Diara

Il me dégoûte.

Cette masse de chair grasse recouverte de sueurs et de poils gris. Cette gueule ridée comme celle d'un vieillard et pourtant avec l'arrogance d'un jeune branleur.
Ses cheveux blancs qui découvrent lentement son crâne aussi dévasté qu'un paysage lunaire, mais pourtant bien coiffé, tirés en arrière, par souci de souligner sa position sociale plutôt que d'esthétisme.
Son attitude de conquérant invincible des femmes, tellement sûr de son pouvoir de séduction, tellement machiste et tellement persuadé que ça leur plaît.

Il me révulse.

Son âme est plus infecte encore. Celle d'un homme qui plonge des peuples entiers dans la misère sans l'ombre d'un remord. Qui condamne des pays à ne pouvoir vivre que sous la domination de l'occident. Des pays comme celui de mes origines.
Il applique la même recette avec les femmes. Avec moi.
Parce qu'il a de l'argent, parce qu'il a du pouvoir, et parce qu'il choisit des proies faciles.
Un état qui ne parvient pas à payer ses fonctionnaires, une femme qui ne parvient pas à régler ses dettes, c'est du pareil au même.
C'est là toute la substance du désir que je lis dans ces yeux : la perspective d'asseoir sa domination sur moi. Ni mon visage, ni mon corps ne l'intéressent réellement, seulement le fait de se les approprier. Il n'y a que ça qui peut le faire bander.

Il me fait gerber.

Son piège est bien ficelé : pas un mot menaçant, pas un geste violent. À peine son sexe durcissant est-il visible derrière son ventre tombant. Et dans une chambre d'hôtel, le délit d'exhibitionniste n'existe pas.
Il a monté son coup comme il monte ses opérations financières : avec le souci d'être inattaquable sur le plan juridique.
Sa voix est calme, posée. Il me laisse de l'espace. Il est devant moi, la porte est derrière, même pas fermé à clé.
Je pourrais sortir. Je pourrais crier. Je pourrais même dire non merci poliment.
Mais on sait tout les deux ce qui se passerait.
Il n'aurait qu'a descendre à la réception, se plaindre de moi sous un prétexte quelconque.
Un client si important, on ne mettrait pas sa parole en doute. Ou plutôt on ne mettrait pas son pouvoir en doute. À partir du moment où il peut acheter dix hôtels comme celui-ci rien qu'avec le
fric qu'il a brassé aujourd'hui, la question de la véracité ne se pose plus.

Face à ça je suis impuissante.

En théorie j'ai le choix. Je peux décider de n'avoir plus qu'un job au lieu de deux.
De ne plus pouvoir être femme de ménage nulle part. De voir jusqu'à quel point je peux faire patienter mon proprio pour le loyer. D'expliquer à mon fils que cette année le père noël ne pourra pas être aussi généreux qu'avant.
Avec un peu de chance, je pourrais ne pas dépenser trop en frais de santé. Il suffit d'attendre que ça passe.
Mais la chance c'est comme le reste, ça dépend surtout du porte-feuille.

Je le hais, lui et tout ce qu'il représente.

J'essaie de ne pas montrer mon aversion. J'évite de croiser son regard.
Mais il s'en fout. Il se moque de mes sentiments à son égard. Il n'est pas là pour plaire mais pour prendre.
J'ai les dents du fond qui baignent. Je réprime une nausée.

Je me mets à genoux à la hauteur de son bas-ventre.

Résignation... Tu nous perdras !! Tu nous rejoues DSK sous un autre jour.

Je n'avais pas le temps de lire ce matin. Et pourtant, j'ai tout lu ! Très vite ! C'est déjà un exploit. Ce passage pourrait se retrouver sans problème dans un texte plus long.
Tu as mené la scène tambour battant avec une belle description du prédateur.
La victime y trouve aussi sa place. Durant le texte, tu déplaces l'objectif de la caméra du futur violeur vers la victime qui s'agenouille elle-même sans y être forcée.

Je pense que quelques tournures de phrases pourraient être allégées. Mais ce texte est percutant.

J'ai beaucoup aimé ton texte, une critique de notre société tourné avec brio. Cette nouvelle fut facile à lire je n'ai pas décroché, ce qui est chose rare pour ma part, il faut vraiment que le sujet et le style d'écriture me plaise réellement.

Citation :

Il a monté son coup comme il monte ses opérations financières : avec le souci d'être inattaquable sur le plan juridique.

J'ai esquissé un sourire à la lecture de se passage. "Belle et bête" t'a donné l'inspiration ?

Cassiopée a écrit:

Tu nous rejoues DSK sous un autre jour.

LostInSpace a écrit:

"Belle et bête" t'a donné l'inspiration ?

Arrêtez ! Dites pas ça ! je vais devoir mettre un encart sinon !

La source d'inspiration est bien celle que vous pensez, j'ai cependant fait le choix de ne pas caractériser trop le personnage, pour me concentrer sur la différence abyssale de niveau social et remettre en question la valeur du consentement dans ce genre de cas.

Yo Gaba!

On ne le pense pas forcément, mais plus on avance dans le texte, plus c'est évident, tu utilises trop de ressemblances concordantes pour que ça soit vu comme un cas général, ou méconnu. On voit tous l'affaire, dont les medias nous ont inondé.

J'aimais bien le crescendo, des petites phrases sur le dégoût.

Après hum j'ai trouvé ça trop résigné dès le début, c'est plus la psychologie du personnage dont je parle


C'est bien écrit, et ça se lit easy.

Je m'attendais à un peu plus de violence,et vu que c'est un texte, les pensées en direct live de l'évènement, j'aurai vu quelque chose de plus embrouillé, de plus primaire ( pas au sens négatif de la chose)

c'est bien de te voir dans ce genre de choses et aussi d'aborder un personnage féminin ^^

Texte court mais percutant !

Le ton est donné dès les premières lignes, le style est efficace.

Bon après le thème me laisse un peu perplexe et notamment le sort qui est fait au fric dans ton texte, et certaines phrases que je trouve clairement exagérées ("qui condamne des peuples entiers à vire sous la domination de l'occident par exemple", vu que ton violeur est DSK/s'inspire très fortement de DSK, il me semble exagéré de dire que ce dernier avait le pouvoir de faire ça ou même qu'il l'a fait en dépit du peu de sympathie qu ej'ai pour le personnage), mais ça c'est subjectif.

Bref très bien écrit, très émotionnel, bon style, rien à dire.

Green Partizan a écrit:

Thelesias a écrit:

("qui condamne des peuples entiers à vire sous la domination de l'occident par exemple", vu que ton violeur est DSK/s'inspire très fortement de DSK, il me semble exagéré de dire que ce dernier avait le pouvoir de faire ça ou même qu'il l'a fait en dépit du peu de sympathie qu ej'ai pour le personnage)

Et pourtant...

Green, tu ne connais rien de ce Fond Monétaire International !

Sinon à propos du texte, c'est en effet intéressant de te voir écrire quelque chose d'un peu différent