Eclosion

Au cours de sa retraite au cœur de la Forêt aux milles sapins, Nayima, jeune elfe ayant l'hérédité surprenante d'une nymphe, rencontre les dangereux maîtres du Sang. Des connaissances mortelles pour qui ne sait se défendre du danger de tels êtres. La vie à tout jamais changée par une cicatrice maléfique réalisée par le Prince Sanz , Nayima n'aura d'autres choix que de suivre cette confrérie pour survivre.

Alors qu'elle s'était convaincu que le Sang pourrait la grandir, lui apporter soutien, elle n'a reçu que regard dédaigneux et irrespect de la part du Prince et du Gardien. Sachant ne pouvoir survivre dans ces conditions, elle s'enfuit transformée en Furie, être de colère, recouverte de feuilles dorées aussi coupante que la plus fine des lames, aux yeux rouge sang et à la chevelure de feu, et aux magnifiques longues ailes du blanc le plus pure.

C'est ainsi que débutera une nouvelle étape de la vie de la jeune femme, celle de la découverte de son monde, de son soi, mais aussi faîtes de rencontres.

Une fois libérée dans le paysage neigeux, elle vola haut et loin, jusqu’à ne ressentir plus que l’ivresse de ce vol. C’était la première fois qu’elle volait, mais c’était tout aussi naturel et instinctif que respirer. Elle profitait pleinement de ces sensations enivrantes, oubliant tout, ne jouant plus qu’à tomber en piquet brusquement, si vite, sans contrôle, jusqu’à se redresser qu’à la dernière seconde en frôlant la cime de arbres. La Furie était lâchée, Nayima la laissait libre, la laissait évacuer son ressentiment. Ici personne ne risquait de mourir. Ce n’est qu’une fois épuisée qu’elle se posa près d’un lac, et s’effondra au sol pour s’endormir immédiatement d’un sommeil profond.

L'intronisation de Nayima parmi le Sang avait été douloureuse, pour son corps mais davantage encore pour son âme. Il était nécessaire qu'elle s'éloigne et prenne le temps de se découvrir, de faire connaissance avec les changements opérés en elle.
La jeune femme se réveilla un peu perdue et sonnée. La transformation en Furie avait laissé Nayima avec des courbatures importantes, au point que lorsqu’elle essaya de se lever, ses jambes tremblaient telles celles d’un poulain nouveau-né. Son équilibre précaire ne lui laissa d’autres choix que de se rasseoir lentement, très lentement.
Tout aussi doucement, elle se glissa vers le lac pour s’y rafraîchir, espérant que l’eau froide agirait comme un baume sur ses membres ankylosés.
Atteinte d’une douce langueur, Nayima se laissait flotter, ses pensées errants sans but, disparaissant aussi brusquement qu’elles apparaissaient, sans jamais essayer de les saisir.

Subitement, l’elfe se redressa pour retourner vers la berge.
“Bien!” dit-elle déterminée avant de partir vers nul ne sait où.

La logique voudrait que pour entreprendre son voyage, le point de départ soit la capital, Belthil. Cependant, Nayima avait d’abord besoin de solitude ou tout de moins d’un peu de calme, avant d’affronter la foule grouillante de la cité administrative. De plus, il lui faudrait la-bas s’occuper de l'organisation de son voyage, notamment envoyer une annonce pour d'éventuels compagnons et elle n'avait pas la tête à cela.
Pour le moment, l'elfe se localisait dans les montagnes d'Echoriath. Adalerin se situant sur le chemin jusqu'à la capitale, elle prendrait donc le temps de se ressourcer dans les hauteurs pour ensuite renouer avec l'humanité dans cette cité célèbre pour l'entente inter-raciale qui y règne.
La jeune femme avançait donc sur le pas de la promenade sans réellement se soucier de la direction, même si elle gardait cap vers le sud. Il n'était pas nécessaire de se presser, après tout personne ne l'attendait.


