les passant à témoin, que l'offense soit lavée. La possibilité d'un duel publique avait semblé plaire au Gaïan qui avait eut un sourire mauvais, juste avant que Teneombre ne mette en application une autre loi ancestrale :

- Et en temps que fabricant de potion, il est de mon droit de choisir celui qui lavera cette offense. Je serrais honoré que Aeither Ga'Ïan, fille de la licorne et du feu, accepte cette charge.

Là, il avait blanchi. Si il est possible à un combattant d'accepter de remplacer un fabricant, il ne faisait de doute pour personne que la fille du chef, qui avait invité l'humain, se ferait un plaisir d'accepter.
La situation était encore pire puisqu'en prouvant sa connaissance des lois et en montrant clairement qui l'appuyait, il avait grandement réduit l'effectif de ceux qui refusait de lui accorder la moindre chance.
*
- Joli duel.
- Cela t'étonne encore ?

Teneombre s'écarta pour permettre à Aeither d'atterrir sur la passerelle et fit une grimace en répondant :

- À vrai dire, pas vraiment. Je me demande comment tu fais pour seulement supporter d'avoir Arthur dans tes pattes dès que tu quittes ce territoire.

Elle haussa les épaules, un peu désabusée :

- Je n'ai pas trop le choix.

Elle laissa planer quelques secondes de silence avant de continuer sur un ton clairement plus joyeux, presque espiègle :

- Et puis cela à quelques avantages...
- Ah ? J'ignorais que tu appréciais autant sa présence.

Le lycéen fut surpris par la colère qui perçait dans sa propre voix.

- Oh, ce n'est pas que je l'apprécie plus que cela mais bon, il fait tout de même partie de la courte liste d'humains que je serrais prête à défendre.
- Courte comment ?
- Comme trois noms.

Elle se renfrogna. À l'instant même où elle avait prononcé cette dernière phrase, elle s'était rendue compte qu'elle était fausse. L'Aeither de six mois plus tôt aurait dit l'entière vérité mais fréquenter Teneombre et les sentiments qu'elle nourrissait au sein de son cœur l'avait changée et fait renaître ce gène ancestral qui la poussait, du fond d'elle-même, à se battre pour protéger l'héritage de sa déesse.

- Bah, on le revoit dans quelques heures... Quels avantages au fait ?

Il y a eut un blanc et croyant comprendre ce que cela signifiait, Teneombre lui tourna le dos et fit deux pas en direction de la hutte de la jeune fille, remarquant au passage que si les villageois étaient retournés à leur activité, la plupart était restée, visiblement intéressés par ce qui se passait sur cette passerelle. Il aurait dû s'en offusquer mais dans un village où personne n'avait d'intimité, cela n'avait rien d'étonnant. Les Gaïans étaient issus d'un autre temps, avec d'autres mœurs et il avait surpris plusieurs couples dans des situations gênantes dans des lieux très fréquentés sans que cela ne gène personne d'autre que lui. Après tout, avant les religions modernes, le sexe n'avait-il pas le droit à son propre dieux ? Alors qu'est-ce qu'une simple conversation lorsque même l'amour se fait en public...
Il n'alla cependant pas plus loin, ni dans ses réflexions, ni dans la direction qu'il venait d'emprunter. La réponse d'Aeither lui faisant même rater quelques battements cardiaques :

- Toi. Je pense que tu es le principal avantage à cette protection...

Il se retourna lentement. Elle lui tournait le dos, l'empêchant de voir son expression mais lui laissant admirer à loisir l'ombre des flammes qui jouait avec ses cheveux de feu et sur ses ailes immaculées.

- Je remercie très très rarement Gaïa pour ce qui m'est arrivé pourtant je dois avouer que c'est agréable de t'avoir connu, ce qui ne serrait pas arrivé sans ce handicap et la protection d'Arthur.

Il eut un nouveau silence, plus léger cette fois.

- En fait, je crois que je suis la dernière à savoir réellement ce qui m'arrive. C'était tellement évident quand on y pense. J'invite un humain, je le fais entrer dans ma hutte -tu es le premier garçon à le faire- et je le fais même dormir dans mon lit. Je devais être vraiment stupide pour ne pas savoir pourquoi je faisais ça...
- Tu... tu veux dire...

Il avait du mal à comprendre réellement ce qu'elle voulait dire. Il avait si peur de mal interpréter et de les mettre dans une vilaine situation.
Immobile, il la regarda se retourner lentement, son visage élégant rougi par la gène. Elle s'avança, effaçant l'espace qui les séparait encore, leur deux corps se frôlant désormais. Les ailes s'enroulèrent doucement afin de former comme un cocon protecteur autour d'eux.

- Je veux dire ça.
*
Si sa voix assurait encore, Aeither savait cependant que c'était pour une courte durée. Elle voulait être fixée et passa donc à l'acte. Elle approcha ses lèvres de celles du jeune homme, ferma les yeux et attendit...
À peine une demi seconde.
Ensuite, elle sentit le doux contact d'un baiser. Son premier. Deux mains se glissèrent avec une maladresse pleine de tendresse le long de ses flans, lui arrachant des frissons et une sensation inconnue.
Cela ne dura pas longtemps. À peine une dizaine de secondes qui paraissaient à la fois autant d'années et à peine un instant. Lorsqu'elle y mit fin en douceur, elle ne put s'empêcher d'éclater de rires, à la surprise générale. C'était le seul moyen à sa disposition pour laisser s'échapper ce bonheur qui menaçait de la submerger. Ses ailes s'étendirent en giflant l'air et à l'aide d'un puissant saut, elle décolla.

- Dana veut te voir. On se retrouve dans une heure à ma hutte.

Ne dissimulant rien de cet immense sourire qui lui barrait la figure et ignorant la douleur que cela provoquait dans les muscles de ses joues, elle s'élança dans une série d’acrobaties aériennes toutes plus folles les unes que les autres, ivre de joie comme elle ne l'avait jamais été de toute sa vie.
*
Teneombre lui-même avait ce sourire idiot sur les lèvres. Il n'avait pas bougé depuis qu'elle était partie, savourant et revivant sans cesse le souvenir de ce baiser, cette douceur pleine d'amour et de tendresse. Il ne faudrait pas grand chose pour que la jeune combattante devienne une drogue pour lui, si elle ne l'était pas déjà.
Ignorant le fait que les villageois qui avaient assisté à la scène le dévisageait avec incrédulité, il finit par prendre la direction de la hutte de la chaman, bercé par la musique d'un rire angélique.
La vieille dame, sans surprise, était encore debout. À dire vrai, depuis son arrivée, il ne l'avait jamais vu dormir malgré le fait qu'il soit venu dans la hutte encombrée à toute heure du jour et de la nuit. La plupart des villageois allait se coucher vers trois heures du matin et se levait vers dix ou onze heure. Mais pas la chaman. Une rumeur disait qu'elle ne dormait qu'une fois par an, ses potions lui épargnant cette peine le reste du temps et il devait avouer qu'il commençait à y croire.

- Ah ! Te voilà.

Elle redressa la tête et le regarda avec un sourire qui en bougeant sa peau ridée sembla donner vie à ses tatouages. Elle se saisit d'une tige de menthe fraîche, arracha quelques feuilles qu'elle jeta dans un pot. Aussitôt, Teneombre ressentit une tension naître dans l'air, signe que la potion qu'elle préparait était prête et qu'il ne manquait plus que l'activateur.
Dana avait été surprise quand il lui avait parlé de ce phénomène la première fois. En effet, si tout le monde pouvait préparer des potions de bases (aux effets souvent infime) car chaque être vivant avant un soupçon de magie dans les veines, seuls ceux qui avaient des capacités magiques pouvaient sentir cette dernière se contracter lors d'une fabrication de potions ou l'utilisation d'un sort.
Elle avait d'abord hésité puis, en se disant qu'un bon sorcier pouvait être utile à sa petite-fille, elle avait décidé de lui apporter une vrai formation dans son art.

- Je t'ai demandé de venir car j'ai quelques choses pour toi.

Elle préleva une partie du liquide encore bouillant puis le déversa dans un verre qu'elle déposa de l'autre côté de la table, en face de lui. Elle se détourna ensuite et rassembla divers ustensiles de chimie.

- Comment va Aeither ?

Teneombre se crispa aussitôt. Certes, presque tout le village était désormais au courant mais aucun membre de la famille de la lycéenne n'était présent lors du combat et de la scène qui lui avait succédé.

- Très bien.
- Ah ?!

La vielle femme semblait réellement surprise et elle cessa un instant son activité pour le dévisager.

- C'est surprenant... En général, elle est au trente-sixième dessous quelques heures avant de partir. La dissimulation de ses ailes est une véritable torture.
- Et vous ne pouvez rien faire pour l’anesthésier ou un truc du genre ?
- Les potions anti-douleur n'ont pas d'effet sur les ailes. Il faut utiliser une sorte de gel qui nécessite l’ajout immédiat de l'activateur lors de la fabrication. Non seulement, cela coûterait une fortune en minerai d'argent mais en plus, au bout d'une vingtaine d'heures, l'effet cesserait et il n'est pas possible de faire des réserves... Elle souffrira de toute façon, c'est inévitable, alors autant qu'elle puisse s'habituer dès le départ.
- Aeither a forcement de la magie dans le sang et elle doit donc être capable de faire ce gel non ?
- Comme tu as pu le remarquer dans l'évolution de ce que je t'ai dit au cours de ces deux semaines, je t'ai simplifié la présentation des choses. Il y a différentes sortes de magie et la mienne est plutôt rare (ou présente en infime quantité dans le reste de l'humanité). La plus courante dans nos tribus est la magie des guerriers (tout aussi infime par contre chez les humains). C'est celle qu'a Aeither et elle ne lui permet pas de faire la moindre potion assez puissante. Il faut pour cela la magie des alchimistes -même si nous ne cherchons aucunement à changer le plomb en or-.
- Mais je sens la formation des potions, je l'ai donc, moi, cette magie non ?

Il y eut une seconde de silence avant que la chamane ne s'exclame :

- Mais oui ! Bon sang ! J'aurais dû y penser plus tôt ! Je t'avais appelé pour te donner du matériel et un livre de recettes et je n'ai même pas pensé à ça !
- Le gel est difficile à préparer ?
- Non, c'est même assez rapide si l'on fragmente sa fabrication. Avec les ingrédients ainsi presque déjà prêt, tu n'en as pas pour plus de trente minutes.
- C'est dangereux pour elle ?
- Non. Le gel se contente de plafonner la douleur circulant dans les nerfs proches à celle d'une bonne courbature. C'est déjà très douloureux mais pour Aeither, c'est l'idéal. Cela évitera qu'elle ne fasse un faux-mouvement.

Elle se précipita -enfin, tout est relatif bien sûr- vers un grimoire couvert de plantes séchées qu'elle éparpilla d'un revers de main. Elle le feuilleta quelques secondes puis parcourut une page de l'index en marmonnant.

- En fait, non. Ce n'est pas si simple. Surtout si l'on part des produits bruts. J'ai des ingrédients déjà prêts sous la main donc cela ira pour cette fois. Cependant, je crois qu'il sera plus simple que je t'envoie régulièrement les produits nécessaires. Cela évitera que tes parents se posent trop de questions.

