Tu sais Sophie, ce n’est pas par orgueil que j’ai commencé à écrire mes mémoires. Après tout, lorsqu’on n’a
même pas dépassé la vingtaine, qu’est ce qu’on peut avoir de bien intéressant à dire ?
Non
(il manque une virgule) si je les ai écrites, c’est par besoin.
On est amies depuis plus de six ans
(il manque une virgule) toi et moi, mais il y a de nombreuses choses que je t’ai cachées. Des choses que j’ai cachées à mes proches, au monde entier et plus grave, à moi-
même également.
Aujourd’hui je ressens le besoin de coucher ces choses sur ce bout de papier, car je suis au bord de l’implosion. Quand tu gardes des secrets, c’est un poids permanent que tu portes. Tu as sans cesse la boule au ventre à l’idée que quelqu’un le découvre. Lorsque tu marches dans la rue, tu as l’impression que les gens te dévisagent et qu’ils savent ! Tu t’inventes tellement de mensonges que tu ne sais même plus où se situe la vérité.
Tu vis dans une peur perpétuelle. Et tu ne peux pas en parler car soit les gens te jugeraient, soit ils ne comprendraient pas. Tu en viens à te haïr, à te mépriser.
Je suis passée par toutes ces étapes, mais pour moi la première a été l’oubli.
Pendant de très longues années j’ai choisi cette option. Au début ce n’était pas un choix
conscient, je n’étais pas en âge de le faire... C’est mon
inconscient qui l’a fait, car c’était la seule manière pour lui de survivre et de ne pas sombrer. Mais en vérité Sophie,
même si j’avais eu
conscience de ce que ce choix impliquerait, je l’aurais fait.
Mon inconscient a effacé seize années de ma vie.
A (À) l’heure actuelle, je n’arrive toujours pas à me souvenir complètement de ces années, de mon enfance et du début de mon adolescence. Et tant mieux !
Je suis
parvenu (parvenue) récemment à me remémorer des bribes, des passages, des sensations de ces années que je pensais perdues. De tous ces souvenirs, je n’ai retenus que les plus noirs. J’espère que c’est parce que ce sont ceux qui m’ont le plus marqués, et qu’il y a quand
même eu des moments de bonheur dans mon passé…
L’amnésie est une chose fabuleuse
(il manque une virgule) Soph’, un apaisement total de l’esprit. Mais parfois cela est pesant, cela l’a toujours été.
Je me souviens d’une discussion avec des amies en primaire, où celles-ci me parlaient d’un événement qui s’était déroulé juste quelques semaines plus tôt. Moi, j’étais incapable de m’en souvenir et de rire avec elles.
( à mon avis, tu peux simplifier le message plutôt que de l'étaler et de te répéter sur cinq paragraphes)L’histoire que je vais te raconter Sophie, n’est pas belle. Si tu veux des fleurs, des cœurs, et des sentiments ne la lis pas. Car les seuls sentiments que tu trouveras dans la mienne
c’est (ce sont) la peur, la douleur, la honte, la colère et les regrets.
J’ai lu sur des forums des histoires similaires à la mienne… Leurs auteurs avouaient qu’ils les avaient écrites avec leurs tripes.
Mon histoire, je ne l’ai pas écrite avec mes tripes, je l’ai écrite avec ma bile.
Pour en revenir à mon amnésie, j’ai toujours été consciente qu’il y avait un problème chez moi. La manière dont mes parents me regardaient, les rêves troublants que je faisais, les pensées que j’avais,
(j'aurais mis un point ici) je me sentais différente. J’avais parfois des petites crises d’angoisse, mais j’en ignorais la raison. Comment puis-je guérir si je ne connais pas mon mal ?
Ma mémoire a commencé à se débloquer cette
nuit là (nuit-là).
*
Je séjournais pour les vacances en Bretagne, chez une amie : Noémie. Tout se passait à merveille et on s’amusait comme des folles ! Un jour elle me parla d’une soirée qu’un de ses amis organisait le soir même. Noémie m’avait prévenue en me donnant un double des clés de son appart, que son copain serait à la soirée, et donc qu’elle rentrerait chez lui après.
Après s’être habillées et maquillées on partit chez cet ami. Il n’habitait pas très loin donc on y alla à pied.
