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 [background] Après, le temps des armes. [Journal]

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Green Partizan
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MessageSujet: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeLun 22 Fév - 23:38

Cela fait déjà trois mois que Kyara est partie. J'ai pu constater que quand une personne précieuse vous quitte, vous ne pouvez pas vous appuyer sur les idées stoïciennes classiques relatives à la mort, quand bien même vous les soutenez chaque jour et en vantez les mérites. Ainsi, je n'ai pas été capable de m'habiller de blanc à son enterrement, comme je me l'étais promis, ni même de ne pas succomber à la tentation de sacraliser tous ses biens. Je ne vis plus dans ma maison, car elle est devenue le musée de mon deuil. Evidemment, on me rappelle régulièrement qu'oublier prend du temps, que les bons souvenirs émergeront dans quelques temps. Mais cela ne peut me suffire, quand cela remet en cause tout un pan de mes idées.

Il m'a fallu un peu de temps pour me l'avouer, bien qu'étant moi-même très expérimenté dans le domaine de la psychanalyse. Symptômes et parades classiques : On passe de plus en plus d'heures à son travail, on se fait inviter le plus souvent possible chez les amis, pour éviter de dormir chez soi, on évite certaines pièces de sa maison, et ainsi de suite. Mais il y a un moment où il faut voir la vérité en face, chose dont je suis encore capable fort heureusement.

C'est curieux, cette manière de désigner cela. Dépression. Alors qu'on voit généralement de manière négative le fait d'être sous pression, notamment dans son métier. C'est sur ces considérations que je me suis donc décidé à aller voir un collègue psychanalyste de Wilwarin, seule ville à offrir ce genre de prise en charge. Outre mon chagrin, je lui fis part de ma fatigue chronique, en dépit de longues nuits de sommeil. Et bien qu'il le cachait, je vis clairement l'inquiétude dans ses yeux lorsqu'il me conseilla de tenir un journal, qui m'aiderait à surmonter mon deuil à travers la catharsis de l'écriture.

J'écris donc ces lignes, ce 22 février.

Cependant, je ne m'alarme pas outre-mesure de cela. Je pense que cet épuisement est simplement dû à la longueur de mes journées, et surtout, à l'intense effort émotionnel que je fournis ces temps-ci pour conjurer la peine. C'est presque comique à dire, mais je m'attends à avoir mes premiers cheveux blancs d'ici peu de temps.

Mon journal est un petit carnet rouge foncé, que j'ai récupéré dans un antique secrétaire au moment de notre déménagement de Sûl-Nar à Wilwarin, il y aura bientôt un an et demi. Je l'avais mis de côté, au cas où Kyara ou moi-même pourrions en avoir besoin. Il faut croire que le malheur m'a donné raison. C'est un cahier raffiné, de la taille d'une demi-feuille avec de belles arabesques encadrant la couverture. Un ruban doré permet de marquer la page à laquelle on s'est arrêté. Il sera donc le compagnon de ma convalescence, du moins je l'espère.

En tout cas, je suis plutôt satisfait de cette première expérience, bien que j’aie déjà écrit des journaux par le passé notamment durant mes voyages. Je suis parvenu à noircir une page entière sans avoir le besoin de déverser plus d'une ligne d'émotion lancinante. Et je n'ai pas triché.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeLun 8 Mar - 2:35

7 Mars.

Le temps passe, et à mesure que les blessures se referment lentement mais sûrement, ma fatigue empire. Je suis de plus en plus en proie au doute, d'autant que j'ai tenté plusieurs moyens de remédier à cet épuisement chronique. Je suis allé nager aux thermes de la ville, hier soir, jusqu'à une heure tardive. Je pensais que les bénéfices d'un long effort physique relatif, ajoutés à la fatigue qu'ils entraînent contribueraient à me faire passer une bonne nuit de sommeil. C'est l'impression que j'ai eu, toutefois, je me suis réveillé dans un état plus consternant encore que lors des précédents matins. J'ai tenté le lendemain au contraire, de passer une journée très reposante, étant en congé. Je suis tout de même passé à la bibliothèque de Calliope, mais afin d'emprunter un livre. J'ai passé tout mon temps entre les pages, une tasse de thé à la main, ne m'arrêtant que pour déjeuner et dîner. J'en ai retiré la satisfaction d'être dans une forme correct, au soir. Mais mes espoirs ont duré le temps de la nuit, et j'ai émergé à nouveau dans le brouillard épais de la faiblesse.
Ne m'avouant pas vaincu, j'ai tenté de me coucher plus tard, et de me réveiller plus tôt, misant sur le fait que de longues nuits pouvaient aussi être responsables de tout ça. Je reconnais que c'était une mauvaise idée : cette fois la fatigue était évidemment pire que tout. J'avais délibérément tiré très fort sur la corde. J'ai également essayé divers régimes alimentaires ces derniers jours. Des soupes de légumes, des plats très riches au contraire, plus de viande, moins de ceci, moins de cela, mais rien n'y fait. Et je constate avec désarroi que mes idées ne cessent de perdre en subtilité et en logique, et viennent à se tarir.
Mon psychanalyste m'a conseillé de prendre des somnifères. C'est une solution que je préfère garder de côté pour le moment, craignant de tomber dans l'enfer des "pilules pour dormir". Cela dit, j'examine de plus en plus cet ultime recours, car la situation devient critique à telle point que travailler devient une souffrance réelle, qui s'accompagne d'erreurs et de mauvaises manipulations. "Le manitou débloque" disent mes collègues, ou du moins je suppose.