Il hocha la tête. Ses parents ne poseraient aucun soucis à ce niveau là mais il est vrai que lui, il devait dormir et qu'il n'y avait pas tant de temps que cela entre la fin des cours et le début de la nuit.

- Gélatine, feuilles de pavot et menthe. Jusque là, ça va. Encore qu'il vaudrait mieux que les colis ne soient pas interceptés. Oui, il vaut mieux que je te fasse parvenir le gel en kit et tu le réaliseras toi-même. Il ne sera pas au top de sa puissance puisque influencé par deux magies différentes mais cela devrait suffire.

Elle commença à rassembler diverses plantes séchées puis lui tendit une petite marmite de cuivre :

- Au travail, c'est toi qui doit faire le gel.

Il acquiesça et suivit les instructions de la chaman.
*
Sa montre affichait deux heures et demi. Leurs sacs de voyage étaient prêts, leurs devoir faits -depuis longtemps bien sûr- et le livre de Dana côtoyait désormais celui d'Histoire et de Mathématiques. Bref, tout était prêt pour le départ. Sauf les ailes de Aeither...

- Bon, si tu es prêt, nous allons pouvoir y aller...
- Tu ne t'occupes pas de tes ailes ?

Son visage s'assombrit, si c'était encore possible :

- Pas ici, c'est mon sanctuaire.

Ils n'avaient pas reparlé du baiser. La jeune fille était revenue de son vol complètement fermée et évitait tout contact avec l'adolescent. Ce dernier n'avait pas insisté, sachant grâce à la chamane que cet état était plutôt normal.

- J'ai fabriqué un gel anti-douleur. Cela ne fera que la limiter mais je voudrais pouvoir t'aider ainsi. L'acceptes-tu ?

Elle s'arrêta alors qu'elle s’apprêtait à sortir :

- Pardon ? Je... Dana a toujours dit que ces gels seraient une mauvaise idée...
- Sauf si l'on peut t'en offrir régulièrement, sans qu'il n'y ait de rupture dans son application. Je rends tout ceci possible et je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour t'éviter cette peine.

Elle n'hésita pas longtemps avant de prendre sa décision. Il était même surprenant qu'elle n'ait pas donné sa réponse sans la moindre réflexion. Elle n'avait rien à perdre et tout à gagner.

- Je dois l'étaler où ?
- Il agit sur les nerfs qui passent à proximité. Il faudrait donc que tu en couvres la base de tes ailes.
- Alors nous avons un problème.

L'adolescent fut visiblement surpris mais son amie prit tout de même le temps pour formuler sa réponse :

- Je sais que mon peuple considère que faire l'amour n'a rien de honteux et que nous passons plus rapidement que les humains à l'acte mais tout de même.

Le trait d'humour tomba, sans surprise, dans le vide et elle se résigna à lui parler de certains aspects des ailes qui n'avaient aucun rapport avec le vol.

- Nos ailes sont truffées de capteurs sensitifs pour nous permettre de capter le moindre souffle d'air en vol et en tirer parti. De ce fait, elles sont extrêmement sensibles. Le seul autre organe a avoir plus de capteurs en rapport avec sa surface se trouve chez la femme et est entre les jambes, tu n'as pas besoin d'un dessin pour deviner ce que représente le fait de toucher une aile...

Teneombre avait viré au rouge pivoine en comprenant ce qu'il avait proposé : ni plus ni moins qu'un acte qui n'entre que dans les préliminaires.

- Euh... Oublie le gel alors...
- Non.

Elle soupira et sourit.

- Je voulais juste que tu saches ce que cela va me faire et que tu n'en profiteras pas, même si mon corps voudra le contraire.

Toujours aussi rouge, il leva les mains en signe de défense :

- Aucun risque !

Ouille, ça, cela faisait vraiment mal. Elle s'était toujours pensée belle et désirable, enfin depuis la puberté du moins et en oubliant ses ailes. Mais Teneombre n'était visiblement pas du même avis... Il ne l'avait probablement embrassé que pour la fierté d'avoir su la dompter, elle, le chat sauvage, la brisée, l'anormale, le monstre... Il s'était bien moqué d'elle...

- Attends ! Ce n'est pas ce que je voulais dire !

Son visage était un masque et elle savait qu'il n'avait donc pas pu deviner à quel point il l'avait blessée. Elle était une battante et elle ne se laisserait pas abattre par un bête cœur brisé... Au contraire, c'était une bonne leçon : ne jamais faire confiance à un homme et encore moins à un humain et toujours, toujours, garder ses défenses dressées haut vers le ciel ! Elle les tuerait tous dès qu'elle aurait grimpé dans les échelons des Gaïans : il était temps que la Terre respire à nouveau et si au passage, elle était vengée, tant mieux. En attendant, elle devait se concentrer sur le présent.
Elle rassembla sa chevelure de feu qui commençait à être longue et la fit passer devant avant d'enlever son t-shirt en tournant le dos à celui qui l'avait brisée une seconde fois avec seulement deux mots.

- Fais ton boulot.

Pas une once d'émotion. Elle pouvait être fière d'elle. Il était temps que son corps arrête de la dominer.
Elle le fut un peu moins lorsque les mains de son ancien petit ami lui arrachèrent des frisons de plaisir. Elle faillit même maudire son corps lorsque la tiédeur du gel lui contracta le bas-vendre. Sa torture dura cinq bonnes minutes puis elle cessa enfin.

- Tu as besoin d'aide pour tes bandages ?

La voix du jeune homme était douce, comme si il en avait quelque chose à faire, alors elle n'eut aucun scrupule à lui mentir même si l'opération serait beaucoup plus douloureuses... Non qu'elle ne l'aurait pas été de toute façon.

- Non, attends-moi en bas.

Elle l'entendit hésiter mais par chance, pour lui, il se décida à obéir en silence. Une fois que la corde cessa de grincer, l'informant que Teneombre se trouvait en bas, elle s'autorisa à bouger, serrant les dents par anticipation. À cause de lui, elle allait profaner son sanctuaire...
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeJeu 27 Sep - 22:13

Chapitre 9
Camille


Il était tôt au petit matin lorsque les deux motos s’arrêtèrent devant le lycée. Il faut dire qu'ils avaient prévu de la marge pour une éventuelle panne mais même en ralentissant sur la fin, ils avaient une bonne demi-heure avant que les cours ne commencent et avec la rentrée, presque autant avant de voir arriver les élèves. Ils déambulèrent en silence dans les couloirs déserts, marchant lentement vers leur salle afin d'épargner les ailes de la jeune fille.
Aeither profitait pleinement du gel et si elle était toujours aussi limitée dans ses mouvements, la douleur avait fortement diminuée. Oh, bien sûr, elle souffrait, mais elle n'avait plus l'impression que l'on tentait de faire sortir les os de leur carcan de muscles. Elle mettait à profit ce répit pour réfléchir à ce qui s'était passé plus tôt dans la nuit, chez elle. Et plus elle allait de l'avant, plus il devenait évident, même pour elle, qu'elle avait fait royalement fausse route.
Teneombre était un humain et son espèce avait un rapport avec le côté physique d'une relation assez détraqué depuis près d'un millénaire et demi. Les mœurs avaient beau se libérer, son petit ami était quand même formaté pour attendre plusieurs semaines voir mois avant de passer à la vitesse supérieure. Était-il donc normal qu'il est tenté de la rassurer avec son ''aucun risque'' ? Cela signifiait peut-être tout simplement qu'il était quelqu'un de bien et qu'il ne profiterait pas de la situation et non qu'il ne la désirait pas comme elle l'avait cru.
Bon, oui, elle s'était plantée. Et en beauté...
Le problème qui en découlait se résumait en une simple question : comment rétablir la situation ? Des excuses auraient été appropriées mais ce n'était vraiment pas son genre. Elle était une guerrière et elle n'allait tout de même pas s'excuser parce qu'elle n'avait jamais eu de petit ami et qu'elle n'y connaissait pas grand chose pour tout ce qui concernait les relations sociales humaines en générales. Surtout que même si c'était par ignorance, c'était Teneombre le fautif. La vérité était là. C'était non négociable.
Elle opta pour un compromis. Il suffirait d'un geste de sa part pour qu'il lui pardonne, et surtout, qu'il comprenne qu'elle ne lui en voulait plus. Après tout, normalement, les sentiments au début d'une relation sont suffisamment forts et confus pour permettre quelques erreurs.
Elle sortit sa main gauche de sous sa cape et saisit celle de droite de Teneombre qui marchait à ses côtés, perdu dans ses pensées. Il s'arrêta et la regarda, surpris avant de lui faire un sourire qui accéléra le rythme de son cœur.
Elle se tourna vers lui et il avança d'un pas, comblant l'écart qui les séparait. Il leva sa main libre et repoussa sa capuche qui couvrait le visage de la jeune fille, la surprenant. Elle n'eut cependant pas le temps de s'attarder sur ce geste puisque quelques instants plus tard, leurs lèvres se rejoignaient avec bonheur. Les mains du lycéen se posèrent, pleine de douceur, sur les hanches laissaient nues par le tee-shirt trop court de sa petite amie. Cette dernière passa ses bras autour de son cou et savoura la réconciliation en se disant que si son corps appréciait autant cette instant, elle pouvait définitivement faire un trait sur son bonheur de célibataire. Sa présence près d'elle lui était devenu en quelques heures indispensable.
Ils restèrent là, à quelques mètres de leur salle, dans les bras de l'un et l'autre, pendant de longues minutes, oublieux même du temps. Si bien que lorsque la voix moqueuse retentit, non loin, ils faillirent faire un bond de frayeur :

- Et bien ! On dirait que les vacances ont profité à certains !

Il y eut un petit moment de silence durant lequel Arthur détailla celle dont il assurait la protection :

- Dis donc, tu as tiré le gros lot Ten. Aeither, tu as un visage magnifique.

Elle prit une belle teinte rouge et les deux garçons éclatèrent de rire. Le blond serra contre lui Camille et alla rejoindre ses deux amis.

- Faudra que vous me racontiez ça.
- Pourquoi pas, mais ce n'est pas vraiment passionnant... Par contre, toi, tu dois en avoir des choses à raconter...
- Tu n'imagines même pas. J'adore voyager ! Chaque pays visité est comme un nouveau monde. Tu verrais ce que l'on a vu, c'était tout simplement extraordinaire ! On a visité ce qu'ils appellent le Rocher du Lion où se dressait jadis le palais d'un prince qui avait usurpé le trône. Imagine un rocher circulaire avec des falaises à pic de près de deux cents mètres que l'on grimpe sur des escaliers qui côtoient le vide. Plus tu t'élèves, plus le paysage se révèle : des arbres à perte de vue d'où émerge certains plans d'eau. Le vent qui souffle, soulageant la chaleur. Et toi, tu es dressé là, un pied sur un muret de pierres, dominant tout cela. Pour un peu, tu imagines des batailles légendaires avec d'immenses créatures ailées et peut-être même des anges. Ailes blanches sur fond vert, éclair d'acier dans les cieux. Si un écrivain pouvait vivre là, à mi-hauteur, protégé par ce rocher, je crois qu'il ne verrait jamais son inspiration se tarir. Par contre, ce pays pullule vraiment de moustique et au vu des comptes actuels, je peux te dire que mon sang est bien plus appétissant que celui de Camille. Elle n'a jamais été piquée durant toutes ces nuits alors que personnellement, j'ai arrêté de compter à cent... Si tu dois aller un jour là-bas, embarque un stock de sprays anti-moustiques... Oh ! Et tu n'imagines même pas...

