[Conf. Sang]Les Vieilles Ombres

Le terrain était glissant, et la nuit trop sombre. Les pas du chasseur vibraient d'incertitude et de crainte sur les longs chemins irréguliers qui allaient vers les Cols blancs. C'était ainsi qu'il avait appelé les hautes montagnes d'Echoriath, dont la taille était si grande et si majestueuse qu'il n'y avait jamais eu, de mémoire de vivant, autre chose que de la neige sur les pics acérés. Et c'était dans ces vastes blancheurs qu'il avait décidé de se diriger, avec l'intuition qu'il ne se trompait pas de route. Car il ne pouvait pas y avoir de doute.

Au détour d'un chemin aussi étroit qu'un pont entre deux abîmes, apparut sur la clarté du soleil qui s'élevait à l'horizon une plaine, et au bout de cet espace, l'ombre d'un immense palais dont certaines parties semblaient s'être effondrées avec le temps. Surpris par le changement de décor, sortant d'une nature immaculée au choc d'une civilisation endormie dans le temps, il s'arrêta un instant pour contempler le lieu avant de continuer de plus belle. Son cœur se mit à battre légèrement plus fort tandis qu'il discerna mieux les hautes tours et les murs qui paraissaient être fait à la fois de marbre et de glace pure. C'était d'ailleurs aux endroits où la glace prenait le pas sur la roche que les dégâts du temps semblaient s'être absentés. Sur le pan est, un grand seuil en arcade laissait ses portes à semi ouvertes et les vestiges de Statues, dont on devinait les formes élancées de dragons gardiens, dont la tête manquait, semblaient encore en garder le lieu de leur ailes grandioses.

" C'est donc ici" se murmura t-il à lui même tandis qu'il ralentissait le pas. " C'est ici que cela existe".

Même si l'endroit semblait n'être plus que des ruines égarées dans l'histoire du Temps, il voulait encore croire qu'il restait sur ces terres des traces des anciennes magies ancestrales qui avaient dominé ces lieux pendants des millénaires.

La marche avait été longue et épuisante, le chemin interminable et l'arrivée inespérée. Cette contrée ne ressemblait en rien à ce que la fillette connaissait, tout était différent mais en même temps, un sentiment de déjà vu l'imprégnait. Si loin de chez elle et pourtant si proche de son cœur. Elle n'aurait su dire pourquoi. Pourquoi ce lieu si étrange l'attirait tant, pourquoi la vision de ces ruines enfin atteintes semblait éveiller en elle une quelconque mémoire, ancrée au plus profond de son âme.

Inayat... Inayat... Inayat...

Son nom résonnait en écho à travers les montagnes. Une voix qui l'appelait et la guidait depuis le début de son chemin, peut-être une simple création de son esprit. L'enfant reprit un instant son souffle, admira le paysage titanesque qui se dressait devant elle, puis repartit en direction des pierres brisées qu'elle avait tant espéré voir un jour.

Au dedans de la première cour gelée par les vents du Nord, trônait encore la statue centrale d'un dragon plus vrai que nature, secondé d'un homme au front habillé d'une opale resplendissante comme une étoile. Et tout autour, ce qui ressemblaient a des lanciers tendaient leur arme vers le couple dans un signe de respect et d'honneur. Il s'inspira un moment du lieu avant de deviner une porte à l'ouest qui tenait encore sur son branle par des morceau pendants de bois et de métal. Il s'approcha lentement, puis prenant garde de ne pas se blesser pénétra à l'intérieur.

Au dedans siégeait une ombre massue qui l'empêchait de voir correctement. Il emprunta alors une torche au mur et l'alluma avec ses longs doigts fins -d vieux pouvoirs cachés des autres qu'il gardait pour lui seul de crainte qu'on ne l'assimile aux sorciers et sorcières qu'on pend en place publique. La lumière se fit un peu chaotique puis l'aura diffuse lui permit de suivre un long couloir qui débouchait sur un escalier en colimaçon. Les marches de marbres répondaient à ses pas timides et il eut l'impression de faire brusquement plus de bruit qu'il ne devrait, à moins que ce soit son imagination qui éveille un soupçon paranoïaque. Il entra enfin dans une vaste salle aux bas plafonds, enrichis de fantastiques reliefs à l'histoire chargée de souvenirs.

Ce fut à ce moment qu'il perçut avec plus d'acuité le bruit de pas qui descendaient à leur tour les marches qu'il avait emprunté. Son coeur se mit à battre, il se fondit dans l'ombre en étouffant sa torche et sorti une fine épée qu'il tenait à sa ceinture. Puis il attendit que l'étrange présence puisse s'approcher assez.

Les murs démantelés se tenaient juste là, face à elle. Inayat porta sa main en avant, sur les pierres gelées par le temps. Un frisson la transcenda. Autour d'elle, tout semblait comme endormi, attendant quelqu'un ou quelque chose pour vivre à nouveau. En parcourant les longs couloirs du palais, la fillette laissait divaguer son esprit, imaginant des meubles luxueux, des tissus prestigieux, une argenterie éclatante et des invités de bonne famille arpenter les salles fièrement. Remarquable apogée d'un règne éteint. Inayat souriait de plaisir tant elle était transportée dans un univers qu'elle échafaudait au fil de ses pas. Mais les vestiges avaient encore d'autres secrets à lui dévoiler, c'est ainsi que l'enfant curieuse se retrouva aux abords d'un escalier des plus étranges. Le passage semblait raide et étroit, s'enfonçant dans les profondeurs souterraines. Inayat s'approcha et s'attela à la pente, dans une obscurité totale. Les dalles de marbre raisonnaient sous ses pieds, seule sonorité en ces lieux abandonnés. Elle arrivait presque au bout de sa descente lorsqu'un bruit sec retenti. Son corps se figea, à l'écoute. Plus rien. Elle poursuivit jusqu'à rejoindre l'immense salle dont elle ne voyait aucune paroi, plongée dans le noir.

Est-ce qu'il y a quelqu'un ? interrogea-t-elle d'une voix faible.

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