En revanche, il demeure une solution en laquelle je place de bons espoirs. Il y a dans ma famille du côté de Sûl-Nar, des cousins et notamment un que je connais bien, connus pour leurs dons de guérisseurs. J'ignore s'ils soignent la fatigue chronique, mais si ce n'est pas eux, il doit bien y avoir un ou une guérisseuse de la région qui sache le faire. J'espère.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeMar 20 Avr - 13:09

20 Avril.

Aujourd'hui, stupeur. J'ai enfin retrouvé mon journal dont j'ai été privé plus d'un mois. Mais quelle ne fut pas ma surprise de le trouver entre les affaires de Kyara, qui prennent toujours la moitié de la commode où je range mes vêtements. En vérité, je l'ai trouvé par hasard en tirant le mauvais tiroir. Le carnet était au dessus des piles, bien visible pour peu qu'on ouvre le fameux tiroir. J'ai du mal à m'expliquer sa présence ici ; mon hypothèse principale est que j'ai dû le poser là en hâte pour aller répondre au téléphone par exemple. Ce qui ne me révèle rien de la raison pour laquelle je l'aurais ouvert puis fermé sans en retirer le cahier.
Un de ces jours, il faudra que je réfléchisse à que faire de toutes les affaires de Kyara. Je ne me sens pas prêt à les donner à sa famille ou à m'en débarrasser d'une quelconque autre manière. Pourtant, elles sont telles un chat tapi dans l'ombre qui griffe toute personne qui passe à portée de ses griffes. Je crois bien avoir le corps couvert de griffures.
En tout cas, me voila à nouveau assis à mon bureau en train de noircir cette page d'encre. C'en est presque apaisant, paradoxalement au fait que ce soit le moment où mes problèmes me font vraiment face. Cependant, l'écriture reste un remède symptomatique.
Car je suis malheureux. Ma solitude est aussi pesante que salutaire. La moindre présence me rend distant et agressif, ce qui est aux antipodes de mon caractère habituel. Une amie et collègue est passée à l'improviste hier. Son prétexte était de récupérer le livre que j'ai oublié de rendre à la bibliothèque, mais je sais qu'elle s'inquiète pour moi. Un faux mouvement m'a fait échapper la somptueuse théière ouvragée que Kyara et moi avions hérité d'une grande-tante. Cela m'a mis dans une rage effroyable, et nous nous sommes bêtement disputés. Elle est partie en claquant la porte, je l'ai maudite cinq minutes durant avant de l'appeler en larmes pour m'excuser. Un vrai mélodrame, quelle déchéance. Au moins, percevoir le ridicule de tout ça a pu m'arracher un petit rire entre les larmes. Mais cela en dit long sur mon état. Je recherche la solitude, qui me tue à petit feu. Même au travail, j'évite les autres - il est vrai que je travaillais déjà peu en équipe.
En revanche, je crois que mon problème de fatigue commence à se résoudre. Depuis plusieurs semaines que je vois chaque lundi et chaque jeudi une guérisseuse de Sûl-Nar, et ses soins sont apparemment efficaces. Je me sens toujours fatigué, mais plus exténué comme avant. Il est curieux de constater que mes nuits se sont considérablement allongées, allant souvent jusqu'à douze heures de sommeil alors que je n'ai jamais été un grand dormeur.
C'est tout de même encourageant.
Mon psychanalyste reste très préoccupé par mon cas. C'est rassurant de voir qu'il est très professionnel, et en même temps, il y a un côté inquiétant à cette sollicitude. Mais quand je lui pose la question, il élude ou me dit que c'est toujours comme ça. Je suis moi-même psychanalyste et je sais que si l'on est aussi proche et soucieux de chaque cas que l'on traite, on arrive rapidement à explosion, sans compter le temps passé avec chaque patient. Nos séances durent des demi-journées souvent, l'on déjeune même ensemble (il insiste toujours pour m'inviter). Je ne connais pas son emploi du temps, mais je doute qu'il déjeune avec tous les gens qui entrent dans son cabinet.

