[avorté]homme et société

Sur le thème "homme et société", je poste ce brouillon que je n'ai pas développé.

Je crois que le fantôme de "third life / tierce vie" plane toujours. Et je n'aurai de cesse de l'avoir réellement exploité.

bon pour cette fois-ci c'est encore raté :-/




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Alerte : niveau de glucose faible.
Autonomie réduite à cent vingt-sept minutes.

Voilà bien ma veine ! J'y étais presque et mon interface biométrique me menace de rupture d'ici à peine deux heures. J'ai peut-être un peu trop tiré sur la corde aujourd'hui. Je n'aurai pas du la suivre dans cette boite de nuit. La tentation était trop forte. C'est une erreur de débutant et je suis pourtant loin d'être un novice en matière de filature.

Je m'appelle J-E4n N0ll, j'ai quarante-trois ans et je suis détective privé. Je passe ma vie à suivre des femmes fatales, payé par des maris soupçonneux et je dois dire que souvent leur doutes sont fondés. On ne peut pas vivre dans un monde où toutes les femmes ont une plastique de rêve, où tous les fantasmes sont réalisables et à la fois croire aux idéaux d'un temps passé.

« C'est vous, Jean-Noël ? »

La belle dame aux cheveux carmins me toise. Je dois être vraiment fatigué pour qu'elle m'ait repéré aussi vite. Je tente un hochement de tête assez vague, juste au cas où elle blufferait. Sa chevelure a l'aspect d'un torrent de lave ; le dégradé de rouges ondule de son crâne vers ses épaules menues. Très joli, et aussi très cher à mon avis. Ceci dit ça colle bien au personnage. Marine, dix-huit ans de son vrai nom M4/µ-1n3, est une de ces créatures ensorcelante que l'on croise souvent dans les halls de Palace : arriviste et prêtes à tout pour une vie de luxe et de débauche. Son profil correspond tout à fait au parcours habituel des vamps : arrivée à la Gare Centrale à l'âge de onze ans avec un corps standard sans aucune option payante (orpheline?), elle vit de petits boulots ingrats pour se customiser décemment. Petit à petit elle parvient à ressembler à une créature désirable et veut en profiter. Il est évident qu'elle a du pas mal trafiquer pour accéder à des ajouts interdits aux mineurs et des options hors de prix pour une gamine de son âge. A quinze ans, enfin majeure, elle se met en tête de séduire un vieux beau. Je ne sais trop comment, elle parvient à évincer toutes les maîtresses de mon client et à le convaincre de l'épouser. Sauf qu'elle s'aperçoit un peu tard, que le portefeuille de son cher mari n'est pas à la hauteur de ses attentes. Le vieux monsieur souffre en plus de sévères anémies et veut consacrer ses revenus à une incrémentation définitive. Elle profite alors de son autonomie réduite pour reprendre sa chasse à l'homme dans les rues des quartiers chics. C'est là que j'interviens : si je prouve que la jeune dame est en fait une traînée aux mœurs trop légères et aux manières indélicates, mon client pourra faire valider son assurance divorce. Et moi j'empocherai mes dix pour cent de la transaction.

« Depuis combien de temps il me fait suivre ? »

Je profite de cette soudaine proximité pour détailler son corps : aucun défaut. C'est du travail d'orfèvre à ce niveau de perfection. La résolution de son grain de peau est une des plus dense que j'ai jamais vu ; elle s'est même permis le luxe d'y incorporer d'infimes défaut. Pareil pour ses cheveux, il s'agit d'une haute densité. La femme HD dans toute sa splendeur. Je n'ose même pas imaginer comment elle a pu rassembler tout l'argent nécessaire. Au bas mot ça doit représenter quinze fois mes revenus annuels.

« Arrêtez votre cirque, je sais très bien pourquoi vous êtes là. »

Et moi je commence à me poser des questions sur ma présence ici. Un seul mot d'elle, et les deux gorilles à l'entrée m'attrapent et me foutent dehors. Un autre mot au patron de l'établissement, et je serais interdit d'accès pendant plusieurs mois. Pour confirmer mes pensées, elle regarde en direction des videurs. Ces deux-là sont taillés pour l'emploi et leurs avatars chimériques, mi-homme mi-singe, leur donne une stature encore plus impressionnante.

« Je vous offre un verre ? »

Je me sens stupide, mais c'est la première chose qui me passe à l'esprit pour désamorcer la situation.

Son sourire est glacial mais elle émet en même temps une décharge de phéromones. Salope ! Elle se retourne et se fraye un chemin dans la foule bigarrée. Je lui emboite le pas en direction du bar.

La musique est assourdissante aussi je règle le volume de mes capteurs d'ambiance et lui propose un canal de discussion privée. Elle accepte et me fais signe de m'asseoir près d'elle au comptoir. D'un claquement de doigt elle interpelle le serveur : un bot dont le visage a les traits filiformes des automates de l'ancien temps. Elle a aussi un accès prioritaire aux consommations : fabuleux !Je vois une poignée de clients qui rage de voir leur délai de service augmenter d'un tour.

