Cul de Sac [En cours]

Et merde... Elle s'était encore fourrée dans une situation impossible... Elle n'avait jamais vécu pire, se dit-elle, tout bien réfléchi, en contemplant la lame posée sur sa carotide. Le souffle court, elle planta son regard dans celui de son agresseur. Sa stupidité se lisait comme dans un livre ouvert, si bien qu'un sourire apparut au coin des lèvres de la jeune fille. Derrière lui se tenaient ses acolytes, au QI encore plus bas si possible c'était, le regard torve, les mains sur leurs poignards. Son sourire disparu lorsqu'elle sentit la main de son tortionnaire se balader sur son corps. Qu'allait-il lui faire? Tout son assurance s'effondra, elle n'était qu'une jeune femme de 16 ans, bien trop faible pour se battre contre ce tas de testostérone.... Avec appréhension, elle ferma les yeux et tourna la tête...
Et soupira presque lorsque le lascar en arriva à lui subtiliser le paquet de cigarettes qui se trouvait dans sa poche droite...
L'homme pris une clope et la cala entre ses dents, qui se révélèrent jaunes-brunâtres, il ricana :

- Hinhin, de quoi t'as peur ma petite?

Il alluma une cigarette et cracha sa fumée dans le visage d'Eléa.

- On ne te veut pas de mal, lui sussura-t-il, avant de se retourner.

Puis, il marmonna entre ses dents:

- Pour l'instant...

Et ils disparurent comme ils étaient venus. Elle se laissa glisser sur le mur et tomba sur le sol poussiéreux, laissant son cœur revenir à sa vitesse normale. Eléa le savait, on lui avait maintes fois répété : depuis les Ténèbres, la loi du plus fort prédominait, et une femme n'avait pas sa place dans les rues sombres de la vieille ville. Mais elle avait grandit depuis toute petite dans ses rues jonchées de déchets, et avait appris à se débrouiller seule. Aussi, elle ne croyait pas ce qu'on lui avait raconté.
Elle se leva, chassa d'un geste les traces sur ses vêtement noir et garda la tête haute. Tout ce qu'il lui fallait, c'était un peu de tripes et une bonne lame. Elle montrerais aux rôdeurs de quel bois elle se chauffait.

Le soleil se couchait, il fallait qu'elle fasse vite. Sans aucune électricité pour éclairer ses bâtiments en ruines, la ville de Varyon se montrait extrêmement dangereuse la nuit venue. Rôdeurs, pilleurs et violeurs, voilà ceux qui peuplaient la pénombre de la cité. D'un pas pressé, Eléa se dirigea vers le vieux cinéma qui lui faisait office de tanière. Un lieu très convoité par les squatteurs qu'elle avait éloignés par de nombreux pièges de sa conception. Ses escapades quotidiennes dans les ruelles lui avaient forgé une attitude discrète et une agilité sans pareille, aussi marchait-elle en silence, furtive comme une ombre. Malgré cela, elle n'arrivait pas à s'enlever de la tête cette impression, longue de quelque jours, d'être suivie et épiée. De nombreuses fois, elle s'était retournée soudainement, scrutant de ses yeux bleus les alentours, en vain.
De retour dans son "foyer", elle verrouilla toutes les portes et se posa dans un fauteuil moelleux. Un quignon de pain sec en main, un lambeau de viande séchée, elle se projeta pour la nième fois un film du siècle passé, qu'elle adorait pour l'ironie qu'il renfermait : le 5ème élément. A chaque fois, elle ne pouvait s'empêcher de rire devant le naïveté de ses ancêtres, qui avaient cru à un monde de voitures volantes, de fast-foods en hauteur, d'armes aussi meurtrières les unes que les autres... S'ils avaient su...
S'ils avaient su que l'humain était incapable de faire quelque chose de correct de ses dix doigts, si ce n'est faire la guerre, ce qui le mena à sa perte. S'ils avaient su que la conquêtes de l'univers s'était limitée à Mars, et que la Grande Guerre qui avait suivi avait fait d'énormes ravages, dans tous les pays d'Europe. S'ils avaient su pour les Ténèbres...
Elle termina son repas frugal et s'endormit, calée dans une position inconfortable...