Sentir à nouveau la sagesse et le calme de la forêt lui faisait du bien. Les majestueux arbres millénaires se contentaient d’observer cette étrange intrue si loin de ses congénères. Nayima ressentait ce frisson, cette gène qui nous tourment lorsque que l’on est objet d’attention.
Elle espérait que ces sages quitteraient leur passivité pour l’aborder mais ne ressentait pas le besoin urgent d’un tel contact. Cette fausse solitude lui convenait parfaitement, l’elfe se vidait peu à peu l’esprit pour lentement retrouver un équilibre.

Au cours de son errance, elle cherchait quelques denrées comestibles. Elle fût rapidement surprise par les nombreuses espèces végétales qu’elle n’avait eu l’occasion de croiser nul par ailleurs. Elle se méfia des plus belles ou des plus odorantes qui se révélaient souvent les plus dangereuses pour se focaliser sur des champignons ou herbes plus classiques ou, quand elle n’en trouvait pas de connus, qui semblait moins chercher l’attrait.

Conscient d’être une étrangère dans un lieu inconnu, elle fit le choix de suivre une rivière qui serpentait calmement la montagne. Même si l’elfe choisissait parfois de s’en éloigner, elle prenait soin de toujours entendre les bruits des remous de cette eau impétueuse qui souhaitait fuir la montagne.

Nayima prenait plaisir à ce voyage et prit rapidement l’habitude de se baigner le matin dans cette eau glaciale qui venait des hauteurs, pour profiter ensuite de la chaleur des rayons du soleil qui doucement la séchait et la réchauffait dans la fraîcheur matinale. Il lui semblait qu’il n’y avait plus grand plaisir que cette sensation de chaleur offerte par l’astre alors qu’elle sentait la rosée du matin et toutes ses odeurs extraordinaires des fleurs, des plantes, qui s’éveillent au soleil.

Il n’y avait plus de doutes, Nayima n’était pas seule. Il ne s’agissait plus de bruits furtifs mais bien plutôt le raffut d’une course poursuite dans une forêt où branches et arbustes pouvaient autant être des alliés que des obstacles ou des pièges.

Inquiète de ces arrivants indésirables, la jeune femme ne remarqua pas immédiatement l’arrivée de Cassiopée. Son souffle se fit lourd alors que la peur lui serrait le coeur. Elle n’était pas prête; elle ne pouvait pas encore revenir; l’elfe ne savait même pas si elle trouverait un jour le courage de rentrer.

La Dame s’approchait silencieusement, lentement, comme pour apprivoiser un animal sauvage... ou ne pas l’effrayer. Mais même son sourire ne suffisait à rassurer Nayima. L’elfe souhaitait s’enfuir mais se savait incapable de semer sa consoeur alors, elle attendait paralysée la colère de Cassiopée et sa punition.

Pourtant, lentement, une sensation de calme se diffusa à travers chacun de ses muscles, enlevant progressivement la tension qui les contractait. Surprise, Nayima en oublia sa peur pour se concentrer sur l’origine de cet apaisement.
Iolar avait tenté de rassurer l’elfe mais celle-ci était trop effrayée pour l’entendre. Alors il avait tenté de calmer son corps à défaut de son esprit. Il savait que Dame Cassiopée ne lui ferait pas de mal mais l’elfe trop blessée n’avait pas même pas imaginée que la Gardienne puisse venir en amie.

Libérée de sa paralysie, Nayima écouta le message d’apaisement de l’âme. Pas tout à fait convaincu, relativement suspicieuse, elle décida cependant que rester paralysé ne changerait pas grand chose. Encore lâche, elle tourna le dos à la confrontation avec Cassiopée et se dirigea vers le lieu où la cavalcade semblait s’être arrêtée. D’une certaine manière, elle était soulagée de ne pas être seule pour affronter ses arrivants.

Après quelques pas, elle se retourna vérifier si Cassiopée suivait. La Dame avait cessé d’avancer quand l’elfe avait fui, son regard semblait triste bien que déterminé. Nayima patienta sans dire un mot, sans rassurer sa consoeur. Ce n’est seulement lorsque Cassiopée fit mine de poursuivre sa route vers elle que l’elfe continua la sienne, en jetant fréquemment des regards derrière elle.