Une fois
arrivées, son ami nous accueillit et nous fit visiter sa maison qui était immense. Il commença par l’étage, il y avait quatre chambres, deux salles de bain, et un bureau
(je trouve que ce descriptif est beaucoup trop sommaire, soit tu entres dans le détail soit tu n'en fais pas). On redescendit et il nous emmena dans la cuisine. Un groupe y était déjà. En nous approchant pour les saluer, je vis des rails de coke et des seringues pleine sur la table de la cuisine. Le ton de la soirée était donné !
De plus en plus d’invités
arrivaient. Drogue et alcool coulaient à flot. Au bout d’un peu plus d’une heure, Noémie me rejoignit pour me prévenir qu’elle partait avec son copain chez lui.
(le choix de l'imparfait et du passé simple comme temps de narration n'est pas le bon, d'ailleurs ce n'est pas pour rien que l'abandonne ensuite. Il faudra retravailler ce passage)*
Les verres se succèdent, la tête me tourne,
(point ou point virgule) le gars mignon qui m’avait apporté plusieurs cocktails me propose de nous isoler pour discuter, je le suis à l’étage.
Et puis tout s’accélère rapidement…
On arrive dans une des chambres, tu
(le changement de sujet perturbe et n'est pas cohérent puisqu'il s'agit d'une histoire racontée à quelqu'un dans le présent, et non à ce « gars mignon ») me plaques contre la porte et m’embrasse. Tu as le goût du whisky. Tu m’embrasses avec fougue et brutalité puis tu me relâches et me pousse vers le lit. En titibuant je m’effondre sur lui
(du coup tu te perds, cela aurait dû être « toi »).
Ton corps escalade le mien, et me cloue contre le matelas. L’esprit embrumé par l’alcool, je me suis à peine
ressaisit (ressaisie) que ta bouche se
saisit de la mienne.
Ca (Ça) va trop vite, je ne veux pas faire
ça.
J’essaie de lutter, mais tu m’écrases de tout ton poids. Je force, en
vains (vain). Un mur s’abat sur moi, je me débats, je suis impuissante.
Jeune fille panique. Petite fille est apathique.
La scène était familière, sa mémoire remontait en arrière, remontait aux nuits où il venait la voir.
Silencieusement il rentrait dans sa chambre et s’asseyait sur son lit. Il lui disait des mots doux, des mots d’amour que seuls les grands se disaient, et il la serrait tendrement contre lui. Ses bras entouraient avec facilité son corps si petit. Ses mains remontaient sa chemise de nuit, tout en lui caressant sa peau de bébé. Dans un réflexe pudique, elle recouvrait sa petite poitrine de ses bras, mais il les écartait aussitôt. Ses doigts pétrissaient ses seins pas encore formés, et fouillaient son corps sans plus aucune douceur. Sa bouche murmurait des paroles réconfortantes à son oreille. Tout allait bien se passer, jamais il ne pourrait faire de mal à sa petite chérie, son trésor, sa plume. Qui voulait il (voulait-il) réconforter ?
Un doigt s’enfonçait en elle.Petite fille hurle. Jeune fille hurle.
La sanction s’écrase contre mes
lèvres, et le goût cuivré de mon sang emplit ma bouche. Comme dans un rêve je vois plus que je n’entends tes
(toujours ce problème de la deuxième personne) lèvres remuer : « ta gueule
(virgule) salope, tu vas aimer,
détends toi (détends-toi) juste ». Tu m’enlèves mes vêtements avec rapidité, tandis que toi tu t’es déjà déshabillé. Tes gestes sont saccadés, tu me veux nue, mais tu ne peux t’empêcher de tripoter mon corps. Pas un instant je n’ai cessé de me débattre, et tu luttes à présent contre mon jean. Je me penche contre toi et je te mords de toutes mes forces. Le goût de ton sang, se mêle au mien, mais pas un cri ne t’échappe. Comme impassible tu me laisses mordre jusqu’à ce que je sente un bout de ta chair se détacher de ton épaule. Prise de dégoût j’essaye de recracher ta peau et ton sang qui emplissent ma bouche, mais ton corps bloque toujours le mien. Lorsque tu vois que je suis en train de m’étouffer, tu te soulèves légèrement. Je pensais que c’était pour m’aider, mais je me trompais.
De tes doigts tu bloques ma mâchoire tandis que ton sexe pénètre ma bouche.
Jeune fille suffoque. Petite fille débloque.