M4µ1n3 s'amuse de la situation. D'un levé sec du menton elle ordonne au serveur de prendre la commande auprès de moi ; la note sera donc pour moi. Je commande un verre de soda. Puisque j'ai inhibé les effets de l'alcool pendant le service, autant éviter de trop saler l'addition. Elle commande du champagne bien entendu. Je me demande bien l'effet que peut produire un vin recomposé sur le cerveau d'une gamine de son âge. Elle n'a jamais connu la surface et encore moins le goût du vrai Champagne. Et ne le connaîtra jamais.

« Alors, Monsieur Jean-Noël ? Quels projets avez-vous pour les prochaines heures ?

Finir ma ronde de nuit, délasser mes vieux os, absorber un peu de nourriture et me lamenter sur mon sort. Mes remarques la font rire. Elle boit d'un trait sa coupe et rappelle l'antique automate pour en exiger une autre. Cette fois-ci j'entends les insultes fuser des tabouret voisins. Sans perdre son sourire, elle lève sa coupe dans la direction des clients irrités.

J'aime sa nonchalance et son culot. Une petite fille espiègle et rebelle dans un corps de femme trop parfait pour elle. J'imagine à quoi elle pourrait bien ressembler de l'autre côté. Peut-être que ses traits ressemblent à cet avatar.

« Vous faites un drôle de métier, Monsieur Jean-Noël. Vous le savez ça ? Pourquoi vous acharnez à détruire les rêves des autres ? Surtout ici ? Dans ce monde de fête et de plaisirs ? »

C'est le monde dans lequel je travaille, pas celui dans lequel je vis.

Elle médite ma réponse, l'air songeur puis trempe son doigt dans le champagne. Elle lève ensuite l'index et lèche les gouttes fraîches, toujours perdue dans ses pensées.

« Vous êtes un ancien ? Vous avez connu l'autre monde. Au dessus ? Etait-ce si différent qu'ici ? »

Non ça ne l'était pas. Des millions de privilégiés se persuadaient qu'ils vivaient dans un paradis universel et intemporel, alimentés en produits manufacturés, en service en ligne, en protéines animales. Ils vivaient comme si des milliards d'autres ne se tuaient pas pour eux, dans les usines, dans les mines ou les fermes génétiques. Tous rêvaient d'avoir plus, d'être plus et chacun s'enfermaient dans les illusions et les espoirs bradés par les transnationales. Parfois on croisait un plus riche que soi, mais rarement on voulait voir la masse des malheureux qu'on écrasait. Le monde-pyramide offrait la lumière dorée à tous ceux qui regardaient vers le haut, à condition de ne jamais se soucier du bas. Et puis un jour les fondations ont cédé. La belle construction humaine est tombée comme un château de cartes, couche après couche, strate après strate. Et il a fallu sauver en urgence ce qui pouvait l'être : enfermer les uns et ensevelir les autres. Et aujourd'hui, dans le monde où vit la jeune dame, tout recommence. Un univers encore plus dématérialisé avec ces règles et ses contingences propres, bâties sur l'échec du précédent.

Elle m'écoute, intriguée. Pour elle le monde d'avant se borne à une pièce immense où elle est allongée, où son corps est trop léger et trop faible pour survivre sans l'assistance des machines et des déconnectés. Pour Marine, tout se joue ici, dans les entrelacs d'un réseau virtuel, simulacre de vie sur terre à la fin du siècle dernier. Elle n'a même pas conscience de ce qu'elle est réellement, au dehors. Lorsqu'elle se réveille pour quelques heures, lorsque ses pieds atrophiés la portent jusqu'aux douches communes, lorsqu'une machine lui masse les jambes ou le dos pour lui éviter les escarres. Est-elle comme tous les zombies que je croise jour après jour ? Corps oubliés des esprits incrémentés ?

N'ayant pas vu de contre indication, je suppose qu'il m'est permis de répondre.
Et puis, un tel travail ne mérite pas de rester sans commentaires.
Concernant la forme, elle sert parfaitement le texte : fluide, facile à lire, plaisante. J'ai noté de très rares fautes d'accord mais celles-ci sont sans nul doute dues au fait que ce soit un brouillon. Pour le fond, le thème est sans conteste connu - Exemple de Clones car oui je regarde des films américains à gros budgets, nous avons tous nos penchants bizarres ! - mais élégamment traité, dévoilant un mystère sans trop s'y étaler. L'histoire défile bien, prenant pour racine l’enquêteur blasé - un personnage que l'on apprécie toujours de retrouver dans un texte, surtout quand il est utilisé à bon escient, comme c'est le cas ici - et la femme fatale qui, au final, ne l'est pas tant - il est facile d'imaginer le squelette translucide qui se décompose lentement de l'autre coté du voile. L'effondrement de la société moderne est excellemment bien servie par sa description, sans fioritures inutiles, avec des métaphores et comparaisons bien trouvées.
En conclusion, le texte est plaisant, bien écrit même si j'ai du mal à imaginer une suite qui pourrait mettre en exergue ce monde d'avant ainsi que toute la société ici présentée - qui sont sans conteste les forces de cette histoire - sans sombrer dans la banalité d'une enquête. Là est peut-être la faiblesse. Ce texte fait une excellente histoire courte mais il sera difficile d'aller plus loin... L'Univers est sans conteste intéressant et, en relisant, je remarque quelques uns de ces détails - les déconnectés et autres - qui en font un environnement très riche et a exploiter, sans nul doute.
Voilà. J'espère le commentaire adéquat, autorisé, et, surtout, utile.
Drystan.