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 A l'Ouest, les oiseaux reviendront

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Lumeï
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MessageSujet: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeVen 28 Juin - 3:29



***

- Descends.
- Pourquoi?
- Parce que tu vas tomber
- On voit mieux d'ici !
- On voit mieux quoi?
- L'envol des oiseaux !
- Ce sont pas des oiseaux.
- C'est quoi alors?
- Des trucs qu'on appelle pas oiseau. Et puis c'est plus gros qu'un oiseau
- Parce qu'un oiseau c'est forcément petit?
- Un oiseau c'est pas si gros.
- Gros ou grand?
- Ta gueule, et descends.
- D'où je tombe, je me fais pas si mal.
- Mais tu vas faire mal au sol.
- Et le sol va dire quoi?
- Que tu fais chier à discuter sur tout. Descends, c'est tout.
- Bon.
- Le soleil se lève.


***
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeVen 28 Juin - 4:07

Nzaun


Il mâchouillait un brin d'herbe tout en regardant le soleil se lever. Cette fille n'avait que faire de ses avis, et passait son temps à le contredire. Un jour elle s'en prendra une qu'elle l'aura méritée, et il aura beau avoir dit, elle va se la prendre quand même, et au fond de lui, ça lui fera bien plaisir.  Assis dans la neige, le cul un peu refroidi, il commençait à geler un peu, mais il lui avait promis un vrai soleil. Et le vrai soleil avait eu la flemme de se lever avant l'heure habituelle. Comme d'habitude, il prenait du retard tous les jours, et tous les jours il fallait attendre plus longtemps. D'autres auraient remarqué que leur problème, c'était pas l'aube qui prenait son pied à revenir toujours plus tard, mais leur incapacité mutuelle à ne pas savoir dormir. C'était vrai, ils ne dormaient jamais. Ils n'avaient à vrai dire, dans toute leur vie, jamais, ô grand jamais, dormi. Perte de temps. "Se reposer, c'est pour les gens qui ont la vie trop courte" clamait à qui voulait l'entendre leur mère. Une bonne vieille femme que la nature avait déchiquetée sur une falaise, quand elle avait voulu jouer à " l'attrape-dragon d'eau". Elle a tristement perdu, ça arrive même aux meilleurs. Qu'on se dise quand même, l'autre tarée qu'il se promenait, c'était pas non plus sa sœur, même si elle avait appris, rapidement, à dire Maman, à la même mère que la sienne. C'était une éclopée de la vie, une fille retrouvée sur le coin d'un trottoir,  renvoyée par une forêt du coin qui n'en voulait plus, avalée par une ville qui passait son temps à bouffer de l'orphelin. Amen les gosses qui n'ont pas d'avenir. Certains n'auraient peut-être pas dû naître tout court, on aurait évité les histoires larmoyantes. Il n'empêche que, la Mluïe, elle avait trouvé bon port, et que, depuis, il se la coltinait, matin et soir, puis la nuit aussi, et qu'elle s'était chopée, comme tout la famille, la malédiction classique du non-sommeil.
Il se retourna brièvement vers elle qui descendait lentement de son rocher en prenant soin de ne pas tomber. Après tout il devait y avoir dans les vingt mètres d'abîme en dessous, et dans le tas quelque roc pointu. Rien de très mortel. Mais c'était une équilibriste de la naturelle, à sauter partout, à se percher toujours plus haut - elle se plantait rarement et quand elle se plantait... elle s'en souvenait plus deux jours après.

Elle vint s'asseoir à coté de lui en regardant le soleil lever ses jambes. Ou bien peut-être qu'il soulève sa jupe, qu'en sait-on ? Elle resta silencieuse, à se brûler les yeux qu'elle avait mauves. La garce ne craignait pas la lumière, elle s'en abreuvait comme on se jette dans une fontaine quand on crève de soif. Il n'avait jamais compris ce genre de manie, mais il s'y était fait. Maintenant, lui, il portait son chapeau, en faisant semblant de regarder, mais concrètement il comptait plus la paille que les rayons de soleil. Et elle s'en foutait d'ailleurs, puisqu'elle était plantée devant son astre, le reste était broutille. Ça l'empêchera pas d'aller demander combien de couleurs avait le soleil ce jour là, question auquel il répondra  en inventant un chiffre abracadabrantesque à la volée, et qui la fera rire aux éclats deux secondes. Et ils continueront leur route, toujours plus loin vers les montagnes. A l'ouest : là où les oiseaux reviendront.
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Lumeï
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeDim 30 Juin - 0:14

Mluïe







La jeune fille âgée d'une quinzaine d'année environ gravissait les rochers contemplant le ciel avec malice. Les phrases de son frère de vie la faisait sourire, comme toujours, ce qui ne l'empêchait nullement de vaquer comme un poisson se complairait dans l'eau. Le manque de sommeil n'étiolait que peu leur énergie. Ils étaient habitués à ces ballades de nuit ou très matinales, détrompant la lune à lui prouver en quelques sortes que les Hommes sur la Terre l'estiment autant que le soleil et n'ont peur des couleurs que la nuit peint. Bref, ils voulaient voir comment le soleil se lèverait aujourd'hui. Car en fait, chaque jour, les couleurs n'étaient pas exactement les mêmes et cela fascinait Mluïe ainsi que Nzaun - même s'il n'en faisait pas mine, elle le savait très bien.

- Tu vois ? Tu vois ? répéta-t-elle à Nzaun.

Il n'avait même pas eu à deviner l'empressement et la joie et les mots. Lui aussi, il le savait très bien. Il sourit en regardant le soleil s'ouvrir sur le monde. Sur la montagne qui avait des atours vertigineux. La lumière faisait resortir quelques arêtes tandis que des ombres naissaient et s'engouffraient dans des recoins de vieux rochers. Le spectacle était superbe. Il n'était que pour eux. Deux âmes sur le bout d'une montagne à n'avoir ni rêve, ni envie, ni désir, ni dessein sauf celui de cet instant magique, à le vivre comme une tartine de confiture que l'on croque au petit matin, à peine réveillé. Sans se poser de questions. Juste à voir et faire plonger leurs âmes de la montagne, vers le soleil sans tomber du vide qu'elles surplombent.

- Tu rêvasses encore, la coupa-t-il dans son élan.

Sourire.

- Je ne rêvasse pas, je profite, se moqua-t-elle gentillement.

C'était vrai. Elle ne courrait plus partout entre les caillasses. Elle s'était posée pour contempler dans une sérénité qui, de sa part, était plutôt surprenante.

Puis, sans un bruit, ils n'eurent qu'à échanger un regard pour se mettre d'accord : la route reprenait. Elle se remit en marche à cavaler en tout sens. Nzaun, plus calme, marchait de façon régulière et suivait sa route. Mluïe était tout à côté soit à gauche soit à droite soit un peu plus loin ou plus en arrière mais elle était toujours près de lui. Son pas était totalement irrégulier. Elle avait beau avoir parcouru la montagne mille fois, il semblait qu'elle la redécouvrait chaque fois. Nzaun et Mluïe étaient un peu les enfants de la montagne, ses oiseaux et ils revenaient, chaque fois, voir le soleil la réchauffer un peu.
Alors que Nzaun marchait, il aperçut dans un angle un ours brun qui se dirigeait vers lui. Mluïe qui était, cette fois, plutôt vers l'arrière, rejoignit son frère ne voyant l'animal qu'au dernier moment.







Dernière édition par Lumeï le Lun 15 Juil - 21:52, édité 2 fois
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeDim 30 Juin - 0:59

Nzaun



* Je vois un Ours *

Ce fut la première remarque qui lui vint à l'esprit.  Son beau pelage luisait au soleil dans une arborescence délicate de brun et d'ombre des arbres. Le vent s'y glissait légèrement pour faire voyager les poils. Une seconde, ils se jaugèrent, essayant d'estimer le degré d'hostilité, puis la pensée de Nzaun l'effleura et l'embarqua tendrement. Il ne parlait pas aux animaux, mais il savait les émouvoir dans un subtil frôlement d'âme. Alors l'animal s'assit sur ses pattes arrières et se lécha le ventre, conscient que le jeune homme ne lui voulait pas de mal. Sa soeur regardait la bête d'un air fasciné tout en n'osant pas bouger. Elle ignorait ce qu'il était capable de faire, ce qu'il avait appris de leur mère, ce qui vivait dans son sang et l'avait forgé. Pour elle, c'était seulement évident. Jamais  un animal ne les avait agressé, pas même les chiens errants  des champs retirés de l'Alderbën, au sud d'Echoriath, à fleur de montagne, ni même les loups polaires qu'on retrouve dans les régions plus hautes vers le defilé d'Elvön. Non, ils n'avaient rien à craindre des bêtes et des ombres de la nature triomphale parce que Nzaun savait leur répondre.

Il allait reprendre son chemin quand un coup de feu éclata. Mluïe cria dans la foulée, et tomba à genoux, les yeux écarquillées à coté de son frère qui se retourna vers l'est. Dans les yeux de Nzaun, un éclair fugitif était passé, l'ombre d'une émotion rageuse : Une colère sourde qui l'emportait tandis que l'ours s'effondrait. Le sang glissa lentement, colorant la neige immaculée jusqu'à dessiner des forme hasardeuses. La jeune fille continuait de crier, et l'écho lui répondait.  Mais son cri était comme devenu un chant, et des notes apparurent, modulant la voix pour lui donner les formes d'une complainte. La main désormais sur sa dague, Nzaun la sortit lentement tout en regardant s'approchant la silhouette d'un homme plus loin dans le chemin. Sur son épaule, la longue trajectoire d'une carabine reflétait le soleil, et sur l'autre épaule on pouvait deviner un sac de gibier qui rebondissait lentement à sa taille. Quand il approcha il reconnut le ton usé des braconniers d'Elvön, habitués  à chasser dans l'endroit tout ce qu'ils pouvaient trouver de gros et de comestible pendant les longues périodes hivernales de la région d'Echoriath. L'homme s'arrêta devant eux en tirant sur sa petite pipe en bois.

- C'est bien imprudent de vous aventurer ici, seul, jeunes enfants... . murmura-il tout en détournant son regard vers Mlüie qui continuait son étrange chanson.

- C'est que... nous n'étions pas en danger, répondit lentement Nzaun tout en jouant avec la lame de sa dague, et que nous n'avions pas besoin de vous. Quand à elle... vous venez de la rendre triste.

La réponse surprit le chasseur qui fixa à nouveau Nzaun, cherchant à savoir sur son visage si  c'était moquerie. Mais son interlocuteur gardait un visage impassible, ne démontrant rien de la colère qui fleurissait en lui. Ce fut à ce moment là seulement qu'il remarqua les yeux si étrangement colorés de ce qu'il avait cru être un enfant.

- Bordel mais tu es un...

Un moment son esprit lui commanda de prendre son arme en main, mais ce fut à peine s'il eut le temps d'appliquer sa pensée. Rapide et avec l'élégance d'une ombre, Nzaun se plaça derrière le braconnier. Dans son déplacement, il n'avait fait ni bruit ni de mouvement perceptible. Non, il avait seulement changé de sa place. Et quand sa dague traversa le dos fragile de sa proie, ce fut aussi dans le même silence, si étroit et pourtant si mortel. L'homme tomba lourdement, offrant à la neige, une seconde fois, une couleur charmante. Alors il cria fermement en direction de Mluïe, qui avait cessé sa chanson.

- Viens, et nourris toi.


Sans se faire prier, elle se releva, sécha la seule larme qui avait glissé de son regard, puis elle s'approcha du cadavre frais  et planta ses dents acérées. Ses yeux mauves s'irisèrent d'ombre vermeille. Et la nuit, belle et tranquille, entendit le craquement des os résonner paisiblement dans les montagnes d'Echoriath.


Dernière édition par Nzaun le Lun 1 Juil - 13:48, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeDim 30 Juin - 23:52




Les larmes avaient coulé comme les mots de son s'étaient répandus en coulées de lave glacées sur les pentes de la montagne. Le chasseur avait senti d'un coup son sang se refroidir et la chanson faire battre plus vite son cœur.
Qu'était ce chant à peine marmonné aux roches, au ciel. L'homme à côté de la jeune fille semblait connaître cet air et son visage, frustré, lui renvoyait un sentiment de désolation contrite. Comme si quelque chose allait se produire, inévitablement, mais que son cas de chasseur bourru avait signé de façon définitive ce sort qu'il ne connaissait pas encore.




***




Mluïe avait le visage enfoui dans les entrailles du braconnier vivant qu'ils avaient puni de façon catégorique et sans retour. Elle releva son visage et regarda son frère. Le tour de sa bouche était ensanglanté et quelques gouttes tombaient de façon irrégulière de son petit manton. L'homme hurlait et son cri avait quelque chose de terrifiant mais c'était probablement une situation des plus normales lorsqu'un de vos congénères commençaient à vous dévorer.

- Il a un goût de haine, commenta-t-elle, le bout de chair encore tout tiède glissant le long de son œsophage. Tu en veux ?

Nzaun lui fit non de la main. Lui, il tuait quand les larmes coulaient, parce que les humains étaient parfois trop stupides pour savoir qu'ils pillaient sans foi ni loi avec cet air hautain et méprisant. Le braconnier avait usé de sa supériorité pour asseoir sa prétendue supériorité. Du gibier il en avait assez pour nourrir sa famille un mois entier. L'ours qui marchait, qui vivait ; il l'avait tué par simple goût de sentir la mort glisser du bout de ses doigts jusqu'à la balle percutant la chaire de l'ours brun. Comme cela, sans raison réelle sauf une trop malsaine pour être prononcée.
Nzaun et Mluïe avaient l'habitude de croiser ce type d'humains dans la vie. Parce que les rues des villes et même parfois au détour d'un sentier au fin fond d'une montagne, ces humains qui méprisaient les autres jusqu'à vouloir tuer et, ou, aller jusqu'à la réalisation de l'acte jubilaient à la moindre goutte de sang qui perlait.
Alors ceux qui s'en prenaient aux plus faibles, Nzaun les punissaient pour que le cycle incessant de ces tueurs cesse. Quant à Mluïe Elle mangeait un bout d'eux avant que Nzaun ne les tue. Elle les dévorait vivant pour qu'ils passent de l'autre côté de la barrière : celle où erraient ceux qui avait été méprisés. Cette vile méchanceté, elle leur arrachait au sens premier du terme.
L'homme se débattait et demanda pitié.

- A qui s'adresse ta phrase ? lui demanda-t-elle avant de reprendre sa dévoration.

Il n'avait pas répondu.
Elle croqua un autre bout de chair puis Nzaun mit fin au tourment de l'homme en achevant d'un coup de poignard tranchant sa jugulaire. L'homme sembla curieusement soulagé. Les bribes d'un sourire avait dû se dessiner au moment où il avait senti le tranchant du coutelas froid contre sa nuque. Il n'avait même pas repris son souffle, pour mourir plus vite.




***



- On l'enterre ?
- Je dirais non.
- T'es sûr ?
- Pas vraiment.
- Je l'enterrerais bien.
- Ben fais-le alors.
- Je suis pas sûre de vouloir.
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeLun 1 Juil - 1:08

- Peut être qu'il voulait nous défendre, finalement?
- Il pensait que l'ours allait nous faire peur.
- Il l'a quand même tué. Il aurait pu voir qu'il se léchait le ventre
- De toute façon, il est mort, et je n'ai pas envie de faire demi-tour.
- Pourquoi les gens sont toujours pressés?
- Parce que leur vie est trop courte, sûrement.

***

Il continuait de marcher lentement en regardant le soleil poursuivre sa course vers les hauteurs. Elle le suivait en zigzaguant sur le chemin, de rocher en arbre, d'arbre en taillis, de taillis en rocher. Toujours dans le hasard le plus complet. Lui, il suivait méticuleusement le sentier, n'en débordait jamais d'un pas. Il avait le regard perdu vers la suite de leur route. Réellement, il évaluait mentalement ce qui pouvait leur arriver, à chaque prise d'information : le vent, l'air, le décor, les ombres et les mouvements. Il avait les sens en alerte, constamment il vivait ainsi. Et c'est ainsi qu'il la défendait. C'est ainsi qu'il la nourrissait. Lui, il n'avait plus faim depuis longtemps.

Mluïe déboula devant lui, poursuivi par un papillon bleu. Elle riait joyeusement en vérifiant de temps à autre que la petite bête le suivait bien, jusqu'à se prendre un arbre en plein visage tant elle voulait s'en assurer. Le choc fut violent mais elle se releva, en continuant de rire. Un filet de sang coula légèrement de son front. Nzaun continua de suivre sa foulée, sans dévier. Le sang allait se résorber, la peau allait se reconstruire, et la blessure allait disparaitre, en quelque minutes. Ils avaient l'habitude. Ils avaient compris. Ils ne se souciaient plus des accidents. Pour beaucoup cela fabriquait des souvenirs quelquefois douloureux, eux oubliaient. Ils finissaient par oublier beaucoup de chose.

Le papillon avait disparu dans le choc, elle s'était alors calmée et suivait l'ombre de son frère en prenant soin de ne pas marcher sur les petites pierres égarées sur le chemin. Devant eux, la fumée légère d'une cheminée tremblotait. Mluïe s'approcha en lui murmurant à l'oreille :

- On entre?

Il ne répondit pas. Il se dirigea lentement vers la masure, puis toqua à la porte. Celle-ci s'ouvrit lentement, laissant entrevoir le visage d'une femme aux cheveux grisonnants. Ses yeux étaient si clair qu'on aurait dit un ciel sans nuage et sa peau si fine, si vide de rides celle d'une colline de blé que les vents avaient longtemps désertés. Dans l’entrebâillement de la porte, porté par l'ombre, elle dégageait une beauté qui troubla légèrement Nzaun avant qu'il ne murmure lentement, la tête baissée:

- Pardon de vous déranger, nous venons de faire une longue route, nous avons un peu froid. Nous avons un peu soif.

Elle hésita un peu, puis ouvrit la porte pleinement et se recula. Les deux entrèrent, l'un après l'autre, en silence. Mluïe se réfugia devant l'âtre, en s'asseyant par terre tandis que son frère avisa une chaise près de la table qui trônait au milieu de la salle. Autour d'eux, les reflets du feu faisaient danser les ombre et les contours des objets.  Il y avait la une danse un peu mélancolique, jetant dans l'air un calme reposant. Cependant la maîtresse de maison semblait un peu nerveuse. Elle s'assit en face de Nzaun tout en apporte carafe d'eau et bol de bois. Elle le servit en  laissant échapper un souris contrit puis s'adressa à lui d'une voix un peu aigue:

- Vous avez l'air bien jeune pour vous aventurer sur ces longues routes, j'espère qu'il ne vous arrivera pas grand mal.

- Nous savons nous défendre, répondit-il lentement en serrant son bol d'eau. Et puis il ne peut rien nous arriver de bien dangereux.

Elle se tut un moment avant de se servir d'elle même un peu d'eau et de continuer tout en regardant la jeune fille qui tendait ses mains vers l'âtre

- Il y a des ours et des loups sur la route en ces temps, attirés par la faim. Cette petite pourrait faire un bon repas. Mon mari était parti d'ailleurs en chasser quelque uns, mais il tarde un peu. Je dois vous avouer que je commence à m'inquiéter un peu. C'est rare qu'il reste autant de temps au dehors avec les tempêtes que nous subissons en ce moment.

Nzaun but lentement la fin du bol avant de le poser délicatement et de relever la tête et de laisser voir ses yeux  comme deux améthystes scintillantes briller.

- C'est lui que nous avons sûrement croisé, plus en amont du sentier. Il a tué un ours.

Son ton plus ferme la fit se retourner vers lui, et quand elle vit la couleur de ses yeux, son visage blanchit et ses yeux s'écarquillèrent. Elle tenta de parler mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle voulut se relever et trébuchant sur sa chaise tomba au sol. Dans le même temps Mluïe répété lentement les propos de son frères.

- Il a tué un ours.

Dans le même temps les flammes semblèrent s'affoler et léchèrent les bords de la cheminée comme si elles voulaient s'en échapper. Par deux fois, le feu se jeta en avant, embrassant la colère qui remontait de l'enfant et embrasant l'air, tandis que terrifiée la maîtresse de maison reculait vers un coin de la pièce en murmurant des paroles incompréhensibles. Nzaun se releva lentement, puis se rapprochant de sa soeur, déposa une main apaisante sur son épaule avant de reprendre la conversation :

- Vous ne devriez pas tant vous effrayer, si vous savez ce que la couleur de nos yeux veulent dire, vous devriez aussi savoir que nous réagissons mal a des afflux d'émotions violentes. Vous n'avez rien fait de mal, nous n'allons rien faire de mal. Nous vous remercions pour votre invitation et nous vous prions de nous excuser du dérangement. Nous allons reprendre notre chemin.

Le feu s'apaisa et Mluïe se releva lentement. Puis ils regagnèrent la sortie en laissant leur hôte tétanisée dans un coin de la pièce.

