Taliesin

Le jeune homme sortit de la boutique et s’engagea dans la rue. Une fois de plus, on l’avait refusé. “Vous voyez, c’est un peu contre-commercial dans une boutique comme la nôtre” lui avait dit le propriétaire de l’échoppe.

Contre-commercial ! Ce vieux bedonnant doit à peine comprendre de quoi il parle !

- C’est tes squelettes dans la vitrine qui sont “contre-commercial” crétin ! hurla-t-il de rage en s’éloignant.

Quelques passants le regardèrent surpris.
C’était la troisième boutique qu’il visitait dans cette ville. Toutes s’occupaient plus ou moins de magie, et toutes avaient refusé de l’embaucher sous prétexte que “Nécromancien, c’est pas vraiment vendeur”.

La première proposait des services divers, la seconde vendait des articles de magie et la troisième, qu’il venait de quitter, s’occupait de soins magiques.

Bon, peut-être bien que le vieux a eu raison de me refuser, et je me serais ennuyé dans la boutique d’articles de magie, mais en ce qui concerne la première échoppe ! Mes pouvoirs peuvent rendre de grands services !

Dépité, il se rendit sur la terrasse d’une taverne et commanda ce qu’il y avait de moins cher sur la carte. En attendant d’être servi, il réfléchit à sa vie depuis qu’il avait quitté l’école de magie. Voilà près de deux mois qu’il cherchait un emploi et c’était la cinquième ville qu’il visitait. Nul part, il n’avait pu obtenir ne serait-ce qu’un début de travail, même en essai et de façon bénévole. On l’avait prévenu à l’école que la voie de Nécromancien n’était pas la plus judicieuse, c’était la seule voie qui l’avait intéressé, alors que pouvait-il faire ?

Pourtant, les Nécromanciens ne sont pas vraiment méchants, enfin pas tous, mais les croyances populaires ont la vie dure.

Quand le serveur lui apporta son verre, il lui demanda :

- Vous savez combien d’échopes de magie il y a dans la ville ?

Il connaissait la réponse mais préférait en être sur avant d’être obligé de retourner à Belthil.

- Hum il me semble qu’on en a deux ou trois. La première ne doit pas être très...

- Merci laissez tomber, c’était juste pour savoir...

Il fouilla dans son sac à la recherche de sa bourse mais ne la trouva pas parmi les ouvrages de nécromancie, les quelques fioles toujours utiles au magicien et le parchemin magique contenant l'âme d’un bretteur ayant vécu une centaine d’années auparavant. Il reposa son sac en se rappelant qu’il avait accroché sa bourse à sa ceinture, à l’opposé de son épée. Il paya son verre, le but d’un trait et se leva.

Taliesin s’éloigna de la taverne en soupirant. Il était dans une ville de taille moyenne, peuplée de petits bourgeois qui s’étaient enrichis en vendant les produits des agriculteurs locaux dont les champs s’étalaient tout autour de la ville. Avec le commerce florissant, des boutiques s’étaient ouvertes, tissus, matériel d’agriculture, droguerie et ainsi de suite, dont la magie. Tout ce petit monde profitait d’une région ensoleillé et d’une terre fructueuse favorisant le développement de la ville. Les magiciens locaux fournissaient des potions et des sorts aux agriculteurs pour favoriser les récoltes, des protections aux marchands pour leurs convois, des soins efficaces, et ainsi de suite.

Malheureusement, une telle ville ne voulait pas de Nécromanciens. Son maire refusait de recourir à leurs pouvoirs malgré les immenses services qu’ils pourraient rendre. Une seule ville acceptait ce genre de services dans la région : Belthil ; et il ne pouvait espérer rejoindre une autre Cité-Etat sans argent.

Toutes ces réflexions l’avaient ammené aux portes de la ville. Il prit son courage à deux mains et partit, direction Belthil, cette cité qu’il avait quitté deux mois auparavant à la fin de son cursus à l’Ecole Générale de Magie de Belthil (EGMB).