[Recueil] L'homme dépassé

I. Impedimenta

1.
Et la mort, et la neige
Seules ne m’enseveliront pas
Car j’ai pour moi les secrets des formes
Qui par là renaissent
Font l’instant et le besoin qui naît
De l’incompréhension.

2.
Envoie l’arbre
Par-dessus ta tête
Si tu trouves alors
Et si tu cherches encore
Tu es stupide.

3.
Jamais féal plus grand
Ne fut accueilli à cette table
Et pourtant, tout du long
Vous vous trouviez supportable
On m’a rapporté
De chez la reine vos manières
Vous êtes bien plus délicat
Dans nos humeurs passé.

4.
Peu importe aux coccinelles
Qui présidera sur elles
À l’instant où les écarts détonent
Je m’écarte.

5.
Il hait les chevaux
Y trouve-t-il à redire
Tant de noblesse simulée
Ou de courbes factices
Là où, crus, ils se soulagent
Il les aimerait cannibales.

II. Céphalalgies

1.
Le rendez-vous interminable
Le cordon que rien ne rompt
Les vautours scrutent amusés
Les faux amants figés.

2.
Héros de leurs pays
Chevaliers propres, écuyers
Ceux tombés à terre
Que mes vers décortiquent.

3.
Océans exempts de poésie
Mais où l'au cygne on prête
Bien des manières
L'aristocratie du règne
Pour un simple bec élégant.

4.
Trop plein d'engagements sincères
Mais égaré dans la méthode
Sac crevé, je m'éparpille.

5.
Paysages décharnés, lunaires
Et pulsations asynchrones
Satellite hors de son corps
Hors de l'écrin de l'hiver
Je m'apaise et m'écoule
Dans les chœurs des vocodeurs.

III. Matrice de l'ironie

1.
En fait de figer
Tromperie doucereuse
Ses baisers transportent
Font de la nuit la seconde
En avoir dix, en vouloir cent.

2.
Chéance des dogmes
La plus sourde misanthropie
Ne puis souffrir au contact
Les exécrables, encor
S'habillent de déplaisants atours
En convergents besoins.

3.
Spéculatrice gorgone
Malgré moi rétif à tes rets
La servitude bienheureuse
Qu'il me faut acquérir.

4.
Bouchers aux tares évidentes
Sur la canopée des coraux
Le requin-tigre lui-même
Ferait un piètre alchimiste.

5.
L'indifférence est don d'orfèvre
Car d'égard il ne tend plus
Renonce, naïve
Jouir de son mépris
Te serait ruineux.

IV. Crier sous la pluie

1.
Échafaud souterrain
De bon gré se soumet
À l'illégitime piétaille
Pour moi déroge à la posture
L'orchestre métropolitain.

2.
L'enfant-incube
Ne trouve en la nature
Que jeu de destruction
À sa taille.

3.
Que je m'abstinsse les raisonner
Ne préserva pas mes élans
Tour à tour amorphe, embrasé
Je te fais leur géomètre
Qu'ils ne souffrent le cahot.

4.
Les scorpions fortunés
Au fardeau des étaux
Héritent d'une leste charpente
Entre les serres serpentent
Comme au milieu des frais
De la superfluité.

5.
Nébuleuse sur ce jour
D'un monde renard et complice
Je subis la bienveillance
Qui me sourit m'obtient.

V. Dragons

1.
Reine-mère des adages
Qui s'éteint en fracas
Poursuivie par des chiens
Écrasée par leurs mains
Ma traque.

2.
La condition des marcheurs
Foulant des tertres stériles
En écumant les creux
Parfois même à l'aube
Évoque aux sens du poète
Des goules rapiécées.

3.
Il ne faut imbiber sa conscience
De la vacuité
De l'imminence
Qui assume profiter, serein
N'a même effleuré l'angoisse.

4.
Le gargantua de poussière
Abomination récurrente
Étend sa chape de sépia
La ciguë aux amis
Le bûcher aux aimées.

5.
Fatalité distrayante
Pourtant vierge d'étreinte
À mes côtés s'étire
Une légion de vampires.

VI. Pertes et calculs

1.
J'ai souhaité de la confiture
Au souper, aujourd'hui
Consternation, emphase
Aurais-je été le seul
A le dire, en tout cas.

2.
Mille pieds de haut
Pour combien de rondeur
Rôde dans mes songes
Du saule pleureur, l'acarus.

3.
Il est un prenable bastion
Dont les gardes moquent le siège
Ossifiés, ils se traînent
Creusent des tunnels macabres
Pour leurs alliés doryphores.