Dehors le vent s'était levé, il était froid et mordait la peau. Au loin, dans l'horizon plus sombre, une tempête approchait.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeLun 1 Juil - 18:18





Nzaun et Mluïe ne craignaient pas vraiment la tempête. C'était la montagne en colère. D'avoir subi sur son flanc la mort d'un des siens, sens enfants.
Ils n'avaient pas peur de ces éléments. Ils y étaient habitués. Ils sortirent de la maison la mine légèrement assombrie. La vieille femme connaissait leur identité et comme tous ceux qui savaient, elle s'était reculée comme s'ils étaient des monstres. Comme s'ils allaient la dévorer sur le champ. Lui faire mal. Mais ce que cette dame ne savait pas, c'est qu'ils étaient le contraire. Ce contraire qui les effrayaient remettait peut-être en doute leur statut d'humanité, cette valeur qui leur saillait fort maladroitement. La femme les avait craint comme on regarde la mort venir. Mluïe avait le front plissé. Elle ne comprenait pas les hommes, ces êtres de contradictions les plus gigantesques. Leur univers, jamais elle ne le frôlerait. Du bout de l'âme au moins ? Même pas du doigt.
De toute façon, il avait fallu partir. Déjà, la vieille dame leur avait fourni un peu d'eau. Ils devraient se débrouiller seuls pour trouver un abris au moins le temps de l'apogée de la tempête ainsi que de son essoufflement.

Nzaun lui indiqua un chemin s'enfonçant plus loin dans la montagne. Il lui montra du doigt, les yeux plissés par le vent qui fouettait de plus en plus fort son visage. Mluïe le regarda et acquiesça de la tête pour lui signifier qu'elle avait bien compris le message.
Elle le suivit donc.
Cette fois, pas de détours sur le chemin. Il y avait le vent qui chantait de plus en plus fort alors elle était un peu plus sérieuse. Suivant calmement son frère. Il connaissait chaque route de cette montagne, chaque recoin.
En passant sur le chemin, ils se mirent à croiser de plus en plus d'arbres qui cachaient dans le même coup le ciel. Celui-ci s'était assombri depuis le lever calme, bleu et orangé du soleil. Le ciel avait d'abord blanchit puis s'était déplacé dans des tons plus grisonnants. Un peu comme les cheveux de la vieille dame de la chaumière. La maison de l'époux à l'ours, d'ailleurs.
La densité des végétaux se fit enfin de plus en plus rare. Les étreintes du vent furent donc plus violentes, glacées. Ils gravissaient la montagne.
Mluïe rattrapa Nzaun sur le côté et accrocha sa petite main à son avant-bras.

- Attends. Je vais te donner... elle n'acheva pas sa phrase, s'étant mise à farfouiller dans le ventre de son sac, une bretelle passée à l'épaule.

Elle en ressortit une première veste dont la doublure était chaudement fourrée. Elle la brandit à Nzaun qui la récupéra d'un coup de main pour rapidement l'enfiler. Mluïe se saisit d'une seconde veste qui semblait à sa taille et s'en vêtit à son tour. Ils reprirent leur chemin d'un pas vif.


***


Le chemin devenait plus étroit et le vent avait plus de mal à trouver leur visage. Le sentier était naturellement creusé dans la roche qui remontait, très haute, sur les côtés.

- Plus que quelques instants et nous y sommes Mluïe, l'informa-t-il.

Quelques pas sous le vent qui tape les rochers. Le vent frappe, hurle, vole. Les oiseaux sont rentrés. Le vent trop fort les a rendu prudents. Ils sont allés se réchauffer dans leurs nids, peut-être. On trouvé foyer dans un recoin de cheminée. Dans les grottes.


***

- Où sont-ils ?
- Qui ?
- Les oiseaux ?
- Ils ont froid, peut-être.
- Et sinon ?
- Je n'sais pas.
- Ils reviendront quand ?
- Bientôt.
- T'es sûr ?
- Non.


***


Un pas puis... une cavité large comme la taille d'un adolescent dans la paroi de la montagne. L'unique chemin y menait et Nzaun les avait tous deux menés.
Nzaun invita Mluïe à s'engouffrer la première dans l'abri au moins sans vent mais la jeune fille demeura derrière et le poussa de ses deux mains posées contre son dos afin qu'il s'avance lui-même. Il rentra. Mlüie suivit.
C'était une grotte immense, obscure.


- On dirait que ça continue derrière, non ? questionna-t-elle son frère.
- Oui. On va aller là-bas d'ailleurs. Il faut continuer, répondit-il.

Ils continuèrent leur chemin parcourant le dédale. Les tuyaux de roche descendaient en profondeur jusqu'à une autre cavité plus grande encore que celle qui effleurait la surface de la montagne. Cette immense pièce luisait d'une coulée de lave, sublime spectacle qui serpentait sur l'un des côtés de la grotte, un des nombreuses sorties.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeLun 1 Juil - 19:31

C'était ce genre de grotte, d'où venaient les grands oiseaux. C'était ce genre de grotte leur nid, et leurs souvenirs. Mais il n'y en avait plus aucun. Nzaun contemplait les espaces infinis de ces grottes merveilleuses, traversés par des bras de lave en fusion, transportés par la chaleur et les profondeurs obscures, béni par des milliers d'années qui les ont vu vivre dans ces majestueux logis. Et puis, ils ont disparu. On dit qu'ils reviendront par l'ouest - ils sont toujours revenu par l'Ouest. Il s'arrêta un moment, en fixant la lave qui descendait lentement dans son chenal. Ils pourraient attendre ici, le temps de la tempête, mais ils devaient continuer d'avancer. Et puis, ils n'étaient pas fatigué. Il détourna son regard et reprit son chemin dans une faille plus petite  où il fallait baisser la tête, et qui donnait sur une autre grotte aussi vaste que la précédente. Ici, l'ombre était plus oppressante. Et puis, dans le recoin, il sentait comme une présence. Sa sœur aussi jetait des regards mal à l'aise, jusqu' à ce qu'une torche venue des profondeurs sombres tomba à leurs pieds en roulant un peu. Il resta immobile, Mluïe cachée derrière lui. Il l'avait senti, la faible odeur de sang qui sèche un peu, le goût particulier d'une blessure. Quand la voix s'éleva, ce fut comme s'il la connaissait déjà :

- Il y a des chiens errants dans le coin. Je me reposais quand ils m'ont attaqué. Ils devaient être une douzaine. J'ai tué ce que j'ai pu.


Avec précaution, Nzaun éclaira l'endroit autour d'eux jusqu'à pouvoir observer les corps des bêtes déchiquetées qui commençaient à pourrir, et plus loin, l'homme allongé, dont les bandages sur son épaule droite semblaient sales et mal ajointés.  La jeune fille glissa sa tête pour mieux voir, tandis que derrière eux on entendit un léger feulement. L'étranger reprit lentement de sa voix légèrement éreintée

- Ils ont du vous entendre.

- Nous sommes silencieux, mais vos blessures et les cadavres sentent suffisamment, répondit Nzaun. Ceci dit... nous n'avons rien senti avant d'entrer ici.

Il s'approcha de quelque pas en essayant de découvrir son visage et ce qu'il vit ne le surprit guère. Il n'existait que peu de gens capable de se camoufler dans l'ombre, supprimant le moindre sens dans une chape sombre qui les rendaient presque indétectables. L'ombre mauve de son iris se refléta dans le flamboiement de la torche. Un léger sourire se forma sur ses lèvres qu'il réprima aussitôt. Il ne le connaissait pas, et pourtant il avait écumé longtemps les zones autour du Défilé d'Elvön, seul ou accompagné. Il l'aurait forcément croisé. Ce qui laissait supposer alors qu'il n'était pas vraiment du coin. Un deuxième feulement coupa ses réflexions et fit tirer une grimace de l'homme blessé.

- Vous devriez songer à remettre vos pensées à plus tard, et vous préparer un peu, si je puis me permettre un avis. Savoir d'où je viens n'est pas tellement important. Sortir vos armes me parait plus raisonnable à cette heure.

Il avait lu dans ses pensées. Nzaun sortit sa dague tandis que Mluïe continuait de dévorer l'étranger, l'âme curieuse  et ravie de rencontrer quelqu'un qui leur ressemblait un peu. Peut être qu'il n'aurait pas peur, peut être qu'il serait gentil, devait-elle penser tout en serrant fort dans ses doigts la pelisse de son frère.

Alors l'homme blessé voulut se relever mais il grimaça. Dans l'esprit de Nzaun restait une question, une question qu'il n'arrivait pas à résoudre tandis qu'il se retournait lentement pour faire face aux grognements qui approchaient. Pourquoi?

- Pourquoi vous ne guérissez pas?

Mais il n'eut pas le temps d'entendre la réponse. Les bêtes s'élançaient déjà, fonçant vers eux les crocs brillants dans le feu de la torche, les pattes tendues vers eux. Mluïe se dégagea de son frère d'une légère acrobatie tandis que sa main droite passa dans le feu, s'arrêtant à peine et en ressortant indemne. Seul les doigts brûlaient férocement au rythme de la peau qui se régénérait. Elle fit face au chien, les yeux consumé de rage et de détermination. Il ne faisait pas bon être en face d'elle c'était sûr.  Et tandis qu'il tranchait la première gorge avec sa petite dague, sa petite sœur vive et rapide attrapa la gorge d'un autre, puis tout en le brûlant grièvement fracasse son crâne sur le sol. Ensuite ce fut un vrai ballet qui laissait danser frère et sœur dans une composition personnelle dont eux seuls avaient le secret. Toujours ils se croisaient, ne frappaient jamais la même cible, alternant leur frappe, couvrant le dos de l'autre  et les angles mort de chacun. Véritablement l'homme couché n'eut rien à faire même s'il avait pour la forme levé sa longue et fine épée en tenant la garde d'une main tremblante. Quand le dernier chien s'effondra, il relâcha son arme en soupirant. Nzaun murmura :

- Ta main, Mluïe.

Elle détourna la tête des cadavres de chien en regardant avant de rire puis de souffler le feu qui grondait encore. La douleur était quelque chose qu'elle maîtrisait encore mal. Elle les rejoignit en clopinant d'un pied sur l'autre puis en s'asseyant à côté de l'Etranger. Enfin elle lui demanda tout en montrant son épaule :

- Pourquoi vous ne guérissez pas?

C'était la question que Nzaun s'était posé et qu'il avait vaguement oublié dans la mêlée. Tout en nettoyant sa dague avec un petit tissu rouge, il se tourna aussi vers lui, en attendant la réponse.

- Je ne suis qu'un Amareh*, j'ai a peine gardé de ma mère la beauté de ses yeux et son endurance naturelle. Quand on reste, vous savez comme cela se perd... j'ai jamais eu de grande puissance, et les autres enfants ne se sont jamais privé de me le rappeler.. .

Il gémit légèrement tandis qu'il glissa avec difficulté son épée dans son fourreau.  Ce fut Nzaun qui reprit la parole en s'asseyant face à lui :

- Pourtant vous savez vous cacher, mieux que nous je crois. Nous n'avons qu'à peine senti.

- Cela s'apprend, et ma mère fut bonne éducatrice dans cet Art. C'est surprenant d'ailleurs qu'à vôtre âge... .

Il n'eut pas le temps de terminer que la dague que Nzaun avait soigneusement nettoyé s'éleva et retomba sur le bout de la lame avant danser entre ses doigts. Il regarda l'étrange scène avec prudence comme si son propos devenait risqué face à quelqu'un qui n'avait toujours pas rangé son armer et s'amusait à la faire danser en face de ses yeux. Mais son interlocuteur ne semblait pas faire montrer d'une émotion agressive, il s'occupait juste les mains.

- Nos parents sont partis, pour suivre les oiseaux*, vers l'Ouest.


- Ha... .

Le bref commentaire de l’Étranger sembla suffire, Nzaun et Mluïe se tournèrent l'un vers l'autre et échangèrent un long regard avant de reprendre leur fixation vers l'homme. Il fallait aider l'homme à sortir de la grotte, peut être, eux aussi devaient de toute manière regagner la sortie et continuer leur chemin...

- Vous savez, vous pourriez tout autant me laisser ici, je risquerai plus de vous retarder dans votre chemin... .

C'est vrai qu'il lisait dans l'esprit. Mluïe se leva prestement, fouilla dans son sac et lui donna une petite fiole de verre d’où semblait briller un liquide bleuâtre. Puis elle s'élança vers l'un des chemins, au hasard, en chantonnant. De toute façon l'un mènerait forcément vers la sortie. Son frère se releva aussi non sans dire :

- Vous allez nous suivre. Nous devons apprendre à lire dans l'esprit, puis à mieux se cacher. La fiole vous soignera : c'est un peu de notre sang, et un peu d'eau de Wyrme. En attendant vous pourrez vous appuyer sur mon épaule. Nous ne sommes pas fatigués.

Il l'aida à se relever, puis ensemble ils avancèrent lentement en suivant la chanson de Mlüie.

- D'ailleurs je me nomme Loëve.
- Moi c'est Nzaun, la-bas c'est Mluïe.




____________

* Amareh : nm, dans le vieux langage : enfant non légitime dont les parents ne sont pas issus de la même race.


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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeMar 2 Juil - 14:12



Nzaun avait tendu son bras puis soulevé Loëve qui avait des origines sans nul doute identiques à la sienne ainsi qu'à sa sœur. Il l'avait soutenu pour qu'il se relève sans trop forcer sur les muscles de son dos, même si les solliciter serait forcément inévitable. Une fois les deux pieds posés de façon plus ou moins stable sur le sol de l'antre du volcan, il s'appuya d'abord maladroitement sur l'épaule de Mluïe qui était un peut plus petite. Il glissa son bras droit autour de la nuque pour accrocher sa main à l'épaule opposée de là où il se trouvait. Cela lui assurerait une meilleure stabilité encore.
Enfin prêts, les trois compagnons se remirent en chemin en allant plus profond dans la grotte. Ils longèrent une minuscule coulée de lave ce qui leur valut de sentir leurs corps se réchauffer, à tel point qu'ils transpirèrent un peu.
Parce que Mluïe avait été trop présomptueuse dans la bataille, son erreur de jugement, sa main la tiraillait désormais. Mais la douleur s'estompait de plus en plus. Elle disparaîtrait bien assez tôt de toute façon.
Dehors il faisait froid ; ici, il faisait bon. Nzaun avait eu la bonne idée de les mener jusqu'ici. En plus, ils avaient rencontré un des leurs. Par hasard. En était-ce un ? Qui savait.
Ils avancèrent donc, créant l'écho des petits cailloux que leurs pieds entrechoquaient en effleurant le sol. Un pas, puis l'autre, puis un autre. Dans leur marche, pas un son, aucune parole. Juste une marche concentrée qui les mena jusqu'à une autre grande cavité qu'ils traversèrent pour rejoindre un autre boyau. Arrivé à la quatrième moins large cavité, Nzaun s'arrêta et :

- Nous devrions nous reposer ici. Même si la fiole procure des soins impressionnants qui feraient chavirer plus d'un herboriste, il faut du temps pour que le liquide fasse effet. Vous allez donc dormir un peu.

Loëve ne dit rien car il était en effet fatigué de sa blessure et harassé par cette marche. Il ne sentait nul effet faire progresser l'apaisement de sa douleur ni ses muscles recouvrer leur force initiale. Il se demanda si cette fiole n'était pas un tour quelconque. Ou si ces deux énergumènes se moquaient de lui.
Délicatement, Mluïe et Nzaune l'aidèrent à s'asseoir contre la paroi. Tiède. Le volcan, probablement. Le visage de Loëve s'étira en quelques grimaces que la douleur produisait puis il soupira. Le repos lui serait en effet bénéfique. La jeune fille regarda sa main, elle était peinte de rouge séché mais plus de plaie, pas même une cicatrice n'arborait ce qui lui avait fait mal quelques heures avant. Elle fit tourner sa main pour mieux observer. Ca faisait fuir les humains. Ça les faisait démons doué d'une magie qui leur était inconnue, donc dangereuses.
Un sourire sur le visage de la jeune fille.
Nzaun s'était approché de la lave pour la contempler luire comme des vers luisants souterrains. Il avait beau tenter de lui faire croire, lui aussi s'émerveillait des éléments qui construisaient la Terre. Elle contempla quelques instants son état d'émerveillement, amusée.


***


Un cri. Étrange. Venant des profondeurs du volcan ? Non. Pas très loin en fait. Pas trop. un cri étrange qui comportait plusieurs notes à la fois. Qui était capable dans l'univers de parler plusieurs voix ?
Leur sang se glace dans leur sommeil qui les fait se lever prestement.
La mine assombrie de Loëve en disait long sur la créature qui probablement s'approchait d'eux. L'homme blessé devait connaître. Il devait savoir.
Nzaun fronça les sourcils et s'adressa à lui, le mot vif :

- Qu'est-ce ?

Sa question n'attendait que la réponse. La voix, le regard de Nzaune lui disaient bien clairement. Et le regard de Loëve montra qu'il allait répondre sans trop d'enluminures. De toute façon, ils n'avaient peut-être pas le temps.
Loëve se masse les tympans et explique :

- Ce sont des grizzlis que les mages ont ensorcelé. Leur antre est le cœur du volcan. Ces mages maléfiques utilisent une magie noire et dangereuses pour les humains. C'est pour cela qu'ils se cachent. Les grizzlis sont là pour nous faire peur. Et nous tuer, accessoirement.

L'explication tourna sur un ton sarcastique.

- Combien de grizzlis ? s'inquiéta Mluïe

Silence.

- Je ne sais pas. J'en ai rencontré un, une fois. J'ai mis quelques heures à le combattre. Mais selon les cris, je dirais qu'ils sont plusieurs.

Il sembla se concentrer intensément comme s'il fouillait dans sa mémoire, dans ses sens peut-être.

- Quatre, répondit simplement Nzaun.

Loëve les regarda, perplexe. Il lisait les pensées humaines mais Nzaun devinaient déjà celles, animales.

Nzaun percevait la colère, la souffrance des âmes des animaux emprisonnés, maltraités. Faim. Ils avaient faim. Mal, des coups de ces sales mages. Ils étaient furieux. En révolte.Ils voulaient dévorer la terre entière. Ils ne pouvaient pas sortir de la montagne mais le dehors était venu à eux. Friandise. Faim. Dévorer.
Nzaun percevait. Et c'est en percevant qu'il combattait. Et Mluïe lisait ses gestes, effleurant son âme.




Dernière édition par Lumeï le Mar 2 Juil - 21:00, édité 1 fois
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeMar 2 Juil - 20:35

Il détourna son regard vers sa soeur. Ses yeux étaient devenu plus pourpre que violets, et sur son visage des tics de colère apparurent. Heurté par les émotions qu'il pouvait ressentir, son coeur entrait en insurrection. Il sortit machinalement son arme tout en regardant en direction du tunnel qui s'enfonçait, d'où était venu le cri. L'appel des bêtes résonnaient en lui comme une promesse. On ne touche pas aux âmes, on ne les torture pas, on ne les viole pas. Toute nature, toute faune est l'ombre sacrée du Temps qui fécond le Vivant en son sein. Et ces chaînes, et ces sceaux qu'il sentait arracher le coeur des grizzlis, nourrissait la longue haine qu'il avait des humains, et de ceux qui ont tout mépris sur ceux qui leur semble inférieur. On ne tue pas un ours avec une balle, on ne torture pas une bête avec des incantations foireuses. On ne blesse pas ce qui est vivant, et innocent.

Il resta longtemps, perdu dans ses pensées, scrutant l'ombre en attendant que débarque ces animaux possédés. Mais personne ne vint, et ils restèrent sagement à attendre que Loëve recouvre ses force. Parfois, étreint par la douleur, il geignait faiblement, se retournant de droite à gauche comme pris par des délires fiévreux, puis il se rendormait, laissant la fiole faire son lent travail de réparation. Mluïe le fixait avec des yeux curieux, comme si elle essayait de déchiffrer le moindre de ses traits, la moindre de ses attitude. C'était peut être la première fois qu'elle rencontrait quelqu'un qui leur ressemblait un peu et c'était pour elle grand émerveillement. Lui ne l'aimait guère. Il n'était pas de sang pur, ce n'était qu'une erreur dans un ordre qu'il pensait parfait. Loëve semblait à peine plus résistant qu'un humain et en dépit de ses qualités étranges il pouvait à peine soutenir la douleur de la lente régénération, et par plusieurs occasion il s'était demandé si la reconstruction cellulaire n'allait, plutôt que de le sauver, le tuer sur le coup. Mais il tenait bon, et il s'en sortait. Il s'en sortait tellement qu'il finit par ouvrir les yeux, et se releva doucement.

- Vous tenez mieux mais vous n'avez pas bonne mine, nota amusée Mluïe

- Ce que vous tenez pour fatigue devrait s'en aller vite.  Ceci dit, si votre frère pouvait arrêter de converser avec l'ours qui guette dans l'ombre, ca rendrait l'ambiance moins angoissante.

C'est vrai qu'il pouvait lire. Nzaun retira son contact mental et se tourna vers l'Amareh:

- Si vous savez tant lire que ça, vous devriez savoir que je ne discute pas avec lui. J'essaie de comprendre ce qui cache derrière. Mais ils n'ont pas vu grand chose. Ils ne font que surveiller, depuis un peu temps. Je reste curieux de ce qu'ils font. Nous devrions avancer plus en avant. Je devrai pouvoir maintenir les bêtes tranquille. Si ce n'était pas le cas, vous n'aurez qu'a trancher dans le vif.

