Une foule compacte se massait frénétiquement devant l'entrée du légendaire Parc des Princes. Les gens étaient surexcités : on se battait griffes et ongles pour acheter un ticket avant les autres. Ce soir, le grand stade de football allait accueillir une rencontre au sommet. L'
olympique (Olympique) de Marseille s'apprêtait à se mesurer à la terrible équipe parisienne, dans un duel qui n'avait d'autre enjeu que la première place du championnat.
Parmi la multitude grouillante des fans, se trouvait un homme plus hargneux encore que les autres. Dans son implacable progression vers les guichets, il bondissait au-dessus des épaules, roulait entre les jambes, sans hésiter à blesser quelqu'un sur son passage. On l'insultait, on le frappait violemment ; mais il se servait des innombrables coups qu'il recevait pour mieux se propulser en avant.
Lorsque le jeune homme
parvint enfin à l'office, il poussa un cri de bête sauvage qui semblait retenu depuis des années.
- Combien coûte un ticket pour la meilleure place du stade ? postillonna J-E à la face du guichetier.
Se rappelant ses bonnes manières et avisant la mine mauvaise d'un agent de la sécurité, il se calma, remit sa chemise en place, puis ajouta plus doucement :
- S'il vous plaît, monsieur. Je veux être le plus proche possible du terrain.
- Les meilleures places qu'il reste sont à soixante-dix euros, répondit placidement son interlocuteur.
- C'est tout ? (J-E éclata de rire) Vous ne semblez pas avoir conscience du spectacle qui va s'offrir à nous ce soir ! Voilà l'argent pour le ticket... et un petit pourboire de deux-cents euros en plus, juste pour vous. Un tel événement vaut bien le coup de dépenser son argent, pas vrai ?
Le guichetier acquiesça bêtement, dépassé par cet élan de générosité. Juste avant que J-E n'entre dans le stade, il le saisit par le bras.
- Attendez, monsieur, chuchota-t-il à l'oreille du jeune homme. Je connais des gens assis sur les meilleurs sièges des tribunes. Vous m'avez l'air d'un bon gars : je vais vous introduire là-bas. Croyez-moi, vous verrez le match dans les moindres détails.
J-E le remercia avec effusion avant de se laisser guider à travers les couloirs du complexe sportif. Il était excité comme une puce, ne pouvant s'empêcher de penser à ce qui allait arriver. « C'est la plus grosse blague au monde... » marmonnait-il régulièrement ; il devait alors violemment refréner un rire qui faisait tout pour éclore.
Son nouvel ami le guichetier s'occupa de lui à la perfection. Il l'emmena jusqu'à un carré VIP isolé du reste du public. J-E s'assit sur siège qui était davantage un fauteuil. Il se trouvait au milieu de personnes qu'il ne connaissait pas, mais qui par leurs manières hautaines semblaient d'une grande importance. On lui servit un verre de champagne qu'il accepta gracieusement. En buvant, il remarqua qu'il était si proche du terrain qu'il pouvait discerner entre eux les brins d'herbe de la pelouse. Cela l'amusait tellement de se retrouver ici, lui qui n'avait jamais aimé le football !
Les tribunes étaient pleines. Le match allait commencer dans une demi-heure, mais déjà les spectateurs exprimaient leur enthousiasme. On chantait à tue-tête en buvant une bière dégueulasse, un hot-dog aussi gras que malingre entre les mains. D'un côté se trouvaient les marseillais ; en face, les parisiens. En observant ce public frénétique, J-E se demanda si les gens savaient.
« La plus grosse blague au monde... » murmura-t-il de nouveau pour lui-même.
Voulant partager sa bonne humeur, il tourna la tête vers son voisin.
Cependant la mine sombre de ce dernier, ses arrogantes lunettes de soleil, exprimaient très clairement qu'il ne voulait pas être dérangé. Visiblement, il n'était pas là pour rigoler : trop d'argent était en jeu.
Pour passer le temps, J-E s'évertua donc à finir sa flûte de champagne. Il demanda ensuite une deuxième coupe, puis une troisième ; avant de décider qu'il serait plus simple – pour lui comme pour le serveur – qu'il gardât la bouteille à ses côtés. Quelques minutes avant le début du match, il était plus joyeux qu'il ne l'aurait cru possible. Son esprit pétillait à l'image des bulles de son verre.
Les arbitres envahirent la pelouse en premier. Le public éclata d'une clameur qui fit trembler le stade entier ; la poitrine de J-E vibra à l'unisson de celles des trente mille spectateurs. Puis ce fut au tour des joueurs de sortir des vestiaires. Le vacarme qui les accueillit fut un véritable coup de tonnerre. J-E bondit de son fauteuil, excité comme une puce. Il examina attentivement les visages des athlètes parisiens, se hissant sur la pointe des pieds pour mieux voir.
Alors, dans un élan de jubilation, il les aperçut.
- OUIIIII !! jouit-il sans complexe. OUIIIIIIIIIIII !!!
Trottant fièrement dans leur maillot PSG, Alex et Matthieu rentraient sur le terrain.
***
Les deux jeunes hommes étaient abasourdis par la grandeur du stade, la ferveur du public. Matthieu souriait bêtement en faisant de grands signes à la foule, tandis qu'Alex, très concentré, terminait de s'échauffer. Aucun des deux n'en revenait de l'improbable concours de circonstances qui les avait faits se retrouver là.
Par un malheureux hasard, la quasi-totalité des footballeurs parisiens était
tombé (tombée) gravement malade l'avant-veille du match. Le recruteur de l'équipe, qui finissait ses vacances en Bretagne, s'était trouvé face à un problème insoluble : même en enrôlant parmi les petites équipes, il lui manquait toujours deux joueurs. Pestant furieusement contre ce fichu virus, il avait alors croisé Alex et Matthieu en train de faire un footing. Leur démarche souple et athlétique le convainquit aussitôt que c'étaient de grands sportifs, tandis que leur irrésistible sourire de winner fut comme une douce promesse de victoire. Avec l'énergie du désespoir, il les avait interpellés pour implorer leur aide. Matthieu – qui adorait les mensonges pourvu qu'ils ne soient pas crédibles – avait alors assuré qu'Alex et lui étaient deux footballeurs belges de très haut niveau, qui venaient d'interrompre leur carrière sportive afin de se consacrer, aux côtés de leurs femmes, à l'élaboration de leur propre chaîne de biscuiterie.