Des questions inquiètes tourbillonnant dans sa tête quand elle arriva devant une scène improbable: un elfe accroché à la carapace de... d’une... d’un “animal” en face d’un autre elfe dans une tenue dirons nous négligée couvert de terre, de feuilles et de différents trainées que Nayima ne souhaitait pas définir, lui même à côté d’un Teysa à terre.
La présence du Lunaire aurait dû la préoccuper, mais la scène en elle-même la laissait abasourdie.

C’était un étrange groupe qui se trouvait par le hasard réunit en ce lieu perdu en pleine forêt. Des évènements indépendants avaient fait évoluer des personnages d’alliances ennemies, ou sans attaches en ce lieu pourtant emprunt de mystères.

De même, c’est l’étonnement de cette étrange rencontre qui avait étrangement placé ce groupe qui s’observait avec selon chacun, inquiétude, surprise, peur (...?) selon un cercle parfait. Une disposition qui permettait la sécurité de chaque individus qui pouvait ainsi observer ses interlocuteur tout en se réservant la possibilité de se défendre et de s’enfuir.

Pourtant, c’est cette formation qui allait déclenché des évènement qu’aucun n’aurait pu prévoir, ni même imaginer.

Alors que Teysa le lunaire faisait un pas vers Luthien formant ainsi ce cercle parfait, des lumières bleues aveuglantes s’élèvèrent soudainement en colonne de chacun de membres du groupe. Tout aussi brusquement, chacun d’eux disparu.


Nayima ne comprit pas immédiatement les évènements: d’abord éblouie par une lumière intense, elle eut la sensation d’être lentement élevée, ses pieds quittant peu à peu le sol. Soudain un nouvel éclair lumineux immédiatement suivi de l’obscurité la plus complète accompagna la sensation de l’elfe d’être projeté.
Les sensations changèrent; bien que l’absence de lumière puisse être effrayante Nayima se sentait comme dans une chaleureuse couverture duveteuse.

“Que souhaites-tu?” Une voix ou des milliers de voix, à la fois jeune et vieille, féminine et masculine, à l’intonation changeante, venant de partout à la fois.

A la fois le choc, l’incompréhension et la surprise rendirent la jeune femme incapable de répondre.

“Que souhaites-tu?”

La réponse s’imposa à elle comme une évidence, elle souhaitait que la chaîne qui la reliait au Prince disparaisse, elle voulait guérir de cette odieuse cicatrice noire qui barrait son ventre et ne cesser de vouloir l’anéantir. Alors qu’elle ouvrait la bouche pour répondre à l’entité, elle fût à nouveau éblouie et aspiré.

La chute brutale fit s’évanouir l’elfe quelques instants. Quand elle ouvrit les yeux, ce fût pour constater qu’elle était tombée sur un sol en terre dur. La poussière avait été soulevée par la chute et un nuage étouffant empêchait Nayima de respirer correctement ou d’observer son lieu d'atterrissage. L’endroit devait être clos puisque peu d’air circuler, la poussière semblait lentement stagner. L’elfe finit par se lever dans l’espoir d’atteindre un air plus agréable. La pièce était sombre, aucune fenêtre pour l’éclairer, bien qu’un rayon de lumière qui passait à travers une trappe au plafond lui permettait de constater qu’elle se trouvait probablement dans une cave et qu’elle n’y était pas seule.

La première frayeur de se retrouver dans un lieu inconnu avec des étrangers passée, elle s’approcha des formes encore allongées. Tout l’étrange groupe de la forêt se trouvait déposé dans cette cave.

Plutôt que les effrayer, elle décida de sortir de cette cave. Commencer par ouvrir cette trappe et laisser davantage d’air entrer aiderait probablement à éviter la panique au réveil de ses compagnons. En tâtonnant avec précaution, elle finit par trouver une échelle quelque peu branlante. Relativement peu confiante de la solidité de celle-ci, elle hésita quelque seconde avant de poser avec toute la délicatesse et la légèreté dont elle était capable un pied hésitant. Satisfaite du premier barreau, elle tenta la même expérience avec le deuxième. Lentement elle finit par atteindre l’ouverture qui exigea un peu d’insistance de la jeune femme avant de la laisser atteindre l’air libre. Ou en tout cas un air moins enfermé. Ici aussi une intense fumée empêchait l’elfe d’observer son environnement, mais de larges fenêtres laissaient entrer une lumière blafarde. Elle se trouvait dans un salon assez vétuste composée d’une table simple en bois de forme carré, sans aucune fioriture, accompagnée de deux chaises. Une cheminée éteinte se trouvait à droite de la pièce et dont le foyer était caché à la vue de la jeune femme par un vieux fauteuil.

