Les papis russes

Avertissement au lecteur :
Vous vous étonnerez sans doute du fait que cet article de cryptozoologie traite des papis russes. Comme chacun sait, les russes de tout âge sont des humains comme vous et moi (enfin vous je ne sais pas, je ne vérifie pas l'espèce de chacun de mes lecteurs). Et bien que les humains soient des animaux, ils ne sont pas le sujet d'études zoologiques.
Seconde contradiction, la cryptozoologie traite des animaux cachés, et même vraiment bien cachés, au point que leur existence est sujette à débat. Or, les papis russes sont très faciles à observer depuis 1991, et même si, généralement après avoir abusé de distillat de pommes de terres, ils sortent brusquement du champ de vision, il suffit de regarder sous la table pour les retrouver.

Ce classement dans les sujets de cryptozoologie s'explique par l'histoire de cette science à part.
Il faut dire que les cryptozoologues n'ont pas beaucoup d'objets d'études et encore moins de matière première. Ils les défendent donc farouchement, d'une part contre les auteurs de fantastiques qui déforment totalement les créatures dont ils s'inspirent, les discréditant aux yeux de la communauté scientifique (on se souvient notamment du dragon, petit lézard planeur capable d'allumer un feu en entrechoquant ses dents dures comme du silex, transformé en monstre de plusieurs tonnes, et par là même incapable de voler s'il existait), d'autre part contre les zoologues, qui s'approprient toute espèce dont l'existence a été prouvée (le cryptozoologue expérimenté fera donc bien attention à ne jamais apporter la preuve incontestable de l'existence d'un animal).

Si les cryptozoologues s'attachent à considérer le papi russe comme un de leur sujet d'étude, c'est parce que ce fut effectivement le cas à une époque lointaine...

(Là, imaginez un effet de flashback avec des vagues concentriques sur l'image et quelques notes de harpe)

Nous sommes en 3054 av J.C. , aux balbutiements de la civilisation Égyptienne antique, et à l'invention de l'écriture hiéroglyphique.
Les hommes de l'époque écrivaient sur des tablettes d'argiles ou de cire, ou encore en gravant la pierre. Ceci convenait parfaitement pour conserver les écrits, il suffisait de mettre la cire à l'abri de la chaleur, de ne pas écraser l'argile et de ne pas utiliser la pierre dans la construction de pyramides, ou alors sur les façades extérieures pour qu'elle reste lisible.

Mais on ne règne pas sur mille kilomètres de fleuve en laissant les écrits sur place, là où on les avait tracés. Les premiers pharaons avaient besoin d'informations de tout le royaume, et que leurs ordres soient exécutés de la première cataracte du Nil jusqu'à son delta. En gros, ils avaient besoin de messagers.

C'est à ce moment que le problème du support apparut, tel un vice de fabrication quelques jours après l'expiration de la garantie.
Il se trouve que l'Égypte est un pays chaud, ainsi les tablettes de cire fondaient pendant le transport.
Ce n'était pas le cas de l'argile, qui lui cuisait avec le soleil, arrivant à bon port avec des écritures conservées, mais on ne pouvait cependant plus tenir la tablette pour la lire tellement elle était brûlante.
Quand à la pierre, le message mettait un certain temps à atteindre sa destination. On se souvient de ce roi nubien conquérant de la Haute Égypte, à qui un messager du pharaon remit un bloc de pierre lui ordonnant de repousser ses propres soldats.

Nul ne sait comment les Égyptiens découvrirent le papi russe, mais ce qui est sûr c'est qu'ils virent tout de suite quel usage ils pourraient en faire (on ne fonde pas une civilisation appelée à durer trois millénaires sans un minimum de débrouillardise).

Comme tous les vieillards, le papi russe est fortement ridé, surtout à cette époque de grande pénurie de cosmétiques à base de collagène. Il présente cependant une caractéristique très précieuse aux yeux des scribes : il est très résistant à l'alcool.

Ces deux atouts, les égyptiens les exploitèrent pour créer un concept révolutionnaire : le message intégré au messager.
En effet, avec une surface de peau bien plus importante que celle des tablettes classiques, on pouvait écrire des lignes et des lignes de symboles. Les pharaons pouvaient enfin promulguer des lois complexes sur la taxation foncière en période de crue, donner des ordres sophistiqués à leurs armées (donnant ainsi naissance à la stratégie militaire) et envoyer des missives pleines de fiel aux subordonnés qu'ils jugeaient incompétents.
Une fois le message arrivé à destination, il suffisait de l'effacer en diluant l'encre avec des solvants alcooliques très concentrés auxquels seul le papi russe peut survivre.

La confidentialité du message en était renforcée, car contrairement au messager égyptien, le papi russe ne sait pas lire les hiéroglyphes, mais uniquement l'alphabet cyrillique encore inexistant (on ignore généralement combien les analphabètes sont de grands intellectuels en avance sur leur époque).
D'ailleurs, aurait-il compris le message qu'il aurait été bien en peine de le répéter, les égyptiens ne comprenant pas le russe. C'est cette particularité qui a fait classer le papi russe parmi les animaux, terme regroupant tout ce qui est vivant, mobile, mais ne parle pas une langue compréhensible chez les égyptiens.

Le concept fut encore amélioré par l'ajout du déambulateur, qui permettait d'augmenter sensiblement la vitesse du messager et de réduire le nombre de chutes.

