Nouvelle Page

Jansen visitait les catacombes d'Echoriath quand l'explosion a eu lieu, c'était inespéré. Cela faisait des années que son père avait projeté de l'y emmener, pour qu'il découvre ces anciens lieux qui ne servaient plus que pour les rave party. Ils avaient été surpris, restés près de deux jours entiers bloqués dans ces grottes devenues telles des fours. Crevant de faim, de soif, ils avaient fini par trouver un moyen de remonter à la surface et de découvrir le chaos ambiant. Personne n'a pu leur dire ce qui avait bien pu se passer, une bombe, un astéroïde, une éruption solaire, personne n'en avait aucune idée. Ce qu'ils ont su très vite, c'est que tout était détruit, que peu de monde avait survécu et qu'il n'y avait pas de radioactivité. D'après son père, s'il y en avait eu, ils auraient aussi bien fait de se tirer une balle dans la tête. Jansen n'était pas bien calé en physique nucléaire, mais suffisamment pour savoir que c'était la vérité.

Les choses s'étaient précipitées ensuite, ils étaient un peu restés en ville, mangeant dans les supermarchés qui n'avaient pas trop souffert, prenant de quoi subsister. Mais très vite, il s'est avéré que tous les survivants n'étaient pas des enfants de cœur et les commissariats, dépôts militaires et autres sources d'armement avaient été pillées. Des milices s'étaient mises en place pour faire main basse sur les aliments, sur les médicaments, l'alcool, ce qui avait de la valeur là où l'argent n'en avait plus aucune. Jansen et son père avaient donc fui Echoriath, emportant avec eux ce qu'ils avaient pu, de ce qui n'avait pas encore été raflé. Il y eu quelques passes difficiles, des escarmouches avec des pillards, ils s'en étaient sorti de peu et finalement, à force de rencontres, un groupe de survivants s'était formé. A l'écart de la ville, dans la forêt proche d'Adalerin, ils avaient travaillé à créer un lieu dans lequel ils pourraient subsister sans que des maraudeurs n'en viennent à les harceler. C'est donc dix-sept personnes qui vivaient là, à reconstruire un semblant d'existence.

Aujourd'hui, c'est une nouvelle page qui commence.
Jansen et son père, sont partis chasser.

Certains diront que le Destin n'est que fabulation, qu'un conte de bonnes femmes tricotant au coin du feu. Quelle entité intangible aurait donc pu détenir le secret de notre avenir à tous ? Une notion pour les faibles, qui ne voulaient pas se rendre responsable de leur sort.

Ce Jour-là, c'était toujours ce que je pensais, que j'étais maître de mon avenir, que le monde m'appartenait, que tout était possible, réalisable. Jeune, fringante. Ce Jour-là, je me trouvais en visite, dans une base militaire. Tout se passait bien, mon changement de section se révélait parfait. Ma vie s'alignait déjà dans l'arbre de mes ancêtres. Forte, grande, digne. Tels se révélaient les mots qui me décrivaient ainsi que toutes celles qui se trouvaient avant moi et qui portaient le nom de Kathelyn.
Ce Jour-là, une alarme avait retenti. Mes oreilles sifflaient à une intensité que je ne pensais jamais percevoir. Les gens courraient, criaient, allaient et venaient dans tous les sens. Je n'avais pas besoin d'être prix Nobel pour comprendre ce qui se passait. Mon guide m'avait abandonnée à mon sort, au milieu des humains en peine. Mon sang n'avait fait qu'un tour, je devais trouver un refuge. Le Boum arrivait, ils le savaient tous, ici. Ma course tout aussi effrénée que celles de mes camarades m'avait emmenée loin, près d'un bunker de guerre. Personne ne se trouvait dans les parages, la solitude me prenait d'ors et déjà les tripes. Bien que d'un tempérament calme, je ne pouvais me résoudre à rester seule, dans cet espace confiné, à attendre ma mort. J'avais donc marqué le territoire et j'étais partie en quête de monde, pour m'accompagner dans ma peut-être dernière aventure. Dans les couloirs ; la panique avait pris le contrôle des lieux. Les soldats ne savaient plus où donner de la tête, de la brume enveloppait leur raison. Ils erraient, sans but, armes au poing. J'avais choisi les forts, les grands, les dignes. Petit à petit, une troupe me suivait. Nous nous étions tous réfugiés dans ce bunker sans même savoir si cela allait pouvoir contenir le « Boum de fin du monde » comme l'appelaient quelques personnes.
Ce Jour-là, nous avions survécu. Et ce fut sans mal que je parvins à la tête de ces personnes qui me devaient la vie, sans exception. Mon but, le but K était atteint. J'avais la grandeur, j'avais le pouvoir.