Nzaun redirigea son regard vers le tunnel sans prêter attention à sa soeur qui aidait l'Etranger à se relever. Pas à pas il avançait, dans un grand silence, tout en reprenant contact mentalement avec l'animal. Il chantait doucement ces mélodies d'âmes qui apaisent et qui enjoignent à la communion. Elles n'avaient pas besoin d'être habile et sinueuses, elles se contentaient simplement d'exprimer à la bête une compassion qui l'apaise et lui fasse oublier un moment les sceaux d'asservissement qui lui déchiraient le coeur.  Et plus il approchait, plus son lien s'intensifiait. Le grizzli finit par s'assoir sur ses pattes arrière et tandis que Nzaun passait devant lui, il tendit son bras vers son museau fiévreux. il prit sa dague de son autre main et se taillada légèrement l'avant bras tendu en murmurant :

- La faim n'est qu'une idée.

La bête se fit d'abord hésitante, puis elle s'approcha et lécha l'entaille avec grande précaution. Loëve tresseilla en commentant à voix basse:

- Il n'a peur de rien, si près de se faire manger le bras sur un mauvais coup de dent...

- Jamais un animal ne l'a blessé, jamais un animal ne lui en a voulut, répondit Mluïe avec joie, toujours ils sont bienveillant et comprennent. Il l'aide à oublier sa faim.

La faim rendrait fou les plus grands des monstres. Nzaun retira son bras tout doucement, et fit un pas un arrière. La bête se coucha et les regarda passa, l'esprit temporairement apaisé. Puis ils s'enfoncèrent dans l'ombre.

Plus en avant, le couloir déboucha sur une grande salle, encadré par une voûte géante sur laquelle était dessinée des fresques difficile à deviner, tant le plafond était haut, tant la pénombre était lourde. Face à eux, les deux autres grizzlis les observaient, tandis qu'au fond de la salle les sorciers renégats semblaient tant absorbés dans leurs rituel qu'ils n'avaient pas réagi. Mluïe, toujours curieuse, demanda de sa voix légère:

- Que font-ils?

- Ame nébuleuse trop complexe à entendre. Ils sont plongés dans...

Il n'eut pas le temps de continuer. Une des bêtes sembla s'énerver un tant soi peu. les pattes d'où sortait de longues griffes acérés s'avancèrent et il chargea brusquement, non sur Nzaun qui était pourtant bien avancé  mais sur Loëve. Le choc de l'épée qui contra l'animal et le souffle de l'homme résonnèrent dans la pièce tandis que les deux autres n'avaient pas bougé d'un iota. Après tout, tout un chacun avait droit de se venger. Ce n'était pas leur affaire. Nzaun commenta lentement :

- Tu as tué son frère. Il reconnait ton odeur.

Loëve jura tandis qu'il parait les attaques du grizzli. De l'autre côté Mluïe s'avança et commença a lire les symboles au sol, avide de comprendre ce qui se passait. Mais son frère avait compris et coupa court à ses recherches :

- Ils enferment le volcan. Ils pensent que si le volcan se réveille, alors le feu remontera et appellera les oiseaux. Mais les oiseaux n'aiment pas les humains, n'aiment pas les mortels. Alors, ils empêchent que le volcan se réveille. Mais...

- Mais...? s'enquit Mluïe suspendu aux lèvres de son frère, surprise et frustrée qu'il s'arrête au milieu de son explication.

- Les chiens reviennent des hauteurs, ils descendent, ils sont nombreux, et cela énerve les ours... Les sorciers ne peuvent pas rompre leur rituel, alors ils les appellent, ils appellent l'ombre pour nous surprendre.  Nous pourrions avoir un peu de mal.

Ce qu'il notait comme mal, c'étaient les hurlement des chiens dans la nuit, et les réponses des grizzli qui élevaient la voix. C'était toute la montagne qui tremblait  et la poussière des murs qui se soulevait et formait comme une brume basse. Il n' y avait pas que chiens et des ours derrière, ce que Nzaun avait pris pour une aspérité rocheuse de loin sembla se mouvoir, glisser lentement et prendre forme. On aurait dit dans la pénombre un golem qui s'élevait silencieusement et quand il ouvrit les yeux, ce furent deux iris chargés de la puissance noire et maudite des Sorciers.

- Trop nombreux, murmura Mluïe qui sans réfléchir décida de régler le probleme en fonçant droit sur les sorciers.

Son frère n'eut pas le temps de la prévenir qu'un trait de feu, semblable à une langue surgissant de nulle part la rejeta violemment plus loin, contre une paroi. Elle percuta de plein fouet la roche en s'arrachant une partie du front. Ca devenait vaguement une habitude pour elle. Elle se releva, hébétée, cherchant à reprendre contrôle de son corps, buta sur une petite pierre, et s'effondra à nouveau sur le sol. Nzaun rit nerveusement :

- On va éviter ce genre de méthode, dorénavant. Je suppose que les signes par terre nous empêchent de les approcher, alors on va faire différemment. Vu qu'ils invoquent, on va démonter leur invocation jusqu'à ce qu'ils fatiguent. Ils craqueront bien avant nous.

C'était une approche qui semblait intéressante. Dans le même temps, un peu loin, Loëve jura encore tandis que pour la troisième fois le grizzli l'envoyer promener deux mètres plus loin. En réponse les cris de meute de chiens se firent plus violent. Ils n'étaient plus loin. Une seconde, Nzaun se demanda comment pouvait-on attirer autant de chiens à la seconde dans une montagne mais il n'eut pas le temps de réfléchir bien plus. Un bras de golem érafla sa tête au moment où il se baissa instinctivement. Roulant en avant, il put l'observer de toute sa stature : mélange de glaise, de rocher, et de tissu nécrosé. Eut-il fallu des sacrifices pour en arriver là, et de quel genre? Une seconde fois il évita le coup brutal du colosse qui devait bien faire deux tête de plus que lui, avant de placer trois mètres entre lui et son adversaire. Ce n'était pas ce genre de grosse bête de pierre qui allait l'empêchait de faire quoique ce soit. Il tendit deux doigts vers les deux autres grizzlis passif depuis le début de la scène et marmonna rapidement :

- Sharar në zol*. Nous ne sommes que le vivant contre le vivant.

Deux traits de lumière jaillirent du bout des doigts les ours. Au choc, leurs yeux s'allumèrent du même reflet que Nzaun enferme en ses iris, et les deux bêtes se lancèrent, chargeant le golem avec une force extraordinaire. Au meme temps, Mluïe hurla  et fonça sur son frère en le tapant de ses petites mains :

- T' as pas le droit, t'as pas le droit. Ils ont rien fait! T'as pas le droit de les obliger à se battre, tu peux ...

Elle n'eut pas le temps d'en dire plus. Il la dégagea d'une claque violente qui la renversa.

- Tu crois que j'ai d'autres solutions? et si c'est pas moi ce sont les sorciers qui vont s'en charger.

Et la réponse n'étais pas loin d'être juste. Les asservissements d'âme semblèrent s'activer à nouveau, reprenant le dessus quelque seconde avant que la conscience de Nzaun le oblige à retrouver leur chemin. La réaction violente de sa soeur l'avait déconcentré et il s'en était fallu de peu pour qu'il perdre le contrôle sur les bêtes.  De ce faits, leur geste se désynchronisaient quelque fois et le golem en profiter pour leur infliger de lourds coups. L'un des coups amocha sérieusement l'un des grizzli mais il n'en eut cure et chargea, le coeur embrasé par la même colère que Nzaun nourrissait.  Ce fut à ce moment là que les chiens choisirent d'entrer en scène, dans l'affolement de la bataille et l'âme colérique de la jeune sœur révoltée. Et bien qu'il l'avait pressenti, ce ne furent pas une dizaine de chiens affamés mais une marée de chiens qui s'élancèrent vers eux. Il pria  pour que Mluïe se renconcentre et fasse l'affaire pour dégager ces vagues infernales avec ses propres techniques dont elle a le secret.


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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeMer 3 Juil - 0:36




Mluïe était en colère, déçue. Son frère avait cette similarité de ne vouloir porter atteinte aux êtres qui vivaient sans toute agressivité outre mesure contre l'Autre dans laquelle s'écrasait les humains avec plaisir. Que ce soit animal ou même leur propre prochain, cela ne leur importait que peu. Etrange cette cruauté.
Non. Nzaun n'était pas comme eux. Pas plus qu'elle. Pas lui, pas maintenant. Ses petits poings sur ses bras, son torse. Le geste sans force. Le geste qui s'éteint.
Mais quand il lui avait hurlé cette nécessité, un voile assombri tomba sur son visage. Elle fronça les sourcils et son regard se durcit. Elle regarda dans le vague, sembla réfléchir quelques intants enfermées dans ses propres pensées.

- Je crois que je vois.

Sa voix n'était qu'un souffle coupé. Les mots avaient dégringolé dans le précipice du vide qu'offrait la porte des lèvres qui s'ouvrent.
Puis, elle s'était lancée dans la bataille sans trop réfléchir. Autant en finir au plus vite car alors les grizzlis seraient enfin libres. Et les mages, auraient disparu pour le bien des êtres vivants.
La liane qui l'avait repoussée contre la paroi rocailleuse l'avait un peu amochée. Mais il n'était pas temps de se plaindre et même si sa régénération était spectaculaire, elle ressentait toujours, au début, quelques brins de douleurs. Bien sûr, plus elle grandissait, plus cette faculté de ressenti de la douleur s'estompait. Nzaun pensait qu'elle finirait par ne plus rien sentir lorsqu'elle se ferait mal et peut-être même que sa régénération serait plus rapide.

*Pas d'autres solutions.*

D'un calme effrayant, la jeune fille observait  les mages à l’œuvre. Ils professaient des incantations maléfiques qui faisaient apparaître tant et plus ces chiens immondes. Ces chiens de rien sans l'ombre d'une consistance d'âme. Des choses qui n'auraient jamais dues être appelées en ce monde. Des choses qui n'auraient vraiment pas dues voir le jour. Et de toute façon, elles étaient ainsi nées dans ce cœur de volcan. Sans voir même le soleil ni apercevoir l'ombre de la lune glisser sur les arbres et les rivières. Non. Des créatures à rendre à leur lieu d'origine.
Pendant qu'elle pensait, regardait ces bêtes apparaître et qu'elles s'avançaient vers eux sans peur sans vie, les yeux vides d’existence sauf celle qu'on leur avait imputé au nom de la noirceur des mages ; la jeune fille commença à s'embraser : des flammes naquirent au bout des doigts et recouvrèrent ses avant-bras puis ses bras. Ensuite, des flammèches lui chatouillèrent les pieds pour remonter sur ses mollets. Son regard mauve était vif, la silhouette des flamme dansait joyeuse et provocante dans son reflet. Mluïe n'avait pas mal. Le feu. Elle le connaissait bien. Elle l'apprivoisait comme il le faisait d'elle également. Il faisait partie d'elle. Au début, ça picotait légèrement lorsque la première flamme naissait mais ensuite, toute douleur disparaissait.
Alors, nous pourrions dire que Mluïe s'enflamma. Véritablement. Puis, elle se jeta sur les chiens qui étaient devenus sa proie. Elle arracha leur peau de boue, leur corps physique sans âme, elle les brûla en les touchant, en les frappant. Seulement quelques instants écoulés une fois que les chiens étaient morts, ils devenaient poussière noire.  Le feu qui commença à prendre s'étendit alors entre tous les chiens qui, affolés, essayaient de s'enfuir sans ordre et se cognaient les uns contre les autres. Deux mages périrent d'ailleurs à cause de ces chiens abrutis qu'ils avaient créé de manière non naturelle. Dans le grand nuage de poussière que les chiens avaient causé, le golem fût étranglé de ses mains ce qui déclencha son embrasement suivi de sa carbonisation. L'embrasement général n'épargna pas les pauvres grizzlis dont la masse était importante et éviter le feu, presque impossible pour eux. Bien sûr, pour Muïe, le feu n'était qu'un moyen de les faire paniquer pour ensuite leur enfoncer une petite lame qu'elle tenait fermement de la main. Les bêtes s'affaissèrent dans un bruit mat les yeux déjà vides. Et le sang qui s'écoula de leur plaie avait la couleur de l'ébène, celle de la magie des Mages. Ce sang qui s'écoulait d'eux un à un se répandit sur sol recouvrant les Sceaux de magie. Leurs effets furent annulés et cela permit au moins d'éviter que les chiens apparaissent en continu malgré la rude chasse que Muïe et Nzaun menaient. Oui. Les Sceaux ne fonctionnaient plus et les Mages se sentirent bien seul avec la magie qui leur était amputée.
Nzaun, dans la cohue animale, s'était habilement glissé pour se poster à côté d'un des mages et lui trancher la gorge avec sa lame de jolie facture. La poignée était sculptée de branches et de feuilles avec un bel oiseau de ceux qui reviendront. Elle lui était précieuse.
Le mage éliminé, il n'eut qu'à faire trois pas pour se retrouver en face de l'avant-dernier, encore vivant. Il l'avait vu arriver et, dans la panique, se saisit d'un ouvrage pour le lancer sur Nzaun qui le rattrapa à la volée. Probablement avait-il voulu gagner du temps. Mais, pour aller où ? C'était tellement ridicule que le grand frère de Mluïe rit :

- Alors comme ça, on manque de moyen ?

Son ton était plus mordant et méprisant que moqueur.
Mluïe, quant à elle, trouva la blague si drôle qu'elle se mit à rire ce qui eut pour effet d'éteindre les flammes qui ondulaient sur son corps. Celles-ci révélèrent une peau rougie. Cependant, aucune plaie n'était visible. Loëve qui n'avait pas eu les capacités physiques de participer au combat avait les yeux grands ouverts et ne perdait pas une miette de la scène qui se déroulait devant lui. Il était silencieux et curieux.
Nzaun fit quelques pas de plus pour se rapprocher du mage qui tremblait d'effroi et ne pipait mot.

- C'est fini pour vous, ce petit jeu.

Il rapprocha sa lame de la poitrine de l'individu qui, à juste titre, s'inquiétait pour sa vie. Il attendit une vingtaine de secondes et y rentra la lame jusqu'à sa moitié. Dans son cœur. Nzaun regardait l'homme dans les yeux, du début à la fin. Pour lui transmettre par le regard ce que les ours lui avaient montré, dit.
L'unique mage vivant. Tous les regards furent évidemment braqués sur lui. Ils devaient apprendre la raison de ce mauvais traitement. L'homme était tétanisé et ne bougeait pas, regardant avec une extrême prudence ses adversaires.

Mluïe s'approcha de l'homme en question et tourbillonna autour de lui.

- Vous avez obligé les grizzlis, lui fit-elle remarquer.
Vous avez été vraiment méchants.

Loëve se releva de sa position assise qui avait été plus simple pour disparaître dans la foule qui avait l'heure d'avant remplie la salle de roche. Il se rapprocha en se tenant toujours l'épaule. Nzaun remarqua une légère amélioration car il n'avait plus le besoin nécessaire d'un soutien physique pour se déplacer. Loëve vint à côté du mage, il prit son menton d'une main ce qui le fit trembler comme une feuille.

- D'où venez-vous ? le questionna-t-il.

Nzaun était plus en retrait. Mluïe le sentit bouillonner. Son regard était attaché au mage et sa haine envers ce groupe qui avaient soumis des animaux pour faire à leur place un travail dont ils étaient incapables, cela le révoltait. Sa sœur se rapprocha de lui et posa sur son bras, sa main. Elle resserra légèrement sa prise. Elle serait toujours là pour lui et ils avaient anéanti les mages. Ne restait plus que ce dernier qui semblait-il était pour l'instant aphone.



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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeMer 3 Juil - 17:15

Il n'aimait pas sentir sa soeur en colère. Ses yeux, si pourpre en combat, s'étaient adoucis mais il restait une vague, un orage de mépris et de rage intérieure qui continuait de battre un peu. Voilà qu'il sait, voilà qu'il comprend : des hommes empêchent les oiseaux de revenir. Il avait promis à Mluïe qu'ils reviendraient, qu'on les reverrait. Ses doigts se serrèrent sur son arme tandis qu'il bouillait à l'intérieur. Le mage renégat ne semblait pas vouloir répondre, le visage pétrifié par la peur. Alors Nzaun parla et sa voix fut rude et déterminée.

- Mange le, Mluïe.

Elle se retourna pour rejoindre le regard de son frère, et quand elle vit qu'il était sérieux. Elle fixa à nouveau son attention sur le sorcier qui blêmit, puis elle planta ses dents acérées dans son cou tendre. Il hurla tandis qu'elle refermait sa prise, déchiquetant la peau mais prenant soin de ne toucher aucun point mortel. Le sang gicla et arrosa les lèvres de la jeune fille, pénétra en elle comme vague. Et dans le sang, ils le savaient tous deux, il y avait la mémoire des hommes. Lentement, des images affleuraient, et lentement l'histoire, celle des sorciers humains et de leur congénères s'inscrivaient dans l'esprit de Mluïe. Elle comprenait, et pouvait alors parler en leur nom. Quand elle retira ses dents baignées de sang, ce fut pour témoigner de ses visions :

- Les humains ont peur du retour des oiseaux, ils les ont vu ravager village et village il y a longtemps. Et des prophéties murmurent qu'ils reviennent toujours, que les montagnes les appellent. Alors ils veulent faire taire les montagnes, et faire en sorte qu'elles ne chantent plus. Ils ont découvert de vieux grimoires dans des ruines abandonnées, une magie ancienne qu'ils ne comprennent pas toujours, mais elle leur promet que les oiseaux ne reviendront pas. Si on tait la nature, et le monde, personne ne reviendra, et les humains continueront de régner sur la terre, et sur l'eau.

Loëve s'était reculé, sidéré par l'étrange action qu'il pouvait observer. Il ne comprenait pas tout mais le message de la jeune fille était clair. En lui aussi, la colère montait contre ces humains qui s'étaient lancés dans un grand refus du Destin. On ne pouvait pas empêcher les oiseaux de revenir, tout le monde le savait. La colère monta tellement en lui qu'il jura et et que son épée trancha la tête du dernier sorcier en effleurant le visage de Mluïe. Nzaun réagit tranquillement avec une voix douce :

- Tu l'aurais touchée, ne serait- ce qu'une éraflure, tu serais mort céans, Loëve.

Il tressaillit face à la menace, mais garda contenance. Il avait vu ce qu'ils étaient capables de faire, il ne pouvait pas en dire autant. Il reprit ses distances en s'asseyant sur un petit roc. Nzaun fit un signe à sa soeur qui commença à se nourrir tout en murmurant :

- Ces sorciers sont du clan des Vorhim*. Installés en contrebas d'échoriath dans des forts érigés par les anciens colons, ils essaient encore de traduire des passages entiers de grimoire. Ceux là expérimentaient sur une montagne sacrée ce qu'ils venaient de déchiffrer et d'apprendre.

Si c'était vrai,  et tout cela l'était puisqu'elle l'avait lu dans le sang de leur victime, alors il allait falloir mener une guerre. Nzaun rangea son arme dans son fourreau tout en regardant autour de lui le carnage qui venait de se passer. Rendre à la nature son droit de chanter. Il se baissa et appliqua ses deux mains sur le sol. Alors il hurla, d'une voix si forte, avec tant d'énergie que Loëve trembla et se plaqua les mains sur ses oreilles. C'était le cri de la révolte, c'était un long appel. Les derniers restes de sceaux maudits s'embrasèrent, la lave longtemps contenue, longtemps en sommeil se réveilla : et le volcan reprit son droit de gronder. Les parois grondèrent, la chaleur remonta telle une vague triomphante et l'on sentit le cratère qui se fissura tandis que le feu remonta au ciel. A l'intérieur, Mluïe continuait de dévorer les entrailles du sorcier mort pour recouvrir les forces qu'elle avait perdu au combat tandis que son frère s'était assis pour écouter le volcan. Quand à l'Amareth, il essayait de tout comprendre, mais beaucoup de chose, selon son avis, restaient encore étranges à ses yeux.


***


Quand ils furent enfin sortis du Volcan, la nuit était bien tombée, et les trois lunes d'Istrër éclairaient les paysages endormis. Mluïe effaçait avec un petit tissu les dernière tâches de sang à ses lèvres, et les deux hommes avancèrent sur le chemin qui remontait vers Albre. Tous étaient silencieux, marqués par l'histoire qui venait de s'écrire au travers de leur chemin.  Même Mluïe ne dansait pas de pierre en pierre. Quand enfin quelqu'un sortit de sa torpeur ce fut Loëve qui demanda timidement :

- Où comptez vous aller?

- Vers Albre, j'ai des affaires à récupérer chez notre oncle, répondit Nzaun. Et vous même?

- Oh pour le moment je vais me contenter de vous suivre, et d'aller donc à Albre, je me sens encore un peu faible pour continuer ma route seul. Du moins pour le moment.

Du moins pour le moment, ils allaient devoir s'embêter avec un Amareh qui avait usé la moitié de la fiole et s'était plus ou moins planqué durant l'affrontement. Nzaun afficha un léger sourire dédaigneux avant de retourner dans ses pensés. Loëve avait perçu la pensée mais il ne fit pas de commentaire, à peine un voile de tristesse se cacha au fond de ses yeux.  Derrière eux, le volcan d'Omyr qu'ils avaient libéré brûlait tant qu'il en échappait des envols de roche fondues dans l'air, comme s'il voulait exprimer sa joie en jouant avec ce qu'il pouvait trouver dans son ventre.