Aeither n'essaya pas de suivre plus loin le discours surexcité du jeune agent de la SPA. Elle rabattit sa capuche sur sa tête et se détacha de Teneombre au cas où d'autres élèves arriveraient vraiment en avance. Pendant que le blond parlait de vagues de près de deux mètres, elle observa à la dérobée les deux tourtereaux. Camille semblait plus sereine et Arthur plus sûr de ses sentiments. Ils étaient indéniablement plus proches l'un de l'autre et il semblait évident pour une observatrice comme elle qu'ils avaient franchi l'étape ultime. Le pas et le maintien de la jeune fille était indéniablement plus ''adulte''. Cela avait probablement été sa première fois. Elle songea, amusée, qu'au rythme où le jeune homme était parti, cela serait probablement le seul passage de ces deux semaines qui ne serait connu que des deux amoureux, si on excepte l'éventuel personnel de chambre qui avait dû changer les draps.
L'arrivée du professeur eut du mal à interrompre le récit d'un safari dans d'improbables pistes noyées dans la boue et dès que la sonnerie annonça la fin du cours, les deux garçons s'évadèrent pour une balade à dos d'éléphants sous un soleil de plomb. Camille n'avait toujours pas dit un mot et se contentait de tenir la main de son petit ami avec un discret sourire devant son émerveillement enfantin. Aeither n'avait jamais réellement concentré son attention sur elle mais elle y était forcée désormais, privée de la compagnie de son garde et de son petit ami. Et elle était surprise.
La blonde était loin de l'image qu'elle s'était forgée des adolescentes humaines. Elle était sereine et sûre d'elle. Elle savait visiblement être patiente et avait conscience de tout ce qui se passait autour d'elle. Née Gaïanne, elle aurait fait une éclaireuse ou une garde hors pair. Oui, finalement, sa grand-mère n'avait pas tout à fait tord en disant que les humains étaient plus forts que ce que cachait la masse informe de leur foule.

- Alors comme ça, tu sors avec Teneombre ?

Surprise, la guerrière prit tout de même la peine de répondre à cette question qui n'en était pas vraiment une.

- Oui, depuis hier.
- Oh, c'est vraiment récent alors.

Il y eut un petit moment de silence pendant lequel elles regardèrent toutes les deux les garçons qui avançaient seuls, quelques mètres devant, entièrement absorbés dans leur récit. Finalement, Camille reprit.

- Tu sais, Ten est quelqu'un de bien. Mais assez peu de filles le remarque alors je suis contente que tu sois là. Il a par contre besoin de se sentir aimer... Ne pas avoir de petite amie l'a toujours un peu déprimé. J'espère que tu en as conscience et que tu ne joues pas avec lui.

Sous sa capuche, Aeither sourit à la menace :

- Sinon ?
- Sinon, je te ferai regretter de l'avoir blessé...
- Oh, tu frapperais une bossue qui souffre à longueur de journée...

En temps normal, elle n'aurait pas avoué ses faiblesses mais elle voulait savoir jusqu'où la lycéenne était prête à aller.

- Tu as peut-être l'apparence d'une bossue et tu souffres vraiment mais cela va au delà. Tu nous caches quelque-chose. C'est pour cela que je te mets en garde.
- Ah ?
- Ne fait pas l'innocente. Une infirme ne peut pas briser les doigts de quelqu'un d'un simple coup de poing. Il ne récupérera jamais l'usage de sa main et tu ne t'es même pas blessée...

Éclaireuse... Ça, c'était sûr. De plus, c'était une sportive et il ne serait pas dur de la former. Par contre, son sens de l'observation était pour le moment dangereux. Elle n'avait pas le temps de consulter le conseil de la tribu. De toute façon, elle était la future chef et ils étaient dans cette situation par leur faute.

- Oui, je cache un secret, mais les garçons sont au courant. Avant de t'indigner, oui, ton amant te cache des choses. Pas qu'il ait le choix de toute façon. Je peux te mettre dans la confidence, tu me sembles digne de confiance et il ne faudrait pas que tu étales tes remarques au grand jour... Avant de jubiler, sache cependant que si tu répètes un seul mot de ce que tu as vu, va entendre ou verra, tu es morte. Oui, c'est une véritable menace de mort et tu veux vraiment garder cela pour toi.

Elle avait poussé discrètement la blonde dans un couloir désert, faisant fi de la douleur que ces gestes avaient provoquée. Elle invoqua l'une de ses dagues et en appuya la pointe contre le ventre de Camille dont le teint vira au blanc malgré les couleurs que lui avaient donnée le soleil.

- Co... Co... D'accord !

Sa voix tremblait.

- Qu'est-ce qui se passe ?

C'était la voix d'Arthur. Les garçons avaient fait demi-tour en voyant que les filles ne les suivaient plus. Le blond blêmit en voyant dans quelle situation ils se trouvaient.

- Nous papotons... Bien. Alors ce soir, ton petit ami t'amènera chez moi. Pas un mot à personne. Si tu parles tu es morte, ainsi que chacun de tes interlocuteurs. Si l'on doit rayer la ville de la carte, cela ne nous dérange nullement. Compris ?

Elle hocha la tête, le reste de son corps pétrifié par la simple pression de l'arme contre son ventre.

- Bien. Bubu va t'accompagner toute la journée pour te surveiller. Petit mais méchant alors tiens-toi à carreau et tache de te conduire normalement. Bubu !

Elle éloigna sa main droite de la lycéenne qui vit la dague disparaître, absorbée par le corps de la guerrière. Quelques secondes plus tard, elle tenait au creux de sa paume un dragon qui ne devait pas dépasser les cinq centimètres. Ce dernier changea presque immédiatement de perchoir, sautant sur l'épaule de Camille avant de se faufiler dans le col du t-shirt qu'elle portait. Ils purent tous les trois suivre la bosse qui se déplaça jusqu'à la poitrine avant de ne plus bouger, se confondant avec les formes naturelles.
La blonde était à la limite de l'évanouissement.

- Bien. Bubu, tache de ne pas l'encombrer mais si elle parle, vas-y par petites bouchées.

Les trois autres adolescents comprirent le sens de ces paroles.
*
Il devait être huit heures du soir lorsque l'on sonna à la porte de l'appartement de la jeune Gaïan. Teneombre jeta le dernier ingrédient du gel dans le pot de réaction et mélangea rapidement avant d'aller ouvrir aux visiteurs. Il s'attendait à leur visite plus tôt dans la soirée si bien qu'Aeither avait fini par aller faire une petite sieste. Même le pain de sa grand-mère apportait difficilement assez d'énergie pour tenir une journée entière debout.
Il aurait aimé la rejoindre mais il avait dû préparer le gel pour le lendemain matin, le matériel ayant finalement été livré chez la guerrière pour des raisons de discrétion. Même si cela l'obligeait à ne rentrer que tard le soir chez lui désormais, en plus de se lever plus tôt le matin afin d'aider la lycéenne à mettre le gel sur ses ailes.
Il fit entrer le couple sans un mot et retourna à sa tache. Ses deux amis avancèrent de quelques pas dans le salon puis restèrent là, en silence, les bras d'Arthur entourant la taille de sa compagne pour la rassurer. Il s'écoula quelques minutes emplies de gène avant que l'agent ne parle :

- Où est Aeither ?
- Elle se repose. On est debout depuis plus de vingt-quatre heures et même la potion de sa grand-mère ne suffit pas. Je ne sais pas comment je fais pour être encore en état de marche. Je vais la réveiller dès que j'ai terminé le gel.
- Tu fais de l'alchimie maintenant ?
- Oui. Dana m'a donné quelques cours alors on en profite pour essayer de diminuer sa douleur.
- Cela doit être horrible pour elle...
- Oui, il semblerait. Mais bon, d'après les rumeurs, elle a tué presque tous ceux qui lui ont fait ça et le seul qui en a réchappé n'a plus que sa tête en état de marche...
- Ah oui ! Quand même...

Il y eut un autre silence puis Teneombre tenta d'aider un peu Camille :

- Bubu. Tu as accompli ta tâche, va donc rejoindre ta maîtresse. Elle dort dans sa chambre.

À sa grande surprise, ce dernier obtempéra sous l'œil vigilant de Douleur qui dès que le dragon eut disparu, se dirigea vers le couple d'invités, venant se frotter contre leur jambe en ronronnant.
Les trois lycéens attendirent avec patience la fin de la fabrication du gel. Finalement le brun se saisit du pot de terre cuite avec une paire de pinces en acier et le posa sur le plan de travail pour le laisser refroidir puis il coupa le feu.

- Ne bougez pas, je vais la réveiller.

Il sortit de la pièce et gagna la chambre de son ange. Elle dormait sur le ventre, ses ailes étalées en travers du lit. Son visage, posé sur un oreiller et tourné vers lui semblait apaisé. Le masque ''sans émotion'' ne survivait pas à Morphée. Ses traits étaient détendues et l'on sentait qu'elle était en paix, où qu'elle soit. Il l'aurait volontiers laissée là-bas mais le problème de Camille avait suffisamment attendu et la blonde était une amie d'enfance. Elle pourrait reprendre une nuit, sans interruption cette fois, lorsque l'affaire serait réglée.
Elle ouvrit les yeux dès qu'il approcha sa main de son épaule. Il aurait sursauté face à ce signe évident d'alerte permanente du corps si il n'avait pas déjà eu l'occasion de s'y habituer.

- Camille et Arthur sont là.

Elle se redressa en trois battements d'ailes et la scène, il devait bien l'avouer, était surprenante de puissance, même pour lui qui la côtoyait ''libre'' depuis deux semaines.
Il passa devant et ne put que voir les yeux qui s'arrondirent en d'immenses soucoupes lorsque la blonde aperçut réellement Aeither. Était-ce ses ailes ou la différence entre l'élève usée par la vie et la gracieuse guerrière qui se tenait désormais à sa place ? Il aurait été bien incapable de le dire. Il est vrai que le fait qu'une telle créature endure un supplice chaque jour et même qu'elle aille tout simplement en cours comme n'importe quelle adolescente était un peu choquant.
Elle se comporta cependant comme une hôte parfaite en les invitant à s’asseoir au comptoir qui séparait cuisine et salon. Elle leur proposa ensuite des rafraîchissements, oubliant que même si Camille n'avait pas été fascinée par ses ailes, elle aurait probablement été indisposée par la menace de mort qui planait au-dessus de sa tête depuis ce matin.
Finalement, quand la rousse eut les idées bien réveillées, elle s'assit à son tour et entra dans le vif du sujet. Elle fit signer des papiers de confidentialité à la lycéenne, lui expliqua par le menu détail la manière dont elle serait traquée et tuée si elle revenait sur sa parole puis lui raconta enfin son histoire.
Il était onze heures du soir lorsque Teneombre put enfin s'allonger dans son lit. Tant de choses avaient changé depuis la dernière fois que son corps avait reposé là...
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeDim 14 Oct - 13:12

Je tiens à préciser que c'est ce chapitre qui justifie le rating -16 de l'histoire.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Déc - 10:53

Chapitre 11
Prophétie


Le milieu du mois de juin était arrivé. Depuis des semaines, les professeurs leur rappelaient l’imminence du baccalauréat et il était enfin là. Ce jeudi était pluvieux, comme l'humeur des lycéens qui allaient se pencher sur l'épreuve du loto (comprendre la philosophie puisqu'il est prouvé que les notes diffèrent du quitte au double en fonction du correcteur).
Les épreuves se déroulaient depuis trois heures. Afin d'éviter une quelconque triche organisée, les surveillants avaient, au dernier moment, réorganisé les places si bien que les quatre inséparables étaient assez proches les uns des autres. Ils avaient tous terminé et se tournaient donc les pouces. Aeither jouait discrètement à changer la position et la taille des ses tatouage sur ses hanches. Teneombre bataillait depuis une heure et demi avec les mots dans l'espoir, probablement vain, d'écrire un beau poème pour sa belle. Camille, quant à elle, dessinait sur son brouillon une ange guerrière que l'on aurait dit sortie des légendes gaïannes que la bossue leur racontait parfois. Arthur, enfin, surveillait du coin de l'œil la salle, profitant de l'absence de sa petite amie pour se concentrer sur sa mission.
Ce fut lui qui réagit le premier lorsque la porte de l'immense salle fut ouverte d'un violent coup de pied, fracassant le mécanisme de la poignée qui vola sur quelques mètres dans une explosion de morceau de bois. Une demi seconde plus tard, les trois surveillants étaient touchés par des fléchettes. Une seconde de plus et ils s’effondraient sans un mot. Dans le même temps, l'agent de la SPA se jeta devant la Gaïanne et prit l'un des projectiles à sa place. Il tomba également. Cinq silhouettes dissimulées sous des capes noires franchirent l'ouverture dans un silence de mort. Camille se précipita vers son petit ami mais fut à son tour fauchée, sa main à seulement quelques centimètres de celle du blond.