Petite fille avait mal. Petite fille avait honte. Petite fille savait que ce n’était pas bien. Mais il lui disait que c’était leur secret, juste entre eux deux, et que si elle le racontait à quelqu’un d’autre, il ne l’aimerait plus. Il lui disait qu’elle était sa plume, sa jolie chérie.
Mais petite fille avait si mal. Les larmes roulèrent le long de sa joue, mais pas un sanglot ne secouait son petit corps. Elle savait ce qui allait se passer si elle faisait du bruit.
Sa main avait du (dû) trouver ce qu’elle cherchait, elle s’est retirée. Mais il écartait maintenant ses fesses, et enfonçait ses doigts dans l’endroit d’où sortait son caca. La douleur était immédiate. Pourquoi me faisait il (faisait-il) ça ?Petite fille ne comprends (comprend) pas. Jeune fille se débat.
Ton pénis heurte ma glotte rapidement, méthodiquement. Le petit morceau de chair que je t’avais enlevé est encore dans ma bouche. Le dégoût vibre dans tout mon corps.
Je veux te faire mal. Mes dents raflent ton sexe mais ta seule réaction est un gémissement de plaisir. Tes doigts retiennent ma mâchoire et l’empêche de se fermer complètement.
A (À) chaque coup de bassin tu enfonces plus profondément ton sexe dans ma gorge. Il emplit tout, j’étouffe. Par moment tu le retires… bouffées d’air. Ma bave coule le long de mon menton et descend dans mon cou. Une lumière blanche danse devant mes yeux, je suis en train de mourir. Je griffe tes cuisses jusqu’au sang, j’essaie de te frapper, de te faire arrêter… mes bras n’ont plus de force.
Mais mon corps veut vivre, il s’agite et se débarrasse de cet intrus qui détruit ma bouche. Le vomi coule dans mon cou, se mêlant à ma bave et au sang séché.
Jeune fille pleure. Petite fille a peur.
Au bout d’un moment la douleur cessait, il s’était arrêté. Il lui répétait souvent que s’il lui faisait mal à son derrière ce n’était pas parce qu’il aimait ça, mais que c’était pour elle, pour qu’elle reste vierge et pure. Et qu’elle devait le remercier chaque fois qu’il avait fini.
Il lui disait qu’il voulait sentir sa bouche sur son sexe. Il prenait sa main et la guidait à l’intérieur de son pantalon, petite fille sentait ses poils frotter contre sa peau. Petite fille savait qu’elle touchait son zizi, et elle savait ce qu’il allait faire ensuite. De sa main libre il descendait son pantalon, et lui demandait maintenant d’embrasser son zizi. D’un geste de la tête, petite fille refusa.Petite fille refuse. Jeune fille est confuse.
Je suis comme absente de mon propre corps. Je regarde la scène comme une étrangère, ne pouvant croire que cela arrive réellement.
D’un geste vif tu me repousses en arrière. Je tombe sur le dos, encore sonnée, à ta merci. La vodka s’est maintenant totalement évaporée de mon organisme, répit qui aurait pourtant été volontiers accueilli. Je voudrais hurler, mais tu as déchiré ma gorge de ton sexe, et plus aucun son ne veut en sortir.
En rigolant tu me regardes essayer, mais sans y parvenir. Un filet de voix me revient. Murmurant et sanglotant, je te supplie d’arrêter. Ma raison et ma dignité ont
désertés (déserté) mon esprit, je veux vivre, je veux que tu arrêtes. Alors je t’implore, je te supplie encore et encore. Mais tu n’entends pas. Tu n’entends plus. Lorsque je croise ton regard, je vois tes pupilles dilatées et les traces sur le creux de ton bras. Je me souviens de la cuisine. La terreur prend possession de mon corps. Je sais que c’est la fin. La drogue a remplacé ta raison, et tu feras tout pour satisfaire tes pulsions.
Jeune fille comprends. Petite fille attends.
En douceur il lui soulevait le menton, lui caressant le visage et la nuque en lui disant qu’elle lui faisait beaucoup de peine. Que sa petite plume ne l’aimait plus. Petite fille était terrifiée, elle ne voulait plus avoir son zizi dans sa bouche, il l’empêchait de respirer. Lorsqu’elle (tu utilises beaucoup trop de « lorsque ») lui avoua cela, il s’énerva. Il lui disait qu’elle n’était pas normale, qu’elle lui inspirait des pensées mauvaises et qu’à cause d’elle il faisait des choses horribles.