La route quand à elle, chargée de la neige qu'avait transporté la tempête, était sinueuse et trouble, les obligeant à faire de grand pas pour sortir leur jambes de la couche épaisse. Il n'y avait que Mluïe pour donner l'air qu'elle effleurait le sol, se déplaçant avec une légèreté déconcertante. Enfin Nzaun s'arrêta et fit signe qu'on se réfugie vers un grand pin. Cela faisait déjà dix heures qu'ils marchaient, et Loëve commençait à montrer des signes de fatigue. Le grand frère montra la route en commentant :

- Encore deux à trois jours de route sous ces conditions, en espérant que la tempête ne retombe pas.

Il sortit de son petit sac quelque fruits qu'il disposa sur le sol : ce qui ressemblait à des pommes de diverses couleurs :

- Des fruits d'Armër. Un seul d'entre eux nourrit un homme entièrement.

- C'est de là que vous venez n'est-ce pas, murmura Loëve comme s'il hésitait à rentrer plus avant dans la vie privée de ces deux enfants, même si la curiosité le démangeait. Après tous ils n'étaient que des étrangers les un envers les autres.

- Oui, répondit Nzaun, après un silence, des armées d'humains du sud d'Alderbën sont venues et prétendant qu'ils recherchaient un criminel, ont mis le feu au village, puis chassé les gens qui s'y trouvaient. Nos parents ont tenu les portes pendant que nous étions sommés de fuir par le nord. Armër logeait des familles rejetées par l'Exode*. Ce n'est que le troisième village que nous quittions. Disons que celui là aura été le dernier.

- Bientôt nous n'aurons même plus les montagnes pour nous abriter, commenta Loëve tout en choisissant soigneusement son fruit.

- Bientôt les oiseaux reviendront, répondit Mlüie qui s'était rapprochée et assise à côté d'eux.

Elle n'avait ni faim ni envie. Le seul fait d'avoir mangé les entrailles d'un humain lui suffisait pour tenir de longs jours durant sans manger ni boire. Mais elle écoutait avec attention ce que disait son frère. Elle n'avait que de vagues souvenirs de ces périodes, son esprit toujours plus dispersé lui offrait une mémoire délétère qui lui faisait oublier nombre d'histoires qu'ils avaient vécues. Ses yeux pourpres dans la nuit fixaient Nzaun tout en traînant ses mains dans la neige. Puis brusquement, elle se leva et commanda à Loëve:

- Apprends nous à nous cacher, et à voir partout. J'ai envie de savoir.

Il sourit puis l'invita à s'assoir à nouveau, puis à fermer les yeux. Enfin il parla si doucement qu'il fallait presque tendre l'oreille pour l'entendre :

- Ce n'est qu'un jeu de sens. Tu dois te laisser emporter par le bruit autour de toi, te fondre dans l'écho du vivant. Tu peux te cacher n'importe où, tu peux tout entendre, tant qu'alors tu laisses le monde te transpercer de part en part. Tu n'as nullement besoin de faire d'effort, sinon de te concentrer sur la Terre qui chante, sur le vivant qui de bruit en bruit revendique son existence. Nous sommes sur un chemin, et le chemin te semble désert, mais si tu patientes, si tu laisses entrer en toi la nuit. Si tu sais écouter...

La jeune fille suivait patiemment les propos de Loëve, essayant d'appliquer la méthode qu'il expliquait avec de grandes images. Mais s'il existait bien une chose pour laquelle elle n'était pas fière, c'était sa concentration. Trop inconstante, trop rêveuse, elle était bien incapable de rester attentive, et de se concentrer en un point jusqu'à oublier le reste. Elle ferma plus intensément les yeux, se tordit les mains pour essayer de ne plus rien ressentir, que ce que Loëve expliquait mais elle n'entendait que peu de choses à part le bruissement du Pin au dessus de lui, et un vent lointain qui s'engouffrait sur le chemin.  Afin qu'elle puisse mieux reconnaître ou comprendre, l'Etranger demanda à son frère de lui dire ce qu'il pouvait entendre. Nzaun n'avait pas besoin de fermer les yeux. Il savait déjà, il avait déjà évalué l'endroit :

- Deux cerfs au nord qui descendent lentement, le pas gêné par la neige, trois écureuils aux arbres dont deux qui dorment un peu, une chouette qui nous observe à deux lieues d'ici, et un homme plus loin, dans une tente, qui se dirigeait vers Albre.

Mluïe ouvrit les yeux de surprise en fixant son frère:

-C'est extraordinaire, mais comment entends-tu tout cela... Même la chouette qui..?

Elle se releva, fouilla l'horizon de partout et ne vit rien d'autre que la pénombre. Intérieurement elle jura en se disant qu'elle était bien nulle de ne rien voir, mais plus encore elle se disait qu'un jour elle comprendrait et qu'alors elle pourrait entendre toute la terre chanter. Loëve sourit en entendant sa pensée :

- Tu ne te concentres pas assez, tu t'appliques à fermer tes yeux de toutes tes forces mais tu ne laisses rien entrer en toi, tu n'attends rien, tu veux tout avoir.

- Mais j'essaie ! répliqua Mluïe

- Pas assez, rétorqua son frère en lui adressant un regard dur.

Elle essayait, mais elle n'y arrivait pas. Il y avait trop de choses à penser, trop de souvenirs qui manquaient de s'en aller. Elle avait peur, peur qu'en écoutant autre chose que la chanson dans son âme, elle n'oublie tout d'un coup. Son visage légèrement marqué par la tension qui couvait en elle fixait Nzaun en quête de réponse. Il restait immobile, dans la neige, bien sagement assis. Cet exercice n'était pas difficile pour lui, il était toujours calme. Elle ravala les larmes qui lui montaient à la gorge, puis s'assit de nouveau. Cette fois-ci elle ne chercha pas à se concentrer. Elle allait faire autrement. Elle avait lu dans les yeux de son frère qu'elle pouvait y arriver, mais qu'elle devait faire différemment. Elle ne savait pas écouter, alors elle allait ressentir, du plus fort qu'elle pourrait, ce que la terre pouvait ressentir, dans le même feu et la même passion.


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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeJeu 4 Juil - 13:30




Ressentir. Le vent qui soufflait sur la peau du visage apaisé. Le sien. Celui de son frère qui écoutait l'univers parler. Loëve, elle sentit ses traits se parer en un sourire. Le silence qui naissait des flocons de neige, froids. Ce froid qui tombait sur le sol encore tout chaud. Et, non loin, la rivière. Elle humidifiait la terre, les rochers et quelques petites fritures gigotant dans le courant qui soufflait vers l'amont.
Ressentir.Les racines des arbres accrochées dans la Terre. Quelques rongeurs grattaient sous la surface de la terre des galeries. S’emmitouflaient dans sa tiédeur confortable. A l'abri. Du vent qui soufflait et de la neige qui faisait musique contre terre, qui battait la mesure à son oreille. L'équilibre du temps qui nage dans la nature.
Ressentir. Les griffes des pattes fines de la Chouette. Elle était posée avec calme. Elle avait le cœur qui respire en même temps que la neige qui atterrit avec douceur. Mluïe sentit les couleurs transformer le paysage. La nuit assombrissait les couleurs qui chuchotaient sans bruit dans le dos du Soleil. Du blanc pour adoucir les obscurités.
Mluïe avait toujours les yeux fermés. Elle avait l'impression de voyager sans l'obstacle du corps. Dont elle prit soudain conscience. Cette enveloppe charnelle leur amputait tant de choses !
Elle sentit un cerf arpenter la montagne à deux collines d'eux. Il gravissait les cailloux en dodelinant légèrement de la tête. Seul.
Mluïe sourit, émerveillée puis dans la précipitation et l'euphorie de cette joie qui explosait en mille couleurs dans son âme ; elle ne pût plus se contenir. Les ressentis disparurent d'un coup, engloutis par un gouffre mystérieux. Elle voulut montrer à son frère qu'elle avait vu, ou plutôt ressenti. Dire également à Loëve que peut-être pouvait-il continuer à leur instruire. Qu'il ne devait pas les quitter. Pas pour l'instant. En plus, cet homme était totalement incapable de se défendre. Il donnait l'air d'une couardise discrète dont il ne se vantait. Peut-être valait-il mieux d'ailleurs car Nzaun ne l'épargnerait pas. Son frère avait une certaine exigence des êtres vivants. Mluïe avait toujours pensé qu'il avait raison d'exiger tant d'eux : c'était dans leurs capacités. Ne leur manquait plus que la volonté. Cette foutue volonté.
Ainsi donc, dès le cerf repéré sur le territoire, cette nouvelle sensation submergea Mluïe dont le ressenti se brouilla immédiatement. De son calme soudain, elle bondit alors, les deux bras levés en l'air pour exprimer énergiquement -et sans nullement étouffer de sa joie:

- Le cerf ! Vous ne l'avez pas dit et pourtant il n'est pas très loin.

Un sourire sincère illuminait son visage. Sa fierté d'avoir réussi ce défi.
En revanche, elle n'avait pas tenu longtemps mais cette maigre victoire suffisait à la rendre heureuse.
Loëve posa sur la jeune fille un regard chaleureux de maître et commenta :

- C'est déjà mieux. Je crois que tu as compris la démarche mais tu as encore beaucoup de travail, Mluïe, car ça ne t'est vraiment pas naturel. Pour ton frère c'est... différent.

Elle soupira et se rassit à nouveau et chantonna plus calmement :


- La Terre a une âme,
La Terre a une âme,
Je l'ai vu goûter la neige,
Je l'ai vu goûter la neige,
Cette dame de nuit toute blanche,
toute blanche,
a dessiné une robe sur la montagne aux fleuris perce-neige,
aux fleuris perce-neige,
J'ai touché l'âme de la Terre,
J'ai effleuré l'âme de la Terre,

Aujourd'hui.





Sa voix aiguë, légère et douce était portée par le vent. Elle glissa entre les oreilles de Nzaun et Loëve qui, en silence, écoutaient la mélodie naître.
Une fois la chanson achevé, le silence demeura encore quelques minutes, laissant le temps à la neige d'absorber les paroles qui furent entonnées en son honneur. Le temps, aussi, que les âmes se réveille de la torpeur que provoque la musique, engourdissant les sens.
Ce laps de temps déroulé, Nzaun fût le premier à se lever.

- Continuons, les enjoignit-il.

Mluïe réagit la première et suivit aussitôt son frère. Loëve fût plus long à se relever. La chanson l'avait apaisé et le temps de repos lui avait été bénéfique. Il se mit en route sans tarder. Le groupe marchait en procession, les uns derrière les autres, toujours en direction d'Albre. La chaîne de montagnes montrait plus ses crocs, et les a-pics se faisaient plus nombreux. Plus bruts qu'à la lisière de ce territoire de roches immenses. Les sommets prenaient également plus de hauteur. Ils grandissaient pour lécher le ciel dans l'unique but probable de leur existence éternelle de vouloir rencontrer les astres.
Plus les trois compagnons s'enfonçaient dans cette chaîne, plus les arbres étaient bas. Il faisait froid mais la marche réussissait à les réchauffer sobrement.


***


- De la lumière !
- Où ?
- Là-bas !
- Je n'vois rien.
- Dans le val, juste à côté.
- Où ?
- Observe un peu ! C'est à côté...
- Ah oui, tiens ! De la lumière.
- C'est ce que je viens de dire.
- C'est ce qu'il vient de dire.
- Je sais que c'est ce qu'il a dit.
- Ben pourquoi tu répètes, alors ?
- Parce que c'est amusant.


***


Ils glissèrent longtemps. Plusieurs jours sur le dos des montagnes, entre leur creux protecteurs. Dès qu'ils aperçurent quelques lueurs de la vallée fort proche, la mine générale se durcit. Ni les uns ni les autres n'avaient eu de bonnes expériences avec les villes, de manière générale. Cela était dû à leur histoire, notamment, à leur appartenance, à leur sang, à leur constitution. Ils étaient bien souvent haïs des êtres vivants. Leur propre peuple ne savait réellement l'origine de cette haine profonde qui se lisait dès l'échange d'un regard, l'agressivité qui d'un coup, s’accrochait sur le visage des vivants.
Ils marchèrent donc en silence, à se demander quel sort pouvait les attendre.

Ils atteignirent une immense porte de bois. Un feu brassait l'air haut-dessus, se mouvant avec aisance et juste à sa vue, le groupe imagina sa chaleur très proche. Un frémissement dans un murmure. Tous s'arrêtèrent pour contempler la géante ouverture close, pour l'instant. Nzaun exprima de façon concise :

- Albre.

Loëve s'avança en retrait du groupe vers la masse à ouvrir et fermer les chemins. Il s'écria d'une voix hurlante et intelligible tout à la fois :

- Hé Ho, y aurait-il une âme charitable pour nous ouvrir la porte ? Nous sommes des voyageurs. Nous cherchons le repos pour une nuit ou deux.

Silence.

- Vous m'entendez ? Il y a quelqu'un ? revint-il à la charge.
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeVen 5 Juil - 1:18

Il n'y avait personne, ou presque. Nzaun regardait les grands battants fermés qui défendaient la ville des intrusions non désirées. C'était une petite enclave dans les profondeurs des montagnes. Peu de gens y habitaient réellement, Albre avait toujours un lieu de passage pour ceux qui décidaient de redescendre vers l'Ouest par le Défilé d'Elvön ou qui voulaient remonter plus loin dans les hauteurs neigeuses vers des lieux parfois inexplorés en quête d'aventure. Il y avait là, dans ce petit village, une auberge un peu miteuse qui faisait office aussi de halte pour les chevaux, et quelque demeures accolées à la rocaille. Mais ce jour, Nzaun comme Loëve n'entendaient et ne ressentaient rien au delà des battants. L'Amareh cria encore et encore, mais personne ne répondit. Il se retourna vers les deux autres, déçu et inquiet:

- Que faisons nous? demanda t'il avec une petite voix?

- On entre, répondit Nzaun tout en s'avançant et en poussant le battant de ses deux mains.

Il avait remarqué au sol la serrure déchirée, pendant sur un brisant de bois. Les portes s'ouvrirent lentement, laissant place à une ville fantôme dont la moitié semblait avoir été rasée par un feu intense. D'autres demeures étaient littéralement soufflées. Loëve jura tout en regardant avec effroi le spectacle. Mluïe dansait d'ombre en ombre à la recherche du moindre vivant, mais trop affairée à sonder tout et n'importe quoi, elle ne distinguait pas grand chose. Et puis l'air empli de soufre saturait leur sens, les empêchant d'écouter plus loin que leurs yeux leur permettaient.

- C'est récent n'est ce pas
, murmura la jeune fille tout en scrutant par une fenêtre dont la vitre avait été brisée.

- A peine quelques heures, mais nous n'avons rien entendu pourtant
, confirma Loëve. Cela aurait été des humains, ils auraient fait un bruit d'enfer, nous l'aurions senti des kilomètres à la ronde mais là...

Nzaun s'approcha de la place centrale, et regarda tout autour de lui. Autrefois, c'était quand même un joli endroit : un peu sobre, un peu austère, mais un joli endroit. Quand tout d'un coup un bruit se fit entendre dans des gravas, une ombre petite et discrète qui courait à toute vitesse. Il eut à peine le temps de la sentir qu'elle se réfugiait ailleurs. Mais il avait eu le temps de la capter : un petit rat effrayé encore, qui cherchait de quoi se nourrir. Il l'appela silencieusement, effleurant son âme d'une caresse bienveillante. L'animal hésita d'abord, puis sorti de sa cachette en s'approchant timidement. Quand il fut suffisamment prêt, Nzaun put capter les images qu'il transportait dans son esprit. Trop petit pour tout voir, les couleurs étaient gâchées par la mauvaise vue, et la vue étroite, mais cela suffisait pour imaginer l'ampleur du désastre. Il y avait là un horizon flamboyant qui s'élevait dans le ciel brusquement, semblable au crachat du Volcan d'Omir, puis  des cris, des cris à n'en plus finir ; et le village qui s'effrayait de tout sens, des gens couraient partout, d'autres essayaient de rattraper des chevaux en fuite. Enfin, une ombre, une ombre gigantesque s'empara de l'espace, et le bruit... le bruit d'un long hurlement presque insoutenable déchira les tympans de Nzaun qui se mit à genoux. Au fond de ses yeux, ses pupilles s'étaient embrasées. Et son cœur battait si fort qu'il dut s'accrocher au sol pour ne pas littéralement s'effondrer. Éreinté par ses visions il dut rompre le lien subitement. Le petit rat s'enfuit aussitôt, retournant dans l'ombre des ruines d'Albre. Mluïe et Loëve s'étaient précipités à son secours en le voyant tomber à la renverse. Le cri de douleur les avait surtout surpris et inquiété. Mais ce qui était encore plus  anormal, c'étaient qu'aucun des deux ne purent deviner ce qui s'était passé. Quand l'Amareh voulut sonder Nzaun, ce fut comme un chaos noir qui l'accueillit barré d'un vent si violent, si pénétrant qu'il dut se retirer rapidement par crainte de sombrer en quelque néant obscur. Quand à la petite sœur, elle ne put rien sentir ni entendre de la pensée de son frère, non, il n'y avait plus rien qu'une mer noire et chaotique. Elle se pencha et caressa la joue de Nzaun tout en lui demandant :

- Que se passe t'il là bas... que s'est-il passé? Je ne vois rien ou pas grand chose. La nuit est tombée sur toi. C'est étrange de rien ressentir.

Il se dégagea de sa main tout en essayant maladroitement de se relever, mais le cri pulsait encore sous sa peau et son équilibre était précaire. Quand il voulut répondre, sa voix fut brisée par la fatigue soudaine :

- Je n'ai pas vu grand chose. Une grande ombre, et du feu un peu partout. Nous... nous devrions trouver un endroit pour veiller un peu, et nous reprendrons la route demain.

Son ton fut sans appel. Ils se rangèrent derrière lui, et tout en l'aidant à rester debout parfois par quelque gestes discrets, ils cherchèrent un refuge. Plus en amont, ils ouvrirent d'un coup de pied la porte de l'ancienne taverne et pénétrèrent à l'intérieur. Au dedans, des chopes trainaient à moitié remplies, près de carafes à moitié vides. Il restait même en quelques tables des restes de repas et d'assiettes au met refroidi. Ils se frayèrent un chemin jusqu'à l'escalier qui menait vers les chambres, et aidèrent Nzaun à monter les marches. Eh haut, ils avisèrent une chambre qui semblait inoccupée puis s'installèrent dedans. Loëve et Mluïe le posèrent  avec délicatesse dans le lit. on replia les couvertures au préalable et on arrangea l'oreiller pour qu'il puisse soutenir sa tête. Comme la pièce sembla exigüe pour eux trois, la jeune fille et l'Etranger quittèrent silencieusement la pièce pour s'installer en bas sur une table dont ils écartèrent au coin ce qui était resté. Mluït s'assit, les jambes repliées sur la chaise et enfonça sa tête dans ses bras pendant que Loëve regardait le bar vide. Ils restèrent un moment, dans le silence absolu, sans rien dire avant qu'elle ne relève sa tête et ouvre la parole avec un air absent :

- D'ordinaire, nous voyons ce que les animaux disent parce qu'il voit ce qu'ils pensent. Mais la nuit est tombée, alors il a tellement vu que nous ne voyons plus rien, ou quelque chose comme cela.

- Pourquoi la nuit serait tombée? demanda doucement Loëve. Que veux tu dire par là?

- Nous voyons les pensées comme de grandes images, pleines de couleurs et de bruit. Et quand nous ne sommes pas là, alors les animaux voient pour nous. Il y en a peu qui peuvent parce qu'il faut... il faut un talent bien là, dans l'esprit et le cœur, pour entendre l'animal chanter... mais il sait le faire, aussi bien qu'il sait faire le reste. Il sait depuis longtemps, et alors les animaux le savent et échangent avec lui, ils n'ont pas peur de lui et lui disent souvent beaucoup d'images. Mais parfois, ce qu'ils voient... ce qu'il voit est trop étrange pour nos yeux, nos propres yeux. Les images sont alors troubles et imparfaites, et nous voyons mal... parce que nous ne pouvons pas tout comprendre.

Elle s'arrêta un moment dans sa discussion, et se mit à jouer sur la table, avec ses doigts, comme si elle voulait dessiner des mots. Puis elle reprit.

- Alors nous disons que la nuit est tombée. Maman a toujours dit que lorsque la nuit tombe, il ne faut plus rien demander aux animaux de la région. C'est dangereux, trop dangereux. Tous les animaux ont vu ce qu'on ne peut pas comprendre, et si nous insistons, nous avons des chances de nous perdre. Toi non plus tu ne peux plus rien voir n'est ce pas?

La question le déstabilisa. Il fixa un moment Mluïe avant de lui répondre :

- Oui.. la nuit est tombée comme tu dis. Son esprit est plein d'ombre et de couleur indescriptible. Au fond de l'âme il y a comment un courant qui vous attire, mais dont vous savez que vous ne devez pas approcher. On pourrait s'y perdre, et mourir surement. Enfin, à cause de ce grand... chaos, on ne distingue plus rien dans son esprit... . La nuit est tombée.. comme tu dis.

