[Unique]Baptême animal

La nuit était déjà bien sombre quand Laylay arriva aux grilles de la cathédrale. Un des gardes s’empressa d'aller se renseigner sur cette venue étrange à une heure si tardive. Quelle ne fût pas sa surprise de découvrir un Enfant de l'Unique à bout de force tentant péniblement de franchir les dernières mètres qu'il lui restait pour franchir les portes de la cathédrale.

- Sir Lay, nous ne vous attendions plus à cette heure, Exodus à servis le souper depuis bien longtemps déjà.

- Cela ne m'étonne pas de lui, mais la foi est mon seul dîner, veuillez annoncer mon arrivée je dois m'entrenir avec les autres Enfants.

- Bien sir, tout de su...

La garde n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu'il se laissa surprendre par une ombre bondissante derrière Laylay. Plaqué au sol par un imposant félin il n'eut même pas le temps de dégainer son épée. Laylay s'empressa d'attraper l'animal par son collier et le tira vers lui dans un mouvement de recule.

- Tout doux Syroko. Dites à Ex de mettre les restes dans une auge et de mes les faire apporter, si je peux me nourrir de mes prières lui en revanche est en pleine croissance, faisons le dîner avant qu'il prenne votre mollet pour amuse gueule.

Le garde s'empressa de se relever pour s'enfuir en vitesse en direction des cuisines, Laylay n’eut même pas le temps de lui dire de ne pas prévenir le Primat pour le moment. Il avait beau être intimement persuadé que ses actes était guidé par l'Unique, il n'en était pas pour autant moins craintif de la probable réaction de De Vaane.

- Allez viens, je vais te présenter à la bande d'allumés.

Haussant les épaules il continua sa route vers la cathédrale le pas emboité par la créature velue. Il monta une à une les marches de marbre et pris place dans l'immense salle de culte attendant la venue de ses acolytes.

Il était déjà arrivé que la direction des fourneaux de la Cathédrale change de responsable. Il arrivait parfois que le Chef tombe malade, auquel cas les marmitons prenaient le contrôle, pour leur plus grande gloire et celle des digestifs maisons de Teclis. Les toilettes étaient ensuite le plus souvent considérées comme zone sinistrée.
Par la suite, il y avait eu cette histoire d'échange inter-commanderie, période durant laquelle les membres du Culte en Ter Aelis avait eu la surprise de se voir servie des plats d'inspiration Kul'oshg, île à l'ouest des côtes du Vieux Continent, récemment conquise par Ses serviteurs et notoirement connue pour ses spécialités à base de piment. Le réfectoire n'avait jamais semblé plus vide pendant les deux mois de l'échange, ni les joues de Enfants si accordées à la couleur de leur robes. Tear avait d'ailleurs atteint le plus haut degré de température connue pour ses flammes au bout d'une semaine.
Dans un autre domaine, la tentative du Primat de réduire les coûts de sa Commanderie, notamment en louant les services d'un chef extérieur et en réduisant la variété des approvisionnements, faisait encore débat. Chacun se souvenait, avec émotion, de l'instant où DeVaanne avait plongé sa cuillère dans le potage indéfinissable qui avait été servie, pour réussir à la ressortir au bout d'une minute et avaler la première bouchée. Le Primat avait fini son plat, dans une formidable démonstration d'abnégation, de fierté et sans doute d'un peu d'entêtement, avant de courir en direction des cuisines, sous l'emprise d'une sainte fureur. Teclis avait de son côté récupéré les parts intacts des autres Enfants (qui s'étaient bien abstenue de toucher cette "hérésie culinaire" comme ils l'avaient qualifié) et s'en servait depuis comme base chimique pour ses expérience, voir comme nettoyant.

La dernière grande modification en date remontait maintenant à un peu plus d'une semaine, suite à une discussion entre le Chef, ses marmitons et le Répurgateur Exodus, lequel avait été le voir à la fin du repas pour lui faire part de quelques remarque. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas le rat, avait-il dit alors, mais entre nous vous le cuisinez très mal et il mériterait une cuisson au feu et pas à l'eau bouillante. S'en était suivie une vive altercation entre les intéressés et durant quelqu'un avait tenté de trépaner l'Enfant avec un écumoire. Trois commis à la cuisine et un marmiton en étaient sortis blessés, et on déplorait la perte de trois casseroles, deux louches et un nombre non déterminé de couvert de service. Suite à cette bataille, jamais retranscrite dans les annales du Culte, le Chef avait posé un avis de grève et le Primat, pour une fois étrangement attentifs aux plaidoiries du petit personnel, avait déclaré soutenir la masse salariale contre "l'oppression répurgatrice" et avait condamné cette dernière à gérer les cuisines jusqu'à ce qu'un accord puisse être trouvé. Le Répurgateur lui aurait demandé à cet instant, en ces termes selon les témoins, "s'il ne se foutait pas un peu de sa gueule, il était membre de l'Inquisition, homme d'arme et de gastronomie, pas chef de cantine!" Ce à quoi le Primat lui avait rétorqué que, justement, il attendait toujours la preuve de la première affirmation.

