L'Histoire des Emotions

L’Infini. Il existe de ces mondes changeants, imparfaits, inconstants. De ces royaumes où l’Irréel fait fi du réel et où le temps n’est l’abstrait prénom de présent. C’était l’un de ces mondes qui s’était créé par delà les portes de l’Arène.
Une terre de nuages, de vapeurs et d’illusions. Un monde qui ne semblait respecter qu’une seule loi, la Sienne.
Le sol n’était que brumes étincelantes, étrangement denses.
De celui-ci, poussaient des tours d’aciers, gigantesques. Elles s’incarnaient soudainement, avant de croitre jusqu’au firmament à l’instar de fleurs d’argentés, avant de disparaitre dans une gerbe de métal. Et ce cycle continuait, éternel. Les Cieux étaient éclairés par une lueur diaphane, omniprésente.
Il n’y avait ni astres, ni étoiles. Seulement cette lumière.
Une lumière qui se reflétait sur cette Univers vide aux Citadelles d’Acier.
Une lumière insistante, épuisante… Et puis, il y avait le son. Insistant, long, oppressant. Un bourdonnement venu d’une invisible créature, mélodie robotique, rythmée, éternelle répétition d’une unique note. Et, à chaque dissonance, à chaque erreur, une tour s’élevait, une tour s’évanouissait.
Ainsi est la Mécanique que seule l’imperfection peut altérer ; transformer ; transcender.
Une Mécanique voilée par les brumes, milliers de rouages séparés par un unique tissu d’immaculé de ce monde froid qu’est celui de l’Arène. Naissant dans un invisible Septentrion, une Ombre vint.
Elle recouvrit une partie de la lumière d’une parure d’ébène, déposant sur ce royaume d’albâtre les attributs de la Nuit. Dans celle-ci, poussèrent les spectres des arbres d’autrefois, indistincts, endormis. Des reflets du passé…
Entre eux, s’avança une silhouette noctambule, portant pour seule armure un noir sacré.
L’Histoire contempla la croissance perpétuelle d’une terre dévastée. Ses mains se posèrent sur sa Lyre et, pinçant les cordes fugaces d’Harmonies, elle joua les premières notes de l’Hymne du Changement.
Et sur le Livre du temps s’inscrivirent quelques mots :

« Parfois, l’Histoire ne peut rester simple spectatrice de la déliquescence.
Parfois l’Histoire doit se battre et ramener le chaos à la raison. Pour qu’elle puisse perdurer,
Magnifique et éternelle. »

La Quatrième Page.

L'infini. Dans ce monde changeant, imparfait et inconstant, Goldëatury se sentait comme chez lui. Seule la pensée a raison d'être ici. Elle rend les autres choses superficielles. Ce monde crée par l'Arène était aussi magnifique que terrifiant. Sous le poids du colosse, on eut pu croire que le sol brumeux céderait.

Une étrange lumière reflétait sur le corps de l'Être, tout d'or et de pierres précieuses vêtu, lui donnant un air encore plus sinistre, plus effrayant. Ici et là, des tours s'élevaient à chaque cliquetis, comme une horloge défectueuse. Les étoiles étaient étrangères de ce monde si sombre, et si lumineux à la fois. Bien des grottes avaient semblés étranges pour Goldëatury, mais rien n'était semblable à ce lieu. Brisant la musique robotique de l'Arène, le colosse poussa un cri de guerre, libérant des milliers de métaux précieux. Prenant leur envol, il schangeaient de forme et commençaient à virer au rouge vif, comme s'ils devenaient brûlants. L'Être poussa un autre cri, plus aigu que le précédent, et les métaux disparurent.

Dégainant Astraläiste, sa lame forgée avec un morceau de lune, le ciel trembla. Se nourrissant de l'obscurité et de la lumière du lieu, le sabre devenait plus puissant.

- L'Histoire, que ce combat soit loyal, mais sans pitié. En ton esprit bientôt, je serais. Que la voix de l'obscurité s'élève et me donne la force.

Ces mots résonnèrent à travers l'Arène. Goldëatury, armé d'Astraläiste chargeait sont adversaire, plus déterminé que jamais. Un premier cliquetis se fit entendre, et l'Histoire ne bougea pas. Le colosse n'était plus qu'à quelque pas, mais il restait figé. Le géant relevait son épée, monstrueux et effrayant pour porter le coup fatal. Un second cliquetis se fit entendre et, au moment ou Goldëatury allait frapper, une tour sortit de sous ses pieds et l'emporta dans les airs à une vitesse effrayante.

Ce monde était en place, et il voulait se jouer de ces deux fous qui avaient osé le souiller.