Il se tut, puis fixa à nouveau le bar, les yeux dans le vague. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti pareille émotion : ce vide si profond, si étrange qu'il attire l'esprit inexorablement. Quand son regard rejoignit Mluïe, il la sentit infiniment triste et soucieuse, prostrée dans sa position comme si elle attendait que son frère se porte mieux et ordonne le chemin du départ. Mais tout était silencieux, et il n'émanait aucun bruit d'en haut.  Loëve se leva puis, atteignant le bar, chopa une bouteille d'alcool. Enfin il monta sur le bar lui même et tout en dégageant d'une main les verres qui trainaient, il s'allongea de tout son corps et se mit à boire lentement. C'était une façon pour lui de reprendre confiance en lui même, de se dire que non, il n'allait pas essayer à nouveau de plonger dans un esprit chaotique. La dernière fois où il avait insisté, cela lui avait valu trois jours d'amnésie complète, et il en étant sorti triste et défait, en n'ayant rien appris de plus sinon qu'il avait failli mourir, évanoui dans la neige froide. Quand il reposa la bouteille à coté de lui sa tête tournait un peu déjà, et il ne se sentait pas la force de se relever. Alors il resta sur le bar à s'évader dans ses souvenirs.


***

- Pourquoi tu n'as pas de pouvoir?
- Je.. sais lire et ressentir ce que les gens pensent, c'est bien non?
- C'est pas un vrai pouvoir, pourquoi tu ne détruis pas cette pierre en deux avec ton esprit?
- Je... c'est une pierre solide, comment tu veux que je...
- Hé les gars! L'Amareh est pas capable de défoncer une petite pierre!!
- Mais, elle est pas si grosse, si...
- Ta gueule le bâtard, t'es juste un gros faible, qu'est ce que tu fais encore ici, c'est pas ta place, dégage!

***


Il se réveilla brusquement en chutant moitié de sa position,les yeux effrayés. La bouteille se brisa sur le sol, déversant le reste sur le bois sombre. Dans le même temps il entendit à nouveau des cris venant d'en haut. Il avait bien entendu : quelqu'un hurlait et les hurlements lui brisaient les tympans. Nzaun. Il essaya d'avancer mais sa tête lui faisait douloureusement mal et il chuta lourdement. Quelle idée d'avoir bu, se marmonna-t'il tout en se relevant. S'aidant des tables il avança en zigzaguant, faisant tomber tout ce qui traversait sa trajectoire : chaise, chope, assiette. Son avancée se faisait dans un grand chambardement d'objet cassés tandis qu'il continuait d'entendre les cris stridents venant de la chambre. Arrivé aux escaliers, il avait légèrement repris contenance mais c'est en rampant presque qu'il monta les marches une à une. Quand il atteint l'entrée de la chambre, la vision était terrifiante.

Nzaun était prostrée dans le lit, la dague fébrilement tenue dans sa main droite. Son front était chargé de transpiration et ses vêtements si humides qu'ils  étaient collés à la peau. Quand à ses yeux ce n'étaient plus que deux globes de feu qui crachaient une lumière aveuglante. Sa bouche était défigurée par une grimace de douleur si violente qu'elle lui arrachait des hurlements. En face d'elle, tremblante et effrayée, les joues pleines de larmes Mluïe essayait de calmer son frère perdu dans un délire profond, d'autant que ce qu'il pouvait dire parfois était dans un langage dont Loëve ne comprenait rien. Face au désarroi de la petite sœur, il se sentait profondément inutile et se maudissait de s'être perdu dans un accès de débauche sans intérêt. Il s'approcha lentement et tendit son bras vers Nzaun en voulant l'apaiser mais la dague siffla dans l'air et lui effleura la peau. Il jura tandis qu'il retira son bras mais déjà une longue saillie rouge fleurit sur sa peau blessée. Une idée lui traversa l'esprit tandis qu'il regardait avec rage l'entaille qu'on venait de lui faire. Il rejoignit la fenêtre fermée par des volets en bois de la fenêtre et l'ouvrit violemment. Un moment il espéra qu'un soleil cinglant allait faire irruption, mais c'est face à un ciel constellé d'étoiles et du triple feu des lunes qu'il maudit le temps de passer si lentement.  Dans son dos Mluïe s'était approché et lui murmura avec difficulté:

- Il faut attendre que l'Aube se lève. Les jolies couleurs l'apaiseront et le soleil effacera les méchantes images. Le soleil efface toujours les méchantes images.

Loëve fixa l'horizon en priant de même, même s'il doutait des paroles de la jeune fille. Mais à défaut de pouvoir s'approcher sans se prendre un coup de lame, il adopta sa position et espéra voir fleurir les rayons assez rapidement avant que les hurlements cinglants de Nzaun ne finissent par le rendre fou.

Cela sembla durer une éternité, si longue qu'elle usa l'énergie des deux et tira sur leur patience, mais sur le fil du paysage, bout de lumière s'éleva lentement. Mluïe ne peut s'empêcher de sauter sur place tout en dégageant fermement Loëve de la fenêtre. Puis elle alla vers son frère qui semblait moins pris par la fièvre et le tira de toutes ses forces vers la fenêtre. Il la suivit difficilement tout en marmonnant d'incompréhensibles propos jusqu'à toucher la rambarde. L'aube l'accueillit triomphalement au fond de ses yeux, tandis que le feu de ses pupilles s'apaisa. Alors il murmura, le visage émacié par la fatigue et la voix tant affaiblie qu'elle en était presque rauque:

- C'était un grand oiseau, je crois.




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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeVen 5 Juil - 16:28





Tous étaient épuisés par l'évènement qui s'était déroulé sans prévenir. Bien sûr, le plus éprouvé était Nzaun : fatigue physique et mentale du combat qu'il avait dû mener pour ne se laisser immerger et emporter par la nuit tombée en son esprit.
Mluïe se frotta les yeux en regardant son frère, tout sourire. Elle avait eu peur. Très peur. Puis elle avait eu mal. Mal pour son frère dont ses hurlements étaient si forts qu'ils auraient pu déchirer le ciel en lambeaux, effondrer les murs qui faisaient tenir debout la taverne. Ce genre de situation était déjà arrivé mais jamais elle n'avait autant fait souffrir son frère. Muïe avait eu peur de ne pas le retrouver après cette tourmenta puissante à la fois physique et âmique. Mais son frère était Nzaun et elle avait confiance. Il avait toujours su les sortir des pires situations.
Ce qui attristait Mluïe, c'est qu'il soit seul, comme tout à l'heure. Elle ne pouvait affronter avec lui sa douleur. Cette passivité astreinte, elle ne l'aimait pas du tout. Oh non, vraiment pas.
Mluïe, rassurée, demanda à Loëve de rester avec Nzaun, de prendre soin de son frère car elle avait chose à faire. Elle n'en aurait pas pour longtemps. Cependant, avant de partir, la jeune soeur s'occupa à accompagner son frère jusqu'au lit dont la structure de bois était massive, de couleur brune. Elle voulait s'assurer qu'il se repose. Et tout au moins, qu'il soit allongé.
Aussitôt Nzaun glissé entre les draps et la couette du lit, la jeune fille se précipita dans les escaliers qu'elle dévala sans se préoccuper du bruit qu'elle pouvait faire puisqu'après tout, il n'y avait personne qui peuplait la taverne. Elle se dirigea droit vers la porte d'entrée qu'elle ouvrît après s'être saisie et avoir accroché à son bras sa besace. Une fois dehors, Mluïe s'arrêta pour observer le champ de bataille entre les hommes et le feu. Les premiers avaient disparu -hormis eux-trois qui 'étaient arrivés bien après la bataille. Quand au second il s'était éteint faute d'avoir de quoi se nourrir. L'unique taverne avait été préservée mais à quel prix ? Toutes les autres maisons avait été dévastées. D'elles ne demeuraient que des débris de pierre, et des tas immenses et sans ordre de cendre et de braise reposaient dans la ville. Quelques nuages incolores remontaient jusqu'au ciel, de ceux desquels on voit à travers et un peu flou. Mluïe en observant un peu partout. En balayant les cadavres architecturaux du regard, elle chercha un endroit qui pouvait encore abriter des sols accessibles : elle avait l'intention de récupérer les vivres pour les rassembler dans la taverne et surtout, préparer un modeste repas à son frère afin qu'il reprenne des forces.
Mluïe aperçu une percée dans le barrage de pierres effondrées qui avaient autrefois été les murs d'une maison. Elle marcha en cette direction et s'y faufila avec adresse. A l'intérieur le sol était jonché d'obstacles qu'elle pris garde à déplacer avec mesure. Elle ne tenait pas spécialement à recevoir une pierre qui lui fracasse le crâne ou à faire boucher le passage pour ressortir de la pièce unique et étroite.
Ainsi fait, elle s’accroupit et posa ses mains sur le sol pour frotta la Terre et trouver où la maisonnée pouvait-elle cacher ses vivres à préserver. En effet, ils étaient dans une ville montagnarde donc des peuplades prévoyantes dont les moments de chasse étaient précieux et bien plus difficiles à trouver qu'en terre de plaines.
La terre sèche sous les doigts, sous les paumes. Puis quelque chose de froid qui donne une fausse impression d'humidité. Repasse les doigts, une paume ; sa main droite. Une languette métallique. Alors, Mluïe gratte tout autour de la languette pour découvrir un coffre de métal moyen. Cela lui prend un peu de temps car elle n'utilise que ses mains pour creuser. Puis, il faut le sortir. Mluïe ferme les yeux et adresse une prière aux oiseaux :

- Sharar tlaön bahold, murmura-t-elle.

Les yeux rouverts, elle ouvrit le fameux coffre avec une légère tension qui lui tordit  l'estomac. Elle, mangeait peu mais son frère avait, cette fois, vraiment besoin de recouvrer ses forces. Qui plus est, ils ne pouvaient demeurer trop longtemps dans une même place.
Elle espéra bien fort que le coffre contiendrait des baies et des racines. La viande séchée, l'Almareth pourrait bien la manger de toute façon.
La jeune fille fût un peu déçue car elle trouva le coffre rempli de nourriture mais pas seulement. Déjà, cela réduisait les chances de vivres de moitié ! Au moins, les vivres tinrent tous sans exception dans son sac : viandes séchées (du cerf et du sanglier), différentes baies également, des feuilles pour sûrement préparer des tisanes et des racines d'albröm* pas très amères mais, au moins, aux vertus très nourrissantes. Ensuite, elle farfouilla reste du coffre auquel Mluïe n'avait pas trop prêté d'attention, se réservant à la priorité de la nourriture. Elle se saisit d'une corde qu'elle passa au dessus de sa tête ; ça pourrait toujours leur être utile. Quant au reste, il n'était pas spécialement nécessaire puisque c'était des objets de valeur sentimentale qui devaient porter une place importante dans le cœur des propriétaires.
La jeune fille referma le coffre et le remit à sa place initiale et le recouvrît de terre à nouveau, au cas où les propriétaires qui se soient éventuellement enfuis reviennent un jour chercher ces dits-objets.
Mluïe s'empressa de sortir par là où elle était venue et de rejoindre les autres à la taverne. Elle posa son sac sur le bar du tavernier et s'empressa à chercher les couverts, ressortit une assiette qu'elle remplit de baies différentes aux couleurs bleu-nuit, rouges, noires, bleu-ciel et vertes. Elle s'amusa à les mélanger pour faire un joyeux tableau.
Juste avant de monter l'assiette précieuse tenue de ses deux mains, Elle avait glissé entre habilement entre deux doigts deux morceaux de cerf séché pour Loëve.
Elle gravit calmement les escaliers, prenant soin de ne rien renverser et entra dans la chambre.
Son premier regard se porta sur Nzaun enfoui sous la couette. Sa respiration calme et régulière donnait un aspect vivant au lit tandis que les draps se soulevaient. Ensuite, elle vit Loëve assit sur une chaise qui ronflait. Sa tête allait un peu en arrière, posée contre le mur. Sa nuque allait probablement le tirailler un peu à son réveil. Elle posa l'assiette sur la table de nuit et les morceaux de viande à côté.



***



Nzaun dut s’aliter deux jours et une nuit sans même bouger. Lorsque ses paupières s'ouvrirent pour la première fois depuis longtemps, il ne fît qu'une bouchée des baies tant il avait faim.
Un peu plus tard dans la soirée, il dit :

- Nous devons partir, dès ce soir. Nous sommes restés trop longtemps ici. C'est aussi dangereux pour nous que pour toi, Loëve.

Alors ils préparèrent leurs affaires, emportant le maximum de vivre qu'ils avaient pu récupérer sous les maisons de la cité.
Ils se dirigèrent vers une porte au Sud similaire à celle par laquelle ils étaient entrés et reprirent leur route.
Pendant leur marche, Loëve questionna Nzaun :

- Il s'en est fallu de peu, non ?

- Peut-être, répondit-il froidement.

Nzaun n'avait pas envie de parler de ce qu'il avait vu, ni de ce qu'il avait ressenti. Encore moins à l'Amareth. Il ne comprendrait rien de toute façon.
Loëve se renferma et ne parla plus sur le chemin.
Quand à Muïe, elle était silencieuse et songeuse. Elle glissa plus qu'elle marcha sur les chemins sans s'éparpiller. Elle était tellement heureuse de revoir son frère en cette forme qu'elle maîtrisa ses élans d'inconstances.

Avant de quitter le village, Nzaun fit une détour par une petite maison sans toi dont l'apparence ressemblait visiblement à une ancienne forge abandonnée. Il rentra dans les décombre, balaya le sol du pied et dégageant une poutre ou deux, aidé par Mluïe, puis trouvant une trappe l'ouvrit et pénétra à l'intérieur. Dedans, il s'agissait d'une petite cave un peu étroite sans trop de lumière. Avisant rapidement un sac un peu gros, il le prit sur son épaule et remonta prestement. Puis ils reprirent leur marche, quittant la ville par le sud est.



***



Ils s'arrêtèrent dans une vallée un peu plus abritée du vent que les autres qu'ils avaient traversés. Ils s'assirent pour se reposer et Mluïe, curieuse, la tête penchée sur le côté, demanda à Loëve :

- Vous n'avez jamais appris à vous battre ?



***



- Les oiseaux sont passés.
- Normal.
- Comment ça, normal ?
- Ils doivent revenir.
- Ils pourraient nous attendre.
- Non, c'est pas là qu'on a rendez-vous.
- En tout cas, on est sur la bonne route.
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeSam 6 Juil - 18:46


***

-Et le forgeron, et les autres Yeux-violets
- Il n'y avait aucun corps, ils ont disparu
- Peut être qu'ils savaient, ou peut être qu'on les a emportés
- On les retrouvera, sur le même chemin qui nous emmèneront vers eux
- Tu crois?
- Je ne sais pas

***


Loëve n'avait pas répondu à la question, il continuait de marcher lentement en suivant Nzaun qui faisait office d'éclaireur sur le chemin qui menait plein sud. Il restait en retrait comme un enfant blessé par la question, comme l'enfant qui prend l'habitude de n'être ni d'une race ni d'une autre, et qu'aucune n'en voulait vraiment. La question de Mluïe avait beau, dans le ton , semblé sincère, elle n'en était pas moins douloureuse. Quand ses yeux croisèrent celui de l'enfant, il sursauta légèrement. Elle tournait autour de lui en attendant la réponse. Et tant qu'elle ne l'aurait pas, elle continuerait de tourner autour comme un papillon fou. Mais Nzaun s'était retourné brusquement et leur parla :

- Plus loin, ce qui semble d'un fou avec des gestes bruyants, un homme probablement. Il a peut être vu ou entendu ce qui venait d'Albre.

Mluïe oublia sa question et rattrapant son frère continua de courir droit devant pour être la première sur les lieux. En effet plus loin, un homme marmonnait des propos inaudible tout en creusant la terre avec une pelle de mauvaise facture. Il semblait tant absorbé par son travail qu'il n'entendit même pas les trois personne approcher et l'entourer. Quand il prit conscience, il releva lentement la tête et dévisagea Mluïe. A la vue de ses yeux violets sombres, il cracha sur elle en murmurant d'une voix menaçante.

- Démons qui appellent les démons, c'est vous qui l'avez amené ici, laissez moi creuser mon trou!

La petite sœur esquiva d'un petit déplacement de côté l'incivilité et resta, immobile et tranquille. Ce n'était pas la première fois, ce ne sera pas la dernière. Elle avait appris à n'en tenir guère compte. Son frère, par contre, était plus impulsif et moins indifférent. Sa main droite avait  déjà sorti sa dague tandis que l'autre pointait vers le vieil homme. Au même moment, il fut éjecte cotre l'arbre derrière lui. Le choc lui coupa le souffle, et il mit long à se relever, le bras plié sur son ventre. Quand Nzaun arrivée à sa portée, il le regarda avec des yeux effrayés:

- Que crois tu te permettre... si nous n'avions pas des questions à te soumettre, l'arbre t'aurait déjà tranché la tête, dit lentement Nzaun tout en continuant de lui infliger par sa simple présence une pression mentale que le vieil homme supportait difficilement

Quand il voulut se relever pour récupérer sa pelle, il ne put rien faire. Sa main tendue vers l'instrument s'écrasa toute seule contre le sol, et l'une des phalanges craqua dans un bruit secondé par les hurlements du vieil homme. Tremblante Mluïe murmura :

- Arrête s'il te plait... .

La pression se relâcha, laissant sa victime au sol en train de gémir. La petite s'assoir s'agenouilla pour se rapprocher du vieux tandis qu'elle lui demanda :

-
Vous venez d'Albre, n'est ce pas...? Dites nous seulement si vous l'avez vu, et si vous savez par où il est parti. Nous vous en serions bien reconnaissant.

il se releva légèrement en s'appuyant contre le tronc d'arbre, tout en serrant sa main broyée. Un moment il fixa Mluïa puis répondit avec une voix chevrotante :

- On voit rien, on entend rien, ça vient comme un orage. Et ça vole des hommes, ça vole des femmes. Y en a d'autres qui deviennent fou et qui exterminent ceux qui fuient. J'ai toujours dit que c'était une ville de cinglés mais on me croit jamais... . Moi j'étais en train de réparer la porte qu'on venait de saccager au sud. Rien vu, juste de l'ombre et puis les cris. C'est les cris qui rendent fous, je les entend encore dans ma tête. C'est le cri qui me dit de creuser, alors je creuse, pour ne plus l'entendre, pour ne plus rien voir mais ma tête.. ma tête continue.

Tout en continuant de serrer sa main douloureuse, il tourna son regard vers Albre et continua plus bas :

- La bas, le mal s'est installé. Je suis resté caché dans mon fourreau en attendant la nuit.  La nuit, des ombres prennent les corps et les emmènent, je les ai vu travailler, elles sont rapide et efficace. Elle les emporte je ne sais où, elle savent ce qu'elle font, on le voit bien... Et puis quand le matin vient, il n'y a plus personne... . Comme s'il ne s'est rien passé à part les maisons éventrées, et tout le reste. Il parait que plus au nord, d'autres villages ont fini pareil.Moi j'étais caché, caché, bien caché dans mon fourré mais j'ai tout vu. Le nord, c'était déjà difficile d'aller voir mais maintenant... . Maintenant plus personne n'ira. Et c'est bien fait.

Plus il parlait, et plus son visage était parcouru de grimaces, mais Mluïe restait concentrée et n'en perdait pas une miette tandis que Loëve et Nzaun étaient plus loin.

- Vago m'a dit.. que c'était vous... les yeux violets... vous qui les appeliez, qu'après le volcan sifflait et que ça les appelait... Vago connait bien, il a fait quinze ans de nord... il a voyagé longtemps.. il a prévenu quand il a vu le volcan qui sifflait mais personne l'a cru. Alors Vago il a gueulé si fort qu'un Yeux-violets est venu et il l'a tué sur place, avec vos choses invisibles... . C'était tellement discret que personne a vu. Mais moi.. j'ai tout vu...

- Vago.. c'est pour lui que vous creusez le trou, n'est ce pas? demanda timidement Mluïe.

- Pour lui que je me saigne les mains pour le mettre à l'ombre. Il n'aimait pas le soleil Vago. Et je me dis que sans lui, peut être les voix.. les cris.

Il jeta un regard vers Vago, un homme derrière l'arbre, étendu de tout son long dans l'herbe qui bordait le chemin. Sur la moitié de son visage, une longue brulure avait déchiré sa peau et par endroit l'on voyait l'os. C'était une image tellement laide et belle à la fois, comme un masque détruit par une étrange magie, que Mluïe fut parcourue d'un frisson. Son frère s'était approché de l'homme mort et commenta :

- Ca ne peut pas être des nôtres... on ne fait pas ceci...