Lorsqu'Eléa s'éveilla à l'aube, elle avait les jambes lourdes et le cou douloureux. Elle procéda à ses quelques étirements journaliers et se dirigea vers la pièce qui lui servait de cuisine. Les vieilles armoires se révélèrent aussi vide que son estomac. Chercher de la nourriture, telle serait donc sa première préoccupation de la journée, le reste viendrait après.
Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait dans ce genre de situation, à vrai dire, c'était devenu quasi habituel. Chercher de quoi se sustenter, des clopes, des objets pour meubler son repère qu'elle trouvait dans les maisons abandonnées, tel était son pain quotidien. Mais les rues, quoique désertes, étaient extrêmement dangereuses et elle n'était pas la seule à convoiter les richesses des ruines.
Sa journée c'était passée sans encombres notoires, elle avait trouvé quelques objet de valeur, une lampe de poche, extrêmement précieuse, échangé quelques bijoux contre du pain et quelque boites de conserve cabossées. Elle marchait le long d'une grande avenue poussiéreuse, le macadam rongé par quelques plantes grimpantes brunâtres. La jeune femme fit le geste machinal de tâter dans sa pocher à la recherche du relief de son paquet de cigarettes, puis se souvint avec amertume de la scène de la veille. D'ailleurs le soleil commençait à se coucher sur la Vieille Ville, et elle pressa le pas, jetant des regards furtif autour d'elle. Peut-être était-ce du a l'absence de lune, ou au vent glacé qui lui transperçait les os, mais elle avait plus que jamais ce sentiment d'être suivie. Elle bifurqua dans une ruelle sur la droite, courant presque, et tomba nez à nez avec son agresseur de la veille accompagné de deux hommes.

- Tiens, Goran ! C'est pas la p'tite garce d'hier ça? lança un des deux rôdeurs.

Ledit Goran s'avança plus près que jamais du visage d'Eléa, encore hébétée par le choc de la rencontre, ce qui lui valut le plaisir de sentir d'encore plus près à quel point l'homme était abject.

- Ouais c'est elle, répondit-il en souriant. Tu voulais nous demander quelque chose ma chérie?

La stupeur avait laissé place à une froide détermination dans l'esprit d'Eléa. Mais elle était réaliste, et elle savait qu'elle n'avait aucune chance de s'en tirer face a trois hommes armés de lames.
Un bruit sourd se fit entendre derrière elle. Un sabre, dans son fourreau, semblait-il tombé du ciel, se trouvait là. Sans prendre le temps de réfléchir, elle le saisit par la garde, lui ôta sa protection et se retourna pour faire face aux trois hommes.
Ces derniers semblaient très amusés par l'attitude de la jeune fille, avec des sourires triomphants, il sortirent à leur tour leurs lames.
Que faire? Elle n'avait jamais combattu. Se laisser guider, par l'instinct, qui l'avit mené là ou elle était. Oui, c'est tout ce qu'elle pouvait faire.
Elle attendit que le premier homme se jette en avant avec lourdeur pour lui asséner un coup, évita sa lame d'un mouvement d'épaule, passa à ses cotés et lui enfonça son coude dans les côtes. D'un coup de sabre elle entailla la jambe de l'acolyte, le laissant au sol. Goran se tenait apparemment en retrait, laissant son dernier compagnon régler cette histoire, non sans une certaine inquiétude inscrite sur son visage.
Cette fois-ci, c'est Eléa qui donna l'assaut, parant un premier coup de bienvenue puis se servant du bras de son adversaire pour s'élever au dessus de lui et lui asséner un violent coup de talon sur le sommet du crâne.
Il ne restait plus que Goran, qui tremblait légèrement, un peu stupéfait par les aptitudes de cette femme. Sûre d'elle, Eléa s'avança vers lui, fouilla dans la poche de sa veste et en sortit son paquet de cigarettes.

- Ceci m'appartient, je crois, rétorqua-t-elle.

Profitant de la proximité de sa proie, Goran tenta une étreinte meurtrière de ses gros bras musclés. Eléa l'évita de justesse en s'accroupissant, puis lança son poing dans l'entrejambe de la brute.
Coup fatal. Notre tortionnaire se trouvait maintenant au sol, roulé en boule tout en émettant de petit gémissements. Eléa s'alluma sa cigarette et tira la bouffée avec plaisir, continuant sa route le sabre à la main.
D'ailleurs d'où venait ce sabre? Elle jeta un rapide coup d'oeil sur les toits des immeubles, guettant une éventuelle présence. Elle marchait depuis quelques centaines de mètres lorsqu'elle entendit une voix, juste à côté d'elle.

- Félicitation, ce fut un magnifique combat. Souffla la voix.

Elle se retourna brusquement et découvrit un vieillard qui la regardait de ses yeux sombres.

- C'est... c'est vous le sabre? demanda-t-elle.

Le regard du vieil homme brilla.
Eléa dégaina la lame.

- Vous auriez pu m'aider au lieu de me regarder risquer ma peau.

- Suis-moi, je vais te raconter une histoire, répondit-il.