Je me suis longtemps tâté sur le pôle où je pouvais vous entraîner dans la petite aventure qui m'est arrivée vendredi dernier. Finalement je me suis décidé à le faire ici, corrigez-moi si mon choix n'est pas pertinent.
C'est un album photo, avec en background l'histoire de mon exploration.
Vendredi matin donc, je me lève pour partir en direction de la ville de Laon, à trois quarts d'heure de mon domicile et là où je recevrai une formation toute la journée. Je découvre avec surprise que la cité se trouve en haut d'un mont, que ma voiture gravit par d'agréables routes serpentantes. Je finis par longer les impressionnantes murailles d'un ancien château avant d'arriver à l'université, un imposant bâtiment au charme vieillot comme je les aime.
Après m'être garé, j'apprends alors que tous les cours de la journée ont été annulés. Déçu d'avoir fait tant de route pour rien, je décide de me balader dans cette ville fort attrayante. À peine deux rues plus loin, j'aperçois un chemin de terre qui semble plonger directement dans la forêt. Songeant combien cela faisait longtemps que je n'avais pas profité d'une randonnée en pleine nature, je l'emprunte gaillardement.
Le sentier est large, aisément accessible, je marche à grandes foulées jusqu'à remarquer sur le côté une intrigante porte en béton.
Évidemment, je ne peux m'empêcher de quitter l'allée principal pour la franchir. Cette porte est une irrésistible invitation. Je commence à suivre une voie qui s'étrécit de plus en plus. Mes chaussures de villes piétinent la végétation, et je me dis que ce sentier doit être très peu emprunté. Il a plu cette nuit, le temps est encore humide, aussi toutes les plantes sont mouillées. Autour de moi, les couleurs sont d'un vert et d'un brun assez maussades. C'est joli, mais rien d'extraordinaire.
Plus j'avance, plus la progression est ardue. Je dois parfois m'accroupir bien bas pour passer sous des branches, ou m'accrocher à des troncs pour descendre des pentes glissantes. Mais mes efforts sont récompensés, car j'arrive à une ouverture dans la forêt pleine des délicieuses couleurs de l'automne : le mélange du vert, du jaune et du rouge vient réchauffer ma poitrine.
Ragaillardi, je pousse mon exploration encore plus loin. Cette fois-ci, je dois carrément écarter toutes les branches qui tentent de me bloquer. J'en suis certain à présent : personne n'est pas passé par là depuis plusieurs décennies. Mon sac en bandoulière qui contient mes affaires commence à être vraiment ennuyant. J'ai enfilé ma capuche pour ne pas recevoir les centaines de gouttes d'eau que je fais tomber des feuilles, et ma veste doit déjà être toute salie.
Alors que je commence à considérer la possibilité de rebrousser chemin, un contrefort rocheux se dessine sur ma droite. La flore y est moins dense, aussi je me mets à le longer. Quelques mètres plus loin, je découvre avec surprise qu'il se termine en une grotte !
Inquiet de ce que je pourrais y trouver - elle est entièrement sombre -, un animal sauvage, un serpent, ou même un SDF qui y aurait élu domicile, j'active la torche de mon téléphone et m'y engouffre prudemment. Sous mes pieds, c'est du sable rocheux. Je dois me courber pour passer l'entrée, puis je peux me mettre debout. La première salle est entièrement naturelle. Dans la deuxième se trouve les restes anciens d'un feu, des bouteilles vides et des débris de toutes sortes. En remarquant les restes d'une chemise à moitié calcinée, une part de moi se met à imaginer qu'on a brûlé quelqu'un ici, qu'on a fait disparaître les traces d'un meurtre. Ma raison apaise mes peurs : ce vieux bout de tissu a sûrement une raison plus crédible d'être carbonisé.
(photo sans flash, simplement avec la torche de mon téléphone)
Après en avoir fait le tour, je reviens sur mes pas : il n'y a plus rien à voir.
Je reprends la route principale, mais très rapidement je ne tiens plus et m'aventure de nouveau en pleine nature. Encore une fois, je trouve les couleurs si enchanteresses que je prends une photo.
Et encore une fois, je tombe sur une ouverture mystérieuse à travers les buissons.
Courbé comme pas permis, je passe l'obstacle et me retrouve sous le couvert de grands arbres. Je reste accroupi quelques instants pour observer ce nouveau lieu, et c'est alors que je remarque, par terre, ce que je pris tout d'abord pour des citrons.
Curieux, j'observe les branches de l'arbre qui me couvre. J'y trouve en effet les mêmes fruits jaunes ; j'en cueille un pour l'examiner de plus près. Je me dis tout d'abord que c'est une pomme, puis une poire, puis un hybride pomme-poire - il m'avait semblé entendre un jour que cette espèce existait.
Je hume le fruit ; son arôme, assez puissant, ne me rappelle rien que je connaisse. Je l'essuie avec la manche de ma veste, puis me prépare à goûter : c'est le seul moyen de découvrir la vérité.
La chair est très fibreuse, je dois croquer avec force. Je commence à mâcher, et je recrache aussitôt le morceau. La chair est extrêmement âpre, c'en est insupportable. C'est comme lécher ses doigts fripés après plusieurs heures passées à la piscine. Dégoûté, j'avale malgré tout un peu de jus et... oh, comme c'est délicieux !
C'est une saveur entièrement nouvelle qui se répand dans ma gorge, que je ne saurais trop décrire, mais je sais que sur le coup j'ai rêvé d'en boire un verre entier, ou de m'en faire des litres de sirop. Oui, un sirop de ce fruit, ce serait extraordinaire. J'essaye de croquer un plus gros morceau, mais je n'y arrive pas, la chair est trop compacte. Avec un plus petit bout, la même sensation revient : il est extrêmement désagréable de mâcher ce fruit.
Un peu plus loin, je tombe sur un pommier. L'aspect familier de ses pommes me rassure. J'en mange une comme petit-déjeuner. Encore plus loin je découvre un énorme châtaignier, du haut duquel je médite quelques minutes. Cette terre semble être riche en vergers naturels. Puis, frigorifié, complètement dégueulassé, je pars rejoindre ma voiture.
Au fond des bois j'ai découvert une grotte perdue, et au milieu d'un verger j'ai goûté un fruit inconnu ; je suis reparti avec l'agréable sensation de m'être, pendant une heure, égaré dans un autre monde.