4.
Aberrations de squelette
Étrangers à l'époque
Au circuit du sang clos
Qui, de raison, s'immolent
Le cimetière des éléphants.

5.
J'ai rêvé du silence
Incarnation complète
Désarticulé
Nous marchons à l'autre
Devenant l'horizon.

J’aime ces pensées qui s’amoncellent sans fin et qui viennent se poser comme des cadeaux au pied du sapin.
Il me faut déballer doucement le paquet, en défaire délicatement le nœud qui l’enserre, mais chaque fois, le résultat est le même. Au bout du compte j’y découvre un présent de réflexions et d’émotions intérieures. Or, j’aime faire vivre mes impressions comme autant d’empreintes pour m’aider à penser.
Les titres sont savoureux à souhaits et j’aime plus particulièrement : Céphalalgies : Ces « mots » de tête qui vous laissent douloureux.

Ces dons là sont les plus gouteux :

Citation :

Et la mort, et la neige
Seules ne m’enseveliront pas
Car j’ai pour moi les secrets des formes
Qui par là renaissent
Font l’instant et le besoin qui naît
De l’incompréhension.

C'est pour moi un grand questionnement sur le sens de la vie et le rôle des rêves.

Citation :

Le rendez-vous interminable
Le cordon que rien ne rompt
Les vautours scrutent amusés
Les faux amants figés.

Tant qu’ils sont enlassés…Peu importe la fausseté et les vautours

Citation :

Paysages décharnés, lunaires
Et pulsations asynchrones
Satellites hors de son corps
Hors de l'écrin de l'hiver
Je m'apaise et m'écoule
Dans les chœurs des vocodeurs.

Et je pleure aussi. Ca fait du bien…

Citation :

En fait de figer
Tromperie doucereuse
Ses baisers transportent
Font de la nuit la seconde
En avoir dix, en vouloir cent.

A l’infini…

Citation :

L'indifférence est don d'orfèvre
Car d'égard il ne tend plus
Renonce, naïve
Jouir de son mépris
Te serait ruineux.

Celui -là me parle trop malheureusement.

Citation :

L'enfant-incube
Ne trouve en la nature
Que jeu de destruction
À sa taille.

Je lui dédie.

Citation :

Il ne faut imbiber sa conscience
De la vacuité
De l'imminence
Qui assume profiter, serein
N'a même effleuré l'angoisse.

Perfide et cruelle perception de la mort.

Citation :

Fatalité distrayante
Pourtant vierge d'étreinte
À mes côtés s'étire
Une légion de vampires.

Je n’ai pas pu m’empêcher de l’envoyer à Smirtnoff pour plein de raisons.

Citation :

Mille pieds de haut
Pour combien de rondeur
Rôde dans mes songes
Du saule pleureur, l'acarus.

Peu importe la forme de la rondeur puisqu’elle est unique.

Citation :

J'ai rêvé du silence
Incarnation complète
Désarticulé
Nous marchons à l'autre
Devenant l'horizon.

Mon présent préféré.

VII. Habibati

1.
Arrêt d'un vœu indu, racée
Visage lilial, gorge
Eurythmie sculpturale
Emparadisée de velours
De ta vision, toujours
J'ai le ciel obstrué.

2.
Démiurge soudain
Requin-femme, Ardhanârî
Langoureusement m'étouffe
De satiété se rit du sens.

3.
Sur nos âmes, le lichen
Ramifications prospères
Gorgées de sels amoureux
Inespérée symbiose
Nous fait croître de concert.

4.
Fleur des marais
Ocre, au soleil épanouie
Flotte sur un vert indécis
Aux sillons tranquilles
Phaéton, je m'y brûle
Quand ils avalent le monde
Tes yeux me fascinent.

5.
En des mots échangés
Par le cœur, par l'esprit
À l'instant, au toujours
Habibati.

VIII. Parallaxes

1.
Improvisation solennelle
Le doyen endormi brisa son vœu
Pour de déception exploser
Et m'évoqua au passé, tristement
Ainsi s'évanouit un nouveau refuge
Aux vapeurs de démence.

2.
La bonne figure
Le masque de pudeur
Calcine ma peau
En devant, qui dupé-je
En-dessous, se craquèle.

3.
Les cosmes enfouis
Ambassadent Scolopendre
Pour ramper jusqu'aux cieux
Oraison récoltée
Aux dépens de sa vie.

4.
D'un seing, une plume
La nature contre elle-même
Pourchasse ses semailles
Fuyons l'alliance immorale
Des airs et du sol.