Inquiète que cette fumée ait pour provenance un feu de cheminée mal éteint, elle décida de s’en approcher. L’âtre était vide et seules quelques cendres froides avait résisté au nettoyage du propriétaire.
Ses yeux piqués par le fumée commençaient à larmoyer, Nayima décida de chercher refuge dans la rue. Enhardie par cette gêne, elle se précipita vers la porte sans prendre aucune précaution et ce fut un nuage du fumée plus dense encore qui l’accueillit.

La scène de désolation qui s’offrait à elle la bouleversa. Partout des bâtiments à moitié effondrés étaient en feu, un incendie gigantesque se propageait dans ce village. Plus encore que cette dévastation, ce fut le silence oppressant qui tétanisa l’elfe: aucun cri, aucun signe de panique, seul le crépitement des flammes donnait vie à cette scène.

Non, un autre bruit s’entendait. Un son tellement répétitif qu’elle ne l’avait pas remarqué. L’éclat d’un objet métallique contre une surface dure résonnait de manière régulière. Tournant la tête, Nayima aperçut au loin une silhouette semblant creuser. Cette présence vivant lui redonna courage, elle s’élança vers l’étranger. Ce n’est qu’à quelques pas de celui-ci qu’elle comprit qu’il creusait un trou, ou plus exactement, une tombe, pour le corps inerte d’une femme dont la poitrine présentait une plaie béante.
Incapable d’avancer davantage, l’elfe sentit tout son corps trembler, elle resta ainsi à observer cette homme creuser avec une cadence presque mécanique.

Cenino sentit une violente douleur lui parcourir l’estomac, l’esprit encore brumeux il tenta de retenir le reflux acide qui parcourait sa gorge avant que celui-ci n’eut le temps de s’en échapper. A peine percevait-il les bruits qui l’entouraient mais il était convaincu qu’il n’était pas seul. A quelques centimètres de son visage il pouvait sentir la présence d’un corps, la chaleur qui en émanait lui indiquait par ailleurs que celui-ci était vivant, ou peut être venait-il juste de mourir, mais dans ce cas combien de temps lui restait-il lui-même à vivre ?

Son esprit était encore rempli de milliers de voix entremêlé et baigné dans une vive lumière bleutée ; s’échappant peu à peu de son sommeil, il prenait lentement conscience des choses qui l’entourait. Il crut percevoir les bribes d’une phrase quelques mots qui s’enfuyait près de son oreille, « foi », « tombe », « morceau ». Il en était certain maintenant la masse près de lui était en vie. Se concentrant sur ses mains il s’aperçut que le sol sur lequel il reposait était bien différent de la forêt dans laquelle il se trouvait alors. La froideur du sol contrastait nettement avec la sensation étouffante qui l’entourait, il remarqua alors qu’il avait peine à respirer et que la chaleur devenait de plus en plus suffocante.
A peine remis de ses premières investigation, il se releva brusquement saisis la chose près de lui au visage et colla violemment ses lèvres sur ce qui sembla être de prime abord des limaces déshydraté. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour que ses yeux se braquent sur la jeune femme elfe, car bien que ses yeux ne se soient pas encore habitués à l’obscurité il avait reconnus son parfum.
Lâchant prise sur le visage qu’il avait saisi, il se releva lentement. Du rictus malsain qui parcourait son visage s’écoulait un léger filet de bave. Les yeux toujours rivés vers Nayima il commença à s’approcher d’elle alors que toujours agenouillé sa pauvre victime cherchait à reprendre son souffle et crachant bruyamment, se remettant de cette émotion un peu trop vive. N’ayant fait que quelque pas dans la semi obscurité, il butta sur une masse qui manqua de le faire tomber au sol, reprenant agilement son équilibre il se détourna du parfum qu’il aimait tant pour évaluer la situation dans laquelle il était.