Une griffe d’acier qui croit dans les Cieux, la lame étincelante d’un empire défunt.
Défunt tel l’horloge qui crisse et qui chante dans l’ombre du Royaume.
Le Géant au cœur de joyaux s’envola, emporté par la tour de métal. Et l’Histoire la suivit.
Se fondant dans l’entre-monde, il devint un fragment des Harmonies. Et voyagea avec-elles, invisible courant naviguant sur les flux d’un Univers immémorial. Lorsque la Citadelle se figea, lorsqu’elle devient un plateau de métal, pur, unique, forgé dans les alliages de la Mécanique, le géant s’y tint, la lame dressé pour un combat aux accents de Sang.
Dans une gerbe d’immatériel, l’Histoire s’incarna au centre de la Tour.
D’un souffle, Elle libéra dans les Cieux les paroles du Livre du Temps :

« Pourquoi de cet esprit cherches-tu à t’emparer ?
Qu’il y a-t-il de si précieux qui puisse justifier ta traque assassine ?
Cet esprit que tu cherches à contempler, je peux t’en ouvrir les portes.
A toi seul appartiendra le droit de les franchir. Y survivras-tu ? »

La Quatrième Page.

Ceux qui auraient pu contempler le royaume des Harmonies forgé dans l’ombre de l’Histoire auraient vu de discrets courants d’argents se tisser entre Goldëatury et cette dernière. Des filaments de Souvenirs, des liens du passé. Les tissus d’une mémoire éphémère et d’un esprit éternel, liant, l’espace d’un instant, deux royaumes en un seul :

Celui d’une conscience multiple aux sentiments contradictoires, divers, reliquats de mille esprits endormis,
Celui d’un colosse dévoreur de conscience, élevant sa puissance sur les ruines des émotions.

Touché par les paroles du Livre des Temps, Goldëatury sentit son âme se perdre dans les couloirs de l'Histoire. Seuls les cliquetis irréguliers et menaçants restaient audibles. Perdu dans les ruines des émotions, les réponses à ses lignes faisaient écho dans le silence.

"Cet esprit me revient de droit, je suis Émotion et Sentiment. Je suis le joyau unique, la voix du conscient et de l'inconscient. Rien ne peux se justifier, tout se démontre. En cela réside ma force, notre force. Les portes de ton esprit me sont déjà ouvertes, je lis en toi que tu as détourné ton attention du sentiment le plus important, le doute."

Le pouvoir de l'Émeraude, plus puissant que tout ceux jamais enfermés dans ces ruines d'émotions. Il pouvait blesser, mais pas mortellement dans cet univers. Au sein du monde de l'Histoire, tout pouvait être modifié, sans en altérer le passé, le présent et l'avenir. Les émotions se mirent à vibrer, créant un tremblement sinistre. Levant le bras en l'air, les métaux qui avaient disparu quelque instant plus tôt, juste avant que le colosse ne charge, vinrent frapper l'esprit de l'Histoire. Les doutes, et la peur, voilà ce qu'elle ne pouvait que ressentir. Les lignes du Livre du Temps commençaient à perdre de leur puissance. Les esprits endormis se réveillèrent, et vinrent tenter d'empêcher cet être d'or et de pierres précieuses, d'infiltrer sa volonté dans ce monde d'émotion.

Ainsi, tel était le Pouvoir du Géant. Libérer sur l’esprit des sentiments oubliés, enfouis, inconnus. Le Doute, la Peur. Voilà des Démons qui n’avaient pas hanté les Esprits de l’Histoire depuis bien longtemps… Tous les avaient connus mais, sous le giron de l’incarnation d’ébène, de telles abominations n’avaient plus raison d’être. Et, derrière ce regard aveugle et pourtant opalescent, tout trembla. Chaque être de l’Unité ressentit cette frayeur qui s’incarna à l’égal de ses plus grandes terreurs. D’aucuns voulurent fuir, d’autres furent simplement affectés mais aucun ne résista.
Aucun, à l’exception des Monarques. Les Dieux, même au plus profond des ténèbres, savent faire-fi des émotions pour s’opposer au mal, quel qu’il soit. Et, dans le chaos qui habitait l’Histoire, ils surent rassembler l’Unité.
Le premier, sous l’aspect d’une étoile filante, parcourut les Limbes, rappela les consciences et leur donna le Choix.
Il les harangua, les encourageant à ne pas céder, à ne pas choir… Telles furent ses paroles :