Dehors, rien n'était plus sur. Le monde avait changé. Mais nous étions beaucoup, quatorze, en fait, et le nombre ne cessa de croître au fil du temps pour atteindre la trentaine. Ainsi naquit une milice. Ainsi naquit pas n'importe laquelle des milices, les Arpenteurs. J'avais été proclamée Grande Arpenteuse de part ma nature à pouvoir survivre et faire survivre un groupe. Pourtant, même si les intentions de certains restaient nobles depuis le début, les Arpenteurs voulaient perdurer et non faire le bien. Mes décisions n'étaient pas jugées justes pour tout le monde mais j'agissais pour le bien-être des personnes que j'avais choisie et aucunes autres. Notre réputation grimpa, rapidement vers le mauvais côté du terme et cela ne me dérangeait pas. Nous étions forts, nous étions prêts à tous pour protéger notre clan et il s'agissait là de tout ce qui importait.

Des années s'étaient écoulées, tout allait bien. Je prenais la tête de mes troupes pour réclamer de la nourriture sur nos territoires habituels et plus loin encore. Toujours plus loin. Cette fois-là, mon équipe et moi nous promenions dans une forêt près d'Echoriath. Nous étions sept, armés d'armes à feu et d'armes blanches. Certains montaient des chevaux, d'autres restaient à pied. J'avais laissé mon cheval de côté, préférant mes dégourdir les jambes plutôt que de rester inactive. J'avais donc ordonné à tout le monde de descendre de sa monture, pour ne pas être plus haut que moi, naturellement. Aujourd'hui, nous chassions. Mais pas seulement des animaux, non. Nous chassions les humains, les groupes d'humains, plus particulièrement. Peu de temps avant, un de mes éclaireurs avait rapporté la localisation d'un camp de survivant que nous n'avions jamais racketté. L'occasion était trop bonne. Nous marchions, Arpenteurs, vers ce camp, approximativement en tout cas. Je mâchouillais le filtre de la cigarette fumante coincée entre mes lèvres en scrutant les alentours. Rien ne semblait vouloir bouger. Je continuai ma route, m'aventurant un peu plus vite vers les chemins inconnus. Parlant d'inconnus, ce fut un bruissement non identifié qui parvint à mes oreilles alors que je me trouvais encore relativement seule. Mon esprit se mit en marche, il tourna à milles à l'heure. Gibier ? Ennemi ? Proie ? Je fis un signe de la main, bien haut, pour arrêter ma troupe. Je descendis sur mes appuis pour m'approcher du signe de vie. Je me cachais dans les fourrées, sans pour autant pouvoir faire preuve de discrétion. Ma main effleurait l'arme attachée à mon flanc. C'est alors que j’aperçus ces deux personnes. Des personnes qui avaient l'air si simples, aux premiers abords. J'étais à découvert. Ils n'avaient pas l'air dangereux, même s'ils semblaient pouvoir se défendre. Deux hommes. Je les toisai d'un air hautain en réajustant le képi noir qui coiffait ma tignasse bleue. Il n'était pas utile qu'ils me voient, mais c'était fort probable. Je devais la jouer finement. Je renonçai à dissimuler l'insigne de ma milice qui se trouvait fièrement sur ma veste militaire. Elle représentait un animal gros, imposant, à quatre pattes dans un cercle, tout cela de métal noir. Les yeux dorés du monstre semblait vous fixer d'un air dédaigneux alors que ses longs crocs brillaient d'argent incrusté. La mienne était spéciale, d'ébonite, d'argent et d'or. Ceux de mes troupes étaient seulement en métal non précieux. Je revins à mes possibles proies. Restait à analyser dans quel camp ils étaient.

Et dans lequel ils allaient passer.