- Pendant ce temps il av'
- Chut.. tais toi... arrête..
-Il faut bien que je raconte l'histoire...
J'ai perdu mon corps. Auparavant nous étions très lié.
Je crois qu'il m'en veut de toutes ces années passées à lui édicter des règles.
Maintenant on est à égalité. Je ne lui dis plus rien, il m'en apprend même sur moi.
On n' a pas totalement coupé le cordon.
Il me fait oublier ce que je suis et surtout ce que je ne suis pas.
Quand je ne suis que corps, je suis dense. Je suis libre.
Mais libre, comme un animal, qui ne s'en rend pas compte. Et quand j'en prends conscience..je redeviens humaine.
Et mes pensées prennent d'assaut mon corps, le questionnent et le sermonnent.
Et même à cet instant précis, je lui refuse le repos.
Je crois pourtant que c'est moi et pas lui qui suis fatiguée.
Tais toi ou je te tuerai.** ** ** ** ** ** ** **
Elle a posé sa tête sur le haut de sa poitrine et ne peut se détacher de cet instant.
Maladroitement, il lui demande ce qui se passe, elle répond doucement et le plus sérieusement du monde:
"Chut, j'écoute ton rythme"
De cet angle, on ne peut voir que le buste de ces personnages et pourtant on est frappé par l'intimité à laquelle on assiste. Nous sommes l'interstice qui les unit.
J'ai une douleur continue au front, comme si mon esprit essayait de se reconstituer, en vain.
Dehors il fait jour, mais je n'ai pas encore quitté la nuit.
Je dois prendre un taxi. Je ne lui laisserai pas de mot.
Je prends un grand verre d'eau pour soulager ma tête.
Soudain je suis en retard et je dévale la rue à toute vitesse, essayant de rattraper le temps qui ne cesse de filer, mais dès que j'arrive au bout c'est déjà le passé.
J'écris, enfin. Je vous parle.
Je ne vous avais pas oublié, c'est juste que j'avais perdu mes mots. Ils étaient tombé au fond de ma gorge et j'écoutai silencieusement cette autre voix.
Le jour est clair et je viens juste de déposer mes clés sur la table d'entrée. Je me suis déshabillée sans jeter un regard à mon reflet dans le miroir.
Je suis nue dans l'appartement. Tout est immobile.
Les moteurs des voitures et l'aboiement des chiens tissent une toile de fond à l'histoire.
Le récit est une boucle sans sens et je pense à Milan.
Je me relève et ouvre la porte du frigo. Je prends le soda déjà ouvert, qui a perdu tout son pétillant, et l'engloutit d'une traite.
On frappe toujours à ma tête mais personne n'est au seuil.
Si quelqu'un entre, il trouvera en face de lui un corps sans destination.
Les cheveux plus courts qu'à son habitude, sans aucune raison, des yeux maquillés qui s'effacent, un ventre dodu sans excuse et dans la main gauche, une canette vide.
Si vous vous approchez plus près, vous pourrez sentir les effluves récentes de l'alcool dans lequel elle se noie chaque soir. Toujours un peu plus, profondément, indiciblement.
L'odeur du tabac mêlé à la transpiration s'éternise sur ce corps qui appelle au sommeil.
Je dis non car tu as surgi et tu me manques.
Allongée, recouverte de ma couverture, je tiens fermement mon carnet et je laisse ma main s'exprimer.
J'ai enfin trouvé. L'urgence matinale d'une vie qui s'étiole.
Elle dépose le stylo. Comme tout à l'heure, vous observez l'action d'un plan serré, la caméra s'éloigne pour vous permettre de voir ce corps dans sa totalité, recroquevillée dans un petit lit.
Je m'endors. Vous fermez la porte.