La pièce dans laquelle il se trouvait était remplis de masse plus ou moins informe. Brièvement il crut percevoir la silhouette du répugnant enfant de la Lune, la vision de celui-ci le replongea un court instant dans ses souvenirs encore confus quand il fut pris d’un sentiment violent. Quelque chose semblait approcher rapidement, il l’avait senti. Quoi que fut cette chose, elle ne venait sans doute pas en ami. Il ne prit pas le temps de constater plus précisément la scène ; il frappa d’un violent coup de pied la masse sur le sol pour continuer son avancée vers la femme elfe, ne s’enquit pas de la chose qui respirait à peine près de lui et s’avança rapidement vers elle. Au même moment un bruit sourd se fit entendre, à l’étage supérieur quelque chose venait de pénétrer dans le lieu. Quelques braises dégringolèrent par la trappe juste au-dessus d’eux, informant l’elfe de la présence d’une issue. Il ne lui fallut pas longtemps pour constater que l’accès à celle-ci était quelque peu limité au vue des restes d’échelle suspendue au-dessus de sa tête.
Cenino repris sa respiration calmement, d’un geste ample remis de l’ordre dans ses vêtement et tendis d’un geste léger et agile sa main vers Nayima, il sourit.

- M’accorderiez-vous cette danse très chère.

L’elfe n’eut pas le temps de répondre il lui saisit la main avant qu’elle n’eut le temps de parler. Il murmura quelque mots dans une langue inconnus et alors qu’un cercle lumineux venait de se dessiner à ses pieds lui et Nayima se retrouvèrent à l’étage. Dans la pièce en désordre et en flamme dont les murs commençaient à s’effondrer alors qu’il avait peine à respirer les deux jeunes elfes se trouvèrent nez à nez avec une immonde créature hybride. Au milieu de la pièce un être informe était appuyé sur quatre pattes massive recouverte d’écaille couleur boue. Ces innombrables yeux recouvraient une grande partie de son anatomie alors que deux langues effleuraient dans un incessant ballet le sol de la bâtisse en ruine et en flamme. La créature tenait à peine dans ce qui restait du bâtiment finissant d’arracher çà et là des morceaux de ce qui devait être encore il y’a peus du mobilier.
Lâchant la main de Nayima, Cenino se retourna vers elle.

- Désolé ma chère, mais j’ai bien peur qu’il ne soit suffisamment gros pour nous deux. Si vous permettez je danserai seul.

Nayima sans chercher à comprendre ce qui venait de se produite recula de trois pas. Ce qu’elle vit par la suite ne fut qu’horreur et monstruosité, le spectacle s’offrant à elle tenait du carnage et de l’abomination. Un hurlement retentis bien loin dans les plaines avoisinantes. L’elfe le regard encore fixé devant elle, contemplait un spectacle des plus sanglants. Cenino sourire aux lèvres se tenait près de la créature et se délectais d’une partie des entrailles de celle-ci. A travers une plaie béante dans laquelle s’enfonçait son bras il semblait chercher quelques choses. Vivement il retira une masse informe, la tenant fermement entre ses doigts, on voyait la masse palpiter, un cœur semblait battre en son sein. Il approcha le fœtus à sa bouche avant de s’en délecter devant l’elfe écœuré.
En bas des éclats de voix commençaient à se faire entendre. On se disputait.

Nayima n’avait pas de nom pour le spectacle qui s’offrait à elle. Horrifiée, elle supporta le combat et même Cenino en train de « savourer » les entrailles du monstre mais le fœtus fut de trop. D’abord elle n’osa admettre ce qu’elle voyait, puis la jeune femme se sentit mal, extrêmement mal, il lui semblait que ses propres entrailles voulaient s’échapper, elle était prise de spasmes et de haut de cœur. Précipitamment, en se tenant le ventre, une main devant la bouche, elle prit la fuite dehors, dans un air un peu moins saturé, et surtout loin de ces monstres.