Si, ils pouvaient le faire. Mluïe en était capable, mais il fallait que sa main s'enflamme et il fallait qu'elle s'approche. Ce n'était pas discret et invisible et cela ne tuait pas forcément du premier coup. Et ils ne l'auraient pas si l'homme ne les avaient pas menacés directement. Pour Nzaun, c'était impensable. Il ne tuent ni par envie ni pour aucune raison que celles qu'ils connaissent intimement. Nous défendons le vivant, nous ne tuons jamais sans raison. Et l'histoire du vieil homme ne semblait pas avoir décrit semblable histoire. Sur le bord de la blessure la peau était tellement nécrosée, qu'elle en était noire et purulente. Il avait parlé d'ombres. Si les ombres avaient agi au jour, aussi, si elles avaient commencé en plein jour leur lent travail. Ou si l'homme s'était pris le premier souffle du grand Oiseau. Il resta interdit devant l'étrange blessure tandis que le vieux continuait de délirer, s'enfonçant de plus en plus dans des propos sans sens. Loëve bien qu'il fut curieux et se soit pointé vers le cadavre, fit rapidement marche arrière, écœuré. Discrètement il invita Mluïe à se reculer quand il n'y eut plus rien de tangible dans les propos du fou et que son attitude même devenait légèrement risquée. Elle résista un peu avant de le suivre. Au final ils n'en avaient tiré quet des détails étranges et encore plus de questions auxquels ils n'avaient pas de réponse. Et quand Loëve leur confia, qu'à l'instar de l'âme de Nzaun, il était bien incapable de sonder son esprit, ils se sentirent d'autant plus frustrés. Mluïe resta songeuse tandis que le vieux s'escrimait à tirer le corps pour l'approcher du trou. Pour elle comme pour son frère, un oiseau n'aurait jamais fait semblable travail, il y avait là bien des choses auxquelles il n'arrivaient pas à faire des lien. Pourquoi réduire à néant tout un village, pourquoi tous les emporter et n'en rien laissé? Nzaun n'avait rien dit de l'homme qu'il devait rencontre à Albre ni du contenu du sac, mais il n'en semblait pas moins affecté par les propos du fou. En quelle mesure, pour quel raison peut-on tout détruire et n'en rien laisser? Au trouble l'émotion de ne pas se reconnaitre. Les oiseaux ne devait-ils pas songer et penser comme eux?

Nzaun rompit le silence en ordonnant de reprendre leur route. Il secoua sa sœur perdue dans ses pensées, reprit son sac qu'il avait posé plus tôt et reprit le chemin. Il voulait être au soir au relais d'Almon* pour espérer trouver quelque chevaux et leur épargner des voyages trop longs. C'était tout au sud vers le lac d'Olhïme* au sud de la grande cité de Teren* qu'il voulait aller, bien que les deux autres ignoraient pourquoi. Loëve se contentait de les suivre, emporté par l'aventure et le goût du voyage, n'ayant de toute manière ni foyer ni destination précise.  S'il avait ses raisons de s'être retrouvé coincé dans une montagne remplies de bêtes féroces, il en gardait du moins ses raisons secrètes.



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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeDim 7 Juil - 17:42


Le chemin était semé d'embuches. De la roche effondrée jonchait le sol sans ordre et rappelaient au groupe qu'il fallait être vigilant quant à leur déplacement. Ici, les hommes n'étaient pas les maîtres. La montagne dominait, sans aucune pitié. Ni bien, ni mal. Mais parfois, les hommes détestaient par frayeur, cette force de la nature similaire à l'immense océan. Nzaun, lui, n'avait pas peur. Il n'avait qu'à tendre l'oreille pour écouter les oiseaux qui volaient ou étaient abrités. Les animaux lui transmettaient de précieuses informations sur le chemin  qu'ils parcouraient ou étaient sur le point de fouler.
Un pied devant l'autre pour faire craquer la neige. Jeu amusant sous les plantes de pieds de Mluïe. De toute façon, depuis qu'ils avaient rencontré cet étrange vieil homme, plus personne ne parlait. Alors elle prêtait attention à chaque sensation lorsqu'elle posait le pieds sur le tapis blanc, le bruit qui parvenait jusqu'à ses jeunes oreilles, les flocons qui caressaient son visage. Quelle son avait le souffle du vent ? Était-il grave ou aiguë : cela semblait changer selon que Mluïe avait la tête baissée, de côté ou ses yeux plantés dans le ciel tout juste au dessus d'elle.
Loëve qui était derrière Mluïe l'observait de son regard amusé. Celle-ci ne l'avait même pas remarqué, elle était dans son monde à s'en jouer ou plutôt, apprendre à le connaître. Que savait-elle après tout. Même l'histoire des oiseaux, leur histoire à Nzaun et elle, Mluïe ne la connaissait que partiellement. Il en manquait également des bouts à grand frère. Même s'il en savait tout de même plus qu'il ne voulait lui faire croire. Et le vieil homme étrange leur avait rappelé. Léger pincement au cœur, à l'âme. Ce qu'ils recherchent, ils le trouveront. En quête de ces réponses, Mluïe regarda son frère le dos droit devant elle avancer sans hésitation. Parfois, elle entrevoyait ses yeux et son regard, concentré observait le territoire avec prudence et intelligence. Mais elle sentit au-delà, sa peine, le poids de ses questionnements.
Aucun d'eux n'auraient pu être indifférent aux paroles du vieil homme. Il avait touché leur histoire malmenée, leur peuple éclaté sur le territoire. Combien de brimades, d'actes de violence extrêmes, de souffrance les yeux-violets allaient-il encore subir ? Combien de temps encore ?

*A l'Ouest, les oiseaux reviendront.* se répéta-t-elle intérieurement comme une prière d'espoir, comme l'assurance d'une volonté.

Et la marche continue. Et les pensées aussi. Intimes, en chacun.



***



Une journée entière de parcours entrecoupée de quelques pauses pour prendre soin des muscles et permettre à Loëve de se nourrir au moins une fois.

Soudainement, son frère s'arrêta et se retourna pour faire face à sa sœur et l'Amareth. Un sourire fendit joliment son visage refroidi par le vent et la neige de la montagne. Les reflets de la lune faisaient apparaître de nouvelles couleurs à ses yeux mauves, légèrement assombris, des filets de bleu illuminant son regard.

- Bleu comme la nuit, les mauves peuvent chanter, murmura Mluïe.

Nzaun pointa du doigt un endroit de la roche. Loëve ne vit rien et faillit questionner quant au pourquoi de l'arrêt mais heureusement pour lui, il s'aperçut assez tôt qu'une maison était carrément creusée dans la roche de la montagne. La porte était couverte de neige et c'est ainsi qu'il l'aurait totalement confondu avec la simple paroi des montagnes.
Mluïe parcourut des yeux cette surface et vit une multitude de volets de bois fermés. Leur forme était carrée et éminemment discrète. Comme la porte, les fenêtres étaient recouvertes de blanc. Puis, à vrai dire, les voyageurs qui devaient passer par ici, le vent dans les dents et les cheveux ne devait spécialement être observateurs et foncer tête baissée, droit devant, sans trop rien voir.
Mais son frère était différent. Il avait de base, une certaine expérience des voyages qu'ils pratiquaient depuis leur enfance. D'ailleurs, Mluïe n'en était pas encore sortie. Mais il avait cette façon d'observer les choses, d'écouter l'environnement lui parler.
Loëve s'approcha de Nzaun pour qu'il l'écoute mieux, le vent étant plutôt bruyant, ici :

- Mais, tu as vu comme ils se cachent ? Il ne vont jamais vouloir nous accueillir, non ?

Son frère hausse un sourcil, contemplant toujours la masse rocheuse habitée.

- Peut-être les mots servent-ils à convaincre. Je ne connais pas ce peuple, alors on essaye. Tu n'as qu'à geler ici si tu préfères.

Loëve s'arrêta-là pour aujourd'hui. Il avait conscience du mépris que lui portait Nzaun. Mais, il ne lui demanderait pas plus d'explications. Agir ainsi ne l'avait conduit qu'à empirer des situations souvent déjà mal en point.
L'Amareth s'assit dans la neige et se mit à compter les étoiles en attendant les deux compères. En parallèle, Nzaun, d'une voix bien plus douce, tourna la tête vers sa sœur :

- Tu vois, c'est le relais Almon, creusé. Suis-moi.

La jeune fille lui emboîta le pas. Ils se retrouvèrent devant ce qui semblait être l'ouverture principale. Nzaun toqua avec l'arête de son poing qui provoqua un écho qui remonta derrière le bois.

*Un escalier* pensa-t-il.

Ils attendirent de longues minutes sans que personne ne vint. Et Mluïe s'avança à côté de son frère, donnant un grand coup dans la porte pour l'ouvrir. Celle-ci vola violemment et percuta la roche ce qui engendra une résonance bien plus importante encore tout le long de l'escalier. Des torches illuminaient le chemin et leur éviteraient de chavirer en le montant. Ses marches étaient cependant d'une largeur comme ils n'en avaient jamais vu.
Mluïe s'introduisit illico et son frère la suivit. Leurs chaussures claquèrent contre les paliers à gravir puis, ils arrivèrent au niveau d'une première porte. Ils pouvaient continuer plus haut, mais d'un commun regard les deux frère et sœur se consultèrent et actionnèrent la poignée de cette porte de bois sombre. Une vieille porte. Elle grinça, donna vue sur un couloir greffé à plusieurs pièces allumées. Des voix retentissaient, joyeuses, calmes.
Cette fois, ce fût Nzaun qui rentra le premier et appela :

- Y aurait-il quelqu'un ?

Ce à quoi, le bourdonnement général de voix s'atténua et une, particulièrement retentit plus puissante que les autres :

- Oui, oui, entrez donc. Je suis en train de jouer alors je ne peux pas venir. La première salle à gauche.

Nzaun et Mluïe s’exécutèrent.
La pièce était moyenne, les murs inatteignables car remplis de meubles. Vraisemblablement, ils abritaient des livres, des recueils. Une pièce essentiellement administrative ? Au milieu était disposée une table basse avec des canapés confortables autour, tapis de tissus rouges. Ceux-là étaient un peu décoloré par le temps mais il conservait un certain aspect de magnificence. Un feu crépitait dans la petite cheminée sur la droite et réchauffait agréablement la pièce. Nzaun et Mluïe frissonnèrent.
L'homme, qui les avait invités à entre dans la pièce et qui était assis sur un des canapés, déplaça une tour finement sculptée. Il jouait aux échecs et sa possible victoire semblait être plutôt devinée. La personne en face de lui, un petit garçon d'une douzaine d'années, était soucieux de vouloir gagner et semblait au comble de sa concentration.
Sans lever les yeux du plateau, l'homme demanda de sa voix grave :

- Que voulez-vous, voyageurs ?

Son frère serait bref. Ils n'avaient ni l'intention de dormir ici, encore moins d'y manger. Juste acheter des chevaux. Il s'exprima courtoisement.

- Nous sommes en voyage et avons besoin de chevaux pour aller plus vite dans notre périple.

- Combien ? questionna-t-il, les yeux pendus aux pièces de jeux.

- Trois, répondit-il.

Il réfléchit quelques instants tout en continuant de jouer.

- D'accord.

L'homme sembla se replonger dans sa partie et ne plus prêter d'attention aux nouveaux entrés. Il déplaça encore des pièces suivant les tours du petit garçon. Mluïe en profita donc pour regarder la pièce et l'observer partout. Des cartes sortaient des meubles qui semblaient vomir de papier. Ils n'avaient plus de place pour ranger leur savoir.
Puis, le maître de la salle écrasa alors son poing contre le plateau faisant tomber les pièces d'échec. Mluïe sursauta. L'homme rit :

- Ha, ha ! Tu as gagné, encore une fois ! Tu sais que tu es sacrément bon P'tit ? s'égaya-t-il.

Dans son regard, de la fascination.
Il se calma un peu en conseillant l'enfant d'aller chercher du saucisson dans les cuisines pour fêter sa victoire, qu'il l'autorisait.
Puis enfin, son regard se posa pour la première fois sur les voyageurs. Il contempla longuement les yeux de ses visiteurs mais ne sembla pas vouloir leur faire de mal. Son regard avait les mêmes empreintes que lorsqu'il regardât l'enfant, en jeu. Non, cet homme n'était pas malveillant.
Il sortit de la pièce et Mluïe regarda son frère, perturbée, se demandant s'il fallait le suivre ou rester là. Nzaun suivit l'homme et elle l'imita donc.

Tous trois étaient ressortis de cette tour de roche creusée. Au loin, Mluïe aperçut Loëve qui s'était endormi par terre à même la neige, sans que le froid ne lui pose visiblement aucun problème. Elle rit à sa vue. Puis elle reprit son sérieux lorsque son frère la regarda.
L'homme était en fait plus grand qu'elle ne l'avait pensé. Il faisait une tête de plus que son frère déjà haut.
Ils longèrent la paroi pendant une dizaine de minutes puis ils arrivèrent à une porte qui était cette fois plus visible. Un verrou refermait une chaîne ce qui permettait de bloquer la porte de la supposée écurie.
En effet, lorsque la chaîne fût ôtée, la porte laissa place à une écurie creusée dans la roche de la même manière que la tour. Des hennissements retentirent au bruit de la porte et à la lumière de la lune, le vent froid qui s'engouffre, amusé.
L'homme se retourna :

- Par contre, j'vous demande pas grand chose. Juste un peu d'argent histoire de. Ça nous dérange pas de dépanner mais pour vivre, on a tous besoin d'un peu d'argent. Vous comprenez ?

Question soutenue par le regard qui intensifie le sens.
Nzaun sortit de sa poche une petite bourse remplie de piécettes. Petit sac assez lourd qui comportait assez d'argent, oh, bien assez pour les trois chevaux.
Dedans, la reconnaissance de ne pas les chasser à coup de fusils, à coups de hache, à coups de sac, à coups de choux et de tomates. Car ils avaient tout vu. Quoique...
Nzaun, donc, fit pendre la bourse que l'homme récupéra en ses mains avec prudence et sincère respect.

- On a plein d'chevaux qui sont vraiment parfaits pour des voyages. Vous avez pas l'air de vous arrêter souvent sinon vous auriez demander d'vous reposer chez nous. Ou vous avez besoin d'aller vite. Rien d'mieux que les amourskï. On en a huit. J'peux bien vous en donner trois pour tout c't argent que vous m'avez donné.

L'homme leur sella les chevaux et leur offrit même de jolies sacoches de rangement - dans l'cas du besoin, avait-il dit.
En tous les cas les chevaux étaient de très belles bêtes de voyage et avaient tous les trois des robes grises tachetées de blanc ou beige.
Nzaun prit la bride de ce qui serait son cheval à sa droite ainsi que celui de Loëve à sa gauche. Mluïe saisit la bride de son cheval.

- Ont-ils des noms ? s'inquiéta Muïe.

- Chez nous, le nom change dès qu'le canasson a un nouveau maître, s'amusa l'homme.

Avant de les laisser sortir et reprendre leur voyage avec les chevaux, l'homme s'approcha de Nzaun et glissa faiblement à son unique intention :

- Merci beaucoup pour l'argent. Vous étiez pas obligé. Puis, j'sais qui vous êtes. Bon courage, vraiment. J'sais que ça s'ra pas simple pour vous.

Nzaun sourit sincèrement pour la première fois à un humain qui le regardait dans les yeux sans le craindre. Puis, ils repartirent.


***


- Ils ont peur de nous ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas.
- Mais, ils ne nous connaissent pas.
- Je sais, je sais.
- Ils sont méchants ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils ne nous connaissent pas.





Dernière édition par Lumeï le Lun 8 Juil - 23:22, édité 1 fois
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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeLun 8 Juil - 9:57

Les montures étaient rapides et nerveuses. Ayant frôlé leur âme, Nzaun les sentait propre à courir des jours durant sans freiner, acceptant leur tâche avec une bienveillance toute remarquable. La sienne s'appellait Ash, un nom qui allait à merveille avec sa robe si blanche qu'elle en aveuglait presque le regard quand le soleil plongeait dedans. Il dominait les deux autres chevaux de quelque mètres en avant, commandant toujours le voyage avec une assurance farouche et déterminée. Il le fallait, toujours, partout. Il avait appris avec sa petite soeur à ne reculer devant rien, à toujours décider et savoir ce qu'il fallait faire, sans jamais faillir, l'intention levée comme un acte. C'est ainsi qu'on élevait les Amaren*, avec la fierté du regard mauve qu'on nomme Fersh'tal*: les yeux du divin Tal. Un de ces oiseaux millénaires et légendaires, disparus comme les autres. Les humains ont toujours confondu le mauve qui s'empourpre sous l'émotion au violet pur et violent des Arshenen*: des sortes de vampires comme dans les plus dignes légendes assoiffés de vivant et de sang, traquant tout ce qui respire jusqu'en des lieux effrayants, capable des pires meurtres pour le simple plaisir de tuer. Leur opposés et pourtant, on les englobait dans un même sac, dans une même haine viscérale. Les Arshenen et les Amaren étaient les yeux-violets, l'effroi des Ligues humaines et pour beaucoup le mal qui rôdait la nuit, quand on rentre un peu tard dans les sentes sombres qui ramènent aux villages. Nzaun arrêta sa course sur un promontoire, le regard défiant l'horizon : ils ne comprennent pas la différence, ils ne savent pas lire les âmes et les yeux. Et c'est pourtant vers ce genre de Cité qu'ils allaient sans hésiter une seconde : Teren* la Glorieuse, joyau architectural humain triomphant sur les vallées d'Echoriath tel un phare qui défie le nord et ses monstres les plus cauchemardesques.

Mluïe le rejoignit précédé par Loëve que le voyage sans halte commençait à épuiser. Elle l'observait plus en arrière, le voyant tirer parfois sur la sangle avec une maladresse qui énervait son cheval. Mais il ne le savait pas, il ne lui parlait pas.  Nzaun demanda à sa soeur calmement tout en regardant le ciel :

- Comme se nomme t-il?

- Neph.

C'était joli nom, gracieux et conseil, présage d'une âme noble et raisonnable. Il descendit de sa monture et se pencha pour effleurer l'herbe tandis qu'Ash en profitait pour racler quelque racines.  Quand il se releva ce fut avec un reflet d'inquiétude dans les yeux :

- Un orage, murmura t-il, quelque lieues plus loin. Pas vraiment naturel. Sur la route.

Puis il remonta sur son amourski et parla plus fort pour prévenir Loëve qui attendait quelque pas plus loin:

- On continue un peu et on s'arrêtera au prochain croisement, il y a un gîte que je connais bien. Ils nous donneront un couvert, assurément.

- Pourquoi en être si sur au vu de nos expériences communes? s'enquit Loëve qui regardait lui aussi le ciel, sentant tout comme Nzaun l'étrangeté des nuages qui s'y profilaient;

- Parce que je le dis.

La réponse fut aussi tranchante qu'un rasoir. On ne discutait pas avec lui. Il accéléra de nouveau, reprenant le chemin dans une course plus soutenue tandis qu'au loin l'orage s'agrandissait de minutes en minutes. Les Montagnes laissaient peu à peu place aux vallées arrondies d'Echoriath, vaste plaines paisibles que traversait le fleuve d'Istraire dans sa partie sud et ses confluents, rivières perdues dans le décor comme des souricières qui abreuvaient les champs d'est en ouest. Il y avait là villages et hameaux disséminés partout sous le regard protecteur de Teren*. Et pour les Amaren*, pour ceux qui savaient, au derrière de quelque cascades élégantes, ou sous des demeures, des dédales de grottes et de cavernes se cachaient sous le sol jusqu'au Lac d'Yhr* : les chemins sacrés d'Odärl*. Nombreux de leur pairs y vivaient encore, remontant parfois pour participer au marché de la grande Cité et échanger quelque denrées rares contre des provisions et des fournitures. D'autres avaient choisi de vivre sous le soleil, affrontant le regard hostile des ligues humaines qui envahissaient toujours plus le nord, s'approchant des Montagnes peu à peu. C'est ainsi qu'Albre comme d'autres enclaves furent crées par les Hommes, jetés dans la nuit comme des essais en territoire hostiles. Et en dépit des tensions palpables, certaines relations s'étaient forgés entre les différents peuples, se défiant de l'avis général, créant des liens aussi étranges que méprisés par les races dans leur ensemble. On n'aimait pas le mélange, quand on pleurait encore les héros de deux bords, morts pour défendre un nom et un territoire.

Au tournant du chemin, le gîte se dressa, petite masure dominant des champs de blés et de soja. Un feu montait de la cheminée en pierre en des circonvolutions de fumée grise.  Il y avait sur la façade d'entrée deux fenêtres encadrés par des volets en bois, et une porte à la clanche finement ouvragée. Vivait ici plusieurs familles, dont un forgeron émérite, à la réputation suffisamment brillante pour qu'on entende son nom chuchoté dans tout Teren. Les cheveux furent attachés à l'enclos qui entourait la demeure, et tous trois vinrent taper à la porte. Il s'en suivit une petite attente avant que les gongs ne grincent légèrement pour laisser voir une femme au jeune visage éclairé par des cheveux blonds. Elle portait en ses yeux le même iris qu'eux, et sur son front une étoile à l'encre noire était dessiné, entourant de lune. Quand elle reconnu Nzaun et Mluïe, elle se jeta dans les bras du premier en s'exclamant :

- Vous ici ! Mais quel vent vous amène? Je suis si heureuse!
- Ver' Shana* Lyad. Nous ne faisons que passer, nous allons vers Teren.  Sont-il ici? répondit Nzaun tout en serrant dans sa bras la jeune femme.
- Toujours, toujours. Tu sais bien qu'ils ne voudraient quitter ces terres pour rien au monde. Ta soeur est toujours aussi ravissante, depuis notre dernière rencontre. Viens par là ma petite Mluïe.