- J'allais justement dire ''que personne ne bouge''. Elle m'a un peu devancé mais voilà un exemple de ce qui va vous arriver si vous ne faîtes pas exactement ce que je vous dis, à savoir, rester assis et ne pas bouger ne serait-ce qu'un petit doigt.

Il fit ensuite un signe de tête à peine perceptible sous sa capuche et deux des capes noires se déplacèrent vers Aeither. Teneombre fit volontairement tomber l'une des seules fioles offensive qui explosa sur le carrelage du sol dégageant en une fraction de seconde un épais brouillard, cachant ainsi la rousse à ses assaillants. Il n'eut cependant pas le temps de profiter de son acte d'héroïsme avant d'être touché à son tour.
Incapable de se défendre à cause de ses ailes coincées dans le dos, Aeither fut sortie de la salle sans la moindre résistance. Les corps de ses trois amis furent à leur tour amenés dans le couloir. On ligota leurs mains puis l'une des silhouettes encapuchonnées se pencha sur eux et leur fit une injection dans le cou. Pendant ce temps, celui qui avait parlé dans la salle d'examen lia les mains de la guerrière.

- Vous restez tranquille et il ne sera fait de mal à personne.
- C'est un peu trop tard pour ça non ?

Elle était fière de sa voix ferme alors même que son petit ami gisait à même pas un mètre d'elle.

- Une petite sieste n'a jamais fait de mal à personne...

Il se détourna et elle entendit les trois lycéens remuer derrière elle. Il n'avait en effet fait que dormir.

- On est dans les temps. Mails il faut que l'on évacue rapidement sinon le clan Gwar va nous tomber dessus.

Suite à la remarque de celui qui semblait le chef, l'une des silhouettes retourna dans la salle pour injecter le produit aux surveillants et récupérer les affaires des adolescents avant de lancer deux fioles qui explosèrent dans un nuage de vapeurs roses.

- On ne peut pas se permettre que des souvenirs filtrent. Un bon trou de mémoire n'annulera même pas l'épreuve avec un peu de chance.

Il se tourna vers les trois autres bacheliers :

- Vous pouvez marcher ?

Il se contenta de hochements de tête pour toute réponse.

- Très bien. Sha, tu ouvres la voie. Je te suis.. Jack et Daster, vous me les surveillez. Dust, tu vérifies que l'on ne nous suit pas. En avant.

La formation se mit rapidement en place et les quatre jeunes n'eurent pas d'autres choix que de suivre le mouvement. Au rythme du pas lent de la guerrière, ils déambulèrent dans des couloirs déserts.
L'action du commando posait beaucoup de questions, tant par leur méthode que par le moment choisit.
Si il était Dae Mon, Aeither était une cible intéressante mais pourquoi l'enlever en public alors qu'elle ne disposait d'aucune défense chez elle ? Et puis pourquoi se contenter d'endormir ses trois amis ?
Ces questions tournaient dans la tête des quatre lycéens pendant qu'ils s'enfonçaient toujours plus loin dans l'établissement en s'éloignant par là-même des sorties existantes. Un autre point incompréhensible.
Devant eux, Sha apparaissait et disparaissait sans cesse, ouvrant la voie et s'assurant qu'aucune obscure force ennemie ne tende d'embuscade au groupe.
Il fallut dix interminables minutes pour parvenir dans un couloir faiblement éclairé, situé au premier sous-sol, derrière la bibliothèque (qui se terrait là pour mettre à mal le concept de luminosité du savoir ?). Deux des hommes encapuchonnés déplacèrent une lourde plaque en fonte de forme circulaire, dévoilant un gouffre de ténèbres dans lequel l'éclaireuse n'hésita pas une seconde à sauter.
Il fallut attendre une poignet de seconde pour qu'un sifflement si aigu qu'il était à peine audible ne leur parvienne.

- La voie est libre. Je vais passer devant avec une torche et vous allez me suivre tous les quatre. Mes hommes fermeront la marche. Encore une fois, pas de bêtise. Une fois tous en bas, vous, Miss Ga'Ïan, vous libérerez vos ailes. Nous devons agir vite et si vous essayez de nous ralentir, on peut parfaitement vous porter endormie. Et avant de choisir cette option, sachez qu'à ce moment là seuls trois d'entre vous arriveront vivants à destination...

Ils n'eurent pas besoin de se concerter pour prendre leur décision. Ils ne pouvaient pas se permettre d'avoir la mort d'un ami ou de leur moitié sur la conscience, surtout que la curiosité commençait à prendre le pas sur la peur.
Une fois que la plaque fut replacé et tout le monde en bas, non sans aide, Douleur sortit de sa cachette et on retira rapidement ses bandages à la Gaïanne. Ils se remirent ensuite en route dans ce qui semblait un vieux souterrain construit avec de nobles matériaux puisque la lueur de la torche dansait régulièrement sur des blocs de marbres sculptés de bas relief représentant des animaux fantastiques.
Le chef de file se sentit l'âme d'un guide touristique et les informa un peu :

- Ces larges souterrains ont été construits par mon clan depuis des millénaires. Ils relient des salles souterraines que l'on appelle nœuds. La légende dit que l'on peut faire le tour du monde ainsi. Ce sont de solides constructions ce qui permet à notre petit peuple d'entretenir des milliards de kilomètres de galeries. Ainsi, cette axe que nous empruntons n'a pas été visité depuis l'époque de Charlemagne et a pourtant résisté à des tremblements de terre, à des explosions et à tout ce que l'homme peut faire subir à cette bonne vieille croûte terrestre. A dire vrai, nous travaillons en ce moment sur le réseau asiatique vieux de trois mille ans. C'est à peu près le temps qu'il faut pour faire le tour du réseaux en le mettant à jour et en l'entretenant.

Profitant de l'aspect bavard du chef du commando, Aeither chercha à obtenir des informations plus utiles :

- Pourquoi nous avoir enlevé ?
- Enlevé ? Oh non ! Disons plutôt que vous avez été conviés à une petite réunion et que le carton d'invitation est un peu spécial. Non, l'enlèvement, c'est ce à quoi nous vous avons fait échapper...
- Drôle de méthodes...
- Le simulacre d'assaut nous a permis de voir ceux qui étaient au courant pour vos petits secrets et ne pas les laisser derrière. Les menottes sont uniquement là pour être certains que vous receviez le message qui doit vous être transmis. Et pour cela, il est vrai que l'on est prêt à tout, même à faire le ménage par le vide. Il y a plus en jeu que la vie de votre petit ami. Et avant que votre garde du corps ne décide que c'est une perte acceptable, sachez que l'on peut aussi laisser la blonde derrière nous pour que le commando chargé de vous tuer puisse tout de même s'amuser un peu avec son corps.

Le message avait le mérite d'être clair et personne ne reprit la parole. La peur était revenue et seul Douleur trottinait désormais comme si tout était normal.
Le voyage dura peut-être une heure ou une journée. Aucun des quatre amis n'avait réussi à garder la notion du temps lorsque la lumière apparut enfin au bout du tunnel.
Ils débouchèrent dans une immense caverne. Cette dernière devait bien être large d'une centaine de mètres et longue de presque autant. Le plafond s'élevait vers l'infini et les parois étaient couvertes d'escaliers et de balcons taillaient à même la roche et qui rejoignaient d'autres couloirs. Au centre de ce nœud, des installations plus modernes occupaient le sol. Quelques ordinateurs bourdonnaient, branchés sur une source de courant invisible, tandis que trois personne étudiaient leur écran tout en pianotant à intervalle irrégulier. Deux autres étaient penchées sur une table où l'on avait étalé une immense feuille de papier, probablement une carte. Plus loin, proche du glouglou d'une rivière souterraine, se trouvaient plusieurs lits de camps inoccupés. Le tout était éclairé par de puissants projecteurs.

- Ah, les voilà !

La voix qui s'était exclamée était féminine et l'une des deux personnes qui étudiaient la carte se précipita vers le chef du commando. Ce fut comme le signal de la détente et les cinq membres du groupe retirèrent leur capuche.
Le chef était un homme d'une trentaine d'années, tout comme la femme qui s'était précipitée vers lui. Tous les autres membres tournaient autour de cette âge à l'exception de Sha qui devait être très proche de la majorité française. Cette dernière disparut d'ailleurs rapidement dans l'ombre des étages tandis que les autres retournaient à diverses occupations après avoir coupé les liens des trois lycéens. La femme se tourna vers Aeither et lui retira ses menottes avant de lui tendre la main.

- Bonjour Miss Ga'Ian.

Son français comportait un fort accent qu'aucun des quatre amis ne put identifier.

- Je suis Jen, chef d'expédition du clan Dagaï et chargée de régler l'histoire de la prophétie. Vous avez déjà rencontré Hill, mon compagnon.

Ses cheveux, tout comme sa peau, étaient blancs. Ses yeux bleus pâles étaient encadrées par deux étoiles. Elle portait l'ensemble des protections que pouvait arborer une guerrière : cuirasse, brassière, cuissardes et hautes bottes, le tout en cuir noir et mat. La poignée d'une arme dépassée de son dos et il ne faisait aucun doute que les protections de ses avant-bras étaient équipées des même lance-fléchettes que ceux du commando.

- Je vous prie d'excuser la manière dont vous avez été amenés ici et les éventuelles menaces et blessures. Nous n'avions pas vraiment le choix.

Aeither haussa les épaules. Son groupe s'en sortait plutôt bien au final.

- Aeither Ga'Ian, fille du chef du clan Ene des Gaïans mais vous le savez déjà je suppose. Teneombre, mon compagnon et apprenti chaman, Arthur mon agent de la SPA et Camille, sa petite amie.
- Enchantée, suivez moi.

