Quête nocturne

L'hiver. Froid et obscur.

Dans la chaumière, tous se collent les uns aux autres. L'âtre n'est plus que cendres, aussi glacées que le désespoir. Le Père réprime une toux fatiguée. La fillette, d'ordinaire bavarde, s'enferme dans le mutisme. La voix de la Mère, plaintive, s'élève :

« Elle ne tiendra pas. Il faut y aller. Je t'en prie. »

Le garçon hoche la tête dans le noir. Il a compris. S'il ne le faisait pas, tous mourraient de froid avant l'aube.
La peur au ventre, il se lève, et se glisse au dehors. Une grimace déforme son visage lorsque la bise le frappe. Ses lèvres gercées se craquèlent, mais il n'éprouve qu'une douleur assourdie.
Il lève les yeux. Le ciel est clair, cette nuit, et la Lune dispense sa pâle lumière.
Même les nuages n'osent s'aventurer à l'extérieur.

Il sait où il doit se rendre. Et cela le terrifie.
La forêt est épaisse, mais les arbres nus. Si la veille, quelques feuilles subsistaient d'un automne plus long qu'à l'habitude, elles ne sont maintenant plus que souvenirs.
Il pénètre dans le désert d'arbres morts. Il se sent l'un d'eux, sans plus rien entre lui et le gel. Plus jeune, on lui racontait que les démons du Froid venaient chercher les enfants désobéissant. Plus que jamais, il espère que ce n'était qu'une simple histoire.
Sa tâche est des plus simples, mais il doute d'y parvenir.
Il passe d'interminables minutes dans cet enfer de glace.
Autour de lui, diables et esprits s'agitent. La sifflement du vent donne vie à ces faces macabres au rictus mauvais. Il trébuche, sans doute victime d'un mauvais tour d'une de ces branches perfides.
Il s'écroule, le nez dans la terre solide et ferme.
Il se relève, en nage malgré le froid.
Il achève sa tâche, et tourne les talons, son fardeau chargé sur ses trop frêles épaules.

Il cherche des yeux son chemin. Les larmes lui montent aux yeux : il s'est perdu, désorienté par sa chute. Depuis toujours, Mère le mettait en garde contre le bois, pourquoi fallait-il qu'elle l'y envoie maintenant ?
L'esprit égaré, il se remet quand même en route.
Il erre durant quelques instants, des siècles. Il fait quelques pas, des lieues entières.
Soudain, il arrive dans une clairière. Une grande clairière. L'orée.
Il esquisse un sourire, mais tremble trop pour éprouver une quelconque joie.
A son regard vide se révèle son humble demeure. Il se dirige vers elle. Il l'a toujours sur le dos.
Avec effort, il pénètre dans la chaumière, qui lui semble bien plus chaleureuse qu'à son départ.
Dans l'obscurité, il croit distinguer le regard empli de gratitude de la Mère. Chacun se tait.
Il s'effondre sur le sol, vaincu par l'épuisement.

Un peu plus tard, il entrouvre les yeux.
La flamme brûle d'une lueur orangée. Grâce au bois qu'il est parvenu à ramener, le brasier gagne lentement en intensité, et les corps étendus autour se réchauffent un peu.

Ils ne mourraient pas de froid.
Pas cette nuit.

Voila un texte de bonne facture.

Bien mené, avec plusieurs bons effets de styles, par exemple :

Citation :

Même les nuages n'osent s'aventurer à l'extérieur.

Citation :

Il erre durant quelques instants, des siècles. Il fait quelques pas, des lieues entières.

Juste deux choses, pour moi :

Citation :

sans plus rien entre lui et le gel

J'aurais formulé différemment, c'est un peu lourd, ici.

Citation :

son humble demeure

Expression toute faite qui convient peu ici, je pense que tu seras d'accord.

Mais sinon, très bon texte, bref mais efficace (attention aux retours à la ligne trop fréquents).
On est bien pris dans le récit, et la lecture est fluide et agréable.

Contente de te revoir dans les rayonnages Cotin.
Petit texte sans prétention et en même temps qui a une certaine force. Qui fait devenir le simple ramassage de bois une aventure, plus fort que prince de Lu quoi.
J'aime beaucoup comment tu traduis les sentiments de l'auteur, notamment dans sa réaction physique lié au mental. Oui je me comprends.
Tu as une plume très soignée, plutôt soutenue, qui fait très écriture du passé ou qui fait qu'on se sent transporté tout de suite dans le fantastique comme avec ton premier texte posté sur Ta. La question est de savoir si avec ce style tu écris du contemporain peut être n'as tu pas envie après tout. En as tu déja écrit? si oui on pourrait voir ça monsieur?

Juste coquille pour nuit il y a écrit luit. Trop de retours Green a raison. Et des fois même si les structures sont bonnes certaines de tes phrases sont un peu trop alambiquées.

Green, Xupinette, merci pour vos commentaires

Pour les retours à la ligne, ça ne m'avait pas frappé, mais effectivement, après relecture, c'est vrai qu'il y en a un peu beaucoup pour un texte de cette longueur. Le f'rai plus, m'sieur.
En revanche, Xupinette, pour les "phrases un peu trop alambiquées", tu pourrais me dire lesquelles ? J'ai tenté justement d'éviter ce genre de manie, si ça persiste quand même, faudra que je me fasse soigner

Pour le contemporain, vi, je m'y suis déjà essayé mais... je n'arrive pas à grand chose, à part quand il s'agit de critiquer, et des textes râlant sur la société actuelle, y'en a déjà bien assez^^