Il lui disait que c’était de sa faute, qu’elle était sale et qu’elle méritait ce qui lui arrivait. Qu’elle faisait exprès de la séduire, que c’était une chienne, une salope, et que personne ne l’aimerait plus. A (À) part lui.
Petite fille laissait échapper de faibles sanglots, elle avait honte d’elle et de son comportement. Elle lui demanda pardon, encore et encore.Petite fille est honteuse. Jeune fille est comateuse.
Ta main sur ma bouche, et ton sexe en moi, profondément, inlassablement. Ton corps lourd et flasque écrase ma poitrine et m’étouffe. Ta sueur coule le long de ma peau, flots mouillés qui se mêle au reste de mes larmes. J’ai l’impression de suffoquer. Mon cœur s’emballe sans que je puisse le calmer. La douleur transperce ma chair et se diffuse le long de mes nerfs. Elle me glace. J’ai si mal, et je ne sais pas quoi faire.
Mes yeux sont secs, ma gorge nouée et compressée par ton avant bras qui heurte ma trachée au rythme qu’impose ton bassin.
Je pensais qu’au fur et à mesure la douleur disparaîtrait mais il n’en est rien.
Les souvenirs me hantent tandis que tu me laboures. Je ne me débats plus, je n’en ai plus envie. Je suis une salope, une chienne, j’ai fait exprès de te séduire, je mérite ce qui m’arrive.
Jeune fille abandonne. Petite fille frissonne.
Honte et peur rythmait ses nuits. Petite fille avait appris à reconnaître ses expressions quand il venait dans sa chambre. Lorsqu’il souriait, petite fille savait qu’il serait exigeant, qu’il voulait s’amuser et que si elle ne le satisfaisait pas, il la punirait. Une fois il l’avait enfermée dans la cave une journée entière, tandis que lui était partit faire des courses. Sa maman était rentré (rentrée) dans l’après midi, et l’avait cherchée pendant longtemps. Finalement elle a entendu ses sanglots et l’a trouvée dans la cave. Petite fille a du (dû) mentir et dire qu’elle s’était enfermée par erreur. Le soir même, il revint dans sa chambre. Quand il avait l’air triste, il la prenait dans ses bras et lui répétait qu’il l’aimait. Il lui caressait les cheveux, tout en lui embrassant la tempe. Il lui murmurait des mots gentils, l’appelait son trésor, sa petite plume. Quand il fronçait les sourcils, il lui faisait du mal. Il lui pinçait ses petits seins, et la prenait rapidement, sourd à ses pleurs. Petite fille devait mordre très fort son oreiller pour s’empêcher de faire du bruit.Petite fille analyse. Jeune fille lâche prise.
Aussi soudainement que ça a commencé, tu as terminé et tu me relâches en me poussant sur le côté. Tu s’étires et me regarde en souriant, tandis que je reste dans la même position. Je suis incapable de bouger ou de dire quoi que ce soit. Je ne suis plus capable de pleurer ni d’hurler. Je te regarde te relever et sortir tes affaires pour te faire un shoot, tandis que moi je reste recroquevillée.
Tu prépares ta seringue, et installe ton garrot. Je me lève avec difficulté pour partir, quitter cette pièce qui me dégoûte.
Tu me demandes en riant où je vais, qu’on n’avait pas fini tous les deux…
Jeune fille est prostrée. Petite fille est épuisée.
Le poids de ce secret était écrasant sur ses petites épaules. Petite fille savait qu’elle devait se taire, mais elle avait tellement peur. Il lui avait répété que plus personne ne l’aimerait à part lui. Elle ne savait pas quoi faire pour que ça s’arrête.
Noël approchait et petite fille eu une idée. Elle commanda comme cadeau un kit de chimie pour jeunes scientifiques en herbe. Elle avait pris sa décision. Le soir même de Noël, elle alla chercher un grand verre de lait dans le frigo, et le mélangea avec un sachet de poudre qu’il y avait dans son kit de chimie. Elle avala son verre d’un trait. Mais il ne se passa rien de ce qu’elle avait prévu, si ce n’est que petite fille eue affreusement mal au ventre. Ses parents pensèrent qu’elle avait trop mangé du repas de Noël… Mais elle savait la vérité, et qu’elle avait échoué. Depuis ce jour, petite fille déteste le lait.Petite fille se révolte. Jeune fille est désinvolte.