« Avons-nous jamais connu la peur ? Avons-nous jamais connu le doute ? Ils furent nos tout, nos vies, nos guides… Aussi longtemps que durèrent les guerres, aussi longtemps que vécut la haine, nous ne connûmes qu’eux. Nous avons appris à les dominer, à les vaincre. Est-ce parce que nous avons quitté notre Univers pour nous réfugier dans le cœur de l’Histoire que nous devons trembler à nouveau ? Que nous devons fuir ?
Que nous devons refuser d’affronter ses démons d’autrefois, avançant tripes nouées et esprits délités, mais avançant tout de même ? Non ! La peur est un sentiment, une émotion que nous pouvons rendre fugace et incertaine.
Il nous suffit de nous redresser, de nous battre et de dompter la source de ce chaos. Et là, il n’y aura plus de peur ou de doute. Il n’y aura que cette paix à laquelle nous aspirons tant. »

Et le second vint affronter le mal.
L’Histoire revint, s’effaçant du combat d’un souffle, atténuant le lien des Esprits, qui, auguré par la parole du Livre du Temps, était devenu l’apanage des Harmonies. Physiquement, elle ne recula que de quelques pas, quittant la tour afin de marcher dans le Vide. Mais, créature d’éphémère et de magie, elle ne chut point. Et, de son corps, vint quelque chose de bien plus majestueux. Elle devint double et l’un de ses doubles crût, déployant des ailes d’ébène aussi vastes que le temps. Créature majestueuse à la peau aussi sombre que l’Avenir, aux crocs aussi éclatants que la Vie, le Dragon vint. Il se libéra de son réceptacle et, laissant l’Histoire seule, monta jusqu’au firmament.
Et s’abattît, furie vengeresse, sur Goldëatury.

Libéré du sortilège, Goldëatury reprenait peu à peu conscience. Ce qui se passait devant lui ne semblait qu'être une illusion, une nouvelle tromperie de l'Histoire. La noirceur de sa magie lui faisait sentir le mal, mais il n'avait pas encore tous ses esprits. Le voile brumeux s'estompait lentement, le retour avait était trop brutal. Il distinguait sa cible et la devinait flottant dans le vide, prête à profiter de ce moment de faiblesse.

Petit à petit, le brouillard s'estompait et il assistait à ce spectacle fabuleux, perché sur cette haute tour. Un décor brutal, ni chaud, ni froid, fantomatique mais si vivant à la fois. Ce monde bougeait selon une règle imprécise, dirigeait par une conscience aussi puissante que l'Univers. Goldëatury sentait les sentiments qu'il avait volés à tant de personnes, s'agiter. Certains se mélangeaient aux autres, lui faisant ressentir des choses qu'il n'avait jamais ressenties auparavant. Sont cœur de rubis le brûlait. Cette douleur n'était pas commune, elle était même plutôt agréable. Celui qui l'avait crée ne lui avait enseigné que le mal, la souffrance, la destruction et la mort. L'amour, la joie et l'admiration n'étaient pas choses qu'il comprenait. Et ce cœur de pierre, pour la première fois, ressentait quelque chose d'autre que la haine. Tout à-coup, le coupant dans ses pensées, une douleur vive lui fouetta l'esprit.

- Derrière toi...

Astraläiste, rangée dans sont dos, vit arriver le danger. La créature de l'Histoire allait le réduire en poussière quand, sans même se retourner, Goldëatury fit un simple pas de côté. L'Être majestueux le frôla et le colosse tenta de s'accrocha à une de ses ailes. Mais le Dragon n'était rien, une illusion crée par l'Histoire. Après une chute vertigineuse, l'Être de pierre vint s'écraser avec une violence inouïe au sol. Mais pendant sa chute, Goldëatury avait forgé une boule protectrice pour amortir l'atterrissage, le blessant tout de même gravement. L'épée à la main, il se releva, envahis par la haine. Sa lame devenait plus rouge que du sang, assoiffée. D'une puissance titanesque, le géant frappa avec Astralaïste la tour. Celle-ci s'écroula dans un fracas assourdissant, souleva un nuage de poussière et manqua d'écraser l'Histoire.

Possédé par la haine, Goldëatury sortait de l'épais brouillard de poussière, boitant légèrement. Spectacle aussi majestueux que terrifiant.

« Un pion, posé sur l’échiquier du temps, peut changer le cours d’une Guerre.
Si l’ennemi se méprend sur nos intentions et tombe dans nos pièges alors, l’Histoire triomphera. »

La Cinquième page.

