Un chat et son maître

Bref détour dans la lignée du texte "Les femmes". Simple exercice stylistique.


« Les experts Manhattan ». Le chat, de ses pupilles dilatées, regarde fixement TF1, subjugué par la bêtise de son maître devant tant de niaiseries. L’indécision, l’hésitation. Lève toi. Sweet à capuche, l’œil vide, il enfile ses godasses, appuie sur le bouton. Un silence pesant s’installe, instinctivement rompu par le matou.

A dream… La porte d’entrée se ferme, claque. Ce néon grésille et la pupille saute en rythme, lumière blafarde. Rue pavée, la pluie glacée. Humide et pâle. Puis trempé. Intemporel, ça s’écoule puis s’égraine, ça s’passe. Marche. Pense. Marche. Pense. Cadence ses pas. Il pousse la porte. Elle grince. Crissement de la poignée. La chaleur est moite, la musique suinte des notes. Il hume de sa truffe. Ca sent le graillon dans la cuisine, la sueur dans la salle, la bière au comptoir.

Nonchalamment, il observe son maître sous la pluie.

La clope au bec, il vogue de groupe en groupe, bourlingue sa carcasse. Aimablement, il fait taire. Regard perçant. Tranchant et aiguisé. Le placide reprend son droit. Au loin un ancien pote arrive. Pas lent et assuré. Ca pleut toujours. Les esprit embrumés par les volutes d’alcool se taisent, rentrent, sortent, égayent la nuit glauque de l’obscure ruelle. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps. Claquant la bise, ça discute. Sourires troqués, souvenirs échangés. Ils ont l’air heureux de se revoir. Elle. Elle… Elle, elle sort. Elle s’approche à pas feutrés. Discrète. Robe noire très courte, borsalino, maquillage noir. Sombre. Ténébreuse et inquiétante. La voleuse de cœur. Fugace, matou se précipite vers elle, ronronnant déjà de plaisir. Elle rejoint un homme juste à côté de lui. Elle lui murmure des caresses, gémit de tendresse. Elle l’embrasse. Devant mon maître. Elle… Ecoeurante de désir et de plaisir. Ils se dévorent. Il le connaît. Frapper… Frapper. Il le connaît bien. Frapper… C’est un précieux ridicule qui se vante de pratiquer des arts martiaux. Tout s’effondre. Tout s’écroule. Il fuit. Plus loin, loin. Frapper…Un instant. Deux instants. Il revient. Serein. Ignorant. Vide. Pas un seul regard. Il reprend. Discussion. Lâche un sourire. Un poignard lancinant qui lentement se meut au creux du cœur. Ca saigne. Au gré de la souffrance, ça baigne. Une larme se dessine sur l’œil de mon naïf de gardien. Il s’en va. Sans mot. Sans rien. Ecrasé par le poids de la douleur.

Moi le chat, je lui avais dit que c’était une salope.

Et pourtant j'ai l'impression d'avoir toujours autant de mal à les faire résonner par rapport au sentiment "réel". Merci pour ton petit mot .

J'aurais pu faire dans l'originalité et révéler le narrateur chat à la fin sans laisser de traces. C'est une scène flash pour cracher un moment de violence intense. Je structure mes sentiments de la façon que je juge étant la plus "proche" du ressenti. Je n'ai pas encore de structures différentes de celle-ci : haché, figé dans le mot comme une bulle, qui soit à même de transcrire un sentiment d'une manière correcte et proche de la réalité ressentie. C'est vraiment quelque chose de frappant, une somme d'émotions incontrôlable. L'écriture essaie de refléter ces sensations d'une manière construite et particulière. Je regarderais plus en détail comment je peux améliorer la cadence, le rythme et l'émotion qui doit être transmise. Pour le chat oui, un manque de clarté délibéré, brumes de l'alcool à mettre en oeuvre plus en détail sans doute.

De ma lecture ressort cette impression : l'effet de rythme haché généré par le style d'écriture ne devrait pas être présent tout au long du texte. Je le verrai arriver de manière plus progressive. Car là, ton texte manque de force puisqu'il n'évolue que dans sa narration et non pas dans son style. Or, l'état du personnage principal évolue (j'hésite à dire "empire") au fil du texte, non ? Il est seul, puis est confronté à la foule, à la boisson, à la perdition des corps et enfin à cette femme qui provoque chez lui des sentiments violents de haine et de possessivité.