Elle se dirigea vers la table et les quatre amis la suivirent après s'être consultés du regard.
Il n'y avait pas une mais six cartes sur la table. L'une d'entre-elles représentait l'Europe et les autres n'étaient pas identifiables au premier regard. Trois d'entre-elles montraient un réseau de tunnels et toutes étaient couvertes d’annotations manuelles, de traits et de sigles de différentes couleurs.

- Bon, je vais essayer d'être brève. Vous vous posez probablement des questions et je devrais pouvoir vous donner les réponses.

Elle obtint quatre hochements de tête plus ou moins francs et se lança.

- Il y a plus de deux siècles, une sorcière qui croyait en Gaïa mais qui n'avait aucun lien avec les Gaïans ou les Dae Mons a fait une prophétie qui grosso-modo disait ceci : ''En l'année onze du nouveau millénaire, alors que la Grande Mère gît sur son lit de mort et que le jour vainc la nuit, l'ange, fille du Dragon et de la Licorne, la réveillera de son sommeil qui sera sinon éternel.'' L'avantage, c'est que la prophétie était claire : tout se jouera le 21 juin 2011. Qui ? Il n'était pas trop dur, une fois les cartes en main, de deviner que Aeither Ga'Ian aurait son rôle à jouer. Le problème restait le ''Où''. Depuis des dizaines d'années, ceux qui connaissent la prophétie, c'est-à-dire la plupart des clans Dae Mons, dont le notre, ont cherché à identifier le lieu où pouvait reposer Gaïa. D'après mes informations, mon groupe est le premier à posséder la réponse. J'estime que nous avons quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chance de tomber juste. Le seul soucis qu'il nous reste à éclaircir c'est si il faudra, ou non, exécuter un rituel ou quoique ce soit d'autre sur place. Les autres clans n'ont pas ce soucis puisqu'il suffit de tuer ''l'ange'' annoncée. Il leur faudra cependant être sur place afin d'être sûr que c'est bien toi et de ne pas laissait le champs libre en cas d'erreur. À l'heure actuelle, les clans Gaïans ont la guerre à leur porte afin de s'assurer qu'ils n'entreront pas en jeu dans la bataille finale et peut-être tuer l'ange avant l'heure. Mon clan fait son possible pour avertir les clans de l'eau américains, les filles du sable africains et les fils de la terre asiatiques - je ne ferai pas de commentaires sur le nom de vos clans- mais je ne sais pas si ils pourront être sur place en seulement quatre jours. Tout se déroulera à Londres, à l'abbaye de Westminster. On suppose que les chrétiens ont été attirés par la formidable énergie mystique que doit dégager la Déesse, même mourante. Vous ne pourrez pas voyager par les moyens conventionnels puisque le commando Gwar va déduire que vous vous trouvez sur les terres de votre clan qui est actuellement assiégé. Il ne faut donc pas vous faire repérer afin de les laisser sur une fausse piste et diminuer le nombre d'ennemis sur place. Nos réseaux de tunnels seront idéaux. Malheureusement, nous n'avons qu'une seule sortie à Londres et elle est à plus de cinq kilomètres de votre objectif. Si nous avions eu le temps, nous aurions ouvert un passage plus proche mais il vous faudra, pour maintenant, faire sans et fondre sur la cathédrale. Une fois sur place, il vous sera nécessaire d'aviser car nous ne savons rien de plus.

Éberluée, Aeither tentait d'intégrer tout cela. Son village était attaqué et elle ne pouvait même pas intervenir. Elle allait peut-être devoir traverser une ville pleine d'ennemis, sur la seule foi des paroles d'une sorcière dont les os n'étaient plus que poussière et sur la confiance qu'elle accordait à un clan des Dae Mons, même si il était de notoriété publique que les ''bâtisseurs immortels'' n'étaient pas les ennemis des Gaïans.

- Comment êtes-vous parvenus à déterminer le lieu où repose la Déesse ? Si cette information n'était ne serait-ce que devinable, la guerre aurait éclaté depuis longtemps...
- Tu as presque bon. Mais tu oublies, jeune guerrière, que la mémoire efface bien des choses, ne serait-ce que sur un siècle de temps alors lorsque l'on ne compte plus en décennies ou en millénaires, mais en centaines de milliers voir en million d'années, on se doute que même les informations primordiales ont été perdus : des légendes, des récits, des souvenirs... Nous gravons beaucoup de choses dans la pierre et la mémoire de nos anciens est suffisamment vaste pour nous souvenirs de la jeunesse de Sumer et du temps où les Atlantes n'étaient encore qu'une tribu de chasseurs-cueilleurs. Mais cela ne va pas au-delà. Auparavant, nous parcourions la surface comme tout le monde. Mais pour répondre à ta question, certains ont cherché dans les légendes, les archives et faits divers sortant de l'ordinaire. D'autres, dont mon groupe, se sont chargés de chercher des incohérences dans notre réseau souterrain, parcourant des milliers de kilomètres afin d'analyser nos "fresques-mères" qui racontent la construction. Il y a six jours, nous sommes tombés sur l'une d'entre-elles. Elle disait qu'il y a un millénaire et demi, lorsque nos ancêtres ont cherchés à creuser sous Londres, ils sont tombés sur un bouclier mystique : les pioches de fer se désagrégeaient en touchant la surface d'une pierre, la roche qui venait frapper cette paroi tombait aussitôt en poussière... etc. Ils ont contourné le problème et déterminé que cela s'avérait être un immense arc de cercle et ils n'ont pas cherché à en faire le tour car cela aurait demandé bien trop de temps. La fresque n'est pas le moyen le plus pratique pour raconter un chantier donc nous n'avons pas plus de détails. En revenant d’Irlande, nous avons cherché à repérer le lieu d'où partait le tunnel qui avait été abandonné et par magie, j'ai exploré la portion. D'après nos calculs sur le centre approximatif de la sphère de protection, elle se trouve sous la cathédrale de l'abbaye, à plusieurs kilomètres de profondeur. Il faut un pouvoir incommensurable pour créer et maintenir un tel bouclier et je ne vois guère que Gaïa pour cela.

- Je vois. Un dernier point qui me chagrine : pourquoi un peuple d'observation se mêle de tout ça ?
- La raison est simple : dans quatre jours, le monde changera, définitivement. Il n'y a que deux possibilités. Nous avons choisi. Dès la position de Gaïa devinée, nous sommes partis à votre recherche.

Elle se pencha ensuite sur l'une des cartes.

- Vous serez seuls pour ce voyage. Mon groupe va partir vers la Bretagne pour aider votre père même si je doute que ce dernier ne parvienne à temps à Londres. Une fois dans le tunnel que je vais vous indiquer, vous ne rencontrerez qu'un unique nœud de petite importance, à une journée de marche. C'est là qu'il ne faudra surtout pas faire un faux pas. Voici la carte du carrefour. Vous arriverez d'ici.

Elle indiqua une voie arrivant de l'est et où était marquée des signes chinois, probablement la destination.

- Il vous faudra prendre cette voie ci.

Elle en désigna une autre, filant vers le nord-ouest.

- Comptez bien le nombre de tunnel de chaque côté et surtout, une fois sur place, l'un d'entre vous reste à la sortie jusqu'à ce que l'autre soit devant l'entrée de la bonne voie. Sinon, vous serrez perdu car sans sang de Digger dans les veines, tous nos tunnels se ressemblent. Afin de tromper d'éventuels ennemis, les sculptures sur nos murs sont identiques pour tous les tunnels au alentour d'un nœud dans un rayon de deux kilomètres. En bref, ne vous perdez surtout pas.

Jen réfléchissait visiblement pour trouver un sujet pour son intarissable volupté orale lorsqu'elle fut interrompu par le juron, dans une langue étrangère, de l'un des informaticiens. Il s'en suivit une discussion que tout le groupe écouta avec attention. Il s'écoula une bonne minute avant que la capitaine du détachement digger ne traduise à l'intention de Aeither et de ses amis :

- Ça y est, les Dae Mons connaissent l'emplacement de Gaïa. La dernière bataille d'une guerre éternelle approche. Le clan sorcier de Fear était jadis l'un des plus puissants. Il régressait depuis un siècle sans explication. Son dirigent vient d'informer le peuple Dae Mon que c'était parce que tous leurs sorciers quadrillaient le monde afin de trouver la déesse. Ils l'ont localisée hier soir. Il va falloir vous mettre en route. Seul Teneombre vous accompagnera en sa qualité de chaman. Il y a près de deux cents kilomètres à parcourir. Vos nuits seront courtes. Quelques ruisseaux souterrains feront de bons bivouacs et serviront de latrines et de réserves d'eau douce. Attention toutefois à ne pas vous arrêter trop longtemps. Votre agent de la APS et sa petite amie n'ont rien à faire à Londres. Ils suivront avec mes informaticiens et leurs matériels. Votre seule chance là-bas, sera la discrétion - ce qui est mal parti avec vos ailes - et un groupe réduit au minimum. Nous avons récupéré votre équipement de guerrière à votre appartement ainsi que les fioles. On va vous fournir tout cela et l'intimité pour vous changer. Vous transporterez des vivres pour trois jours et demi mais de petites portions, de quoi faire une couche pour vous reposer et des torches. Il y a aura également deux gourdes pour conserver l'eau - mais je ne vous apprends rien - . À chaque ruisseau et rivière, nous avons laissé des réserves de torches. N'hésitez pas à vous servir, vous en aurez besoin.

Elle se tourna vers une nouvelle carte, plastifiée celle-là et non manuscrite comme celle représentant le nœud.

- Voici Londres. Vous sortirez ici, dans le parc. Il vous faudra remonter cette rue jusqu'à la grande avenue qui passe près de la cathédrale. Si les Dae Mons vous ont repéré, ne vous encombrez pas de précaution : foncez ! De toute façon, le réveil de Gaïa mettra fin au secret de nos peuples. Des questions ?

Les quatre lycéens se regardèrent puis Aeither hausse les épaules, résumant leur pensée : tout ceci était bien trop rapide pour être analysé par leur cerveau débordé. De plus, ils n'avaient pas vraiment le choix. Les Diggers avaient les cartes en main et ils n'hésiteraient pas à user de la force pour que tout se déroule selon leur plan.

- Très bien. Sha va vous mener à vos affaires puis vous montrera la route à prendre.

Elle fit un geste de la main et l'adolescente, toujours maussade, emmena la guerrière derrière un paravent. Pendant ce temps, Teneombre fit l'inventaire de ce qu'il avait sur lui. Dans sa chute, une fiole s'était brisée et son contenu devait désormais être une tache sombre inexplicable sur le carrelage du sol de la salle d'examen. Il ne lui en restait que deux, qui, par chance, étaient une potion augmentant l'endurance pour six heures et une lutant contre la magie nécromancienne, sa première potion aussi compliquée. Avec les quatre autres qui composaient l'arsenal de Aeither, ils devraient pouvoir y arriver. Hill, qui s'était éloigné un peu, revint les bras chargés. Il laissa tomber sur la table tout ce qu'il portait.

- Tout ceci est pour toi. Le sac à dos contient les rations de nourriture et les deux rouleaux qui sont attachés au-dessus et en dessous sont des sac de couchage sleepin. Tu sais t'en servir ?

Il hocha la tête, ayant déjà fait du camping et utilisé des matelas auto-gonflant.