C'est fini pour aujourd'hui.
J'écris que je range mon journal dans le tiroir de mon bureau.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeSam 24 Avr - 21:09

24 Avril.

Tout s'éclaire subitement. Je sais pourquoi mon cahier a changé de place : quelqu'un l'a déplacé.
Ca faisait un petit moment que j'observais tout un tas de phénomènes particuliers ; ma veste longue en cuir que je mets très peu (la courte étant plus adapté au pilotage) était de retour sur le porte-manteau, sans que je me souvienne l'avoir portée ou même sortie du placard. Des objets divers tels que des livres ou des chaussures déplacés. Ou parfois même des choses plus anodines : les rideaux de la chambre ouverts au matin alors que je pensais les avoir tiré la veille avant de me coucher. Je n'avais pas fait de véritable "enquête", mettant ces faits sur le compte d'oublis dû à la fatigue chronique. Je m'étais même demandé à un moment si je n’étais pas atteint de la maladie de la mémoire. Mais là, je suis presque certain de ce qui se passe en vérité : un ou une inconnue pénètre régulièrement dans ma maison. J'ai retrouvé ce matin en m'éveillant, posée sur la table de nuit, un objet très particulier. De forme plate, fait dans un métal assez léger et de couleur noire, cela représente un œil dans une sorte de soleil d'où partent une multitude de rayons courbés. Ce à quoi je n'avais pas fait attention au départ, et qui m'a valu une douloureuse coupure à la paume de la main, c'est que ces rayons ont une arête tranchante comme une lame de rasoir. Ce qui me fait penser que cet objet à la symbolique certaine, est une arme.
Que faire ? Ecrire tout ça ici est déjà pratiquement prévenir cette personne, puisque j'imagine que si elle déplace mon cahier, elle le lit également. Mais étonnamment, je ne suis pas tant effrayé par tout ça. Si elle cherchait à me nuire d'une manière ou d'une autre, elle aurait eu cent occasions de le faire. En cette période difficile pour moi, c'est presque rassurant d'avoir une présence - de ce genre je veux dire, invisible, qui ne pèse pas, mais qui est là.
Cependant, que penser d'une présence qui essaye, porte peut-être, mes vestes et mes chaussures, et qui a l'usage d'une arme blanche. Pourquoi d'ailleurs l'avoir laissée chez moi ? Pour me prévenir de son existence, de cette sorte de collocation qu'il ou elle m'impose gentiment ?
Je dois dire que je ne suis pas dans la meilleure configuration physique ni psychologique pour décider quoi faire. Je pourrais tout rapporter aux services d'ordre, mais je ne sais même pas s'ils enregistreraient une plainte de ce genre, de la part d'un homme seul et dépressif.
Ca me fait toujours un drôle d'effet d'écrire ce mot.
Je pourrais aussi me barricader chez moi, je dois avoir assez de provision pour tenir un siège de plusieurs semaines. J'ai l'impression d'être un enfant jouant à cache-cache, c'est amusant, au regard du danger potentiel.
Finalement, je décide de ne rien faire d'autre que déplacer l'arme, pour lui signaler à mon tour ma connaissance de son existence. Je la pose sur un meuble du salon, je verrais ce qu'il en est demain. Tout ça me rappelle lorsque j'étais jeune, que je plaçais de la nourriture sur le rebord de ma fenêtre, et que je revenais voir le lendemain pour vérifier si les oiseaux l'avaient mangée.
Décidément, ce mystérieux visiteur me rajeunit.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeJeu 13 Mai - 15:04

25 Avril.

L'arme est toujours à la même place. Mystère.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeJeu 13 Mai - 15:04

1er Mai.

