DeVaanne contemplait au travers de sa longue vue les progrès de la première vague d’infanterie. Les défenses des faubourgs avaient tenue à peine moins longtemps que ce qu’il avait escompté, les partisans de Galvorn n’ayant que peu d’intérêt à sauver les quartiers extérieurs. Certes, il y avait eu cette… anomalie, vers l’une des barricades, mais elle n’avait pas tenue assez longtemps pour lui coûter trop d’homme. Déjà il les voyait décrocher, à la lueur des flammes, en direction du mur.
Il s’agissait d’une retraite sans précaution, les hommes les moins expérimentés se contentant de fuir du mieux qu’il pouvait la ligne de Repentis. Leur nombre avait passablement diminué, les projectiles et les barricades ayant prélevé leur tribut. Mais il en restait encore suffisamment pour poursuivre les fuyards. Un groupe de lunaire couru se réfugier derrière une palissade, à l’abri des flammes et donc de la vision inquisitrice du Primat. Un léger mouvement du pouce suffit à faire passer une nouvelle lentille dans la longue vue, ce qui lui permit alors de contempler les formes grisés de ces lâches se faire déchirer par deux Repentis.
Le vrai problème était maintenant l’artillerie et les unités d’archers qui alignaient les premières troupes de l’Unique depuis le mur d’enceinte, couvrant la retraite de leurs congénères. Retraite qui commençait d’ailleurs à s’organiser en direction d’une suite de bâtiments ressemblant vaguement à des entrepôts.
Le Primat jura dans son casque : les canons des défenseurs étant trop occupés, il avait ordonné à sa propre artillerie de s’avancer pour pouvoir commencer le pilonnage du mur et au-delà. Aussi les fantassins allaient devoir prendre ce hangar sans le soutien des pièces mobiles.
Il lui fallait donc compter sur les Enfants qui s’étaient joint à la première vague pour mener la charge contre les derniers défenseurs des faubourgs, et surtout ouvrir les portes au reste de l’armée. Une fois les portes prises, il pourrait alors mener en personne la charge de la seconde vague et s’enfoncer au cœur de Galvorn pour porter le coup fatal.
* * *
Mike accéléra le temps de passer à découvert. Bien lui en pris puisque trois projectiles fusèrent là où il s’était trouver quelques secondes auparavant, suivit du choc sourd et répétés des pointes rencontrant le bois. Plusieurs soldats l’imitèrent et l’on entendit encore une fois le bruit de l’acier qui se plantait ou rebondissait contre les pavois. Un bref cri de douleur signala toutefois que certains des défenseurs savaient mieux viser que les autres.
Les troupes régulières progressaient rapidement, secondé par les archers de métiers et quelques francs-tireurs. Le Primat avait lancé plusieurs centaines d’hommes et femmes à l’assaut des faubourgs, presque un tiers de son armé, et ceux-ci ne comptaient pas le décevoir. Pourtant, de ce qu’en voyait Mike, l’avancé des fantassins semblaient ralentir. Les défenseurs encore présent dans les rues ne présentaient pas un défis pour les soldats, mais l’entrepôt investit par le gros des troupes ennemies se situait pile au niveau du coude avant la dernière ligne droite vers les portes, dégageant une ligne de vue parfaite depuis les remparts sur tout inconscient qui se jetterait à l’assaut de la bâtisse. Un premier groupe d’assaut avait tenté de dresser un mur de bouclier pour progresser à l’abri des tirs de la muraille : leurs corps prouvaient que le chef des hommes coincés dans le hangar connaissait hélas le principe des tirs croisés.
L’Enfant savait qu’ils ne pouvaient se permettre de rester coincé ici trop longtemps. Les flammes et la fumée qui les avaient aidé à faire fuir les défenseurs risquaient maintenant de se retourner contre eux, aveuglant et asphyxiant les troupes de l’Unique à mesure que le temps passait. Il devait atteindre les portes, et cela incombait de d’abord prendre l’entrepôt.
L’abri des lunaires était un bâtiment de grande taille aux fondations de pierre, les étages étant composés de larges et épaisses planches de bois. Le toit avait sans doute été couvert de peaux humides, si bien que les flammes ne semblaient pas être capables de progresser sur le sommet de la bâtisse. Un bastion de fortune mais efficace, d’autant plus défendable que les nombreuses ouvertures permettaient aux assiégés d’assurer un tir de barrage efficace tout en restant protégés.