- Le tout fait quatre kilos, cinq avec la gourde. Assez léger pour permettre de courir. Les deux montres vous permettront de gérer au mieux le temps. La seconde gourde devrait pouvoir être fixée à la ceinture de ta copine. Tu chausses du combien ?
- Quarante.
- Parfait. Ces bottes devraient t'aller et elles t'éviteront bien des ampoules. Il y a également deux brassards équipés de nos arbalètes. Quand tu lèveras le poignet, tu sentiras comme une résistance. Si tu la forces, tu tires. Une pression en dessous de ton poignet changera de fléchette. Tu peux en charger trois. L'arbalète se tend automatiquement. Pour mettre des projectiles, il y a cette trappe. Il suffit de faire cela.

Il montra une manipulation ouvrant un compartiment avec trois tubes. Il y mit une fléchette.

- Celle-ci contient un puissant somnifère. Une piqûre et tu piques un bon somme de douze heures.

Il rit de son jeu de mot et lui tendit quatre petits containers. Teneombre les observa avec attention et les rangea. Il ne pouvait pour le moment y verser sa potion.

- Vise le cœur avec vos potions gaïannes. C'est là que se connecte la magie nécromancienne. Ces fléchettes sont prévus pour atteindre cet organe.

Il lui en tendit quatre dont une partie du fut était vide en attendant un container. Il lui donna également les deux brassards et ajouta la carte de Londres au paquet.

- Merci.
- De rien. Tu seras le seul rempart entre l'ange et ses ennemis. Autant mourir en étant un minimum équipé. Inutile de te servir des somnifères sur les mort-vivants, ils n'ont pas de circulation sanguine...

Le lycéen hocha la tête, changea de chaussures, plaça les deux brassards sur ses avant-bras et mit le sac sur son dos. Il était fin prêt lorsque Aeither le rejoignit, guerrière ailée noire et blanche. Seul sa chevelure de feu apportait une touche de couleur à l'ensemble.

- Bien, suivez-moi.

Sha se dirigea vers un pan de la grotte encore dans l'ombre. Elle s'empara au passage de deux torches qu'elle alluma et en coinça deux autres dans le sac à dos du jeune homme. Le couple eut tout juste le temps de faire un signe d'adieu à leurs deux amis avant de s'enfoncer dans les ténèbres du tunnel.
Ils s'arrêtèrent deux cents mètres plus loin pour se partager la potion d'endurance avant de s'élancer vers l'obscurité devant eux, ignorant les bas relief sur les murs qui défilèrent à un rythme régulier.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Déc - 10:57

Chapitre 12
Sur le chemin de l'Enfer


Le temps s'écoulait différemment dans les tunnels. L'obscurité s'ouvrait devant et se refermait juste derrière eux, comme une nuit perpétuelle. La perturbation que cela occasionnait dans les esprits était accentuée par le poids fantôme des tonnes de roches au-dessus de leur tête. Le bruit de leurs pas ne venait même pas troubler le silence absolu, le cuir de leurs bottes l'étouffant. Ils s'arrêtèrent lorsque la potion cessa de faire effet, trois heures plus tard. Sans un mot, ils ouvrirent le sac-à-dos de Teneombre et piochèrent dans un paquet de fruits secs. Dix minutes plus tard, ils faisaient descendre ce repas sans saveur avec un palet breton et quelques gorgets d'eau fraîche. Ils reprirent ensuite la route d'un pas décidé. Pas le moindre chuchotement n'avait été échangé entre eux depuis le début de l'épreuve de philosophie qui semblait déjà lointaine de plusieurs jours.
Il était dix-neuf heures lorsqu'ils entendirent le glougloutement du premier ruisseau qu'ils trouvèrent une centaine de mètres plus loin. En surface, il faisait encore jour mais ici, il aurait tout aussi bien pu être quatre heures du matin. Les pieds et les jambes n'en pouvaient plus et toujours sans un mot, ils accordèrent à chacun quelques minutes d'intimité pour se laver dans l'eau gelée qui jaillissait d'un mur à mi-hauteur, traversait le tunnel dans un lit de galet avant de disparaître sous la paroi opposée. Le courant était suffisamment faible pour qu'il n'y ait aucun risque et assez fort pour permettre de satisfaire certains besoins sans contaminer leur eau potable.
Ils dînèrent d'un paquet de biscuit sucrés avant de se réfugier, transis, dans leur sac de couchage. Toujours perturbés, aucun d'eux n'échangea la moindre parole ou geste de tendresse. Ils eurent cependant la présence d'esprit de se servir dans la réserve de torches pour en allumer trois nouvelles et de faire sonner leur montre cinq heures plus tard pour en rallumer des nouvelles.
C'était cependant inutile puisqu'il devait être minuit lorsque Teneombre fut réveillé par un mouvement précipité suivi d'un juron et du bruit d'un régurgitation. Il se précipita vers Aeither qui, à quatre pattes au bord du ruisseau, rendait les restes de leur maigre repas. Il se précipita pour lui tenir les cheveux qui menaçait d'être salis mais elle le repoussa d'un violent coup de pied.
Il grogna en se tenant le ventre, remerciant la déesse que le pied de jeune fille était en bout de course et donc qu'il avait dégagé beaucoup moins de force.

- Bon sang Aeither ! Pour un peu tu aurais pu me casser quelque chose ! Mets ta fichue fierté de côté avec moi ! On est en couple et pas seulement pour les moments ou tout va bien. Ce n'est pas un signe de faiblesse de se laisser aller dans les bras de son petit ami ou d'accepter son aide. C'est juste humain.
- Je ne suis pas humaine.

Sa voix manquait cependant de mordant et il savait qu'il avait frappé juste. Il décida de ne pas insister sur son avantage pour de pas déchaîner une tempête de feu pleine de mauvaise foi.

- Tu as tous les attributs humains pouvant satisfaire un homme en tout cas...
- Pervers !

Son reproche fut cependant atténué par le grand éclat de rire qui la secoua, vite interrompu par un nouveau haut-le-cœur.
Il s'approcha plus prudemment et se contenta de lui prendre les cheveux, s'abstenant de tout geste tendre ou de la moindre parole de réconfort. Finalement, lorsque cela se calma et qu'elle se fut rincer la bouche, elle se redressa lentement pour aller s’asseoir contre lui et le laisser l'entourer de ses bras.
Conscient du caractère exceptionnel du geste et qu'elle ne le faisait probablement que pour se faire pardonner, il ne fit aucun commentaire et savoura simplement la peau nue de ses bras sous ses caresses.
Elle n'apprécia ce moment que cinq minutes puis se redressa et retrouva son attitude fermée habituelle :

- Je sais par expérience que je ne me rendormirai pas. Profitons-en pour avancer.

Elle commença à dégonfler le matelas puis le roula avant de remettre les protections de cuir qu'elle avait enlevées pour la nuit ainsi que ses bottes. Teneombre l'imita dans un soupir tandis qu'elle rassemblait ses flammes bouclées en une longue tresse bien ordonnée. Il était minuit vingt lorsqu'ils avancèrent à nouveau dans les ténèbres, deux nouvelles torches illuminant le chemin et trois autres alourdissant le sac-à-dos du lycéen.
L'aube devait commencer en surface lorsqu'ils parvinrent au nœud dont Jen avait parlé. Ils suivirent ses instructions et ne tardèrent pas à s'engageait dans le tunnel qui passait sous Londres.
Si l'incident avait brisé le pouvoir de l'obscurité sur leur esprit, il n'en restait pas moins que le temps s'écoulait réellement différemment et qu'il leur était impossible de mesurer la distance parcourue. Ils changèrent de rythme et ne se servirent plus de leur montre mais des quelques cours d'eau qu'ils croisaient. À chacune de ces rencontres, ils se désaltéraient, mangeaient un petit peu et s'accordaient deux heures de repos. La fatigue finirait par se faire sentir mais une fois sous la porte " immanquable ", ils pourraient se reposer à loisir, ou presque.
Au cours de l'une de ces pauses, ils se laissèrent aller à un long moment d'amour et de tendresse qui dissipa, dans les brumes du plaisir, les dernières tensions qu'avaient provoqué l'intervention digger, tout en redonnant du courage.
*
Immanquable...
C'était bien le mot. Le groupe de Jen, en revenant d'Irlande, avait laissé quatre flèches de sable blanc qui pointaient vers le mur où dans la pierre, on pouvait deviner une sorte d'échelle. Au plafond se trouvait une grande trappe en fer forgé et ouvragé qui par miracle avait résisté à un millénaire et demi d'érosion. Une preuve de la puissance des lanceurs de sorts du clan Digger. Il y avait également un mot sur une feuille de papier que Teneombre lut à voix haute :

Il y a une source d'eau douce trois cents mètres plus loin. Bon courage. Vous êtes Sa seule chances. Vous DEVEZ réussir.

D'un simple regard, ils prirent leur décision et se rendirent sur place.
La source en question était un filet d'eau claire d'un bon débit qui jaillissait de la gueule d'un dragon pour tomber dans une grande vasque avant de s'écouler dans un petit ruisseau qui longeait une paroi sur une dizaine de mètres avant de plonger dessous. Il était presque dix-huit heures en France. Dans un peu plus de douze heures, ils joueraient le destin du monde.
Cette soirée là, même Aeither abandonna sa posture de guerrière endurcie. Elle n'hésitait plus à distribuer et à réclamer des caresses, à se blottir dans les bras de son aimé. Sa nature câline montrant bien que même si ils n'arrivaient pas à en mesurer toute la portée, ils avaient cependant conscience que le lendemain leur serait peut-être fatal.
Lorsqu'il vint l'heure de dormir et durant cette ultime nuit, ils firent l'amour. Non pas une, ni même deux mais trois fois. La première avec la lassitude de leur voyage, juste pour le plaisir de se sentir comblé. La seconde, avec la passion de la dernière fois, comme si ils pouvaient consumer dans le feu de leur orgasme tout l'amour qui les liait. La troisième, ce fut avec toute la douceur d'un acte dont on veut garder jusqu'au moindre souvenir, emmagasiner ce bonheur et ce plaisir, comme si ils avaient deviné que cela serait bientôt la froide étreinte de la mort qui les prendrait.
Si un soleil avait pu se lever ce matin-là, éclairant pour la première fois ce monde de ténèbres, il aurait salué de ses rayons chauds les deux adolescents encore endormis, nus, serrés l'un contre l'autre, plein de cette innocence unique, propre à la jeunesse, que le temps et la mort finissent cependant toujours par briser.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Déc - 11:03

Chapitre 13
Ultime sacrifice


[Si d'aventure il fallait réveiller Gaïa, il ne faudrait rien de moins que la venue d'un ange brisé, que le corps déchiqueté d'un de ses fils.
- Retranscription d'une annexe digger de la Prophétie.]