Après une semaine, l'arme a enfin disparu. Pourtant, l'inconnu est repassé entre temps, je le sais par plusieurs indices. Je suis très attentif, désormais, à tout ce qui apparaît, disparaît, ou change de place dans la maison. Mais en dehors de la fameuse arme, toujours aucun effet personnel concret de cette personne, encore moins un indice sur qui il ou elle est. Evidemment, je ne peux me permettre, vu mon état de fatigue, une veillée pour savoir à qui j'ai à faire, surtout que celui-ci pourrait ne pas se montrer ; rien n'indique clairement qu'il vient toutes les nuits.
Plusieurs fois cette semaine, j'ai observé du bout du salon le soleil noir posé. Je me suis imaginé me faire trancher la gorge par le visiteur au milieu de la nuit. Drôle d'idée, encore plus étrange de l'avoir. Je crois aussi que c'est pour cela que je ne crains pas cette personne, et que je ne fais que peu d'effort pour vraiment savoir de qui il s'agit : je n'ai pas peur. Ce qui pourrait m'arriver m'est égal. A qui manquerais-je après tout ? Je ne suis plus apparu en public depuis des semaines, et je fais un minutieux - et autodestructeur - travail pour voir mes proches et amis le moins possible. Je me noie dans mes disques - mélancoliques - de musique classique.
Parfois, j'ai vraiment honte pour tout ça. C'est peut-être d'ailleurs le but même de ce cahier : me mettre face à mon comportement, m'offrir un miroir de ce que j'ai pu devenir. Finalement ce psychanalyste n'est pas si mauvais.
Je suis toujours indécis sur l'attitude à adopter. Après tout, le soleil posé sur la table de nuit était-il vraiment un signe, un message laissé par l'inconnu ? Cela demeure probable tout de même, car il n'aurait pas pu trouver un meilleur endroit pour que je le remarque. J'hésite à lui laisser un mot, bien que j'ignore où je pourrais le mettre pour que lui le remarque. Que pourrais-je bien dire ? Lui demander qui il est, que fait-il chez moi, peut-être même demander si on peut se rencontrer. Comme si c'était un ange gardien.
Ecrire tout ça ici est déjà une forme de message, et il est encore tôt pour prendre une telle initiative, tant que je ne connais pas réellement ses intentions. Je sais qu'il n'est pas là pour me tuer, ou alors il prend un malin plaisir à faire durer les choses. Il n'est pas là pour me voler, puisque les choses qui disparaissent sont de faible valeur en général, et surtout, ce qui l'est, de valeur, ne change pas de place. Il n'a pas daigné toucher à ma collection de clefs du désert, qui doivent pourtant valoir une fortune surtout ici en Wilwarin, où très peu de gens connaissent les pierres précieuses.

Aujourd'hui, en cherchant quelque chose dans un tiroir de mon bureau (j'étais occupé à écrire ces lignes), j'ai mis la main sur un vieux carnet de bord d'un voyage de l'an dernier. Le papillon me manque, lui aussi. Je me demande si j'oserais voler encore avec, si je saurais même toujours le piloter. La dernière fois que nous avons volé ensemble remonte à plusieurs mois. Je crois que je vais laisser mûrir cette perspective un petit moment.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeDim 26 Sep - 15:15

20 Juin.

Des semaines que je n'ai rien écrit. Le temps m'échappe et se joue de moi. Les jours disparaissent régulièrement, et il ne demeure que les journaux pour me dire la date d'aujourd'hui.
J'ai fait une rechute. Je me noie de nouveau dans l'océan d'amertume et de regrets qui inonde peu à peu mon corps et mon esprit. Je m'aperçois qu'après 7 mois écoulés depuis sa mort, je ne parviens à m'y résigner. C'est le sentiment d'injustice, qui me transperce de part en part chaque matin où je m'éveille. C'est le chagrin de l'amour perdu, de la douleur éternelle, et l'inachevé. Je ne fais ni rêve ni cauchemar, car je sais que tout cela est réel. Je suis doublement accablé de me voir, moi qui me prétends si philosophe vis à vis de la mort, qui ait su encaisser celles de beaucoup de mes proches avec stoïcisme et raison, me voila à genoux incapable de relativiser quand bien même je sais que son départ est une libération au regard des tourments qui furent les siens. Je sais que ma peine est une peine égoïste, nourrie par la possession malsaine de l'autre. Je suis amoureux, et je ne devrais souhaiter que son bonheur, ou du moins, la fin de son malheur. Au lieu de ça, je sanglote comme un enfant qui va à l'école pour la première fois. L'école de la vie, mon vieux, et ce n'est pas mon premier jour. Je sais tout ça, je connais la douleur.
Et pourtant, je meurs de chagrin du levé du soleil à la tombée de la nuit, nuit qui demeure sans fin dans mon cœur.
Moi, enfant d'un pays de cocagne ayant eu une jeunesse plus qu'heureuse, comment ce qui s'est révélé comme mon plus grand bonheur a pu me faire basculer dans le précipice de l'errance, de la déception ? La passion est une chimère tueuse, qui vous roue de coups à la première occasion. Il y a encore quelques mois, je n'aurais jamais pensé écrire quelque chose de ce style, mais comme je regrette, pour une fois, que tout cela n'arrive pas qu'aux autres.