L’Histoire ne cessait de s’étonner de la fouge et de la pugnacité du Géant.
Blessé, soumis à un royaume d’illusions et de faux semblants, il trouvait encore la force de combattre.
Sous sa lame, périssaient les leurres de l’Histoire. Et, Elle, parfois trop présomptueuse, ne sut anticiper la vivacité de son adversaire. Lorsque la cathédrale d’alliages et de lumières fut vaincue, lorsqu’elle chut, l’Histoire, savourant alors une éphémère victoire, ne put en sortir indemne.
Elle disparut entre les Harmonies, reprenant la voie des invisibles courants, mais son enveloppe physique fut altérée. Poussières et déchirures se gravèrent sur ses frasques d’ébène, marques d’une faiblesse. Dans ce brouillard chaotique, l’Histoire se devait de trouver une voie. Car celle qui n’a point d’yeux peut voir par delà les Brumes.
Et elle le vit, ce Géant au cœur de pierre et de joyaux, surgissant tel un seigneur de Guerre de la tempête.
Cet ennemi embrasé par la fureur et la rage de combattre. Ce fut son amour des mises en scènes et des batailles héroïques qui guidèrent alors le sceptre du temps. Face à un tel adversaire, Elle ne put résister à l’envie de lui offrir un duel dépourvu de mystifications, ne serait-ce qu’un instant. Si Goldëatury n’avait point emporté ce duel, il avait gagné le respect de l’Histoire. Et elle attaqua. Elle fila entre les Harmonies jusqu’à apparaitre face à son adversaire et, vive telle le vent, immatérielle entité à la fois régente des Limbes et de la réalité, elle frappa. Ce ne fut point le simple poing d’une entité éphémère qui s’abattît mais bien celui, au combien plus puissant, des Harmonies d’Or. Ce poing qui emporta avec lui toute matière, toute existence, lui qui distordît l’essence même de l’Univers d’une frappe vengeresse.

Jamais de sa longue vie, Goldëatury avait eu à faire à un tel adversaire. Il doutait, pour la première fois, de sortir vainqueur de combat. Aussi vive que le vent, l'Histoire se plaça devant lui et lui mis sont poing en pleine figure. Un coup formidable qui souleva le colosse et le propulsa à une cinquantaine de mètres plus loin. Certains morceaux de sont armure de pierres s'étaient détruits, et déjà ils se reformaient. Lentement. Avec précision. La lumière de sont cœur était partiellement libérée, dévoilant un point faible. Goldëatury se mit à genoux, caressant doucement Astralaïste.

- Sommes-nous si faibles, nous qui avons triomphé de tant d'ennemis. N'avons-nous pas participé à des guerres, détruit des milliers de vies ? Astralaïste, fidèle et seule amie, j'invoque tes toutes divines puissances. Détruisons ensemble cet illusionniste, triomphons ensemble, encore une fois.

Dans un éclat aveuglant, la lame monta dans le ciel dans un bruit assourdissant. Une onde de choc fit trembler le sol, empêchant les deux ennemis de pouvoir bouger. La lune apparue dans le ciel, se découpant en trois morceaux. Ceux-ci se rapprochaient du colosse à vive allure et vinrent s'écraser sur lui, sans bruit, créant une épaisse poussière blanchâtre. La poussière se dissipa dans le ciel, laissant apparaître le colosse avec Astralaïste brillant de mille feux. Tournoyant sur lui-même, le géant de pierre lança sont épée à une vitesse folle sur l'Histoire. Au même instant, il créa une poussière d'or qui pénétra directement dans l'esprit de sont ennemie. Complètement envahie par le pouvoir de l'or, elle ne voulait plus faire de mal à Goldëatury et n'avait pas envie d'esquiver le coup, mortel, qui allait la frapper.

« L’Amitié… Quel est ce sentiment fugace qui s’insinue dans nos rouages parfaitement huilés ? Quelle est cette notion, étrange, qui s’infiltre en nos consciences ? Nous avions déjà ressenti l’amitié et nous la ressentons encore.
Mais pas pour cette Créature qui ne désire que notre chute, que notre fin ! Nous sommes l’Histoire.
Une infinité qui se doit de lutter contre les sortilèges d’un Unique. Même si, parfois, l’Unique peut retenir l’Infini. Et dans cette douleur aveuglante qui emplit notre être, sous le tranchant d’Astralaïste, nous trouvons cette force, implacable et fugace. Cette force qui nous libérera du carcan de l’immobilisme. Cette force qui bisera l’amitié. »

La Septième Page.