Mike, à l’abri dans une ruelle perpendiculaire à la route principale, contempla les hommes qui se s’étaient spontanément joint à lui. Amusant, se dit-il, comme la vue du manteau rouge des Enfants semblaient rallier à lui les soldats alors que tous savaient que l’Inquisition faisait preuve d’une affection toute particulière pour les missions spectaculaires et invariablement suicidaires. Il se e trouvait ainsi accompagné de deux escouades de troupes régulières Croisées ainsi que d’un groupe d’archer de métier, dont le tabard rouge et noir se confondait aisément dans les ombres des lieux. L’un d’eux enfin ne portait que du noir, un Franc-tireur ayant perdu groupe au cours du combat et préférant sans doute la relative sécurité de la première ligne à celle de l’isolement en territoire ennemi. Le regard du Fremen s’arrêta sur l’arme de l’un des archers : un long fusil à mèche, au bout duquel ressortait un objet long, fuselé et passablement grotesque. L’arme portait la signature propre à Teclis pour chacune de ses création : un outil propre, létal, et donc chaque composant hurlait le mot « explosion ! » avec insistance.
- Donnez-moi ce fusil et couvrez-moi avec vos hommes, dit-il à l’archer. Quand à vous, dressez-moi un mur de bouclier à la sortie de la ruelle.Les fantassins s’exécutèrent sans un mot et se placèrent de manière à offrir à Mike un abri suffisant pour qu’il ait une vue dégagée sur le fronton du hangar. Il s’avança, le lance-fusée à l’épaule, et pris le temps de viser. Sa longue tunique rouge d’Enfant faisait de lui une cible voyante et un simple tir de fusil à mèche aurait suffi à percer son plastron, mais il savait qu’Il ne laisserait pas une telle chose arriver. Il se redressa à la vue de tous, défi lancé à la face lunaire et exemple vivant – pour le moment – de la foi en l’Unique. Le canon se dressa en direction du premier étage et Mike appuya sur la gâchette.
Les inventions de Teclis explosaient toutes. Parfois trop tôt, parfois par accident et parfois même sans que la poudre ou le feu n’y ai joué un rôle quelconque. Celle-ci ne fit pas honte à la longue lignée de prototype ayant participé à sa création et déchaina l’enfer sur les défenseurs. Le choc en lui-même suffit à faire trembler les planches de bois et l’on vit un homme être violement projeté par l’une des fenêtres. Mais cela ne fût rien comparé à la langue de feu qui jaillie au travers des ouvertures : les cris des brûlés retentirent dans la nuit au milieu du son des canons et des rares fusils, et les tirs en provenance du hangar cessèrent.
Mike eu juste le temps de voir passer un éclair rouge en provenance d’une ruelle en face de la sienne avant que celui-ci ne disparaisse caché par la fumé. L’Enfant se permit alors un sourire : ceux qui n’étaient pas mort dans l’explosion allaient vite regretter leur sort.
* * *
Le Katar fendit l’air pour se loger à l’intersection de deux plaques de cuir. La lame d’acier perça le tissu et la chair et le lunaire lâcha sa masse en poussant un cri déchirant. Il se laissa tomber à terre tandis que Laylay poursuivait sa course en direction du fond du hangar. L’attaque de Mike lui avait fournis la couverture idéale et c’était le cinquième à tomber sous ses coups. Déjà d’autres troupiers suivaient son exemple et se jetaient à sa suite dans l’entrepôt. Sa capture n’était plus qu’une question de minute, mais Laylay avait en tête un autre objectif. Celui qui avait réussi à transformer la fuite désorganisée à retraite à peu près ordonnée devait être éliminé, ne serait que pour payer pour le sang sacré qu’il avait fait couler.
L’Enfant aperçu un mouvement vif au-dessus de lui et s’écarta juste à temps pour éviter un lourd tonneau qui s’écrasa sur le sol. A l’étage ! Fonçant sur le gauche en direction d’un escalier de bois, Laylay se trouva nez à nez avec un archer elfe qui le visait depuis le palier. La flèche siffla à ses oreilles et déjà l’homme encochait un deuxième trait, mais le zélote fut plus rapide et sauta les premières marche pour planter ses deux Katars dans le poitrine du lunaire. Tel un félin, laissant sa cible gémir ses derniers instants, il reprit sa course folle vers l’étage.