26 Septembre.

Ces lignes sont les dernières écrites par Green. J'avais déjà commencé à lui voler ses jours de plus en plus souvent, car son état devenait impossible. Au soir du 20 juin, grandement affaibli par la fatigue et la dépression, il a manqué une marche à l'étage et a roulé jusqu'au bas de l'escalier. Quand je l'ai retrouvé, assez peu de temps après, il avait l'arcade qui saignait abondamment, et plusieurs côtes fêlées. Je l'ai trainé jusqu'à son lit et je l'ai étendu. Il devenait évident qu'il était une menace pour lui-même, et d'ailleurs, qui sait de quoi il était capable, tant il était affecté ? J'ai ainsi pris la décision de le garder endormi jusqu'à nouvel ordre, pour son bien. J'ai également fait louer sa maison dès que j'ai pu, afin d'empêcher ses amis de le retrouver, et surtout car elle maintenait vivante son affliction (c'est d'ailleurs en mettant la main sur une photo de son couple qu'il a fait une rechute). J'ai mis toutes ses affaires dans plusieurs malles au grenier. On y accède par une trappe verrouillée et c'est moi qui ait la clé, les locataires ne risquent pas d'aller voir là-bas.
J'ignore ce que je vais faire de lui maintenant. J'avoue que j'apprécie ma nouvelle liberté, sans avoir à veiller sur lui. Cependant, il est clair qu'il ne peut rester indéfiniment endormi d'autant que sa famille risque de lancer des recherches pour le retrouver.

A méditer.
(Conserver ce journal est une excellente idée, je vais pouvoir y écrire afin de laisser une marque du temps, qu'il puisse comprendre ce qui s'est passé lorsqu'il se réveillera)
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitimeLun 1 Nov - 0:03

31 Octobre.

J'ai le sentiment que quelque chose de très important est en train de se jouer. Chaque jour, je reçois une masse infinie d'informations, et toutes ou presque m'enjoignent à la plus grande prudence. C'est comme si, l'eau la plus tranquille, avait soudain été agitées de remous. De remous inhabituels.
Nous n'avons jamais réellement ignoré quelles étaient les forces en présence, mais jusqu'ici, les pièces s'étaient contenté de se déplacer dans leurs camps respectifs. Tandis que maintenant, il y a de nombreuses interférences. La marque du Sang apparaît quasiment partout. Les Lunaires semblent se tenir sur leurs gardes - j'espère d'ailleurs que notre entrevue me permettra d'en savoir plus. Et le bruit court à propos d'une grande armée, qui ferait voile vers Ter-Aelis - sans aucun doute sous la bannière de l'Unique, seuls ses fanatiques disposent de telles forces.
Cette nouvelle configuration de l'échiquier nous a poussé à mener nos projets à terme plus vite que prévu, ce qui est rarement une bonne chose. Ceci étant, la tension d'une telle situation est formidablement grisante, et si je crains sur le plan technique, la confrontation qui devient de plus en plus évidente, elle me galvanise et je brûle de hâte qu'elle éclate. Beaucoup de vies seront sans doute mises en jeu, et le pouvoir qui reviendra aux vainqueurs (si un des camps est vainqueur) sera immense. Cette récompense est presque palpable, tant elle se pavane devant nos esprits. Et la promesse d'un tel butin est salutaire. Elle empêche la peur et démultiplie les capacités cérébrales. Elle aiguise les lames, charge les fusils, accorde les instruments.
L'important n'est pas de gagner, mais de toujours tendre vers la victoire. D'ailleurs le Cercle survivra sans aucun doute à la guerre qui se prépare, grâce à son réseau de relations et d'alliances. Si nous sommes dans tous les camps, nous serons aussi dans celui des vainqueurs.

La question de l'avenir de Green, demeure tout de même un mystère, dans tout ça. Je ne sais quand je pourrai le réveiller, si la guerre éclate, et même si je pourrais le réveiller. Bien sûr, je m'en servirais comme d'un bouclier indestructible, si je suis capturé. Mais ça ne règle pas le problème.
Pourtant, je continue d'écrire dans ce journal, pour lui, mais j'ai de plus en plus le sentiment qu'il servira également à d'autres. Ou plutôt, à l'Histoire en général.
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MessageSujet: Re: [background] Après, le temps des armes. [Journal]   [background] Après, le temps des armes. [Journal] Icon_minitime

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