Malheureusement le papi russe n'était pas adapté au climat africain, et ajouté à son grand âge, la surmortalité qui en résultait faillit provoquer une rupture des communications.
Pour pallier à ce problème, les papis russes morts avant d'avoir pu délivrer leur message étaient transportés par des messagers classiques jusqu'au destinataire qui pouvait le lire.
C'était cependant plus lourd encore que les messages de pierre, et ça sentait très fort. Sans compter toutes les mouches qui finissaient bien par dévorer certaines portions du message. On prit donc l'habitude d'embaumer le corps du papi russe, de la même façon que les momies, mais avec des bandelettes de moindre qualité, faites avec des fibres d'une plante aquatique plutôt qu'avec du lin, de façon à ce qu'on puisse retirer l'emballage facilement.

Restait le problème du poids du cadavre, même évidé de ses organes internes. Problème que résolut un messager futé (normal : il était égyptien) qui constata que l'encre des écritures diffusait de la peau vers les bandelettes. Il entreprit de démailloter le papi russe pour aller porter les bandelettes écrites au destinataire du message.

L'innovation suivante fut trouvée en réponse à la pénurie de papis russes, qui étaient de plus en plus difficiles à trouver (la cause de cette pénurie est liée, pense-t-on, à l'invention de la cohérence géographique par les grecs anciens). Les messages furent écrits directement sur les bandelettes, qu'on appela papis russes par analogie, qui devint papyrus au fil du temps (les égyptiens étaient archi-nuls en orthographe latin)

Ah ah !

Encore une fois j'ai beaucoup apprécié cet article de crytozoologie.

J'ai en particulier bien aimé la réflexion contextuelle sur cette science marginale; encore une fois tu as joué bien des mythes et légendes en prenant un pseudo recul de circonstance. Ca colle tout à fait à l'ambiance.

Un large sourire m'es venu grâce aux vagues concentriques et aux notes de harpes ! Bien vu ^^

J'étais tellement dans le délire que j'ai mis un bon moment à comprendre où tu voulais en venir avec ces vieux papis slaves téléportés dans l'Egypte antique (ouai je suis naïf et je m'émerveille facilement !)

Franchement rien à redire, ça coule tout seul et c'ets rafraîchissant à souhait.

Le ton y est, la démarche et les théories fumeuses tiennent parfaitement la route :p


On en redemande !

C'est tout simplement génial!

J'ai beaucoup aimé ce texte, drôle, farfelu, absurde et en même temps qui tient la route, moi aussi je suivais attentivement chaque phrase pour savoir ce que tu allais nous inventer, nous expliquer, c'est rudement bien mené.

Quelques fautes, deux, si tu les veux je te les dis.

En tout cas continue, ça vaudrait même le coup que tu le fasses en bulle, tu sais les jouer, ou alors les lire.

Etonnant non?

Des fautes que je n'aurais pas repéré ? (ou que mon correcteur d'orthographe n'a pas repéré plutôt...)

Vas-y dis en public, j'ai pas honte !

Ah ah ah, attention l'opprobre te guette:

Citation :

En gros, ils avaient besoins de messagers.

= besoin

Citation :

Une fois le message arrivé à destination, il suffisait de l'effacer en diluant l'encre avec des solvant alcooliques très concentrés auxquels seul le papi russe peut survivre.

= des solvants

et Là j'ai plus de doute mais..

Citation :

C'est à ce moment que le problème du support apparut, tel un vice de fabrication quelques jours après l'expiration de la garantie.

: le problème apparu?

Citation :

Malheureusement le papi russe n'était pas adapté au climat africain, et ajouté à son grand âge, la surmortalité qui en résultait failli provoquer une rupture des communications.

: faillit provoquer?

Oui je chipote

apparut : passé simple et non le participe. (alors c'est qui l'opprobre, hein ?)
Pour le reste, tu as raison, merci.

J'ai dit que j'avais un doute! tu devrais publier sur le blog, des genres de chroniques de cet acabit c'est vraiment très agréable.

Ruby : qu'entends tu par "en bulle, les jouer ou les lire" ?

J'ai aussi trouvé très agréable de trouver cette nouvelle sur le blog l'autre jour

Ce texte-ci y est déjà passé justement...

Désolée je ne vais pas sur le blog mais ils ont eu bien raison.

Comme une bulle/chronique, un instant, on pourrait le faire en plein de formats:
-bande dessinée
-plan sur le professeur qui explique cela ( comme monsieur cyclopède de desproges) limite un peu de mise en scène.
- en lecture ( comme père castor)

Je ne suis pas dessinateur, mais avis à tous les graphistes de TerAelis : les droits d'adaptations sont gratuits...

Oui je pensais plus à une collaboration
tu serais plus dans une illustration qu'un film ou autre?

Je pense que je suis doué que dans l'écriture (et encore...)
Une BD serait bien, c'est ce qui s'y prête le mieux je trouve, un peu comme dans les dingodossiers de Gotlib.
Mais si ça inspire quelqu'un de faire un film avec, je vois pas de problèmes

Pour la BD je connais quelqu'un qui used to be here, Questo, poète et dessinateur, je peux peut être lui proposer le projet et le mettre en lien avec toi, qu'en penses-tu?

Un film il faut un peu plus de matos

Propose lui si tu veux, on verra bien.