Une fois dehors, elle trouva un pan de mur pour vomir le maigre contenu de son estomac. Des spasmes violents la traversaient encore alors qu’elle n’avait plus rien à rendre. Elle se sentait vide de toute force et s’effondra contre le mur, les yeux encore écarquillés d’horreur, sa gorge et ses yeux brulant. La peur l’envahissait peu à peu, elle se retrouvait dans un lieu inconnu en flamme, avec des individus plus ou moins amis ou connus, voire totalement inconnus, et surtout avec une horreur ambulante qui semblait s’intéresser à elle. Le souvenir des lèvres de ce monstre la touchant entraîna de nouveaux spasmes qui la laissèrent pantelante sur le sol.

Puis une nouvelle inquiétude jaillit ; une peur bien plus sourde et profonde, accompagnée d’un sentiment de perte intense : elle ne sentait plus Firith, nulle part l’entité était présente, elle qui serait nécessairement intervenu dans un tel moment de détresse, ne serait-ce que pour la soutenir moralement. Comment une partie d’elle-même, une entité découlant directement de son être, pouvait avoir disparu. Prise de panique, elle chercha également Iolar sans succès ; même ce lien qui la retenait prisonnière du Prince, bien que toujours présent, semblait comme effacé, l’elfe était incapable de le remonter jusqu’à Sanz.

Paniquée, la jeune femme chercha son élément, elle avait besoin de sentir la présence rassurante de la nature. Ce village en feu l’étouffée ; encore vacillante, elle se leva tremblante et quand enfin elle trouva la stabilité sur ses deux jambes, elle se précipita vers la sortie du village, vers un bosquet d’arbres. Hésitante et apeurée, Nayima s’approcha lentement d’un vieil arbre, la main tendue.
Bien qu’utilisant toutes ses forces, elle ne parvenait pas à toucher l’esprit de l’arbre. Sa nature même était brisée, elle était seule sans pouvoir. Lentement, tremblant de tout son corps, elle s’effondra au pied de l’être végétal. Des larmes silencieuses apparurent, laissant une trainée sur ses joues salies par la fumée ; puis vinrent les gros sanglots qui agitèrent tout son corps déjà épuisé. Enfin elle s’effondra inconsciente, épuisée.

Lùthien

Rassurée et apaisée, elle ne voyait plus que ce pain qui allait soulager son ventre criant famine, et ne prenait garde où elle posait les pieds. A quelques pas d’Exodus, son pied droit rencontra d’abord la terre ferme qui s’illumina d’un éclair bleu éblouissant avant de se dérober.

Une fois encore elle se retrouvait assise dans un lieu inconnu:

-Ca commence à bien faire! hurla-t-elle. Ce pain avait l’air si bon...

Le décors avait totalement changé, elle se trouvait en haut d’une colline entourée de champs, peu loin d’un route qui menait à un village en feu. Elle regrettait déjà la calme forêt et le sympathique Exodus.

-Il n’y a plus qu’à espérer qu’il reste quelque chose à manger qui n’ait pas brûler dans ce village... Au moins, le trajet sera court.

C’est en s’attendant à encore disparaître à tout moment dans un autre lieu qu’elle se dirigea vers les maisons enflammées. Aux abords, elle trouva plusieurs corps dont certains carbonisés, elle y récupéra un poignard et une épée avant de poursuivre sa route et enfin entrer dans le village. Ce n’était plus la faim qui serrait dorénavant son ventre, mais bien la peur.



Lynae avançait prudemment dans le village ; certaines maisons brûlaient entièrement et menaçaient de s’effondrer à tout moment. Elle cherchait une habitation qui serait suffisamment épargnée pour y trouver un nécessaire de voyage et un peu de nourriture.

Plus elle s’enfonçait de le village, plus l’absence de villageois encore en vie l’inquiétait tout comme ce qui avait pu mettre cet endroit ainsi en flamme. Elle longeait donc les murs encore sains, le regard à l’affût, tel un voleur s’apprêtant à commettre un forfait.

Un bruit sourd vint à se faire entendre au-dessus des crépitements et semblait se rapprocher par le ciel. Devenant de plus en plus bruyant, jusqu’à ce qu’elle s’entende à peine penser, une boule de panique se format au creux de son ventre. Pourtant la jeune femme restait là comme paralysée rien qu’à imaginer ce qui pouvait être à l’origine de ce vacarme.