Cette fois ta phrase me fait réagir, je me redresse rapidement du lit, et me précipite vers la porte de la chambre, mais tu n’as qu’à tendre le bras pour m’attraper la cheville et me faire chuter.
Cette fois je suis folle de rage, je me jette sur toi et te frappe partout où mes poings peuvent t’atteindre. Tu me repousses avec force, mes genoux heurtent le lit et je m’effondre à nouveau dessus.
Cette fois c’est toi qui te jettes sur moi, tes mains enserrent mon cou. Je lutte de mon mieux, je m’agite dans tous les sens. Mes mains trouvent ta seringue, et je l’enfonce dans ton cou en appuyant sur le piston.
Cette fois ta dose n’était pas voulue, et elle est violente.
Tu t’effondres à terre.
Je récupère mon haut et sors en courant de la chambre. Je m’enferme dans une des salles de bain et me rhabille rapidement. Mes mains tremblent tellement fort que je dois m’y reprendre à plusieurs reprises. Je quitte la maison par la fenêtre de la salle de bain, en descendant par la rambarde et en m’ouvrant le mollet sur
8 (huit) centimètres.
*
J’ai couru. J’ai couru jusqu’à l’appartement de mon amie, en ignorant comment j’ai réussi à retrouver mon chemin, et à
rentrer car j’étais dans un état second. Ma tête était entièrement vide, et mon esprit était ailleurs.
Je me suis directement dirigée vers la salle de bain, j’ai enlevé mes vêtements, et lorsque mes mains n’allaient pas assez vite, je déchirais le tissu.
Je suis
rentrée dans la douche où je me suis effondrée. Mes pleurs secouaient mon corps tout entier. Je tremblais violement de tous mes membres, et je ne parvenais pas à me calmer. Au bout d’un temps infiniment long, je réussis à allumer l’eau que je choisis brûlante. La douleur dans mon mollet déchiré se réveilla.
Je me suis lavée pendant longtemps. J’ai frotté chaque parcelle de mon corps tellement de fois et tellement fort que ma peau est devenue cramoisie et que je me fit saigner à plusieurs reprises. Je me sentais sale, tellement sale.
J’ai pris la douche la plus longue et la plus chaude de mon existence mais malgré ça, je me sentais toujours souillée et frigorifiée.
Mes pensées revenaient sans cesse vers mon violeur. J’ignorais s’il avait survécu à son dernier shoot. La jouissance que je ressentais à l’idée que ce ne fut pas le cas, me faisait plus peur que l’idée même que je puisse avoir provoqué une overdose.
Une fois un peu calmée, je pus sortir de la douche. J’ai fait un pansement sur mon mollet et je suis allée me coucher. Je pensais ne pas pouvoir réussir à m’endormir, ou du moins faire des cauchemars toute la nuit.
En réalité je m’endormis quasi instantanément d’un sommeil de plomb.
Les cauchemars vinrent après.
*
La période qui a suivi cet événement a été dure
(virgule) Soph’. Et quand je dis dure c’est un euphémisme... On dit que lorsque on se noie et qu’on touche le fond, il suffit de donner un grand coup de pied pour remonter à la surface. Pourtant, j’ai tapé du pied jusqu’à m’en faire mal aux genoux, mais je n’ai pas réussi à émerger.
Je suis rentrée chez moi sous un prétexte bidon en laissant un mot à Noémie. Arrivée à Lyon j’ai justifié mon humeur par une peine de cœur, et j’ai repris ma petite vie d’avant.
Mais je n’y arrivais pas, j’étais une coquille vide.
Ma famille s’inquiéta et pensa que je refaisais une dépression.
En effet, lorsque j’avais neuf ans, j’étais au plus mal : sans cesse triste, je n’avais plus envie de rien, je ne mangeais plus, je ne dormais plus, je restais tout le temps seule à m’isoler.
Premier séjour à l’hôpital. Mes parents m’emmenèrent chez un médecin qui diagnostiqua une dépression. Il me prescrit un traitement que je pris selon ses directives. Mais ce médecin avait fait une erreur, soit dans le médicament soit dans le dosage, car je devins rapidement dépendante et accroc. C’est mon grand-père, lui-même médecin qui heureusement s’en rendit compte. Mes parents arrêtèrent donc de me donner le médicament, ce qui manqua de me tuer, tant l’arrêt fut soudain.