Bref, les repas du réfectoire s'étaient vu plus ou moins amélioré ces derniers temps ("Soufflé au rat, accompagné de sa sauce ~~égout~~ maison") et la présence du Répurgteur fortement atténué, à l'inverse de l'attente entre les plats.
Lorsque le Juré vint le trouver, Exodus était endormis sur un tabouret, la tête enfoncé dans son coude, au milieu des casseroles qu'il était occupé à laver quelques instants plus tôt. Les marmitons avaient profité de l'aubaine pour prendre la poudre d'escampette.
Le Frère Juré lui expliqua rapidement la situation, en éludant un ou deux détails mineurs (et dotés de griffes), préférant se concentrer sur "Sir Lay est de retour et attend dans la grande salle", "m'a demander de vous demander d'apporter les restes de ce soir dans une auge", et "bonne soirée Sir, je vais prévenir les autres Enfants".
Exodus pris la nouvelle avec une flegme issue de la fatigue, vida le contenu de plusieurs fonds de casseroles dans un grand plat et pris la direction de la salle en baillant. Au travers du coton qui lui servait en cet instant de réflexion, il se demanda depuis quand Laylay était rentré, voire même depuis quand il était partit. Le peintre avait une propension au voyage improvisé qui virait au vagabondage. Et pourquoi demander les restes comme ça? Il aurait pu lui passer une assiette, il en restaient quelques unes d'intact, il en était sûr.
Plongé dans ses hautes réflexions, il atteint finalement la porte de la grande salle, qu'il ouvrit d'un mouvement du bassin. Il resta ainsi dans l'embrasure de la porte à regarder la salle et se dit qu'il ne devait pas être totalement réveillé. Pour preuve, il voyait un Laylay exténué se tenir assit à l'une des grande table et à ses côté une forme féline et prédatrice aux oreilles dressé et à la robe tachetée.
Exodus soupira et fit marche arrière, retournant dans le couloir. Il se mit une claque, secoua la tête et repassa la porte.
Voilà qui allait mieux! L'Enfant était toujours assis à la table, l'air fatigué, voir inquiet, mais la bestiole à poids ne se trouvait plus à ses côté.

- Salut Lay! Alors, où est-ce que...

Une masse se fourrure et de muscle de plusieurs kilo percuta le Répurgateur et le mis à terre. Celui-ci, réveillé par le choc, se trouvait nez à nez avec une panthère, laquelle feulait à son visage, libérant une haleine à réveiller un mort. Les griffes patinaient pour l'instant contre le plat que l'Enfant tenait entre lui et la bête mais ce n'était qu'une question de secondes avant qu'elles ne trouvent le chemin vers du blanc de Répurgateur premier choix.

Une panthère! Une putain de panthère! Mais quel était donc le con qui l'avait laissé rentrer? Exodus recommanda brièvement son âme à l'Unique, réservant au passage une table pour deux au banquet divin, une place pour lui et l'autre pour l'abrutit qui avait fait rentré cette foutue bestiole si jamais il avait le temps de lui mettre la patte dessus.

- Siroko, stop! Calme, bon sang!

Laylay tira sur un collier enfoui dans les poils de la panthère, qui finit par reculer, toujours en feulant à l'encontre du porte-plat. Exodus, recouvert par les restes, se dégagea de sous le plat et foudroya Laylay du regard tout en se redressant.

- Euh... Je suis rentré? tenta se dernier avec un sourire gêné.

- Sans rire? répondit Exodus d'un ton qui aurait coupé du bois. Et je suppose que tu as cru bon de ramener cette bestiole avec toi comme souvenir?

- Excuse Siroko, il est encore très jeune, et il meurt faim. Je suis justement en train de le dresser et...

- A parce qu'elle a un nom en plus, la sale bête? Et bien figure-toi que là j'ai failli mourir tout court pour le coup et que... Attends, tu veux dire que ce truc va grandir? dit Exodus d'un ton incrédule, pointant du doigt la panthère, qu'il pensait être un représentant du modèle adulte, tandis que celle-ci dévorait ce qui était tombé du plat.

- Oui alors, à ce sujet, si je pouvais préciser...

- D'accord, fit Exodus en levant les mains devant lui, toute la frustration de cette dernière semaine se réveillant tel un volcan, on va faire les choses dans l'ordre. Tu vas m'expliquer ce qui c'est passé et comment ça a débouché à l'arrivée de cette... chose, là, et j'espère pour toi que c'est une bonne histoire, parce que si je suis plutôt bon public, je te signale que les collègues sont un peu plus tatillons dans le domaine. Quand Teclis a ramené Dispater ça allait, il était encore en format modèle réduit, mais là, honnêtement, t'as intérêt à être très convaincant.

Certains Enfants de l'Unique avait rejoins Laylay et Exodus intrigués par les hurlements aussi soudains qu'intriguant de ce dernier. Ceux-ci n'avaient pas osé s'approcher pour le moment de peur de ce faire trancher en rondelle par les mouvement de sabre qui accompagnaient les tirades du répurgateur, à moins que leur peur ne fût plutôt attisée par la bête poilue en train de se régaler goulument de tout ce qui lui passait sous la dent.

