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Voici un poème-fleuve... j'essaie. D'ailleurs je ne l'ai pas écrit seule. Peut-être que je l'allongerai, pour détailler certains passages de l'histoire. Peut-être pas. Dites-moi donc ce que vous en pensez !
Un soleil noir sur son visage, il me fixe de ses yeux perdus. Nulle ombre où cacher sa laideur. Nul repos pour ce gardien de l'éternel. Nul espoir de répit pour ce passeur des heures lentes. Un soleil mort dans son regard, il me fixe de son vide.
Il semble éteint. Et pourtant.
Ses pupilles noircies murmurent un cri, appel d'air : "Je veux vivre !". Qu'y a-t-il sous ce masque d'onyx, imperturbable vieillard ? Car c'est un masque que je fixe, moi gamine folle, herbe chantante.
Quelles pensées derrière cette pierre froide ?
Quelle peau, quelles veines, quelle chaleur ?
Quels frissons sous cette écorce ?
Je voudrais qu'elle tombe. Je voudrais voir. Je voudrais la vivre.
Sa face lentement se tourne vers moi.
Je le regarde et, oh ! je crois même que je le vois. Il est piégé dans un éternel retour. Ronde vers (..), dans (..) et pour (..). Voyage stérile qui ne mène à rien sauf à lui-même.
À ses pieds, tête levée, bouche dressée, mains éclatées, je chante.
Saute.Fais peau-neuve.
Que tes rides veuillent enfin dire quelque chose et qu'elles puissent m'apprendre en retour.
Aurais-tu peur ? Je te vois hésitant au bord des hautes berges...
N'aies crainte, vieil homme. Car en fait d'une chute c'est une jouissance. Majestueuse et naïve.
De Dragon, deviens Enfant.
Nous danserons sur la route les comptines des mômes.
Tu chavires et te voilà tête sous l'eau. Un monde émerveillé : il ne demande qu'à être vécu. Il ne demande qu'à être rêvé. Il ne demande qu'à être rêvé... vécu... vaincu... renversé.
Le bleu de l'eau verte rappelle le gris de mes yeux dans tes yeux dans mes yeux dans tes yeux dans... empathie abymée où résonnent mille tambours bavards en cascade
(à moins qu'ils ne soient que deux ? Nos cœurs enfiévrés).Cette mélodie mur-murée qui nous lie. Emportés, renversés.
Vivants.
Ici, dans l'eau douce de nos yeux, tout a valeur de promesse et toute promesse crie son existence.
Pic. Poc - Poc. Poc. Pic. Pic – Poc.
Je caresse tes bulles. Poc. Entends-tu les chants qu'elles libèrent ? Ils me pressent de te dire.
Tu te noies ? Mon Âme est pure. Elle t'accueille et me presse de te dire.
Mes yeux mi-clos rêvent. Je les presse de te dire. Mais ils sourient et m'ignorent.
Ils se moquent.
Me voilà, rougissante face à ton humanité naissante.
Je vois, je crois, via mes lèvres tremblantes. Je vois, je crois, un de ces équilibristes fous. Que ta présence est belle loin des bras des mourants.
Mes doigts jouent. Avec l'ombre de tes rires discrets. Avec l'éclat de tes yeux. Avec la mélodie de tes silences. Avec les liens de ta robe...
Mes doigts jouent avec le plus grand sérieux.
Tu es. Là.
Mélodie douce-amer. Tu l'entends ?
Du bout des ongles je caresse
Les trainées d'encre sur ton cœur
Sillons dans la chair que j'effleure
Chaque battement pour promesseSang noir sur mes doigts. Ma bouche étonnée. Dans mes cils des mots prisonniers qui murmurent.
Au bout des ongles
De l'encre
Je trace
Dans la chair des promessesTu dansais avec la mort.
Je t'ai dompté et je joue avec toi.
Tu userais de ma peau comme d'un parchemin
Moi je prendrais ton dos et m'en ferais un tambour
Ou bien le pont d'une jonque fleurie
Glissant sur les eaux de nos corps
Mon doigt comme une plume ardente
Suivrait les lignes bleues de tes veines
Et tes cheveux sur ma nuque
Conteraient mille frissons à l'air étourdi de nos chants
Nos lèvres sauraient comment se trouver
Pour que ma langue sur ton palais
Trace ces mots qu'il ne suffit pas de dire
Et une fois que nos corps encastrés
Ne sauraient plus bruire qu'en volutes fatiguées
Nous aurions écrit une bien belle histoire à venir
Que ferais-(...) ici, dans les sauvages bras de ta tendresse nocturne, si ce n'était pour lire en ta chair tout ce qui fait ton monde ?
Que ferais-(...) ici, dans le flou de tes mots, si ce n'était pour tenter d'en goûter l'essence, même la plus amère ?
Que ferais-(...) ici, à te chuchoter ma vie, si ce n'était pour faire résonner la tienne, entière, en mon âme ?
Tu ne me donneras jamais assez tellement ma faim de toi est grande. Toi qui recueillais les derniers rêves de nos vies.
Toi Charon, le passeur des heures mortes.
Toi qui, à ton tour, veut mener la danse.
Je...
Tu...
Ah oui ?
Parce que bon... tu vois, je ne sais pas, moi.
Nous...
Là...
Tu crois ?
Parce que bon... tout ça, enfin tu vois, quoi !
Me voilà, haletante, devant mon humanité renversée.
Une main tendue qui cherche à tâtons, se pose un temps, tentée de prolongée l'errance... elle se reprend !
S'ouvre et attend.
Mes paupières sont closes, doux saigneur de mes heures. Ce brouillard peuplé de fantômes m'effraie. Je suis la compagne des foules riantes et non l'amante des ombres.
Et pourtant.
Déchire la toile. Éclaire moi.
Tes ténèbres. En moi.
(...)
Je t'ai offert ma vie. Mes sourires et mes chants. Je t'ai offert l'herbe sous le pied et le soleil dans les yeux. Je t'ai offert une danse, corps contre corps, mélange de nos absences. Et tu y as pris goût. Sinistre partage.
Je danse avec la mort.
L'éternité passe.
Quand je m'imagine ton visage froissé par le réveil et tes longues nuits tranquilles
Quand je m'invente le grain de ta voix et le bruit de ta peau
Quand je rêve de tes rêves, quand j'aspire à ton âme
Quand je vois dans leurs yeux le souvenir gravé de tes mains sur leur chair
Quand je reçois tes échos et la mélodie de tes cris
Quand je t'ai, là, sur le bout de mes doigts
Si tu savais, oh ! si tu savais.