Un simple soupir s’écoula entre l’instant où la Lame frappa l’Histoire et celui où elle redevient la gardienne de son être. Un simple soupir aux échos formidables. Astralaïste déchira le néant, lacérant les frusques d’ébène jusqu’à entailler les consciences même de l’Histoire. Terrible fut la douleur, se répercutant en ces milliers d’esprits blessés par la frappe. Les hurlements envahirent le tout, et cela fut suffisant. Car, plus grande que l’amitié, naquit une émotion : le ressentiment, la haine. Du cœur de l’Histoire, vinrent les Harmonies d’Or, bloquant la voie de la Lame avant qu’elle n’ait tout détruit sur son passage. Celle-ci fut projetée dans le lointain et l’Histoire libéra ses plaies. Ce ne fut pas un acte volontaire, mais il fut. Les spectres de jadis envahirent l’Arène, devenant bêtes, plantes, forêts et brumes. La poussière devint nuages et ces créatures étranges, immatérielles, en vinrent à errer autour du Géant.
Le terrain lui-même fut affecté par un tel déferlement de magie. Les tours poussèrent autour d’eux en citadelles éphémères et le Sol sembla se dématérialiser, levant le voile des illusions afin d’incarner la mécanique. Goldëatury et l’Histoire se trouvaient à présent sur les rouages mouvants de la plus ancienne des machines : l’Univers.
L’Histoire se laissa porter par les Harmonies jusqu’à planer au niveau des Citadelles. Elle avait piètre allure, cette déesse des temps jadis. Blessée, usant de la mère de toute les magies afin d’assurer la cohésion de son corps lacéré et suintant des rêves d’autrefois. Elle frappa à nouveau, par l’intermédiaire des Harmonies d’Or.
Les trois tours se brisèrent en un grondement d’Acier, s’effondrant sur le champ de bataille.
Sous l’impact, les premiers fragments de la Mécanique semblèrent choir, brisant le rythme indolent de ce terrain pour libérer la colère d’un dysfonctionnement peu propice. Ce qu’il adviendrait, nul ne le savait.
Mais, lorsque que le fracas, enfin, s’effaça, retentit une mélodie, pure telle le plus noble des cristaux : La Sonate des Larmes. Ses accords miroitant au cœur du carnage, matérialisant la tristesse dans le cœur de tous, fussent-ils aussi insensibles que la pierre. Car telle était la force de la musique : frapper ceux que rien, en d’autres temps, ne pourrait affecter.

« Où qu’il soit, nous sentirons la glace qui s’emparera de son cœur, fut-il fait de pierres précieuses.
Où qu’il soit, nous le verrons, marchant entre les brumes, Et nous frapperons. Précis, implacable. Car la colère des âmes d’antan retentit à nouveau et, bientôt, nous ne pourrons plus la contenir. La Pensée, l’Histoire ou la Mélodie, que seront nos armes au crépuscule de ce duel ? »

La Septième Page.

Et, quelque part en cette infinité de consciences, une contemplait l’éclat d’Astralaïste.
Cette Lame était un fragment du géant. Et, pour cela, lui chercherait à le récupérer…

Jamais de sa longue vie Goldëatury avait eu à faire à un tel adversaire. Pour la première fois, il se sentait affaibli, désorienté et gravement blessé. Les pierres précieuses qui protégeaient sont cœur étaient en train de tomber, laissant sont plus gros point faible apparaître. Mais il se sentait étrangement bien, comme si un fluide venait l’imprégner de bien-être. Cette atmosphère, cet univers et ce parfum, jamais il ne les avait vues ni même senti. Aussi proche de la mort, la conscience est capable de beaucoup de choses, même d'adoucir un être fait de haine et de violence tel que ce colosse d'or.

Il sentait le regard de l'Histoire posé sur lui, ainsi que tous les êtres qui sommeillaient en elle. Il savait que sa force était vaine face à tant de puissances, de détermination et d'envie. Astralaïste, bien que fidèle à sont maître n’acceptait pas la défaite. Jamais. La lame comprenait ce que voulait le géant, et elle était prête à le faire. Toujours. L’incroyable destin d’un être entièrement composé de pierre précieuse, jamais il n’avait était aussi honoré de rencontrer un tel adversaire. Ce combat avait au moins eu le mérite de lui apprendre ce qu’étaient le doute et la détresse, et pour ça, il serait à jamais reconnaissant envers l’Histoire.

Un seul coup suffira, mais il devra être rapide et précis, comme il l’on toujours fait, ensemble. Goldëatury et Astralaïste étaient liées, mais ce dernier geste allait les transformer en une seule et même personne pour l’éternité. La lame brilla d’une lueur bleuâtre aveuglante et d’un coup sec, perfora le cœur du géant qui éclata en une poussière aux couleurs arc-en-ciel. Celle-ci s’infiltra dans l’âme de l’Histoire. Goldëatury et Astralaïste c’étaient sacrifiées pour donner leur conscience à celle qui voulait les détruire.

Ils étaient enfin entrés dans l’histoire. A jamais.

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