Deuxième séjour à l’hôpital, où un autre médecin mit au point un calendrier pour réduire en douceur mes doses et me faire arrêter. Mon sevrage fut long et horrible.
Tu sais
(virgule) Sophie, le manque est atroce, il te ronge chacun de tes nerfs. Le mien dura un peu plus de six mois et je maudis ma mémoire de m’avoir fait me souvenir de ces moments.
Je ne vais pas plus m’épancher sur mon état émotionnel
(virgule) Sophie, disons que l’expression « vivre dans la peur »
a prise (a pris) tout son sens pour moi. Je pensais qu’on allait m’arrêter pour meurtre et chaque fois que j’entendais des sirènes de police, mon cœur s’arrêtait. Mes nuits étaient pleines de cauchemars, où les scènes se répétaient. D’autres scènes apparaissaient, les policiers qui sonnent à ma porte pour m’arrêter. Ou que mon violeur sonne à ma porte pour se venger.
A (À) cette terreur incessante s’ajoutaient la honte et les souvenirs de mon enfance qui revenaient toujours plus nombreux.
Ce combo me fit disjoncter.
Après avoir entendu à plusieurs reprises que c’était de ma faute, que j’étais une salope et une pute, je m’en suis convaincue. Lorsque certains me complimentaient en me disant que j’étais jolie, moi je méprisais ma beauté et j’avais honte de mon corps. Je me sentais mal, et nulle part à ma place.
Alors j’ai essayé de m’en trouver une autre, et je suis entrée dans le monde du BDSM (Bondage et discipline, Domination et soumission, Sado-Masochisme).
On me voulait chienne, docile et salope et on me traitait comme telle. Cela me convenait, cela m’apaisait, j’étais à ma place. Après tout, on me l’avait répété pendant des années et encore aujourd’hui, ça ne pouvait qu’être vrai alors, non ?
Je ne vais pas m’étendre plus que nécessaire sur cette sale période. J’ai appartenu successivement à plusieurs Maîtres. Ils ont
attachés (attaché) leurs colliers autour de mon cou, j’étais leur soumise. Cette période a été dure, mais avec le recul, j’estime qu’elle m’a été nécessaire. Car
(tu abuses des « car » également) même si j’ai vécu de mauvaises expériences, je m’en suis relevée plus forte. J’y ai appris à m’accepter, à cicatriser et à me relever.
La soumission est une chose incroyable, faire don de soi et de son corps à un autre. Le faire Maître de nos volontés et de nos envies. Ne plus avoir aucun contrôle, ni sur soi, ni sur notre vie. Il suffisait de me laisser guider par mon Maître. Il n’y avait pas de réflexion, pas d’hésitation, pas de peur. J’étais Sienne. C’était simple et tellement bon.
On m’a prêtée à de parfaits inconnus.
On m’a frappée jusqu’à faire couler mon sang.
On m’a vendue aux enchères comme une esclave.
On m’a étranglée au point de me faire perdre connaissance.
J’ai connu le martinet, la cravache, la badine, les cannes, le fouet, ...
(les points de suspension sont-ils nécessaires ?)J’ai vu des choses qui me hanteront nuit et jour pendant encore longtemps.
J’ai connu l’extase de la douleur et j’ai appris autant à la redouter qu’à l’aimer.
J’ai fait des choses dont j’ai tellement honte que je ne peux même pas te les évoquer.
Mais c’est dans ce monde de violence et de passion que j’ai trouvé ma salvation. Car parmi tous ces faux maîtres, ces sadiques, j’ai trouvé un vrai Maître.
Il m’a ramassée alors que j’étais dans un sale état. Le danger du BDSM c’est que l’on commence avec des menottes et des fessées et si on aime ça, on va en vouloir plus. Et comme n’importe quelle drogue, on en veut toujours plus, les limites s’effacent progressivement.
Au final on ne parvient plus à ressentir du plaisir que dans la douleur et en étant attaché ou humilié. Ou très souvent, les trois à la fois.
Lorsqu’Il m’a ramassée, je m’approchais de ce stade. Il m’a montré ce qu’était vraiment le monde du BDSM, un lieu de confiance et de respect total.
La première partie de cette période m’a appris à réaccepter mon corps, à lâcher prise, et à perdre le contrôle.
La seconde partie avec Lui m’a appris à me respecter, à m’aimer à nouveau comme j’étais, à accepter mon passé et mes cicatrices.