Il n'en avait pas fallu plus pour que le prestigieux club parisien
recrute (recrutât) les deux gaillards.
Mais à présent Alex et Matthieu devaient assumer leur petite farce, car ils se trouvaient dans
le plus grand stade de France (pas vraiment non : il y a le Stade de France, le Vélodrome et le Stade Pierre-Mauroy avant) sous les yeux de plusieurs milliers de spectateurs, contre les adversaires les plus redoutables qui soient. De plus, il se trouvait parmi le public des personnages haut placés, prêts à leur faire payer très cher un échec cuisant.
Matthieu avait décidé d'aller en défense, sur le côté gauche. Il était extrêmement confiant quant à ses capacités. Il est temps de montrer au monde ce que je vaux ! s'exhorta-t-il.
Si je ne parviens pas à vaincre par mon physique, alors je dominerai grâce à mon intellect ! (tu avais mis des guillemets plus haut quand tu avais inséré du dialogue au milieu d'un paragraphe, pourquoi pas là ?) En petites foulées sportives, il se dirigea vers son poste.
Pendant ce temps, Alex avait été envoyé à la pointe de l'attaque, en tandem avec une quelconque star suédoise dénommée Zlatan Ibrahimovic. Il était bien plus anxieux que son colocataire, conscient de la dure réalité : ils n'avaient pas leur place ici. Inquiet de ne pas être à la hauteur, il l'était plus encore que sa jambe blessée ne supporte pas l'effort physique. Il s'était longuement échauffé afin que son muscle tienne bon ; mais cela allait-il suffire ?
Il rejoignit Zlatan au centre du terrain. Son allié suédois, le surplombant de quinze bons centimètres, lui lança un regard plein de suffisance. Il ne lui faisait clairement pas confiance. Alex ignora royalement cette marque d'antipathie. S'il voulait donner son maximum pendant ce match il devait garder un mental d'acier, et ce n'était sûrement pas ce gros bonhomme pédant qui allait parvenir à le troubler.
L'arbitre lui donna la balle. Le jeune homme se plaça au milieu du cercle, juste à côté de Zlatan. Puis on siffla le coup d'envoi.
0' (0-0) Le public rugit de plaisir lorsque la rencontre débuta. Du camp des marseillais comme des parisiens, on se mit debout pour entonner de puissants chants patriotes. J-E ne faisait pas exception et chantait à tue-tête ;
cependant ce n'est aucun des deux clubs qu'il encourageait, mais ses deux amis.
- ALLEZ
(virgule) MATTHIEU ! brailla-t-il quand celui-ci obtint la balle.
Un attaquant marseillais se précipita alors vers le jeune breton, bien décidé à mettre la pression dès le début du match.
Cependant Matthieu transpirait tellement de confiance en lui qu'il feinta, puis passa son adversaire, le plus naturellement du monde. Il renvoya ensuite la balle à son milieu de terrain.
- C'EST ÇA, MATTHIEU, C'EST ÇA ! gueula J-E depuis les tribunes. MONTRE-LEUR CE QU'ON VAUT !
2'13'' (0-0) Au bout de quelques échanges, la balle arriva finalement jusqu'aux pieds de Zlatan. Celui-ci enchaîna en une course fulgurante qui surprit plusieurs défenseurs, avant de faire une passe à l'aile droite. Le numéro quatorze parisien, qui avait le champ libre sur le côté, avança alors jusqu'à se faire rattraper par deux véhéments défenseurs. Conscient qu'il ne
parviendrait pas à les dribbler, il effectua un long centre.
Une solide tête marseillaise renvoya la balle loin de la surface de réparation. Un milieu de terrain parisien la reçut entre les jambes. Observant qu'Alex était démarqué, il lui fit une passe rapide. Alex manqua de peu de se faire intercepter, mais
parvint à mettre le pied sur la balle. En un coup d’œil, il avisa la situation : deux défenseurs
l'empêchaient d'avancer, un autre se trouvait entre lui et Zlatan,
l'empêchant de faire la passe ; en revanche, il disposait d'une petite ouverture sur la gauche. Il s'y engouffra donc, forçant les défenseurs à quitter leur position. Apercevant Zlatan lancer une course, il lui envoya la balle. Mais un marseillais prévoyant réussit à la récupérer, et la passa à un allié hors de danger.
On calma le jeu.
4'30'' (0-0) Matthieu, qui ne s'était pas approché du ballon depuis trois minutes, se mit à flâner sur le terrain pour essayer de se rendre utile. Il surprit un adversaire, puis deux alliés, qui grognèrent en l'apercevant : « Qu'est-ce qu'il fout ici ? ».
Cependant son utilité s'arrêta là.
4'55'' (0-0) On prit soudain conscience, des deux côtés, du trou béant que les errances de Matthieu laissaient dans la défense. Un attaquant marseillais entama alors une longue course vers le but ; un de ses alliés effectua une passe millimétrée qui envoya la balle directement entre ses jambes. Matthieu se mit à courir comme un dératé pour protéger son but, mais il était bien trop loin pour espérer faire quoi que ce soit. L'attaquant, seul devant le
goal (en italique), tira. Le gardien, touché par la grâce,
parvint miraculeusement à repousser le ballon.
La balle arriva directement sur Matthieu, tout surpris, ne sachant pas comment réagir. En voyant trois marseillais converger furieusement vers lui, il réagit instinctivement : il se retourna pour tirer sans réfléchir.
On
eut (eût) dit qu'il savait ce qu'il faisait – d'ailleurs tout le public en fut persuadé – car le ballon exécuta une courbe parfaite qui se termina juste devant Alex, lancé à toute allure. La contre-attaque était fulgurante. Il ne se trouvait qu'un seul défenseur marseillais pour l'arrêter, tandis que Zlatan, sur sa droite, venait lui prêter main-forte.