L’endroit, une large mezzanine, était envahi par la fumée, la fusée incendiaire de Mike ayant parfaitement remplit son rôle. Quelques corps noircie gisait près des ouvertures, mais d’autre bien vivant se tenaient encore debout. Il fuyait, comprit-il en les voyant se replier vers une échelle passant entre deux murs du hangar. Il aperçue le visage d’un semi-elfe entaché de sang et suie, juste avant que ce dernier ne disparaisse dans le passage accompagné des derniers soldats. Un seul resta en retrait, homme aux long cheveux gris et arborant un soleil noir tatoué sur la gorge, qui referma la trappe derrière ses camarades et fit face à Laylay en dressant une longue épée devant lui.
- Tu n’iras pas plus loin, fit l’homme dont le long manteau brun cachait à peine un plastron léger. Ta route s’achève ici, avec moi.
- La voie que je suis a été tracée il y a déjà des lustres, et l’Unique sait qu’elle ne s’achève pas ici, répondit l’Enfant avec mépris. Tu n’es qu’un caillou sur le chemin, que l’on retire d’un coup de botte !Bondissant sur son adversaire, il comprit au dernier moment son erreur et esquiva sur le fil la deuxième lame que l’homme sortit de son manteau. Celle-ci longea ses joues et vint déchirer la capuche de sa robe avant de revenir à l’assaut, secondé de la première lame, plus longue mais plus lente. L’Enfant, tout en esquive, fut obligé de reculer, poussé par son assaillant jusqu’au bord de la mezzanine. Au moment où il sut que ses pieds ne pouvaient plus reculer sans amorcer le grand plongeon, il prit son opposant par surprise en parant pour la première fois un coup de son katar. Profitant du déséquilibre provoqué, il se déporta sur la gauche et planta l’une de ses lames dans le tendon d’Achille de l’homme du Zénith, qui lâcha ses armes en tombant à genoux. En un éclair, Laylay fut derrière lui, agrippant ses cheveux de manière à rejeter la tête de l’impudent en arrière. Le fil d’acier de son arme couru alors le long de la gorge, coupant net le soleil noir et laissant couler un sang carmin.
- Et de un… Maintenant, le chef !Il se précipitait sur la trappe quand celle-ci explosa, accompagné d’une gerbe de flamme et d’éclats de bois.
* * *
Le chariot roulait à vive allure sur la voie principale, le faire cerclant les roues projetant des étincelles à chaque pavé trop irrégulier. Un choc sourd et un léger bond du véhicule fit comprendre à Teclis qu’il venait de passer sans doute un peu trop rapidement sur un corps. Encore un sujet perdue pour la science, mais il ne s’en formalisait pas : il avait depuis longtemps épuisé les possibilités qu’offrait l’application de chocs à grande vitesse sur les corps humanoïdes.
Les pièces d’artilleries s’étaient remise à tirer depuis les lignes de l’Unique, et elles faisaient sa fierté, tant les trait de feu passaient au-dessus des murailles en un vol régulier et ordonné. En revanche les canons des-dite muraille ne s’étaient toujours pas tut, et plus d’un boulet semblait avoir essayé d’atteindre le chariot dans sa course.
Il ne pouvait se permettre de prendre un tir, pas si tôt, pas alors que sa création n’avait pas encore été testé sur le terrain. Un tel projet ne pouvait échouer ainsi. Il ne l’autoriserait tout simplement pas.
Le lourd véhicule bâché déboula enfin dans la ligne droite menant aux portes. Sur sa gauche, il vit brièvement Laylay quitter un bâtiment en feu avec quelques hommes, sa robe d’Enfant noircie en plus d’un endroit. Et droit devant, profitant du couvert d’une masure débordant sur la rue, Mike lui faisait de grand signe pour qu’il vienne se placer à l’abri, lui et son précieux chargement.
- Accrochez-vous, frère, nous y voilà, hurla l’Enfant à l’intention de l’arrière du chariot.Les boulets rebondirent sur les pavés autour de lui, fauchant les imprudents ou les malchanceux sur leur passage. Teclis leva les yeux vers les remparts et contempla alors la bouche d’un canon pointé droit sur lui. Il y eu un battement de cil qui sembla durer une éternité, puis l’incandescence jaillie de la pièce d’artillerie, propulsant un boulet rougi à sa rencontre. L’Enfant cru en deviner chaque détail, remarquant que le métal ne semblait de meilleur qualité et que les résidus brûlant qu’il laissait derrière lui trahissait une poudre mal tassée. Son corps décida quant à lui qu’il n’était plus temps pour une étude approfondie des projectiles mortels qu’on lui destinait et sauta du chariot en marche.