Une ombre vînt recouvrir la ville comme si le soleil refusait d’être témoin de ce qui arrivait. Puis elle le vît, être aussi majestueux que porteur de crainte… et d’envie. C’était lui qui avait caché le soleil telle une éclipse, ses ailes à l’origine des vents violents qui la rendaient sourde et faisaient se courber les flammes qui se nourrissaient du village.

Il l’avait vu et fondait droit sur elle mais alors que la jeune femme pensait être son casse-croûte, l’être de légende s’arrêta devant la jeune femme dans un tourbillon de poussière. Toujours paralysée, elle attendit sous le choc des évènements ce que le destin lui réservait.
Une tête immense au bout d’un long coup reptilien s’avança vers elle ; entre des crocs aussi longs que ses bras et larges comme ses deux cuisses, dardait une langue de reptile. Mais la tête se tourna pour laisser un œil aussi grand que sa tête l’observait et la jauger à quelques centimètres d’elle à peine.
Une voix caverneuse raisonna dans sa tête avec un écho semblable à celui dans une immense cathédrale… ou grotte :

« -Tu n’es ni de ce monde, ni de ce temps. »

Il lui sembla qu’il attendait une réponse mais fut bien incapable de parler. De plus, les paroles sonnaient comme une affirmation et non comme une question.

« -Où sont tes compagnons ? »

Les yeux de Lynae s’écarquillèrent d’incompréhension.

« - La prophétie annonce un groupe. (Silence) Un autre Dragon réfractaire à la Prophétie vous pourchasserait pour vous tuer tous, mais je suis l’un des rares partisans aux changements qu’Elle annonce. Dis-moi où sont tes compagnons, je dois vous mettre à l’abri. »

C’est la voix tremblante et presque inaudible qu’elle trouva la volonté de répondre après un lourd silence :

« - Je … Je suis seule… aucun compagnon…j’i… j’ignore de quoi vous parlez ! »

Elle ne l'avait pas entendu arriver et ce n'était que du fait de l'attention que lui porta l'Etre qu'elle le vit. Mais Lynae n'eût point le loisir d'observer l'inconnu avant qu'il soit englouti par un flot de flammes bleues dont la chaleur lui fit rosir les joues. Cependant, toute couleur quitta son visage quand elle comprit qu'il brûlait vif. La jeune femme entendit un hurlement qu'elle attribua au malheureux avant de réaliser que c'était son propre cri. 

Soudain, toute force sembla la déserter et elle s'effondra à genoux, les larmes ruisselantes, les mains tremblantes. Elle attendait la venue de son propre supplice, de sa propre mort, dorénavant convaincu qu'elle ne survivrait pas à cette rencontre.

Pourtant, lorsque les flammes cessèrent, le corps de l'homme n'était pas qu'un squelette carbonisé.  

Le souffle du Dragon agit sur l'elfe du Sang comme l'eau redonne vie à l'assoiffée; et avec la vie la peur de l'inconnu, de mourir. Elle se leva donc, appelée par la Source de magie tel le papillon de nuit par le feu qui le brûlera.

Nayima arriva au moment où l'homme tendait la main à la jeune femme, mais elle ne les vit pas plus qu'elle les entendit, obnubilée par le Dragon devant elle. La jeune femme s'était sentis en paix, en osmose avec les arbres millénaires; pourtant ce n'était en rien comparable à ce qu'elle ressentait: c'était comme si elle était enfin à sa place, comme si tous les morceaux de puzzle s'étaient enfin assemblés pour représenter son destin.

L'elfe s'approcha de l'Etre jusqu'à son énorme gueule et tendit la main. Quand finalement elle le toucha, il lui sembla qu'une énergie cosmique la traversait; elle voyait les fils des possibilités la traverser jusqu'à atteindre un noeud, celui où une prophétie annonçant l'impossible se réalisait; celui où un groupe d'un autre temps changeait le destin de leur monde. Elle vit, elle comprit puis soudain l'eau se tarit, plus une goutte ne venait l'abreuvait.

Nayima revint à elle alors que le Dragon la fixait:
"-Dépéchez-vous!"