Un enfant dit toujours la vérité. Rien n'est plus innocent qu'une âme d'enfant. Ces expressions sont déclamées comme des vérités générales par les parents et professeurs. Par les adultes, les grands.
Entendant ces paroles régulièrement, Lyna pensait que les enfants avaient un don particulier. Comme si leur jeunesse leur conférait un certain pouvoir, une sorte de magie qui les empêchait de mentir. C'était dans leurs gènes. Alors, elle croyait tout. Elle absorbait chaque mots de ses pairs comme une éponge. Elle leur vouait une confiance absolue, ne remettait jamais rien en doute. Oui, Jeanne venait juste de recevoir un bébé tigre comme cadeau de Noël. Non, Emeric n'avait pas triché sur elle lors de la dernière évaluation de géométrie.
C'était tellement plus simple de croire tout le monde. Il faut savoir se montrer conciliant pour être aimé, non ? C'est ce qu'on lui a dit en tout cas.
Sa meilleure amie, Emilie, lui disait toujours la vérité. Elle lui racontait que Quentin, le fils du boulanger, l'aimait beaucoup. Elle lui confiait tout lorsque, parfois, ses autres amies la critiquait derrière son dos.
La petite se sentait en sécurité avec Emilie, elle la protégeait. Elle était son modèle. Avec ses cheveux sombres et ses yeux gris, ses vêtements à la dernière mode. Elle n'était pas bien jolie, mais si drôle. Tout le monde l'appréciait. Elle menait la cours de récréation comme une véritable chef. C'était un grand honneur pour Lyna, d'être sa favorite.
Emilie jouait pourtant parfois de la vulnérabilité de sa jeune copine. Elle lui racontait que ses cheveux étaient laids, qu'ils finiraient par tomber. Elle lui disait qu'elle était méchante lorsqu'elle ne pouvait pas aller jouer avec le samedi après-midi. Elle racontait aux autres certains de ses secrets. Pour rire, rien de plus.
Puis un jour, Emilie s'énerva. Elle déclara que Lyna n'était plus assez bien, qu'elle devrait se faire pardonner. Qu'elle devrait se mettre à genoux pour s'excuser. Dans la cours de récréation.
Ce n'était rien, juste un geste innocent, une sorte de pacte entre amis. Lyna hésita.
N'étais-ce pas trop ? Maman disait toujours que se soumettre n'était pas la solution. Mais elle regarda autour d'elle. Il n'y avait personne. Les autres la regardait avec un sourire impatient, ou un regard impuissant. Ce n'était qu'un geste après tout. Elle pouvait bien faire des concessions, pour son amie. Alors, elle se courba, et s'agenouilla. Elle demanda pardon. Pourquoi ? Elle ne s'en souvient plus vraiment.
Mais elle le méritait. C'était certain.
Emilie le lui avait dit.