La sphère d’acier vint percuter le chariot au moment où l’Archiviste rencontrait douloureusement le sol, épaule en avant. La fourche se brisa, libérant un cheval mais brisant la patte du second qui se trouva pris au piège sous les roues du véhicule. Ce dernier fit une embardé et se retourna sur le côté, glissant sur quelques mètres dans un bruit de tonnerre avant de se stopper net à quelques dizaines de mètre de la porte principale.
- Archiviste, debout, intima Mike à son collègue tout en le relevant, le combat ne fait que commencer !- Mais… mon chargement ! Un gâchis monstrueux ! Une hérésie ! Un sacrilège de ce tout ce que la science a amené de bon en Son monde ! Un –Il n’eut pas le temps de finir qu’un énorme morceau de métal émergea du chariot dévasté, déchirant les restes de la bâche, brisant les cerceaux d’acier. Au bout de ce morceau long et épais se trouver une main tout aussi impressionnante, faite du même métal sombre. L’être se releva alors des débris, se redressant du long de ses trois mètres et demis, et contempla le champ de bataille.
- Haha ! Des boulets impropres, je le savais ! Les incapables ! Pas foutu de fondre le métal avec un minimum de soin !La « tête » aux multiples hublots pivota dans un chuintement, chercha l’Archiviste du regard quelques instants et posa sur lui son regard jaune teinté d’argent.
- Archiviste… Est-ce là… l’endroit ?La voix semblait faite de deux plaques de métal s’entrechoquant et pourtant, on y décelait une force et une puissance à peine continue. Une flèche rebondie contre l’épaule de la structure, qui ne réagit même pas.
- Oui Frère Artétos ! Galvorn se tient devant vous ! C’est le moment que vous attendiez, celui de faire s’abattre la colère – et accessoirement votre poing – sur toute cette vermine qui vous fit tant souffrir par le passé. Pour l’Unique, et le génie humain !- Alors… qu’il en soit fait ainsi…La silhouette de métal d’Artétos fouilla dans les débris du chariot et en sortit une tête de bélier en acier, montée sur un tronc relativement court. Saisissant l’objet à deux mains, l’homme de métal se dirigea d’un pas lourd en direction de la porte. Les projectiles tintèrent en nombre sur son armure à mesure que les défenseurs prenaient conscience de la menace qui se profilait mais pas un seul ne semblait l’inquiéter. Un boulet vin percuter de biais l’une de ses épaule et le métal se tordis à l’impact mais non se rompis pas. Artétos, légèrement déséquilibré, repris sa marche en accélérant, pointant la tête du bélier droit devant lui.
Le choc était suffisant pour faire tomber une fine poussière des moellons autour de la porte. Le premier coup se contenta de faire chanter l’acier contre le bois, ainsi que les trois suivant. Au cinquième coup, le bois craqua et les premières craquelures apparurent. De l’huile bouillante fut crachée par les mâchicoulis mais si elle eut un quelconque effet, ce ne fût que de chauffer encore plus la rage de l’ancien Juré. Il jeta le bélier derrière lui et commença à frapper de toute la force de ses poings les planches durcie de l’hui. Le troisième coup suffit à percer le bois fragilisé de part en part. La main chercha à tâtons la lourde barre qui verrouillait la porte et la trouva quelques centimètres plus bas. Des lames et des marteaux vinrent s’écraser sur les doigts gigantesques, sans plus de résultat que tous les essais précédent. Une fois fermement refermé sur la large poutre, il lui suffit de serrer le poing pour briser en deux morceaux.
La porte Sud-Ouest de Galvorn s’ouvrit, poussées par deux puissantes mains de métal. Une forme humanoïde et métallique de plus de trois mètre de haut pour presque autant de large se dessina alors dans le passage.
- Fuyez tant que vous le pouvez… incroyants… L’être de métal fonça alors droit devant lui pour déchirer de ses mains quiconque serait assez fou pour l’arrêter.
- Car Artétos le Déchu … vient vous chercher !