La jeune fille sautilla en reconnaissant l'élégante Lyad. Ils n'étaient que de parents très éloignés mais avaient toujours gardés de chaleureux liens.  Enfin tout en tournoyant autour d'elle, elle présenta Loëve devant son regard interrogateur. Ils turent volontairement son statut d'Amareth, préférant garder pour eux des détails qui n'apporteraient que des ennuis. Enfin Mluïe lui raconta l'histoire de l'ours  tout en fourrant son nez partout dans la pièce d'accueil jusqu'à se retrouvez nez à nez avec un akara* au pelage si noir qu'elle ne l'avait pas aperçu dans l'ombre. L'animal, vexé qu'on le réveille en pleine sieste lui adressa un coup de patte qui lui griffa le nez. Elle jura tout en le poursuivant, se promettant qu'elle vengera pareille offense. La danse folle des deux amusa Lyad qui invita les hommes à s'assoir autour de la table de la salle à manger. Dans les gîtes traditionnels, du reste, l'architecture était toujours semblable. Une très grande pièce qui donnait sur l'entrée composée d'une grande table qu'on réservait aux invités, puis un peu plus loin quelque fauteuils au tissus chaud encadraient la grande cheminée dont le pourtour de l'âtre était richement sculpté et décoré par des  objets aussi éclectiques que possible : figures d'arts, instruments ayant perdu toute leur utilité, ou encore des armes qu'on présentait par esthétisme.

Nzaun amorça la conversation tout en buvant le verre d'hydromel qu'on lui avait servi :

- Il me faudra voir Neki, j'ai besoin de ses talents pour quelque affaire urgente.

- Albre n'était pas plus à portée, sur votre chemin? demanda t'elle tout en s'asseyant en face de lui.

- En fait... il n'y a plus vraiment d'Albre, murmura lentement Nzaun.

Mluïe s'arrêta dans sa course, jetant un regard vers son frère mais il n'y avait aucun expression sur son visage, en dehors de son regard sombre. Même l'akari s'était immobilisé fixant la jeune fille. Tous deux sentaient que le dialogue prenait des formes plus délicates. Nzaun reprit en expliquant le sinistre spectacle de la cité d'Albre puis des divagations du vieux fou qu'ils avaient rencontré en chemin. Pendant la narration, Lyad se triturait nerveusement les mains et quand il eut finit remarqua avec sur un ton fataliste:

- Ce ne sera pas le premier et dernier village qui rencontre pareil désastre. La moitié des villes que nous connaissons du Nord ont croisé pareil destin... et si certaines s'en sont mieux sorties c'est qu'il y avait des Vanar* aux environs. Personne ne comprend pourquoi un Oiseau s'en prendrait à eux. Ce qui reste d'autant plus surprenant reste la disparition complète des habitants ou voyageurs, sans qu'il n'y ait trace de vol ou de quoique ce soit...


Mluïe s'était approchée, absorbée par la discussion. Ses yeux brillaient tout près de son frère et ses mains s'étaient posé sur la table. Pas à pas, elle s'était hissée sur une chaise en silence, n'osant déranger personne. Mais ce qui était sur, c'est qu'elle n'en perdait pas une miette. Et quand Nzaun sortit du mystérieux sac qu'il avait tiré des ruines d'Albre une dague dont le pommeau avait été ouvragé comme un œil effrayant, elle frissonna tout en approchant sa petite tête pour mieux voir. La lame était si noire que la matière semblait comme se fondre dans l'atmosphère, ne laissant paraître que l'ombre des symboles qui étaient gravés dessus. Lyad se recula légèrement, comme surprise et un peu effrayée. Nzaun commenta bien que son amie avait parfaitement reconnu l'arme:

- Lame d'Arshenen. fichée dans la pierre dans une petite mare de sang sans... propriétaire.  Lequel d'entre eux pourrait laisser son arme traîner dans un village en ruine..?

- Peut être mort et emporté avec les autres, répondit Lyad, quoique cela reste surprenant qu'il ait laissé trainé son arme. Peut être surpris par l'événement ou...

Elle n'eut pas le temps de répondre que la porte grinça et qu'un homme chauve apparut, le front tâché de sang et l'arme dans un semblable état. Lyad gémit tout en accourant vers lui. L'homme s'effondra sur son épaule tout en lui murmurant :

- Ils étaient plus énervés que je ne pensais, j'ai du faire un peu de ménage. Et l'orage m'a surpris. Liv est mort foudroyé tandis que j'essayais de regarder de plus près ce qu'il se passait près de chez Oven*. C'était un bon cheval, tant pis.

Mluïe s'approcha de l'oreille de son frère le visage rivé sur celui qui venait d'arriver :

- Il a l'air trempé... .

Nzaun hocha légèrement de la tête tout en se levant. Quand l'homme le reconnut il sourit et lui tendit une main presque joyeuse :

- Quand le temps s'emmêle, ceux sont les mêmes qu'on voit arriver sur le front. Pas fâché de vous voir, Nzaun. Je suis très certain que vous l'avez senti aussi, n'est ce pas. S'il vous vient l'idée de me demander ce que cela peut être, vous serez fichtrement déçu de savoir que je n'en sais rien. Avec la pluie battante, la terre est si glissante qu'elle en est impraticable, on ne peut pas s'approcher à moins de vingt mètres, encore moins voir quelque chose. D'où venez vous donc, avec vos beaux chevaux?

- Ils viennent d'Albre, répondit Lyad tout en lui enlevant la pelisse trempée et en essayant de le sécher avec une serviette qui traînait près du feu.

- Albre ! Comment va donc Elik? Toujours à tenter de nouveaux matériaux?

Il n'y eut pas de réponse. Elik était le forgeron qu'ils auraient  du rencontrer, au lieu du grand désert. Mais face aux regard sombre de son épouse, il comprit sans mot dire et vint s'installer près de l'âtre. Il s'assit entourant ses épaules avec la serviette et commença à chantonner. Loëve jeta un regard un peu surpris tandis que Mluïe lui expliquant à voix basse

- Quand un parent proche disparait ou meurt, chez nous, on se met à chanter tous bas. Nous, nous avons trop chanté pour le faire encore, mais certains le font toujours. C'est une façon d'envoyer de belles paroles pour ceux qui ont rejoint les Oiseaux* . Vous ne le faisiez pas chez vous?  

La chanson envahit toute la pièce dans une mélancolie sourde et Nzaun se rassit à la table en laissant son regard se perdre sur la lame d'Arshenen. Hier, il y eut des morts et des gens qui s'évanouirent. Demain il y en aura encore. Rien ne servait de s'en souvenir. Sa sœur s'accrocha à son bras tout posant sa tête dessus. Elle n'aimait pas les gens triste.



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Lumeï
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeLun 8 Juil - 23:18




Jehan prit la mesure du temps pour chaque note. Il délivra dans chacune d'elle une émotion particulière. La chaire de poule se glissa en un frisson sur la peau de Mluïe, Nzaun et Loëve qui prirent soin d'écouter simplement. Le silence de leurs corps, par respect pour Elik qu'ils ne rencontreraient jamais. Une larme perla de l’œil brun de Jehan qui sécha lorsqu'il acheva ses dernières notes. Cet homme, particulièrement peiné d'apprendre la disparition du forgeron, se mut dans un silence pendant quelques minutes. Le temps de retrouver le monde des vivants. Marcher enfin sur les paroles nouvelles des voix qui existent encore.
Les lèvres de Jehan bougèrent alors en une prière, une demande :

- Dites-moi. Dites-moi ce qui est arrivé s'il vous plaît, Nzaun.

Mais ce fût Lyak qui lui répondit et lui apprit que les habitants des villes détruites, de plus en plus nombreuses dans les montagnes du Nord, disparaissaient tous, sans exception. C'est ce que le groupe que formaient ces trois voyageurs avait constaté.
Jehan eut la mine soucieuse et acquiesça sans bruit au fil de l'histoire qui s’étaient déroulée à ses oreilles. Il prit le temps de réfléchir quelques minutes. Et, dans cette attente, Liak  partit dans la cuisine ramener des boissons chaudes : du lait chaud avec du miel et quelques baies qui rajoutaient un goût acide se rapprochant du cassis. Il faisait froid dehors et la pluie qui avait trempée Jehan n'avait pas encore séché, malgré la serviette. Il faut dire que ça n'était pas réellement sa principale préoccupation.
Le plateau posé sur la table au milieu, chacun se munit d'un petit gobelet de terre rempli de la boisson dont les douces effluves parfumaient l'air avec chaleur. Chacun s'en servit d'ailleurs dans un premier temps pour se réchauffer les mains en les posant autour de l'objet. La boisson était bouillante, personne n'osa poser ses lèvres pour commencer à boire, même Jehan qui était le moins réchauffé.

- Qu'allez-vous faire pour l'orage ? questionna, curieuse, la petite Mluïe.

- Comme nous ne pouvons pas l'approcher pour l'instant, rien, répondit le mari le mari de Lyak, fataliste. Peut-être tenterons-nous quelque chose demain si la pluie s'apaise au moins un peu.

Loëve soufflait sur le liquide pour le refroidir et en fit voler sur sa main ce qui le brûla. Il posa alors son godet sur la table et se mit en position d'écoute et d'attente, faisant mine de rien.
Nzaun patienta et bût le liquide tiède qui réchauffa agréablement d'abord son œsophage, ses veines puis ses chaires. Frisson. Il aimait tant le goût du miel qu'il dégusta ses gorgées.
Il attendit que chacun aie terminé sa tasse avant de se tourner vers Lyak :

- Lyak, nous avons besoin de parler à Neki. Vraiment.

Son regard était doux.
La Dame lui offrit un sourire.

- Je dois te montrer quelque chose. A Mluïe et à toi. Je pense que maintenant, il est plus que temps. Par contre,...

Elle haussa ses deux sourcils.

-... vous devez vraiment le garder pour vous. C'est un secret gardé qui doit se conserver. Maintenant, plus que jamais. Vous savez que vous êtes ma famille et je vous fais confiance. Il en est donc de même pour Loëve.

Son regard se dirigea vers lui.

- N'est-ce pas ?

- Oui, bien sûr Madame. Je connais l'importance des secrets, lui répondit-il l'air bien sérieux perdu dans les pensées de sa propre histoire.

Il y avait quelque chose qui s'était tendu dans l'atmosphère. Puis, était né un lien qui se resserrerait lorsque tous ensemble, ils partageraient ces fameuses informations à garder closes en leur âme.
Nzaun se fit pensif.
Mluïe s'évertua mentalement à trouver à quoi il pouvait bien penser. Elle élaborait nombre de théories sur ces possibilités : pensait-il à leurs parents ? à cet étrange objet de belle facture qu’il avait récupéré au sein d’Albre et qu’il ne quittait plus ? Bien curieuse de tout, celle-ci transposa sa curiosité sur le forgeron que son frère voulait absolument trouver. Se torturer l’esprit ne lui servirait pas à trouver des réponses.

- Neki a-t-il connu Elrik ?

Elle abordait un sujet délicat et parler d'Elrik qui avait disparu n'était pas spécialement bienvenu. Cependant, elle ignora son accord désapprobateur, se tût mais attendit la réponse.

- Oui, répondit Jehan. Ils ont eu le même maître de forge à Albre. Elrik a pris la suite de leur maître lorsque trop vieux, il a arrêté de travailler. Puis, Neki est venu ici pensant que créer deux lieux différents de travail mais en collaboration serait utile pour leurs affaires. Ils s'entendaient bien. Ils étaient un peu comme deux frères mais ne pouvaient plus vraiment se voir avec tout le travail qu'ils avaient. Ils ne pouvaient qu'envoyer leurs apprentis pour les échanges de marchandises et les commandes. Tu sais, il va être triste Neki quand il va apprendre que son frère a disparu. Enfin...

Il se tût. Et Lyak, qui était à nouveau repartie, reparût alors devant eux, un trousseau de clefs à la main, tout sourire.

- Je vais vous montrer, s'exprima-t-elle, impatiente. Suivez-moi donc.

Suite à l'invitation générale, chacun se leva et se suivirent les uns les autres.
Mluïe s'attendit à ce qu'elle les emmène au dehors et leur montre autre maison, autre établissement mais ce n'était pas cela. Elle fût surprise de la voir les mener dans le fond de la maison. Elle ouvrit la porte d'une pièce bondée de vivres : le garde-manger. Tout au fond, Lyak attira vers elle un gros meuble de bois dans lequel était rangé des fruits et des légumes. Elle fût assistée de Nzaun et Loëve qui s'étaient poliment empressés de l'aider. En retirant le meuble, Nzaun sentit un souffle froid venir lui caresser la nuque. Lorsqu'il regarda, il aperçut une percée dans le mur qui creusaient une galerie.
Lyak s'y engouffra et alluma une torche puis, d'une main chaleureuse les invita à les suivre en ces termes :

- Vous voici dans nos souterrains inconnus que nous appelons les chemins sacrés d'Odärl*. Pour l'instant c'est un peu sombre mais ils sont en réalité plutôt accueillants. Peu importe le lieu, ce sont les êtres vivants qui comptent ! s'exprima-t-elle, maternelle. Allons-y, nous devons encore marcher pour retrouver Neki et les autres.

Elle commença à marcher dans le boyau souterrain et les autres la suivirent. Il n'avait pas perdu une lettre de ce que l'hôte de la maison leur avait présenté. D’autant plus qu’il avait déjà entendu ses parents parler des grottes sacrées mais n’avait pas encore eu l’occasion de les arpenter. Il était impatient de les fouler. Son père lui avait même une fois, dessiné la carte du dédale sur du sable. Il lui avait conter que naguère, l’enclave des Oiseaux étaient dans ces immenses cavités que le temps avait creusé. Depuis quand existaient-elles ? Des millénaires, très probablement. Ainsi, les couloirs qui menaient à chaque cavité étaient assez grands et larges afin de les accueillir en vol. Les cavités quant à elles étaient tellement immenses et profonde que nulle torche ne pouvait illuminer le plafond lointain. Parler résonnait en écho qui se perdait dans l’éternité des grottes, sans fin. On les disaient si grandes qu’elles auraient bu abriter l’équivalent de plusieurs peuples Almarën.
Tout en marchant, l’allure calme, il s'intéressa :

- Qui sont les autres ?

Lyak sourit dans son regard. Elle se préparait à expliquer, avec les bons mots. Un mystère puis un silence.

- Vous allez voir par vous même, je vous expliquerai ensuite. Je préfère.

Le frère de Mluïe n'insista pas et patienta donc jusqu'à ce fameux moment. Mluïe essayait de repérer quelques chauve-souris mais elle fût déçue car elle n'en rencontra aucune. En réalité, les boyaux aux plafonds étaient trop hauts pour être visibles. Les chauves-souris volaient probablement plus haut, non loin des percées pour s’échapper la nuit et voler vers le lac entre les arbres. Sentir le vent.
Puis, une faible lueur illumina un côté de la paroi.
Mluïe arc-bouta son corps pour essayer de l'allonger le plus possible. Nzaun devina sa soeur souhaitant parvenir à améliorer sa vue ainsi, ce qui de toute façon n'avait aucune incidence sur sa vue. Cela n'empêcha en rien la jeune fille de vérifier une millième fois encore cette méthode sans effet.

- Tu as vu ? Tu as vu ? s'empressa-t-elle de partager avec son frère.

- Oui.

- Ta maison est un château, Lyak ! s'exprima Mluïe, admirative, le regard jouant d'une lueur dont la lumière faisait bouger les mauves clairs et foncés.

Loëve quant à lui avançait prudemment et sans un mot. De toute façon, Mluïe s'activait bien assez pour eux tous ensemble. Son énergie ne se tarissait-elle donc jamais ? Il suffisait qu'elle voie quelque chose de nouveau -et encore juste qu'elle voie tout court, et là voilà qui tournoyait en tous sens.
Il eut un instant le vertige pour elle de bouger autant.

La lueur se transforma en lumière de plus en plus vive. Elle fût également plus profuse. Ils se rapprochèrent d'un carrefour où le chemin se divisait. Sur la gauche, la galerie était plus plus étroite mais pouvait tout même laissait passer une dizaine de vaches les unes à côté des autres.  La lumière donnait sur une grande salle, semblait-il. La deuxième galerie qui partait sur la droite était quant à elle toujours aussi obscure et continuait bien plus loin, bien plus large.
Lyak s'arrêta à l'intersection et leur expliqua :

- A droite je vous déconseille de continuer seul. C'est un dédale de galeries qui mènent jusqu'au lac d'Yvh. Il faut connaître pour les parcourir sinon vous péririez en vous perdant.

La mise en garde était claire. Tout le monde écoutait attentivement, même Jehan qui semblait pourtant déjà être un habitué des lieux. Il fût cependant patient. Le regard des trois autres se posa sur la galerie de gauche : c'était donc là qu'ils allaient.
Ils entrèrent les uns après les autres dans une cavité immense. La mesurait était impossible. Ou il fallait alors l’escalader pour le savoir mais autant gravir une montagne. Moins dangereux. Moins grand et profond. Au moins, les montagnes étaient illuminées. Ce lieu donnait plus une impression de vide, d’un monde dans un monde. Un campement avait été levé et des tentes, trouées, parsemaient le sol. Un brouhaha s’élevait de cette peuplade installée dont on ne voyait pas la fin. Une odeur renfermée se dégageait d'abris de fortune qui abritaient semblait-il des... mais qui ? De larges passages à la taille de rue permettaient d’arpenter librement ce micro-monde sans trop déranger les habitants sous tente. Dans ces rues, des torches plantées tous les trente pieds pour illuminer le bas de la cavité. Malgré les lueurs qui dansaient sur le sol entre les tentes, ce n’était pas un millième de la cavité qui était éclairée. De toute façon, le problème était plus l’écho dû à l’immensité du lieu. Mais ils n’avaient probablement pas le choix. Sinon, ils ne se seraient pas installés ici.
Nzaun observa avec soin : des yeux-violets et des hommes plus banals vivaient là, nombreux. Tout le côté droit était utilisé à des fins, semblaient-ils, de soins. Beaucoup étaient blessés : des plaies graves, d'autres purulentes, d'autres qui étaient inévitablement fatales mais que l'espoir faisait combattre jusqu'à temps que la mort quitte le corps. Nzaun porta son regard sur un soignant qui étalait des onguents sur les plaies : des brûlures. Toutes les plaies avaient cette similitude. Il les regarda toutes et n’en vit aucune ni soignée, ni en court de guérison. Comme s’ils ne pouvaient guérir. Comme un blessure posée pour toute l’éternité.
Aussi, les abris donnaient l'air d'avoir été construits à la hâte avec des objets trouvés qui n'étaient pas toujours adaptés. D'ailleurs, certaines constructions étaient branlantes et leur sécurité, douteuse. Qu'était-il donc arrivé pour que ces personnes se réfugient là ? Visiblement elles n'avaient nulle part d'autre où aller. Sans logis et le corps abîmé puis, quelles souffrances marquaient leurs âmes ?
Mluïe observa leurs visage. Ces hommes semblaient apaisé mais une lassitude prononcée, une la tristesse peignaient leur visage de façon étrange. Alors elle voulut comprendre. Elle voulut savoir. Mais elle attendit car c'était son frère qui s'occupait des choses un peu grave. Ou disons que c'était ainsi qu'il préférait que ça se déroule.
Un premier homme du village caché des grottes aperçut le groupe qui, prostré, parcourait des yeux l’immensité sans fond, la mer de tentes étendue jusqu’à l’horizon visible à l’oeil nu. Il se mit alors à les saluer de loin, prévenir ses voisins immédiats. L’effet fût rapide et la foule se rassembla pour s’approcher d’eux en cherchant à les saluer, leur offrant de sincères sourires. Des mains se levèrent et ils furent appelés. Mais les appels se mélangèrent, sans ordre.

- Que se passe-t-il ?

Lyak se donna le temps de préparer les explications. Dans le fond des mots, sa colère, semblable à celle de Nzaun :

- Certains ont fui les villes avant que les Ombres n’incendient leurs villages. Mais, la plupart de nos confrère voyagent seuls. Vous savez pourquoi, je n’ai pas besoin de vous expliquer. Ils se sont faits surprendre par les armées des humains. Ces groupuscules
ont arpenté la montagne pour les hommes des terres planes qui nous envahissent. Ils cherchent à se renseigner sur les Oiseaux, les Amarën. Et lorsqu’ils croisent le chemin des Yeux-Violets, inutile de te dire comment ils le tabassent


Les sourcils de Mluïe se froncèrent immédiatement sous la colère.

- Que dis-tu ? Il faut leur apprendre à se battre, à voyager au moins en petit groupe ! Pourquoi ne pas régler leur compte à ces autres qui ont frappé à cinq contre un. N’ont-il aucun honneur ? Leur âme n’a-t-elle donc aucun cœur ? s’exclama-t-elle.

Lyak, patiente, lui adressa un sourire compatissant.
Les Yeux-Violets et les hommes, dépenaillés s'étaient rapprochés pour écouter la conversation de plus près. D’abord silencieux, ils ne faisaient que murmurer en commentaires désordonnés et inaudibles à la conversation. Leurs regards brillaient, intenses.

Amertume. Déception. Tristesse. Mluïe serra les dents.

- Menez-moi à Neki, dit Nzun simplement.