Ce fut Teneombre qui débuta cette dernière journée. Il réveilla Aeither et sans un mot, s'habillèrent et s'équipèrent. Il n'y avait plus rien à dire : peur, amour, désir et tendresse avaient été murmurés au creux de l'oreille au cour de la nuit.
À neuf heures, ils étaient au pied de l'échelle. Là, ils se préparèrent à la bataille. Aeither sortit une petite bourse, tendit les dernières aiguilles de pin à son amant et versa de la poudre d'argent dans toutes les potions coincées dans sa '' cartouchière ".
Le lycéen versa la potion anti-nécromancie dans les quatre containers, les inséra sans difficulté dans les fléchettes puis glissa ces dernières dans les deux brassards. D'une pression, il s'assura que ce soit deux d'entre-elles qui partiraient en premier. Aeither invoqua son épée, la dégaina puis la rengaina d'un mouvement fluide. Ils échangèrent un ultime baiser puis se lancèrent dans la dernière course de leur vie. Ils décalèrent la lourde plaque et sortirent à l'air libre.
La première chose qui les frappa, ce fut la luminosité, bien que le ciel soit gris et que ses sombres nuages noyaient la ville sous un crachin persistant et glacé pour la saison. Après trois jours dans les ténèbres percées uniquement par deux torches, ce soleil invisible restait puissant.
La seconde, c'était l'atmosphère lourde de ce jour. La puissance en jeu était presque palpable. Les Diggers n'avaient pas fait erreur.
La sortie du tunnel était dissimulée entre un haut mur de briques et une haie de sapins. Pour l'instant à l’abri des regards, il ne faisait aucun doute que les ailes d'Aeither leur interdiraient toute discrétion très rapidement.

- Il faudra invoquer Bubu pour nous tailler un chemin dès que cela commencera à chauffer. Allons-y.

Le parc n'avait qu'une seule sortie ce qui simplifiait grandement leur orientation. Ils s'élancèrent à grandes foulées et ils étaient déjà sortis dans la rue lorsque l'apparition de la Gaïanne provoqua les premiers cris de surprise des passants humains. Ils ne pouvaient probablement pas tenir cette allure durant cinq kilomètres mais il leur fallait parcourir la plus grande distance possible avant d'être pris en chasse.
Ils firent la moitié de la première rue avant de devoir ralentir pour Teneombre qui commençait à avoir du mal à respirer. Il restait encore huit cents mètres avant de rejoindre la grande avenue qui les mènerait à leur destination.
Pour le moment, l'apparence de Aeither pouvait passer pour un déguisement et les Anglais les regardaient avec amusement, habitués à l'excentricité. Ils se mirent à marcher d'un pas rapide pour récupérer, comme si ils se rendaient à une fête déguisée donnée pour le premier jour de l'été. Ils ne furent pas repérés avant de rejoindre l'avenue. Là, lorsqu'ils tournèrent au carrefour, ils tombèrent nez-à-nez avec trois Daé Mons. Leurs attitudes les trahirent aussi facilement que leurs tenues.
Aeither fut la première à réagir, profitant de l'effet de surprise. Elle bondit et la lame de son épée trancha promptement la tête de celui qui se tenait au milieu du groupe, légèrement en retrait. C'était le nécromancien et les deux morts-vivants s'effondrèrent en même temps que leur maître.
Il y eut une seconde de flottement puis des cris et le crissement des pneus sur l'asphalte retentirent. C'en était fini de l'illusion pour les humains. Désormais, la dernière bataille pouvait commencer.
Les deux adolescents s'élancèrent vers leur destination de toutes leurs forces et ils parcoururent près de deux cents mètres avant de tomber sur un guerrier isolé, probablement un guetteur. Teneombre, qui avait appris à différencier les morts-vivants des vivants, changea rapidement de fléchette et toucha sa cible sans s'arrêter. Ils avaient déjà parcouru une dizaine de mètres avant que l'homme ne vacille et s'écroule, déjà plongé dans un profond sommeil.
L'escarmouche suivant se déroula alors que leur corps commençait à réclamer une pause dans cette course éperdue.
Ils étaient cinq cette fois-ci. Ce n'était plus des guetteurs mais bien des morts-vivants placés là pour les arrêter. L'alerte avait donc été donnée. Par cette chance unique que seuls les débutants ont, l'apprenti chaman toucha au cœur deux des créatures qui cessèrent aussitôt de bouger tandis que la guerrière fauchait d'un grand geste les jambes des trois restant, empêchant toute poursuite.
Ils ralentirent. Il devait rester encore trois kilomètres et un nombre inconnu d'ennemis à affronter. Selon toute logique, les Dae Mons avaient dû quadriller tout Londres, surtout si presque tous les clans étaient là. En toute logique, ils étaient tranquilles pour cinq minutes, peut-être dix, puis ils affronteraient des groupes bien plus importants.
L'analyse était juste. Il fallut l'aide de Bubu sous sa taille maximal pour se frayer un passage et non sans récolter de belles écorchures et quelques frayeurs. Teneombre ne se battait plus qu'avec ses poings dont la peau qui couvrait les articulations n'était plus qu'un amas sanglant et douloureux.
Deux kilomètres avant la cathédrale, ils commencèrent à céder du terrain. Même Bubu qui étalaient leurs adversaires comme des quilles ne faisaient plus le poids.
C'est dans ce moment de flottement où la victoire commence à changer de camps qu'apparurent, dans de petits tourbillons de sable, les filles du désert. D'immenses scorpions à la carapace noire vinrent porter soutien au dragon et la percée fut réalisée. Une partie de la petite armée du désert se chargea de couvrir l'arrière en continuant à combattre les Dae Mons restant et leurs sbires tandis que l'autre se portait en avant pour ouvrir la voie aux deux adolescents, ignorant le cri des mourants et des blessés, le fracas des armes qui s'entrechoquent et le bruit de fond des humains stupéfiés qui ne savaient pas comment réagir à ce qui se passait devant leurs yeux.
Minute après minute, ils progressaient. Chaque pas était arraché dans le sang et les sacrifices. Finalement, ils parvinrent en vu de l'abbaye et de sa cathédrale.
C'est là qu'Aeither commit sa première erreur de combattante en situation réelle. Lorsqu'une lame lui entailla le bras droit, elle s’immobilisa, surprise. À cette instant, elle devint la cible parfaite pour un archer. Par chance, il n'y en avait pas.
C'était un sniper.
Qu'est-ce qui poussa Teneombre à réagir plus vite que n'importe quelle créature vivante en se jetant dans la trajectoire de la balle ? Avait-il vu l'éclair du soleil qui était apparu juste sur ce toit ? Où Gaïa elle-même l'avait-elle averti ? Une seule chose était sûre : la Gaïanne dut sa vie à l'intervention d'une puissance supérieure.
Lorsque son amant tomba devant elle, sans émettre le moindre cri, le souffle de douleur et de rage qui la balaya fut plus fort que tout ce qu'elle avait connu. Les dragons de son visage migrèrent vers ses yeux et une explosion magique désintégra sans un bruit les Dae Moins dans un rayon de cinq mètres. Elle se saisit du corps de son compagnon et s'élança dans un dernier vol dont la vitesse était bien plus importante que d'habitude, boostée par cette union des dragons dont les Gaïans avaient perdu le secret exact d'utilisation depuis bien longtemps.
*
Ses ailes n'étaient que douleur pourtant, elle ne cessa pas le combat. Elle n'en était pas à sa première séance de tortures et pour lui, elle était même prête à sacrifier sa vie.
Des larmes coulaient sur ses joues, se mêlant au crachin londonien tandis qu'elle remontait l'avenue à basse altitude. Elle sentait son sang couler lentement de l'entaille sur son bras droit et pourtant, tout cela n'était rien.
Non.
Mettre fin à des millénaires de secrets, forcer sur chacun de ses muscles, être à la fois brûlante de fièvre et transie de froid... Ce n'était rien.
Elle n'entendait ni les exclamations des passants, ni les véhicules qui s’immobilisaient un à un sur son passage, ni même le lourd battement d'ailes de Bubu qui tentait de la rattraper.
Non.
Elle n'entendait qu'une seule chose en réalité : ce rythme rapide et effréné qui luttait contre l'impossible, ce cœur malmené dont les réactions contribuaient à faire jaillir à flot la vie de celui qu'elle aimait.
Il l'avait prise à sa place. Cette balle qui lui était destinée. Lui, un simple descendant de sorcier, avait surgit de nul part pour se mettre dans la trajectoire mortelle. Il avait payé pour l'erreur d'une combattante qui se disait émérite.
Elle étouffa un sanglot de rage et de honte : ses poumons n'avaient plus assez de souffle pour cela.
L'abbaye était là, à une centaine de mètres encore. L'abbaye de Westminster, l'abbaye de la monarchie anglaise.
Il est étrange, parfois, de se rendre compte de l'ironie de certaines situations. Alors même que Gaïa n'était rien pour elle, l'Église avait construit l'important et magnifique lieu de culte sur le nœud d'énergie.
Un nouveau coup de feu claqua et elle sentit son aile droite cédée. Si elle n'avait pas passé le mur qui sépare la souffrance de la folie, elle aurait probablement été terrassée.
Au lieu de cela, elle chuta, s'écrasant lamentablement à quelques mètres du parvis de la cathédrale. Les touristes s'écartèrent en un concert de cris, de hurlements, lui laissant, sans le vouloir, un véritable couloir vers les doubles portes en bois. Elle se redressa avec difficulté, puisant ses dernières forces dans les morceaux qui composeraient bientôt son cœur. Elle avait récolté dans sa chute de nouvelles blessures, probablement en essayant de protéger le corps de son amant. Il lui semblait que ses avant-bras étaient méchamment écorchés et que plusieurs de ses côtes devaient être brisées.
Elle avança cependant à nouveau, un coin de son cerveau encore protégé de la folie notant le cri caractéristique d'un aigle, en beaucoup plus puissant. La tribu des lacs avait répondu présent et assurerait ses arrières. Bubu se joignit à eux pour retourner au combat. Il ne pouvait plus rien pour elle, elle était arrivée au bout du voyage.
Un prêtre qui se tenait non loin des portes se précipita pour les lui ouvrir. Avoir les ailes d'un ange, même engluées de sang, semblait ouvrir bien des portes.
Elle pénétra sous l'immense voûte, son pas encore rapide la menant vers le centre de la croix que formait le bâtiment. Elle entendit des cris de surprise et les exclamations mais ne vit rien, comme si un voile de ténèbres s'était abattu sur le monde. Elle était aveugle désormais, de retour dans les sombres tunnels diggers.
Par chance, sa perception des flux d'énergie était toujours intacte et elle put se diriger, évitant la tâche de tristesse et de fierté qui caractérisait la tombe du soldat inconnu dans ce nouveau monde.
Oui.
Même dans son état, elle était consciente que marcher dessus aurait été une grave erreur.
Chaque pas devint un supplice. Chaque nouvelle inspiration valait bien mille ans en enfer.
Lorsqu'elle parvint enfin sur le nœud d'énergie qui brillait dans cette réalité comme un soleil tantôt bleu, tantôt vert, le cœur de Teneombre cessa de battre.
La douleur la rattrapa alors, d'un coup, telle qu'aucun mot, d'aucune langue écrite, parlée, pensée, passée, présente ou future ne pourrait jamais la décrire, lui arrachant un hurlement de détresse venu du fond des âges.
Cela sembla réveiller l'énergie de la Terre car le nœud prit forme et une silhouette féminine sembla se détacher.
La Déesse.
La prophétie disait vraie.
Celle qui avait dirigé sa vie et ses pensées, donné espoirs et pouvoirs à son peuple depuis la nuit des Temps était enfin réveillée.
Pourtant Aeither ne ressentit rien de particulier. Une voix puissante, venant de partout et nul part à la fois, raisonna dans toute la cathédrale :

- Eh bien ma fille, alors que je reviens enfin de ma longue hibernation, je ne trouve en toi que tristesse et désespoir. Que se passe-t-il donc ?