Alex partit sur la gauche, forçant son adversaire à allonger la jambe pour le suivre. C'était exactement ce qu'attendait le jeune homme : il réalisa un petit pont minutieux. La balle arriva jusqu'à Zlatan, qui tira aussitôt. Le boulet de canon se ficha en pleine lucarne, ne laissant aucune chance au gardien.
La star suédoise beugla sa joie en même temps que le public. Les gradins tremblèrent. Zlatan courut à travers le terrain en poussant de longs cris aigus, les bras écartés, tel un goéland aux ailes paralytiques qui tenterait de prendre son envol. Il venait de mettre un but dès les cinq premières minutes de jeu : c'était un coup dur porté à l'équipe marseillaise. Ses camarades lui sautèrent dessus, le félicitèrent fiévreusement, introduisirent leurs mains sous son maillot.
Quand il aperçut Alex, Zlatan le gratifia d'une violente claque affectueuse
, (virgule inutile) et l'embrassa même sur le front. Il lui avait fait une belle passe.
-
Jag gillar din söta lilla röv ! lui assura-t-il avec un grand sourire.
6'21'' (1-0) L'olympique de Marseille relança le jeu.
7'59'' (1-0) Les parisiens récupérèrent la balle et enchaînèrent avec une offensive rapide. En un habile
passe-et-va, Alex et Zlatan
parvinrent à
passer deux adversaires. Une nouvelle occasion de but se profilait pour le PSG. Le suédois réussit presque à dribbler un autre joueur, mais dut finalement envoyer la balle à l'aile. Malheureusement le numéro quatorze, acculé, se fit déjouer par un défenseur adverse et donna le six-mètres.
10'42'' (1-0) Alors que les marseillais pressaient en attaque depuis plusieurs minutes, Matthieu se retrouva engagé dans un duel contre son
vis-à-vis. Empli de confiance en lui, il feinta de protéger son flanc droit, défendit son côté gauche... pour se rendre compte que son adversaire, sans qu'il comprît comment, venait de le passer par la droite.
- Ce n'est pas possible d'être aussi rapide ! se plaignit Matthieu, levant les bras en signe de contestation.
L'attaquant marseillais se précipita droit dans l'espace qui s'offrait à lui. Les joueurs des deux équipes s'élancèrent vers le but. Le porteur de balle pouvait tirer, mais fit une petite passe haute. Une tête alliée percuta de plein fouet le ballon, qui se dirigea inéluctablement vers le petit filet.
De nouveau, une terrible secousse et une longue clameur ébranlèrent les tribunes.
11'11'' (1-1) Le match reprenant, Matthieu était envahi de sombres pensées. Face à ce premier échec, son assurance avait pris un sacré coup. Était-il donc si mauvais ? Il résolut de ne plus se faire avoir.
À partir de maintenant, je suis une montagne ! Personne ne passera ! 11'21'' (1-1) Matthieu se fit misérablement dribbler. Le marseillais prit à contre-pied le défenseur suivant, arma son tir, frappa. La balle passa à quelques centimètres de la main du gardien.
But.
14'55'' (1-2) Zlatan, très énervé de ce double-échec de la part de son équipe, tenta le coup d'éclat. Le ballon au pied, il
parvint à passer un joueur, puis un deuxième ; mais un troisième marseillais, en un tacle irréprochable, le déposséda.
Le suédois cria de haine et de frustration.
15'15'' (1-2) L'action de Zlatan entraîna aussitôt une contre-attaque. La balle arriva dans les pieds d'un marseillais qui partit comme une flèche. Tous les défenseurs parisiens étaient hors de position ; seul Matthieu pouvait l'arrêter. Le jeune homme s'élança à sa poursuite. Il avait toujours été bon en course
, et c'était l'occasion de le montrer. Matthieu donna tout ce qu'il avait, usa du moindre de ses muscles. Il avait l'impression de faire des bonds prodigieux, de repousser les limites de son corps !
Cependant, c'était comme essayer de rattraper un train aux commandes d'un tracteur. L'attaquant distança aisément Matthieu, contourna le gardien qui s'était avancé, puis fit tranquillement rouler la balle jusqu'aux filets. Troisième but pour l'OM.
17'56'' (1-3) Le moral de Matthieu était au plus bas. À cause de lui, son équipe venait de prendre un retard considérable, peut-être insurmontable. Un violent point de côté le forçait à trottiner misérablement, le poing pressé contre son torse, le dos voûté et le souffle court.
Pourvu qu'ils me laissent un peu de répit... pensa-t-il faiblement.
Or, ses adversaires s'étaient bien rendus compte de sa fragilité défensive. Encore une fois, la balle arriva de son côté.
Merde ! jura Matthieu en voyant son opposant se ruer vers lui. Il ne pouvait pas se laisser avoir une quatrième fois !
Alors il tenta le tout pour le tout. Se sachant terriblement inférieur en duel et trop harassé pour courir, il se laissa tout simplement tomber sur la balle. Il la bloqua fermement contre la pelouse avec sa poitrine, tandis que ses mains repoussaient farouchement les jambes de son ennemi. De loin, on aurait dit qu'il faisait l'étoile de mer sur le ballon.
- C'EST BIEN, MATTHIEU ! cria J-E depuis les gradins. MONTRE-LEUR COMMENT ON JOUE AU FOOT !
Le jeune homme ne comprit pas ce que lui disait son ami, mais entendre le son de sa voix lui rendit sa hargne. Il se répéta ce qu'il s'était dit avant que le match ne commence : « Si je ne
parviens pas à vaincre par mon physique, alors je dominerai grâce à mon intellect ! ».
Sa confiance en lui toute retrouvée, Matthieu se roula en boule autour du ballon, formant un écran protecteur infranchissable. Il coinça la balle entre ses deux cuisses et son ventre, bloqua ses jambes à l'aide de ses bras, rentra sa tête vers l'intérieur jusqu'à ce que son front touche ses genoux ; puis, sous les yeux émerveillés du public, il se mit à rouler.
J-E, en le voyant faire, dut retenir un orgasme. Non seulement Matthieu ridiculisait ce match devant les caméras et des milliers de spectateurs, mais en plus il s'acheminait vers la mauvaise direction ! La tête baissée, celui-ci n'avait pas du tout conscience qu'il se dirigeait droit vers le but qu'il devait défendre. Ses alliés accoururent en lui criant de s'arrêter.