[...] mais là, honnêtement, t'as intérêt à être très convaincant.

- Effectivement je vous doit des explications, mon retour ce fait aussi inattendu que mal venu. Et si le choix m'avait été possible tu penses bien que j'aurais attendu avant de venir vous présenter notre nouveau compagnon, car c'est ainsi que je le considère. Mais en ces temps de guerre il est bien difficile de trouver l’hospitalité ailleurs que dans la demeure de l'Unique.

Laylay ouvrit le saint recueil qu'il portait comme à son habitude à sa ceinture et tournant les pages à vive allure il finit par pointer du doigt un des paragraphe.

- Voilà c'est ici ... Je vais donc vous compter l'histoire de Syroko, ou tout du moins ce l'Unique m'a donné l'honneur d'entrevoir ...

Laylay commença alors à lire les pages griffonnées comme si il s'agissait d'un comte pour enfants :

La rencontre des Fils du désert.

Nés dans un berceau de sable et bercés par les étoiles, la rudesse de leur naissance n’eut d'égale que la sécheresse de leur enfance.
Seul au monde depuis toujours et pourtant liés déjà bien avant le premier grain de sable de Sul-Nâr.
L'art est animal, la vie est sauvage, nul ne saurait expliquer leur destinée.
Le premier est bestiale, le second est sage, leur vie va changer à tout jamais.
[...]

- Je vous épargnerez la suite au risque de passer une fois de plus pour un illuminé, vous avez bien compris qu'il s'agit là d'une prophétie. Je ne voyait pas en quoi elle pouvais avoir un quelconque sens, mais lorsque sa mère, un animal absolument meurtrier, un redoutable prédateur pour l'homme, ma mené jusqu'à lui avant de mourir, alors tout m'est soudain apparu aussi claire que l'eau d'un oasis.

Laylay constata que la mâchoire d'Exodus ne s'était absolument pas desserrée depuis tout à l'heure.

- Je vais faire claire, l'Unique à guider mes pas vers cet animal sachant pertinemment que je n'aurais pas le cœur à le laisser seul face à son cruel destin, il deviendra mon plus fidèle compagnon et ma meilleur arme, et soit en sûr si il devient ingérable je prendrais le soin de m'en occuper personnellement. Mais sache que cela n'arrivera pas.

Laylay attrapa son nouvel animal tentant de faire une démonstration infructueuse de dressage, il parvint tout de même finalement à le faire assoir en usant de sa force.

- Heu tu parlais de taille tout à l'heure ? ... Disons que en effet tel que tu le voit il n'a pas plus de quelques mois. Je n'ai pas eu l'occasion de voir beaucoup de ses congénères Mais il semblerait bien que quand il sera arrivé à l'âge adulte il nous faille lever la tête pour regarder son garrot ...

Il était tard lorsque Teclis, dans son laboratoire, entendit la voix bien coutumière d'Exodus. Sauf que ce dernier hurlait, ce qui était plutôt rare, ce genre de choses étant habituellement réservées aux très saintes cordes vocales du Primat. L'archiviste soupira et ferma son livre, "Comment disséquer un elfe en trois leçons", pour se diriger vers la source du bruit.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, arrivé sur les lieux, trois silhouettes se découpèrent dans la pénombre. La première était celle noueuse et gracile de Laylay, qui semblait rentrer d'un long voyage. La deuxième, grande et imposante, arborait rapière au coté et chapeau rapiécé. C'était Exodus, d'autant qu'on pouvait sentir d'ici le doux fumet gastronomique qui l'accompagnait perpétuellement. Toutefois, le troisième larron était doté de quatre pattes musclées, d'un féroce appétit et de longues canines acérées. Teclis trouva la créature superbe, et une demi douzaine d'expériences visant à "l'améliorer" physiquement éclatèrent dans sa tête à l'instar de la recette aux graines de maïs qu'Exodus lui avait un jour cuisinée, le "popcorn" - et dont Teclis cherchait désespérément une application militaire.

- Heu tu parlais de taille tout à l'heure ? ... Disons que en effet tel que tu le voit il n'a pas plus de quelques mois. Je n'ai pas eu l'occasion de voir beaucoup de ses congénères Mais il semblerait bien que quand il sera arrivé à l'âge adulte il nous faille lever la tête pour regarder son garrot ...

Ces quelques mots suffirent à provoquer une certaine tension dans l'air. Les autres enfants se rassemblaient petit à petit autour de ce qui semblait être une panthère de fort bonne taille déjà. L'idée que l'animal puisse encore grossir semblait peu plausible. Toutefois, Ter Aelis était un continent étonnant, et la magie qui y soufflait rendait les cas de gigantisme animal réguliers... Il allait donc être nécessaire, d'après les dires de Laylay de faire cohabiter un énorme félin aux canines acérées avec un loup dressé depuis sa naissance pour la chasse à l'hérétique... Intéressant...

» [Unique][synode] Les Enfants de l'Unique
» [Caricature] Et l'animal engendra l'homme...