La combattante n'aurait pas dû pouvoir répondre mais le pouvoir de la Déesse guérissait déjà son corps, sécurisant les blessures et lui rendant de l'énergie.

- Mère, tu nous es enfin revenue mais celui que j'aime s'est sacrifié pour moi. Il est humain, je suis gaïanne et je vous fais don de ma vie pour que vous lui rendiez la sienne.

Il y eut un soupir céleste et après quelques longues secondes, Gaïa répondit :

- Daé Mon et Gaïan. Vous êtes tous deux mes fils même si je suis plus fière de ton peuple que du sien. Mais la mort est...
- Mère, je vous en supplie !

Obnubilée par son amant, la jeune fille ne releva même pas ce que l'énergie terrestre venait de lui révéler. Si son corps et sa forme commençaient à être régénérés, son esprit, lui, n'était toujours que folie. Par chance, Gaïa voyait dans les cœurs et elle ne tient pas rigueur à la rousse pour ce grave manque de tenue.

- Ma fille, même si je le pouvais, tiendrais-tu réellement à sacrifier le fruit de votre union, le premier être à porter les deux variances de mon sang, la fille qui apportera espoir et paix ?

L'annonce tomba comme un coup de massue sur la jeune femme qui n'était déjà plus qu'une fragile feuille de verre.

- Je suis... en... enceinte ?
- Oui mon enfant, tu portes la vie en toi et cela ne doit pas cesser...

Un nouveau hurlement de désespoir retentit, vite remplacé par des sanglots. Elle n'avait pas seulement perdu celui qui éclairait ses nuits, celui qui la sortait de l'abîme de la douleur, celui qui faisait battre son cœur et frissonner son corps. Pas seulement un ami et un amant mais aussi un père... Celui de son enfant, de leur enfant. Après lui avoir fait le plus beau des cadeau, la vie l'avait pris. Comment pouvait-elle seulement survivre sans sa présence à ses côtés, sans sa douceur au réveil, sans sa passion, sans... sans lui ?

- Aeither Ga'Ian. Je ne peux rien pour toi mais l'Amour triomphe de tout. Toujours.

Sur ce dernier mot, une explosion d'énergie l'emporta, la faisant sombrer dans l'oubli bienveillant de l'inconscience.

Si d’aventure il fallait réveiller Gaïa, il ne faudrait rien de moins que la venue d'une ange brisée, que le cœur déchiquetée d'une de ses filles [ayant déjà trop souffert].
- retranscription exacte d'une note de Fyl Bryan, spécialiste de la Prothétie
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Déc - 11:11

Chapitre 14
Revue de presse


Récit du Jimmy, jeune canadien, au matin du 20 juin 2011


Tout avait commencé comme une journée habituelle. Le prof de français -au passage comment peut-on seulement parler une langue aussi compliquée ? Ils étaient fous ces francs- tentait avec plus ou moins de succès de garder notre attention. Le cours avait commencé depuis à peine trente minutes lorsqu'un certain Dagan, un garçon bizarre avec des tatouages sur le visage, s'est levé et à quitté la salle, sans un mot, sans même prêter la moindre attention à notre prof. Curieux, nous l'avons suivi jusque dans la cour. Là, un immense aigle l'attendait. Il est monté dessus et il s'est envolé. Il a rejoint la centaine d'autres qui volaient très haut dans le ciel, en formation, vers l'Ouest. J'avoue que j'ai moi-même beaucoup de mal à y croire et pourtant, c'est la vérité...

Articles de presse au matin du 22 juin 2011


Londres paralysé !

Hier vers dix heures, tout contact a été perdu avec la capitale anglaise. Les dernières images et informations font part de choses exubérantes : un dragon, une jeune ange rousse et surtout de nombreux membres de sectes en plein combat.

La voiture, c'est fini !

Vers midi, hier, une panne mondiale a touché l'ensemble des machines fonctionnant aux dérivés du pétrole. Elles ont cessé de fonctionner. Par miracle, il n'y a aucune victime à déplorer : les centaines d'avions et d'hélicoptères concernés ont réussi leur atterrissage d'urgence. L'Église voit là un signe de Dieu. De nombreux chimistes indépendants ont fait part que la structure moléculaire du pétrole avait été modifiée et n'était plus exploitable. Le cours s'est effondré et on attend une déclaration de l'OPEP dans les prochaines heures.

Articles de presse datés du 23 juin 2011


Un nouveau monde, la fin du notre !

Alors que Londres se remet à émettre et que les témoins se multiplient, il devient évident que nous vivons un tournant de l'Histoire. Avant-hier, dans la soirée, des milliers de citoyens affirment avoir aperçu un vol d'anges remontant de la Bretagne vers la capitale anglaise. Les politiques du monde entier sont en alerte et certaines frontières sont d'or et déjà fermées malgré les difficultés d'approvisionnement des unités militaires envoyées, privées de transport. Les navires affluent vers les ports côtiers grâce à des voiles de fortune. La crise de l'or noir ne fait que commencer.
À côté de cela, des observateurs affirment avoir observé des espèces depuis longtemps disparues à cause de l'Homme et une repousse accélérée des forêts menacées. L'air aurait également atteint une pureté inégalée depuis l'ère industriel et les premières mesures de la pollution.


Westminster, cœur de la révolution !

Les événements d'avant-hier s'éclairent peu à peu. Hier, les principaux chefs des tribus Gaïannes et Dae Mons se sont réunis dans la cathédrale de Westminster, toujours fermée par une unité de ces farouches femmes du désert que certains londonien ont vu à l’œuvre lors de cette mémorable matinée du 21. Apparemment, les pertes civiles sont miraculeusement nulles. Ce n'est pas le cas pour ces guerrières puisque nous avons assisté hier à une longue procession de quarante-deux civières qui ont été entreposées dans la fameuse abbaye.
Les rares touristes présents dans le bâtiment au moment de l'arrivée de l'ange de feu, nous ont informé qu'un immense arbre, capable de parler et de dessiner certaines formes avec son feuillage, orne désormais la cathédrale. Il s'agirait de la divinité Gaïa, adorée par les deux peuples cités en début d'article (avec cependant une radicale différente de fondement dans leur culte). Les représentant ont d'ailleurs fait une longue déclaration aux journalistes qui se trouvaient là. Elle est reportée dans le supplément du Times. Ici, nous dirons juste qu'une réunion aura lieu demain à midi, par visioconférence, avec les chefs d'états du monde entier afin d'organiser le monde qui vient de renaître. Certaines sources fabulent déjà sur une éventuelle intervention de la magie dans notre quotidien ou du moins de pouvoirs supérieurs. L’anecdote à retenir est que l'ange de feu, répondant au doux nom de Aeither, est toujours dans les mains de Gaïa, son corps et son esprit ayant été poussés au-delà de leurs résistances lors des derniers événements.
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MessageSujet: Re: Le réveil de la déesse   Le réveil de la déesse Icon_minitimeSam 8 Déc - 11:17

Épilogue


- Papa !

L'homme ouvrit grand les bras et y accueillit la jeune enfant pimpante qui fêtait ses dix ans par des acrobaties aériennes qu'il ne pouvait qu'entendre et deviner via le réseau d'énergie qui parcourait toute chose. Son visage était buriné par la vie en pleine air mais il avait gardé une joie de vivre déconcertante, malgré ses yeux aveugles et ses cheveux blancs.
Son visage était parsemé de tatouages en forme d'étoile et dans son dos, deux grandes ailes pouvaient être invoquées. Sur le dos de sa main droite, un phénix lui avait été offert par le clan breton des Gïans pour sa participation à l'ultime bataille. Un symbole bien choisi. Par la suite, il était même devenu leur chaman, la magie de Gaïa ayant réveillé une partie endormie de son génome, lui offrant un corps de Dae Mon et donc la possibilité d'intégrer pleinement la tribu de sa femme.
La naissance de la petite Alarya, bénie par la déesse en personne, lui avait donné un sourire que rien ni personne n'avait pour le moment réussi à lui retirer. Il déposa l'enfant lorsqu'apparut dans son champs de vision si différent, la femme qui encore aujourd'hui hantait chacune de ses pensées. Son passage au sein de Gaïa lui avait donné une existence au cœur du monde des énergies si bien qu'il pouvait toujours admirer ses traits gracieux, ce sourire encore tout neuf, cette longue chevelure de feu, le dragon de sa main droite, le scorpion sur la gauche et le tigre et l'aigle sur les épaules. Il lui arrivait également, lors de leurs unions, de détailler le dauphin et la raie qui ornaient ses jolies jambes. Bientôt, elle recevrait la licorne, l'ultime récompense de son peuple.
Dans quelques années, ils dirigeraient ensemble le monde via le trône gaïan. Mais pour le moment, ils pouvaient apprécier tous les deux d'être, tout simplement.

- Teneombre... murmura-t-elle, souriante et heureuse.
- Aeither... lui répondit-il en douceur, tout en lui caressant tendrement la joue.



FIN


à savoir (ou pas) :
- Aeither a passé un an dans le coma, au cœur de Gaïa et est restée aveugle. Son séjour au sein de l'énergie même lui confère cependant la capacité de voir sans soucis le monde qui l'entoure.
- Elle a donné naissance à Alarya neuf mois après s'être réveillée.
- Teneombre a repris vie une heure après le réveil de Gaïa.
- Les filles du désert tombées au combat, ainsi que certains Dae Mons ont également été ramenés à la vie.
- La Mort, via Gaïa, a épuré les éléments les plus sombres du peuple Dae Mon, le ramenant dans le droit chemin et lui permettant d'invoquer à nouveau ses ailes.
- Cinq ans après ce fameux jour du 21 juin, la monarchie gaïanne voyait le jour.
- La crise de l'or noir a débouché sur un formidable bond en avant et à une maîtrise accélérée des énergies renouvelables, via le savoir de Gaïa. Le niveau de vie humain s'en est ressenti et les inégalités se sont rapidement effacées.
- Les cinq mats marchants sont des vaisseaux vraiment magnifiques et gracieux.
- Sous l'impulsion et la pression de Gaïa, l'humanité a dû réduire sa consommation et ses déchets, boostant la filière du recyclage.
- Le train a connu un nouveau boom et le cheval est redevenu un classique, même si il côtoie, dès 2022, des véhicules électriques tout à fait performant.
- Londres a rejoint la cité sous-marine du peuple des lacs au rang des plus belles villes, ses bâtiments s'étant couverts d'arbres et de fleurs sous l'effet de la proximité de Gaïa.
- En 2051, le moteur anti-gravitation, fonctionnant sous l'effet de l'attraction terrestre, est développé. Il est commercialisé trois ans plus tard sur un large éventail de véhicules (planches, camion, voitures, moto...).
- Aeither devint championne de la danse des fous dès le premier championnat et Teneombre grâce à son handicap, se plaça assez rapidement sur les podiums.
- Alarya...

Non, ça, c'est une autre histoire.


Brouillon : Grèce, Méthoni, le 7/8/11 à 9h08 heure locale (8h08 heure française).
Ordinateur : France, le 18/12/11 à 00h26 (ma copine va me tuer).
Béta : France, le 7/9/12 à 00h09 (Dead Can Write !).
Publication : France, le 8/12/12 à 9h17.
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