Mais Matthieu, têtu comme une bourrique, continuait à avancer sans réfléchir. Il fallut que deux de ses camarades le bloquent totalement pour qu'il réagît.
- Vous n'avez pas le droit de m'arrêter ! protesta-t-il avec véhémence. Laissez-moi passer !
Il se rendit alors compte qu'il se trouvait dans la mauvaise surface de réparation.
- Mais... qu'est-ce que j'ai fait ? s'étonna-t-il, entièrement désorienté.
Tout penaud, il quitta sa position défensive. À cause de ses galipettes répétées, sa tête lui tourna violemment ;
bien qu'il se
trouvait (trouvât) en position assise, Matthieu
parvint à perdre son équilibre. Pour éviter de tomber, sa main s'accrocha énergiquement à la balle.
L'arbitre,
bien que confondu, siffla le penalty en faveur de l'équipe marseillaise.
19'39'' (1-3) Le tireur visa en haut à gauche ; le
goal (en italique) partit en bas à droite. But.
À l'autre bout du terrain, la clameur des tribunes ne suffit pas à étouffer le terrible rugissement de Zlatan.
20'15'' (1-4) Du côté parisien, on relança la balle sans perdre un instant. On ne voulait pas se laisser faire.
22'37'' (1-4) Une belle offensive du PSG se solda par un poteau. La balle était passée si proche du but que cela frustra tout le monde – particulièrement Zlatan –, mais on ne se découragea pas pour autant. L'équipe d'Alex et Matthieu, dans un temps fort, eut tôt fait de récupérer le ballon et de continuer à mettre la pression vers l'avant.
24'20'' (1-4) Le numéro quatorze, après avoir attiré deux joueurs à lui, fit la passe à Zlatan. Le suédois relaya
aussitôt vers Alex, qui s'engouffra
aussitôt dans l'intervalle engendré par la rapidité de l'action. Tout proche du but, avec deux défenseurs qui le talonnaient, le jeune homme aperçut le
goal (en italique) se rapprocher à toute vitesse
de lui (inutile). Du bout du pied, il souleva la balle et exécuta un lobe magnifique. Le gardien, prit à contre-pied, bondit en arrière pour essayer d'empêcher le but. D'extrême justesse, il dévia très légèrement le ballon ; cela suffit pour qu'il touchât la transversale et soit renvoyé en arrière.
Une lutte sauvage et chaotique opposa alors attaquants et défenseurs pour récupérer la balle. Zlatan, plus farouche que jamais, s'imposa finalement. Le
goal (en italique) étant encore en train de se relever, il tira sans perdre une seconde. Mais pour la troisième fois consécutive, le poteau fut le meilleur des gardiens.
Un marseillais, en tentant de dégager vivement, fit rebondir le ballon sur un de ses alliés, qui finit entre les jambes du numéro quatorze, seul sur son aile droite. Sans laisser le temps à ses adversaires de monter sur lui, il effectua un long centre.
En voyant la balle arriver, Zlatan sut qu'il allait marquer. Son instinct de buteur, affûté au fil des années, ne laissait aucune place au doute. Cette balle était pour lui. Elle arriverait droit sur son pied, et le
goal (en italique) serait trop lent pour l'arrêter. Il s'élança sur sa trajectoire, prêt à relancer Paris sur le chemin de la victoire.
Mais c'était sans compter Matthieu. Flairant une juteuse occasion de but, il avait parcouru tout le terrain pour se jeter corps et âme juste devant Zlatan. Le jeune breton intercepta la balle comme un seigneur, en une tête plongeante d'une grâce phénoménale, qui éjecta le ballon si haut et si loin qu'il atterrit parmi les derniers sièges des tribunes.
C'en fut trop pour la star suédoise. Zlatan saisit violemment Matthieu par le cou pour l'étrangler.
-
Dräpa mig denna dåre ! écuma-t-il, la bave aux lèvres.
Kill this idioten ! Voyant son ami devenir étrangement violet, Alex fila à sa rescousse. L'arbitre et d'autres joueurs vinrent rapidement lui prêter main-forte pour empêcher le suédois de commettre un meurtre. Zlatan, enragé, se dégagea violemment, puis administra un furieux coup de boule à tous ceux qui l'entouraient.
Ce n'est qu'après avoir envoyé l'arbitre au tapis qu'il prit conscience de l'énorme bêtise qu'il venait de faire. Par cet acte de folie, sa carrière dans le football était ruinée. Il le savait, la FIFA était très stricte sur les démonstrations de violence. Le grand pape du football avait excommunié pour moins que cela. Soudainement, Zlatan se sentit étranger à lui-même, comme en-dehors de ce qui était en train de lui arriver. Les sifflets déchaînés de la foule, la frénésie dans laquelle tout le monde se trouvait, la couleur verte de l'herbe, même ce picotement autour des yeux, révélateur d'une larme qui voulait surgir mais qui était trop affectée pour le faire ; tout, absolument tout, lui apparaissait d'une extraordinaire futilité. Il lui semblait que...
-
It's okay, Ibramovic, it's okay ! Calmez-vous, je vous prie.
Please calm down and move to the changing room. Veuillez rejoindre les vestiaires.
Le suédois leva un regard vide vers J-E et son accent si français.
-
I'm arbitre
, OK ? insista le jeune homme. Je suis arbitre. Tu dois m'obéir.
You shall listen to me. I'm the boss here. C'est moi le patron, mon loulou. Alors
go to the changing room, now ! And do not come back. Sinon je me fâche.
Zlatan, sans dire un mot, obéit. Il quitta le terrain sous les cris haineux du public, la tête basse.
Sur les lèvres de J-E se dessina un grand sourire victorieux. Il avait profité de la confusion générale pour quitter les tribunes et rejoindre le terrain sans que personne ne fasse attention à lui. Puis, alors que tous les regards convergeaient vers Zlatan, il avait rapidement échangé ses vêtements avec ceux de l'arbitre évanoui.
À présent, c'est moi qui décide des règles ! se délecta-t-il.