Il était ma rédemption, ma seconde chance, et je lui dois beaucoup.
Il est mort très tôt, soudainement, dans un accident de voiture. J’ai énormément appris de Lui, je me suis beaucoup appuyée sur Lui, puis Il m’a été arraché.
Je n’ai pas pu aller à Son enterrement, je n’ai pas pu Lui dire adieu.
Je faisais partie de Sa vie cachée, je ne pouvais pas me joindre à Sa famille pour Le pleurer, ni expliquer à la mienne mon grand état de tristesse. J’ai
du (dû) faire mon deuil en silence, en secret, et ça a été une des épreuves les plus difficiles que j’ai jamais traversée.
Son décès soudain m’a permis de clore cette période sombre du milieu BDSM.
Evidemment (Évidemment) j’en garde de profondes traces, mais j’ai réussi à vaincre ma dépendance.
*
A (À) présent sonne l’heure du bilan.
Je suis descendue aux Enfers. J’ai traversé l’Acheron et palabré avec Charon. Je suis passée devant Thanatos pour rejoindre le Tartare. J’ai mangé tellement de grenades que mon sang s’est transformé en sirop. J’ai dormi avec Ixion et je me suis réveillée devant Minos. J’ai parcouru les différents Enfers, et observé les suppliciés en songeant qu’ils me ressemblaient.
Pendant longtemps mes Enfers me convenaient, j’y étais bien et j’aimais leurs chaleurs. Puis je me suis rendue compte qu’ils ne me réchauffaient pas, ils me brûlaient.
Alors j’ai réussi à me dissimuler de Cerbère et à m’enfuir.
Pendant plus longtemps encore, je n’étais pas assez forte pour me battre, pour raconter mon histoire et faire justice.
Alors je me suis cachée, j’avais honte, peur, et j’étais en colère.
Surtout j’espérais qu’en ne parlant pas, je pourrais oublier, effacer ces épisodes de ma mémoire. Plus de deux ans après ce n’est toujours pas le cas. Je ne peux pas en parler à mes proches car ça briserait ma famille. Pourtant j’en ai besoin, j’ai l’impression d’exploser si je n’évacue pas toutes ces choses que je garde cachées.
A (À) même pas dix ans j’étais déjà dépressive, droguée, scarifiée, et j’avais essayé de me tuer.
Mais je n’ai pas été brisée.
On a abusé de moi et on m’a fait du mal, physiquement mais surtout psychologiquement, on m’a piétinée.
Mais je me suis relevée.
Je garde la trace de mon passé, mais j’ai réussi à tourner la page.
J’ai réussi à m’accepter et à m’aimer à nouveau. J’ai réussi à me pardonner. Et j’ai même réussi à pardonner aux personnes qui m’ont fait du mal.
*
Aujourd’hui c’est mon anniversaire, je fête mes vingt ans.
Je suis complètement dérangée.
Je ne suis jamais tombée amoureuse.
Je n’arrive plus à accorder ma confiance.
J’ai vu plus de psys que je ne peux les compter.
Je ne sais pas faire l’amour autrement qu’en baisant.
Je blinde derrière un sourire mes sentiments et mes pensées.
La mort et la souffrance ont accompagnée mes pas pendant vingt ans.
Je suis cassée
(virgule) Soph’, totalement bousillée, et profondément dérangée.
Mais je suis toujours là. Et ça putain, t’imagines même pas à quelle point j’en suis fière !
Lorsque tu auras terminé cette lecture, ne vient surtout pas pour compatir et me plaindre.
Je ne suis pas une victime, je suis une survivante.
Traite moi (traite-moi) comme telle car si je perçois de la pitié dans ton regard, tu ne me reverras plus jamais…
Je vais terminer ce chapitre de ma vie sur une petite anecdote. Dimanche dernier je faisais un repas d’anniversaire avec ma famille. Vient le traditionnel moment du gâteau, du soufflage de bougies et du vœu. Je ne vais pas te dire quel a été mon vœu, car ça porte malheur ! Mais pour la première fois, mon vœu était tourné vers mon futur.
C’est tout bête… mais j’ai jusqu’à présent vécu au jour le jour, et c’est la première fois que je me suis projetée dans ce qui pourrait être mon avenir.
On dit que l’espoir fait vivre, mais en réalité, l’espoir est une vraie saloperie qui fait souffrir !
Du moins, c’est ce que j’avais cru pendant vingt ans…