Dans la foule alentour, le prénom du forgeron naquit. Puis, il fit le tour. Puis, tout le monde l’appela à des moments différents. Les regards violets, bruns, bleus, gris, verts fixaient Nzaun. Les hommes, les femmes et les enfants lui offraient vœux, quête, tout ce qu’ils ne pouvaient pas faire. Ils ‘étaient coincés dans cette grotte jusqu’à temps que les hommes des plaines ne reculent ou cessent tout du moins de les persécuté. Ils avaient perdu nombre de leurs proches. Leurs filles. Leurs fils. Leurs frères. Leurs sœurs. Leurs parents. Leurs amis. Certains s’était battus jusqu’au bout. D’autres, avaient péri sans avoir même le temps de se défendre. Les familles avaient été séparées pour ne pas se faire repérer. Car il était plus en plus dur de se cacher dans les montagnes. Et les milices étaient de plus en plus nombreuses et en usant d’argent et du règne de la peur ; ils ralliaient des villages à leur cause. Achat et effroi étaient leurs maîtres-mots.
Dans chaque regard, une fleur ouverte ; celle de l’espoir qui attendait tant. Les visages, en cet instant, changeaient et la lassitude et la tristesse muta en joie, en perles de rire, en extrêmes espérances. Ils connaissaient un nouveau bonheur : celui de pouvoir à nouveau exister. Et Nzaun serait porteur de cette délivrance.
Les mains se tendirent à son intention pendant qu’on entonna des chansons qu’on créa à cette occasion. Elles contaient l’arrivée de Nzaun par l’entrée de la Mort, la Porte du Danger. Lui, avait résisté, il était vaillant disait la chanson. Il n’avait succombé aux coups des longues dents, disait-elle. Les hommes des plaines n’avaient pu le trouver car ils ne savaient que l’Oeil-Violet était né.
Tout un chacun s’évertua à apprendre la chanson par cœur qu’ils mirent en musique immédiatement. L’ensemble des voix en canon résonnèrent et firent l’effet d’un tremblement de terre dans cette immense cavité d’Oiseau. La résonance percutait les murs, vive comme le tonnerre. Leurs voix, sûres et chaleureuses portaient les notes d’un bonheur à venir.
Pendant que le chant entouraient Nzaun, Mluïe, Loëve ainsi que Lyak et Johan ; un groupe de jeunes enfants coururent vers eux. Les enfants se regroupèrent autour de Mluïe. Elle regarda chacun pour leur sourire et ébouriffa les cheveux à certains. Puis l’un deux, une petite fille d’environ 8 ans, attrapa sa main en riant aux éclats et l’invita à la suivre doucement. Le reste du groupe d’enfant poussa Loëve dans le dos pour qu’il s’engouffre dans le passage que la foule ouvrit à la suite de Mluïe en criant “C’est là-bas, c’est là-bas !”. Puis, un petit garçon de 6 ans n’arrivant même pas en haut des jambes de Nzaun se positionna bien en face de lui, prenant garde de bien lui faire face. Il leva sa petite tête ronde et prononça méticuleusement, comme s’il avait retourné le mot une centaine de fois dans sa tête, pour s’exercer :

- Oeil-Violet.


Puis, du doigt, il pointa le passage découvert au milieu de la foule ; pour qu’il suive lui aussi. Toute la foule montrait le chemin à Nzaun en insistant avec bonté dans le regard, l’invitant à suivre sa sœur et Loëve.
Il les rejoignit donc, sachant qui ils trouveraient au bout du chemin.
Une autre enfant plus âgée glissa néanmoins dans l’oreille à Mluïe :

- Neki, Neki vous attend. Il sait, il vous attend.




***




- Dis, peut-être qu'on doit leur pardonner.
- De quoi ?
- De nous haïr.
- Tu penses ?
- Oui.
- Ah.
- Peut-être qu'ils feront comme nous, plus tard.
- Peut-être.
- Oui.
- Ou peut-être que ça ne changera rien.
- Je ne sais pas.



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Sanz
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeSam 13 Juil - 19:28

Il sait. Nzaun redécouvrit l’homme qu’il avait connu il y a longtemps. Dans d’autres époques, d’autres vies. Ses yeux violets s’étaient assombris et son visage, jadis si fin, s’était durci. Il portait la peau hâlée de ceux qui ont choisi de s’aventurer dans les plaines où le soleil vient plus souvent, où il faut aussi labourer la terre et cultiver son repas. Peu de cultures traditionelles approchaient les royaumes humains, alors il fallait se nourrir autrement. D’un geste timide il salua les deux Amarën et ignora Loëve qui se contenta de s’appuyer à une paroi pour les regarder de loin. Quand il parla ce fût avec une voix grave et visiblement fatiguée :

- Votre réputation vole plus vite que vous, fils et fille d’Alamïr*.  Tant et si bien qu’on devine votre arrivée par le bruit que le monde fait avant que vous approchiez même d’ici.

Il les  invita à s'asseoir sur un tapis richement décoré d’une scène pastorale, encadré par des bords cousus au fil d’or. Mluïe et Nzaun s’exécutèrent et ce dernier déposa son sac devant lui, bien en évidence. Neki fit une moue en regardant le sac :

-  Il est toujours de mauvaise augure de montrer ce genre d’affaire... . Que me vaut votre venue jusqu’ici?

- Elrik est mort ou disparu, en Albre, répondit sans aucun ménagement Nzaun, tu es donc le seul à même de m’aider encore.

Les yeux du forgeron s’assombrirent tandis qu’il accusa le coup en silence. Immobile, il voila sa douleur dans une détermination froide et résignée. Il n’avait jamais été vraiment rassuré de le voir poursuivre en Albre l’oeuvre de leur maître, d’autant plus quand on savait qu’il acceptait les commandes des Arshenen dans la foulée. On avait beau ne pas être regardant sur les origines, la couleur de certaines étaient quand même grandement prononcées rien qu’au nom. Nzaun continua sans s’inquiéter de son ressentiment. De toute façon, des deux côtés, il n’y avait plus rien à penser.

- Il faut que tu reforges Alassöm, Neki.

Loëve frissonna brusquement, le regard ahuri par les propos qu’il entendait. Même s’il n’avait pas réagi sur la façon dont le forgeron les avait  appelés, n’ayant que vaguement entendu parler de cette famille qu’on dit faire partie des  héritières directes des grands Oiseaux, mais le nom de ce qui ressemblait fortement à une arme lui fit manquer de respirer pendant quelque secondes. Il avait beau avoir reçu une éducation lacunaire et s’être finalement peu intéressé à l’héritage des Amarëns, ce nom-là personne ne pouvait l’ignorer. Il murmura en lui même le nom en lui associant ce qu’il avait retenu des livres qu’il avait pu lire il y a bien longtemps.

- Allasöm, Celle qui chante aux oreilles des Oiseaux... .

Un gamin à côté de lui d’une quinzaine d’années se retourna brusquement vers lui en lui demandant, surpris par son propos :

- Que voulez vous dire par Celle qui chante aux oreilles des Oiseaux?

- C’est une arme légendaire, qu’on dit appartenir aux familles qui ont connu l’Eveil des Oiseaux en des temps trop anciens pour qu’on s’en souvienne vraiment. Cette lame est comme le serment... qui lie les Amarën aux Oiseaux. On dit même qu’elle chante dans leur âme et que celui qui la possède peut les appeler, quelque soit l’endroit où il se trouve. Tu imagines, petit,  si c’était réellement cette arme...  .

Si le doute existait, il fut vite balayé par les murmures et l’attroupement autour des enfants d’Alamïr, murmures qui muèrent en des cris de surprise générale quand Nzaun sortit les fragments d’une lame qui, bien que brisée, brillait comme un soleil sur le tapis. Tout l’endroit s’éclaira comme si un feu venait de naître au milieu de tous. Neki se recula en marmonnant, tandis que le regard de Nzaun le fixait, les pupilles flamboyantes. Les mains de sa soeur s’étaient mises à s’enflammer faiblement, du même feu qui embrasait visiblement les fragments de l’arme. Les cris redoublèrent d’intensité et cet fut brusquement toutes les cavernes avoisinantes, tous les hommes et femmes valides qui s’approchèrent, encadrant le petit groupe de leur visage stupéfait. Certains d’entre eux s’inclinèrent en se mettant à genoux, tandis que d’autres serrèrent les mains de leurs voisins en proférant des cantiques divins. Neki reprit lentement ses esprits et, gardant les yeux baissés pour ne pas croiser les pupilles enflammées de Nzaun, remarqua d’une voix hésitante :

- Vous... vous n’avez pas le pommeau.... comment voulez vous que je m’essaie à ce genre de tâche... .

- Vous savez reconstruire cette lame, Adölm vous l’a forcément enseignée, et vous savez comme moi que la lame et le pommeau ont été forgés en des lieux différents, l’un appelant Shyvïe*, l’autre Shëna*. Vous n’aurez pas besoin du pommeau, et même cela, j’en fais mon affaire pour le retrouver. Je vous laisse seulement le temps de cette enquête pour la reforger. A mon retour elle devra être.

Elle devra être, Neki trembla tout en fermant les yeux. Il savait, effectivement, mais cette entreprise lui filait une frousse bleue. Ô combien eut-il rêvé que son frère, plus assuré et plus expert soit encore là, devant lui, pour s’occuper de cette tâche et le laisser rêver en silence, admirant de sa petite place près de l’enclume frapper le métal runique pour lui insuffler à nouveau le feu des Volcans et la mémoire de leurs Pères. Rendre la vie à cette lame ! Combien eut-il rêvé de la voir se former tandis qu’il jouerait nerveusement avec ses mains, l’impatience naissant comme une vague d’admiration et de fascination! Mais c’était lui que l’héritier des Alamïr fixait et c’est à lui qu’il avait demandé. Lyad s’approcha et s’asseyant à leur portée tendit sa main amicale pour la poser sur l’épaule du forgeron.

- Tu sais comme nous ce qu’il se passe dehors, tu sais comme nous pourquoi et comment nous sommes  tous arrivé ici, retranchés dans nos ruines pour fuir les outrages que l’on inflige à nos peuples. Nous n’avons pas le temps d’hésiter ni de pleurer ceux qui ne sont plus là pour chanter avec nous, Neki. Nos familles l’exigent, et il est temps pour nous de nous relever. Ce n’est pas en s’enfermant dans des grottes millénaires, fussent-elles sacrées, que nous saurons protéger ceux qui vivent au dehors et qui défendent le peu de chose qui nous reste.

Sa voix était douce et convaincante et son visage si compatissant devant les émotions du forgeron qu’il s’inclina légèrement avant de répondre :

- Shëna ne zöl*. Je ferai ce que je peux.

Puis il prit un tissu qui traînait derrière lui et recouvrit les fragments. La lumière s’éteignit tandis que les pupilles de Nzaun et les mains brûlantes de Mluïe s’apaisèrent. Alors tous deux se relevèrent et le grand frère dit d’un ton sec :

- Nous reviendrons dans une semaine.

Enfin ils se retournèrent et traversèrent la foule fascinée qui s’ouvrit en deux pour laisser passer les deux enfants d’Alamïr. Dans leur sillage, les têtes s’inclinèrent et les mains se croisèrent en signe d’infini respect. Pour une fois Mluïe n’était ni joyeuse à sauter en tout sens ni insouciante - la parole de son frère et la vue de la lame l’avait comme transformée. Ainsi pouvait-on parler aux oiseaux, vraiment, et les appeler à soi. Sa main droite aller chercher celle de son frère et la serra fort comme pour sentir en lui son accord et sa détermination.
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Lumeï
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MessageSujet: Re: A l'Ouest, les oiseaux reviendront   A l'Ouest, les oiseaux reviendront Icon_minitimeMar 23 Juil - 17:22




Les deux frère et soeur avaient quitté la grotte des oiseaux, le refuge du peuple. Leur chemin parcouru à l'inverse fut accompagné d'un silence serein. Chacun était plongé dans ses propres réflexion. Nzaun avait trouvé l'épée, celle de la légende de leurs ancêtres. Mluïe était soucieuse, pensive et gravissait ses souvenirs à petits pas dans son esprit. Une porte de son âme s'ouvrit. Elle y entra pour chercher un sens, des sens. Elle s'ouvrit aux possibilités, pensa à leurs attentes. Son regard brillait de toute la force de l'espoir, doucement. Toute l'énergie de son corps apprit quelque chose de nouveau : ses pas, l'un après l'autre devinrent calmes, détendus.
La jeune fille regardait son frère avancer devant elle. La vue était de dos mais dans sa marche, elle devina combien il devait faire valser les pensées dans tête. Ses pensées, petites fleurs, devaient probablement tomber des nuages de l'immense ciel de l'univers. Des pensées qui volaient comme des oiseaux. Mais toujours avec ordre. Nzaun, son frère, pensait toujours avec ordre.

Loëve les avait suivis sans mot dire. Il avait conscience que ses partenaires de voyage venaient de créer quelque chose. En revanche, au lieu de fuir ce contre quoi il se battait. Il se retrouvait, grâce à la grotte, embarqué à les retrouver de plein fouet, aux premières loges. Aurait-il ce courage qui tant de fois lui avait manqué ? Qui l'avait éloigné des siens, ces siens qui le rejetaient ? Était-il temps d'effacer ces mauvais souvenirs pour en créer de nouveaux, devenir enfin ce qu'il voulait et non plus être ce que ces "siens" avaient toujours voulu qu'il soit ? Le regard de Loëve était perdu. Il était en bataille. En lui, et contre et pour lui. Il cherchait à tâtons qui il était. Pourquoi et pour quoi il était. Mais son regard emprunt d'une douleur profonde se transforma. Il muta en détermination et son corps entier changea. Sa démarche, ses gestes. Peut-être même sa voix mais cela personne ne le savait encore. Son âme grandit et fît le choix d'un chemin. Le sien.

Jehan qui illuminait les parois rocheuses en début de procession s'exclama :

- C'est là, on est arrivé.

Sa voix endormie dans sa gorge tiède força un peu. Quelques notes rauques s'entrechoquèrent dans les airs de l'immense et large boyau et la salle que dévoilait le meuble.
Nzaun acquiesça de la tête pour le remercier. Mluïe pensa au forgeron qui, sans leur rencontre réciproque, n'aurait peut-être en un autre temps, en un autre monde jamais permis de retrouver les Oiseaux. Peut-être. Chaque respiration en était façonnée. Le monde lui-même, imprégné d'incertitudes. Mais ainsi Nzaun et Mluïe avaient toujours vécu. En se concentrant sur la rencontre des Oiseaux, à l'Ouest, ils avaient toujours gagné dans les obstacles qui les avaient mis parfois en péril. Leurs parents. Mluïe chercha leur visage dans ses souvenirs enfouis. Pas de trait. Ou plutôt plus de traits. Ils avaient disparu ce fameux jour où Nzaun et elles les avait quittés. L'émotion qui voilait sa conscience, probablement. Elle avait essayé mille fois sans parvenir à retrouver les images. Son frère lui avait dit pourtant, cette recherche perpétuelle faîte d'angoisse et de voeux la bloquait. Elle devait faire les choses plus simplement. Puis quelque chose lui revint en pleine face : un rien de néant ; elle n'avait sur les rives échouées de sa mémoire que l'empreinte de leurs voix. C'était déjà pas mal.
Mluïe aurait voulu dire à son frère cette deuxième chose qui lui était revenue en plein face lorsqu'il avait ressorti la lame du sac de cuir pour la montrer à Neki. Un deuxième rien de néant venait de la croquer, toute entière. Une image, cette fois. Cette image qu'elle avait tant attendue qu'elle avait ployée en ce désespoir de ne jamais en avoir. L'image d'une main, celle d'un homme qui rangeait l'épée dans un écrin de cuir pommelé noir posé sur une table massive de chêne. Le souvenir vieilli lui offrit les contours de cette main dont la couleur de la peau était hâlée. L'âge rapprochait les veines d'un bleu léger et lointain contre l'air ambiant, contre le soleil tiède. La jeune fille était restée coite. Une montée d'émotions l'avait, à ce moment, submergée mais son frère qui avait parlé à Néki avec cérémonie, et cette foule l'empêchait de partir les jambes à son cou pour répandre ses larmes dans le ciel bleu. Elle avait reconnu la main de son père, leur père. Mais, comment avait-elle pu l'oublier ? Cette image qu’elle avait eu un jour sous les yeux, devant elle. Leur père, en chair et en os. Pourquoi ne voyait-elle rien d’autre ? Le reste de son corps ? Le reste de la pièce ?
Mluïe était silencieuse. Elle attendait, regardait tantôt son frère, tantôt Loëve qui semblait avoir gagné en assurance. Elle regardait les autres sans les écouter parler.
Elle les avait suivis jusqu'à la table bien large du salon, tous prirent place et Jehan s'adressa à Nzaun. Sa curiosité relâchée, elle s’inquiéta :

- Où vas-tu aller pour enquêter ?

Calme, il expliqua :

- Je ne répondrais pas. Moins de personnes le savent, mieux elles sont gardées.

Il n'eut pas besoin d'en dire plus. Jehan et Lyad qui oeuvraient avec la grotte avait une conscience assurée de ce type de problème. Cela n'empêcha pas ses sourcils de se froncer et de les mettre en garde d’une voix qui flirtait avec l’anxiété.

- Vous devrez user de prudence acharnée contre l'envie qui taraude l'esprit à préférer la vitesse, l'impatience.

Il soupira.

- Vous le savez déjà, mais... nous tenons à vous.

Ces mots, ils les avaient pêchés en son coeur, ce nid profond de l'âme. Ils étaient aussi les enfants qu'ils avaient toujours gardé sous leur épaule. Leur famille. Lyad leur souriait.


- N'oubliez pas non plus de vous reposer, s'esclaffa-t-elle,
l'air moins alarmant que son mari.

Son petit rire détendit l'atmosphère et amena sur le bout des lèvres de Nzaun un sujet qu'ils avaient mis de côté trop longtemps. Bien sûr, de fut de la manière la plus concise comme à son habitude. Pas de superflu.

- L'orage, rappella-t-il.

Ses yeux se posèrent à la fenêtre, sur les gouttes qui fouettaient maintenant le sol d'une manière qu'on aurait pu dire cruelle si les éléments avaient l'âme de la conscience et son inverse, l'inconscient.
Les autres qui s'étaient tous très rapidement acclimatés au bruit et à cette obscurité l'avait totalement omis. L'urgence refit rapidement surface, voire même s'accéléra. Car la pluie était plus intense, plus rapide et plus forte qu'avant leur entrée dans la grotte. De plus, des éclairs nets et précis jaillissaient des nuages noirs d'une façon bien étrange : ils sortaient et grandissaient pour frapper en même temps, à la seconde près. Leur éclat fit briller les yeux de tout le groupuscule qui observait, incrédules. C'était oeuvre anormale de la nature et il y avait nombre de questions à se poser.
Juste après que la foudre se soit explosée contre le sol de cette façon si invraisemblable et nouvelle, Jehan regarda alors Nzaun dans les yeux :

- On doit y aller, vraiment. Ça pourrait presque être inquiétant !

Dans le regard l'amusement et une pointe d'excitement à ne savoir ce qu'il en est, ce qu'il en sera. A rire des vents.

Nzaun se leva en premier avec Jehan qui partit chercher un sac et des capes de cuir pour parer cette pluie battante qui maltraitait la surface de la terre. Il revint les bras chargé et chacun s'affubla de ce nouveau vêtement qui n'était pas des plus pratiques mais qui au moins leur permettrait d'échapper plus qu'il n'en faut à cette humidité.
Tous vérifièrent qu'ils portaient à leur taille leurs armes par simple réflexe d'habitude. Mluïe ouvrit la porte et se lança s'en ménage à l'extérieur, le regard droit et curieux.
Loëve ne s'en soucia même pas.
L’Amarteh avait enfin compris qu'elle n'avait pas souvent peur, cette étrange enfant. Ils les aideraient jusqu'au bout quelque soit l'issue, quelque soit sa vie ou sa mort ou ses sacrifices. Il l'avait décidé dans cette cavité d'Oiseau. Il suivit Mluïe pour  aller l'aider à détacher les chevaux et présenter les leurs à Nzaun et Jehan. Ils enfourchèrent tous leur monture qu'ils dirigèrent vers le centre de la manifestation de cette tempête contre-nature, en bataille à la route qui gravissait la colline dans le creux de cette vallée verte.
Le vent les poussaient et fouettaient cruellement leur visage. Aussi, la température lorsqu'ils s'approchèrent chuta terriblement. La mâchoire de Nzaun était crispée afin d'empêcher que ses dents ne claquent. Les mains de Mluïe qui tenaient fermement ses reines tremblaient par spasmes. Loëve avait les yeux tellement plissés qu’on n’en distinguait même pas la couleur. Le vent devint plus puissant et l'allure des chevaux ralentit.
Le sac de Jehan s'envola. La force du vent l'avait détaché et emporté en l'air comme si la gravité ici se fichait d'être à l'envers mais l'était au contraire, avec aise. Jehan fit l'erreur de tendre sa main et son bras gauche pour rattraper l'objet qui avait déjà disparu. Ses prises, amoindries le firent chuter de son cheval et il s'écrasa sur le sol glissant que l'eau inondait et transformait en une mer de boue. Ses glissades et le vent voulaient l'emporter, un peu comme le sac qu'il avait tant tenu à récupérer mais le déplacement de ces éléments se voulait à l'horizontal et non pas vertical pour lui. Jehan pensa :

*Je ne suis qu'un grain de sable dans la main d'un géant.*

Puis, il referma ses deux bras autour de la patte avant gauche de son cheval pour éviter, déjà, d'être séparé de ses compagnons et de se laisser un peu de répit pour réfléchir à comment remonter sur sa selle.





***





- Où va le vent ?
- Chanter pour les oiseaux.
- Ils parlent le même langage ?
- Non.
- Alors comment ils font ?
- Ils en parlent tous plusieurs. Franchement, tu devrais le savoir.
- Bien non, je ne sais pas.




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