33'43'' (1-4) Après toute cette agitation, le match reprit enfin. Zlatan ayant écopé d'un carton rouge bien mérité, les parisiens se retrouvaient à dix contre onze. On fit quelques passes pour se remettre dedans. Bientôt, la star suédoise ne fut plus qu'un vague souvenir : chacun se concentra sur le jeu.
35'15'' (1-4) Comme on ne change pas les bonnes habitudes, les marseillais envoyèrent de nouveau la balle du côté de Matthieu. Ce dernier se précipita vers son
vis-à-vis, mais au lieu de chercher à lui prendre le ballon, il utilisa son élan pour le percuter violemment. D'un mouvement aussi théâtral qu'acrobatique, le jeune breton se projeta alors en arrière. Au sol, il se mit à gémir de la pire des façons, se tordant de douleur, agrippant
(il manque un article ou un pronom là, non ?) jambe comme s'il venait de subir la plus terrible des mutilations. Dans les gradins, on le hua méchamment : la simulation était aussi odieuse qu'évidente.
L'arbitre siffla un grand coup. D'un pas royal, J-E s'approcha des deux belligérants. Tout en faisant son maximum pour ne pas sourire, il sortit le carton rouge de sa chemisette. Sans hésiter, il le présenta fermement devant le marseillais ébahi.
Une vague d'insultes gronda alors depuis les tribunes. Tout le monde était scandalisé. Les compagnons du fautif tentèrent de persuader J-E de revenir sur sa décision, mais en vain : celui-ci les ignora totalement et aida Matthieu à se relever.
Aussitôt debout, le jeune homme se mit à trottiner ; il semblait en pleine forme.
35'43'' (1-4) Pendant qu'on préparait le coup franc. Matthieu, qui avait de plus en plus envie de mettre un but, décida d'aller en attaque. Alex l'accueillit avec le sourire.
- Si l'un d'entre nous marque, édicta-t-il, l'autre lui paie un magnum de champagne !
Une inquiétante lueur de convoitise brilla dans les yeux de Matthieu.
- Ah ! Mon ami, tu viens de sceller le destin : je ne quitterai pas le terrain sans avoir mis cette maudite balle au fond des filets !
36'15'' (1-4) Un milieu de terrain parisien effectua une passe longue sur l'aile droite. Numéro quatorze, toujours à l'affût, réceptionna le ballon en battant son adversaire à la course, puis l'envoya à Alex. Celui-ci tenta de dribbler un joueur ; n'y parvenant pas, il dut retourner la balle à numéro quatorze, qui, observant le bon positionnement de Matthieu, la lui relaya aussitôt.
Au niveau de la surface de réparation, le jeune homme aperçut une fenêtre de tir. Le cœur battant à l'idée qu'il allait peut-être marquer, il frappa de toutes ses forces. Mais un défenseur qui s'était approché repoussa le ballon, usant de son corps comme bouclier humain. Tout le monde se précipita à la récupération, quand un coup de sifflet impérieux retentit.
Les têtes des joueurs surpris se tournèrent vers l'arbitre. J-E se dirigea droit vers celui qui venait d'arrêter le tir de Matthieu. En un geste d'une lenteur exagérée – il savourait chaque seconde –, il introduisit sa main dans la poche de sa chemisette. Carton rouge. Et penalty.
-
Do not prevent Matthieu from shooting, annonça-t-il gentiment. Interdiction de l'empêcher de frapper dans la balle.
Okay ? Sa décision sidéra les marseillais, à tel point qu'ils ne pensèrent même pas à la contester. Dans les gradins, les spectateurs étaient devenus fous : chacun s'évertuait à être le plus bruyant possible, de quelque manière que ce
fut (fût). La plupart se contentaient de huer à travers l'entonnoir de leurs mains, mais les plus inventifs utilisaient les objets à leur portée – barres métalliques, bouteilles en verre – qu'ils frappaient contre leur siège afin d'obtenir les sons les plus horribles.
Du côté des joueurs parisiens, on s'organisa pour savoir qui allait tirer. Matthieu eut beau se montrer volontaire et très insistant, il fut décidé que le numéro quatorze s'en occuperait.
37'03'' (1-4) Numéro quatorze exécuta une frappe exemplaire. Le
goal (en italique),
bien que lancé dans la bonne direction, ne put rien faire pour empêcher le but.
37'59'' (2-4) Alors que le match venait juste de reprendre, un marseillais fit l'erreur de s'approcher à moins de deux mètres de Matthieu. L'arbitre siffla aussitôt
, et administra un carton rouge tout à fait légitime au coupable.
38'25'' (2-4) J-E siffla
de nouveau. Le numéro sept marseillais se vit attribuer un carton rouge pour avoir « poussé un grognement exprimant clairement son mécontentement
vis-à-vis d'une décision de l'arbitre ».
38'35'' (2-4) J-E siffla. Le numéro dix marseillais se vit attribuer un carton rouge pour avoir « craché approximativement dans la direction de Matthieu ».
38'37'' (2-4) Dans la foulée, le numéro six marseillais reçut lui aussi un carton rouge, pour avoir « une tronche de cake ».
39'15'' (2-4) En quatre minutes, les marseillais venaient de perdre la moitié de leurs joueurs. Ils jouaient à présent à cinq contre dix. Plus personne n'osait s'approcher de Matthieu. Ni lui parler. Ni même lui jeter un furtif coup d’œil.
(normalement le match est automatiquement interrompu si une équipe reçoit cinq cartons rouge) 41'00'' (2-4) Le
goal (en italique) marseillais arrêta
in extremis (en italique) une frappe enroulée signée Alex.
42'12'' (2-4) De nouveau, Alex se retrouva devant le gardien.
Cependant il était dans un mauvaise situation pour tirer, pressé par l'un des rares défenseurs survivant. Il regarda autour de lui. À sa gauche se trouvait Matthieu, parfaitement positionné. « La passe
(virgule) Alex, la passe ! » lui criait-t-il avec de grands gestes excités. À sa droite, il y avait numéro quatorze. Il était largement moins bien placé, un joueur adverse
su (sur) ses talons ; mais afin que Matthieu ne marque pas, c'est à lui qu'Alex envoya le ballon.
Numéro quatorze fit alors étalage de tout son talent. Il prit de vitesse un premier défenseur, réalisa un crochet qui laissa en plan un deuxième puis, malgré un angle de tir restreint, berna le
goal (en italique) (espace en trop) et logea la balle au fond des filets.
43'32''(3-4) L'OM effectua la remise en jeu. Harcelés par les joueurs parisiens, à deux contre un, les marseillais n'eurent d'autre choix que de céder du terrain, mètre après mètre, jusqu'à finalement être forcés d'échanger la balle avec leur gardien.
Ce qui devait arriver arriva : numéro quatorze intercepta une passe désespérée. Avec facilité, il inscrivit son troisième but.
44'44'' (4-4) Du côté de la touche, on annonça trois minutes d'arrêt de jeu ; les joueurs marseillais, découragés, n'attendaient rien d'autre que la mi-temps. Pour eux, le match était clairement fichu, ils en étaient conscients.
Dès que la balle fut relancée, le même scénario commença à se reproduire. Inlassablement, l'OM reculait. J-E siffla alors un grand coup. Tout le monde était surpris, les joueurs comme le public, car il semblait n'y avoir eu aucune faute. L'arbitre mit la main dans sa chemisette jaune à présent si redoutée, et en sortit non pas un, ni deux ; mais bien cinq cartons rouges. Il les attribua à des joueurs parisiens choisis aléatoirement – en-dehors d'Alex et Matthieu –, pour avoir « outrageusement profité d'une situation de supériorité numérique...
Not fair-play, gentlemen ! ».
Les tribunes explosèrent de joie et d'ébahissement. Le match venait non seulement de récupérer tout son intérêt, mais devenait également une première dans l'histoire du football. Une confrontation à cinq contre cinq, c'était du jamais vu ! De puissants chants vibrèrent ; on les entendait à des kilomètres du stade.
47'44'' (4-4) Le public était survolté. Des deux côtés, les joueurs donnaient leur maximum. Même Matthieu n'était pas complètement ridicule. Les deux équipes sentaient la mi-temps approcher, et chacune d'entre elle faisait tout pour mener au score avant la pause. Une offensive marseillaise redoutablement exécutée fit frémir les gradins.
Pendant la contre-attaque qui s'ensuivit – qui dura cinq bonnes minutes en raison du manque d'effectif – le cœur des spectateurs bondit à de nombreuses reprises. Des retournements de situation se produisaient toutes les trente secondes ; les tribunes gémissaient de plaisir sous la pression du suspens. Plus personne ne souhaitait que la mi-temps arrive.
52'57'' (4-4) Les joueurs se battaient comme des lions, malgré une fatigue toujours plus harassante. Alex tenait bon – sa jambe blessée le brûlait, mais sans montrer aucun signe de faiblesse. Matthieu alternait entre phases de repos et phases d'efforts soudaines et intensives, où il tentait de prendre ses adversaires par surprise.
À chaque sortie de balle, on se demandait si l'arbitre allait siffler la mi-temps. Il avait déjà plus de quatre minutes de retard, arrêts de jeu inclus. Mais J-E laissait jouer. Cela irrita les organisateurs : pourquoi s'entêtait-il ainsi à perturber le bon déroulement de la rencontre ? Il fallait que les joueurs se reposent, et surtout que les chaînes de télévision diffusent leurs publicités !
55'29'' (4-4) Comme J-E ne sifflait toujours pas la pause, l'un des gérants s'énerva. Il n'avait pas les pouvoirs pour interrompre le match – seul l'arbitre les détenait – mais il ne pouvait rester ainsi sans rien faire.
- Lancez la musique et le clip de la mi-temps sur l'écran géant ! cracha-t-il aux ingénieurs du spectacle. Ça décidera peut-être cet imbécile !
Fiévreusement, on s'empressa de lui obéir.
«
The show must go on » emplit le stade titanesque.
55'39'' (4-4) Lorsque la musique se déchaîna, J-E ricana de plaisir. Non, cette tentative futile ne le ferait pas siffler la mi-temps ; bien au contraire, cela ne rendait la rencontre que plus fabuleuse ! Il adorait voir la fatigue des joueurs, leur hargne lutter sauvagement contre leur épuisement, leur volonté tenter d'imposer sa suprématie au corps. Le public, exalté, partageait complètement son point de vue. Il y avait quelque chose d'épique, d'antique presque, à voir ces athlètes se battre comme des bêtes farouches, vidant jusqu'à leur dernière goutte de transpiration dans le seul objectif d'arracher la victoire à leurs adversaires.
56'29'' (4-4) Alors que les joueurs des deux équipes se rendaient coup pour coup, on arriva au refrain. La musique fit battre à l'unisson les cœurs des trente mille spectateurs.
- SHOW MUST GO OOOOOON !!! gueula le public survolté.
Transportés par le chant, les gens s'étaient levés, les bras fermement accrochés autour des épaules des leurs voisins. Si personne ne s'était attendu à un tel spectacle en achetant son ticket, tout le monde en était transcendé.
- SHOW MUST GO OOOOOOON !!! répéta le chœur colossal.
Alex, Matthieu et J-E frissonnèrent. Comment rester insensible à cette gigantesque clameur ? La fièvre de la foule les transportait, leur donnait le sentiment d'être des héros, chacun à sa manière.
J-E se sentait comme un chef d'orchestre et un compositeur. C'était son œuvre, son spectacle, c'était lui qui décidait des règles, qui faisait en sorte que tout se passe bien pour le plus grand plaisir des spectateurs. Son sifflet était sa baguette de maestro. De ses cartons rouges, il orchestrait les crescendos et les decrescendos, les phases d'action épique ou de calme méditatif.
Quant à Alex et Matthieu, ils étaient envahis par le désir impérieux d'accomplir quelque chose d'extraordinaire... Un acte si énorme, si percutant, que le souvenir en resterait à jamais profondément gravé dans les anales du football. Par instants, Alex tremblait comme une feuille ; à la fois à cause de sa terrible fatigue musculaire, mais aussi à l'idée de réaliser quelque chose d'absolument prodigieux.
59'09'' (4-4) Matthieu, en voulant subtiliser la balle à son adversaire, se laissa entraîner malgré lui par la musique. Tout en défendant du mieux qu'il pouvait, il se mit à exécuter les pas de danse les plus audacieux. Cela déconcerta son
vis-à-vis, qui rendu totalement confus – voire effrayé – par l'étrangeté de ses gestes, lui céda peu à peu du terrain.
Subitement touché par l'inspiration divine, Matthieu tenta alors un « tacle en rondade ». Il posa ses mains contre la pelouse et projeta vigoureusement ses jambes en l'air. Bien que son maillot choisit ce moment pour lui retomber sur la tête et l'aveugler, le jeune homme
parvint à terminer son acrobatie dans les règles de l'art.
Cependant ce ne fut pas sur le ballon qu'il atterrit pieds en avant, mais directement sur la poitrine de l'arbitre. Il le percuta avec assez de violence pour leur faire tous les deux manger l'herbe.
Ne perdant pas de vue qu'ils devaient avant tout empêcher leurs adversaires de mettre un but, Matthieu s'écria en direction de son coéquipier :
- Arrête-le, Alex !
Ce dernier ne se fit pas attendre. Il enleva ses chaussures, puis rattrapa le porteur de balle en un moonwalk d'une grâce et d'une rapidité foudroyantes.
Rassuré, Matthieu se tourna vers J-E pour s'excuser.
- Désolé. À cause de mon maillot, je ne voyais plus grand-chose.
Son ami ne semblait pas vexé le moins du monde : au contraire, il affichait un sourire espiègle. Cette pirouette l'avait inspiré de la meilleure des façons.
- Hé, gloussa-t-il malicieusement, on fait une fusion MB ?
Une fusion MB ! songea Matthieu.
Devant tous ces gens ! L'idée était trop merveilleuse pour qu'il puisse s'empêcher d'éclater de rire.
- J-E, tu es un génie ! exulta-t-il.
59'58'' (4-4) Les deux hommes, très concentrés, se préparèrent pour leur fusion MB.
Matthieu se plaça dos à J-E, bien droit et les bras légèrement levés.
L'arbitre s'éloigna de quelques mètres pour prendre son élan, puis s'élança vers le joueur du PSG. Juste avant de l'emboutir, il plaça ses mains contre terre pour envoyer ses jambes contre les omoplates de Matthieu. Celui-ci lui saisit les mollets, puis utilisa la vitesse accumulée pour le faire monter d'un coup sur ses épaules.
L'arbitre, juché sur son ami, leva victorieusement les bras en l'air. Le public hurla de plaisir.
Mais ce n'était pas pour eux que la foule criait ainsi. L'OM venait de mettre un but.
61'44'' (4-5) Harassé par la fatigue de plus d'une heure d'efforts intenses, Matthieu se sentit soudainement faible. Le poids de J-E fut plus que ce qu'il pouvait supporter ; ses jambes tremblèrent, puis le lâchèrent. Ils s'écroulèrent misérablement.
- Ça va, Matthieu ? s'inquiéta J-E une fois debout.
Celui-ci avait les yeux difficilement entrouverts. Il semblait au bord de l'évanouissement.
- J-E..., souffla-t-il à voix basse, j'ai été trop faible... Trop faible pour mettre un but... Oh, je veux juste me reposer ! J-E, promets-moi ! Promets-moi... qu'Alex mettra un but. Il le faut ! Pour la fierté de notre coloc.
- Je le promets, répondit tristement J-E, déçu de voir son camarade dans un tel état.
Des brancardiers arrivèrent en courant. Le corps de Matthieu fut mollement installé sur la civière. Juste avant de se faire emmener, il murmura :
- Continuez sans moi, les amis...
The show must go on. En le voyant rejoindre la touche, la moitié du public applaudit sa performance. « Bravo
(virgule) Matthieu ! », lui criait-on. « Super match ! ». Ces marques d'affection émurent profondément le jeune homme.
Les gens m'aiment... songea-t-il en versant une lourde larme de fatigue. Il ferma les yeux, un sourire bienheureux aux lèvres.
Pas un instant, il ne se douta que seuls les spectateurs marseillais le félicitaient.
62'22'' (4-5) Le jeu reprit dès que Matthieu fut évacué. Les parisiens n'étaient plus que quatre, mais leur volonté de vaincre était plus forte que jamais. Certes, à un si petit nombre ils devaient faire un effort monstrueux pour seulement parcourir le terrain en entier ; mais il semblait qu'ils avaient atteint un état supérieur, un état où leur corps faisait exactement ce qu'ils lui demandaient, et où l'épuisement n'avait pas sa place.
Alex – toujours en chaussettes – et numéro quatorze formaient un duo particulièrement redoutable. À eux seuls, ils parvenaient de mettre l'équipe adverse dans tous ses états. Le PSG enchaînait offensive sur offensive, assaillant sans relâche, bien décidé à remporter cette rencontre. Mais la défense marseillaise était solide ; comme un rocher face aux assauts furieux du vent, ils résistaient. Eux aussi voulaient gagner.
64'31'' (4-5) Encore une fois, numéro quatorze exécuta une fantastique percée sur l'aile. Il envoya ensuite la balle centre, droit sur Alex. Le jeune breton s'élança en l'air, puis, à l'apogée de son saut, se retourna à moitié pour donner un puissant coup de pied au ballon. C'était parfaitement exécuté ; malheureusement, la balle arriva dans les mains du gardien.
66'16'' (4-5) Alex
parvint à récupérer la balle au milieu de terrain. Avec une confiance inébranlable, il arma son tir. Le soleil était derrière lui, l'illuminant de ses rayons célestes ; le vent était de son côté.
- TIR DU PANGOLIIIIIN ! rugit-il.
La balle partit comme une flèche, directement dans la face du premier défenseur.
67'10'' (4-5) Cherchant à gagner du temps et à récupérer des forces, l'OM enchaîna les passes entre ses joueurs, sans la moindre velléité agressives ; ils voulaient simplement fatiguer leurs adversaires. Le public – qui voulait toujours plus de spectacle – siffla avec hostilité.
Un joueur parisien intercepta alors le ballon avant de l'envoyer à Alex. Il partit à toute vitesse, soutenu par un numéro quatorze légèrement sur sa droite. Grâce à une série de passe-et-va et de réussites individuelles, ils passèrent tous les défenseurs. Les spectateurs parisiens s'étaient tous levés de leurs sièges et retenaient leur souffle.
En position de tir, numéro quatorze frappa. Mais emporté par l'excitation, il tira trop fort, trop haut : la balle passa loin au-dessus du cadre.
- NOOON ! s'écria numéro quatorze en se prenant la tête entre les mains.
Il semblait vraiment affecté par cet échec. Ses entraîneurs lui avaient assez souvent répété combien ce match était important : ils ne devaient pas le perdre !
- Je suis trop fatigué... s'excusa-t-il à Alex en le voyant approcher. Jamais je n'avais eu à fournir autant d'efforts... Ce match est inhumain !
Alex acquiesça gravement. Il ne savait même pas comment lui-même tenait encore debout. En regardant J-E – qui ne semblait pas du tout décidé à siffler la mi-temps – il se dit que s'ils ne mettaient pas de but dans les minutes à venir, alors ils n'auraient aucune chance de remporter ce match.
67'58'' (4-5) Six mètres en faveur de l'OM. Le
goal (en italique) prit son temps, tandis que ses joueurs se reculaient le plus loin possible. Ils sentaient la victoire à portée de mains. Ils avaient simplement à attendre que les parisiens aient dépensé toute leur énergie.
Se frottant les mains de satisfaction, le gardien recula encore un peu – très lentement. Chaque seconde qui passait était un pas de plus vers la victoire ; les sifflets virulents du public qui l'exhortaient à tirer, étaient une douce mélodie à son oreille.
Mais alors qu'il s'apprêtait à s'élancer, une ombre surgit dans son dos. C'était Matthieu, vêtu d'une simple couche et portant une caméra sur l'épaule ! À l'aide de la batte qu'il tenait dans sa main droite, il fracassa le crâne de son adversaire. Le public hoqueta de surprise quand le
goal (en italique) s'écroula à terre, assommé.
Matthieu s'esclaffa grassement. Ça n'avait pas été facile d'échapper aux médecins
( (ce sont les tirets que tu dois utiliser, puisque tu en as usé jusqu'ici, et non pas les parenthèses) il préférait ne pas savoir pourquoi ils lui avaient enfilé une couche), de retrouver son chemin à travers le complexe sportif, puis de se faufiler à quatre pattes derrière les panneaux publicitaires. Ça n'avait pas été facile non plus de lutter férocement avec un
cameraman (italique, ou alors « caméraman) pour récupérer son appareil
( (tiret)le premier coup de batte n'avait pas suffit à l'étourdir
). Mais le jeu en valait la chandelle.
- Je vais mettre un but ! s'extasia-t-il en boitillant vers la balle, encombré par son équipement.
On afficha sur l'écran géant les images que
filmaient (filmait) Matthieu. De toutes les tribunes, on pouvait apercevoir dans les moindres détails sa lente marche vers le ballon, ponctuée par ses petits ricanements pernicieux.
- ALLEZ
(virgule) MATTHIEU ! tonna-t-on du côté parisien. TU PEUX LE FAIRE !
En face de lui, tous les autres joueurs tentaient vainement de revenir en défense ; mais ils étaient
bien trop éloignés. Prenant
bien soin de positionner son objectif de telle sorte que tout le monde
comprenait (comprît) exactement ce
qui (qu'il) se passait,
(espace en trop) il se plaça juste derrière la balle – à moins de six mètres du but –, et tira.
Sur l'écran géant, on vit la caméra chuter misérablement, puis une jambe et un pied accomplir un angle inconcevable, sans que la balle ne
bouge (bougeât) d'un pouce. Matthieu venait de chuter.
- Oh non ! Je me suis cassé la cheville ! s'écria-t-il, et à travers la caméra sa voix emplit tout le stade.
Le public marseillais était hilare. On scanda son nom avec ferveur.
68'46'' (4-5) Alors que joueurs et brancardiers affluaient vers Matthieu, l'arbitre siffla un grand coup. J-E se dirigea droit vers le gardien et le gratifia d'un carton jaune, pour avoir « indirectement blessé Matthieu ». Comme il ne daignait toujours pas se relever, malgré sa correction, il lui administra un carton rouge pour « anti-jeu et simulation ».
Il accorda ensuite un penalty au PSG.
68'55'' (4-5) Les joueurs marseillais devinrent fous. Ils exigèrent que J-E revienne sur sa décision ; ils exigèrent que ce soit Matthieu qui reçoive le carton rouge ; ils exigèrent de pouvoir remplacer leur gardien. Toutes ces exigences fatiguèrent J-E, qui attribua un carton rouge aux quatre derniers joueurs de l'OM.
69'16'' (4-5) Il n'y avait désormais plus que des joueurs parisiens sur le terrain – hormis le gardien marseillais, toujours inconscient, qui gisait par terre sans que personne ne vienne s'occuper de lui. Aux cotés de son équipe, Alex exigea de tirer le coup de pied arrêté. Ses compagnons le lui accordèrent gracieusement. Un penalty sans
goal (en italique), sans défenseurs... comment pouvait-il se louper ?
69'49'' (4-5) Alex tremblait de tous ses membres quand il courut vers la balle. Lancé dans sa foulée, totalement extérieur aux rugissements des spectateurs, il allait enfin pouvoir marquer ! C'est alors qu'il sentit sa jambe le lâcher, son quadriceps claquer violemment ; sa vieille blessure frappait de nouveau.
- Arh ! cria-t-il aussitôt, envahi par la douleur.
Il interrompit tout de suite sa foulée pour se laisser tomber à terre. Forcer son muscle était la pire décision à prendre.
Cependant, il avait tout son temps pour mettre ce but ; de plus, quoiqu'il fasse, l'arbitre était de son côté. Alors le breton ignora sa souffrance, rampa jusqu'à la balle, la prit entre ses mains, et roula tranquillement jusqu'à rentrer lui-même à l'intérieur des filets.
69'69'' (14-5) J-E décida que le but d'Alex était à ce point magnifique, qu'il en valait dix à lui tout seul. Puis il siffla la fin du match.