5.
Tu t'es voulue ourse polaire
Et confisquer la justice
Une ferveur populaire
T'a consacrée puis déchue.

C'est brut. Au départ, on sent que tu peines à assembler les mots comme des bouts de puzzle, rien de naturel. Au fur et à mesure, ça coule tout seul comme un couteau qui entame du beurre. C'est impressionant, je ne crois pas que tu cherches à donner une signification explicite, c'est plutôt de l'arriére-plan, en tous cas, j'aime beaucoup l'ensemble séparé par des titres. Il manque quelque chose... Je n'arrive même pas à te l'expliquer. Il faut captiver, captive-nous à défaut de me captiver...

C'est bien et vu ton vocabulaire et ton aisance, ça pourrait être (on va rester dans un langage correct et relevé ^^) pire que bien si tu vois ce que je veux dire.

Les strophes qui déchirent TOUT (oui, exprimons-nous à gorge déployée à défaut d'en rire ! ah ! )

Citation :

4.
Le gargantua de poussière
Abomination récurrente
Étend sa chape de sépia
La ciguë aux amis
Le bûcher aux aimées.

Citation :

1.
Le rendez-vous interminable
Le cordon que rien ne rompt
Les vautours scrutent amusés
Les faux amants figés.

Encore.

IX. Pourpres

1.
Ivre dans son sérail
Collectant le givre ancien
L'amateur de tortues
A empalé sur les murs
Ses spécimens adorés.

2.
Ô Mycéa, engeance des fols bénie
Entends ma prière de désordre
Offre la guerre aux félins
Et glace les cœurs d'un feu divin.

3.
Jamais ne cesseront
Les révoltes en Thuringe
Dans le sol, dans le sang
S'est propagé sur ces terres
Quelque chose de puissant
À l'ego seul, délétère
À la norme, pestilent.

4.
Obsolète nature des actes
Le roi-hasard, les conséquences
Se plaisent à rayer les chartes
Glorieux constat : nous sommes
Se rêver changer l'Histoire
C'est sacrifier ses enfants.

5.
Le mal dont je pleure
Fit mon esprit frivole
Et rien ne sut s'y fixer
Qui m'aidera à dissoudre
La brume où se noient mes objets ?

X. Torpeur

1.
Je me rappelle des angles impossibles
Et de cette comptine teutonne
Qui avait été remaniée
Spinaux parasites, ma fantaisie
Aux recoins d'orange teintés.

2.
Le matin rogné par la paresse
Des rêves jusqu'au déjeuner
Et l'oisive urgence du grand Soleil
Puis une nuit, qu'on se refuse noire
De peur de l'oubli, qui mute et tue
Schème invariant du légionnaire esseulé
Luttant contre une armée de jours.

3.
Souventes fois me revient
L'essence d'une fraxinelle
Positivement la sentir
En songes, les parfums
Font des châteaux de verre.

4.
Des contours brûlants
Un pourpoint de jais
Une âme toute gonflée de ciel
Dans une machine de colosse.

5.
Fourmi, monstre mécanique
A quoi bon bâtir un havre
Que jamais l'une ne goûte
Mais pour le plaisir abscons
De voir éclore d'autres esclaves
Dans le nombre, le malheur noyer.

J'envoie des gerbes
Anémiées, blanches et rouges
Imitées des luxures
Maquillées, tressées, traquées
Étendues excessives

Je ne peux pas parler de style, de métrique, d'agencements, parce que comme tu l'as dit, si ça n'aide rien qu'un peu, ça vaut l'coup de le faire.

Ce que je peux en dire, c'est que c'est dirigé par ton esprit, ce qui fait que j'en comprend quelques unes, pas toutes. d'autres me semblent racontées pour un style basé sur des détournements de formules, des inversions de sens et parfois pour l'enchainement d'adjectifs décalés.

Certains donnent envie de répondre. D'autres laissent songeurs. Quelques rares me touchent, sûrement par mimétisme situationnel, comme celui-ci :

Citation :

La bonne figure
Le masque de pudeur
Calcine ma peau
En devant, qui dupé-je
En-dessous, se craquèle.

Pour faire simple, ces strophes prises en tant que production littéraire stricto senso me semblent bien moins intéressantes que prises comme lecture matinale ou nocturnes possédant l'étonnante capacité de calmer.
j'aimerais que tu continues.

XI. Convictions temporaires

1.
Le martyre de l’imbécile
Sacrifie au tragique
Jusqu’à l’essence des maux.

2.
Cruauté simple
Que faire hériter sa peine
Plus outrageuse offrande
Qu’un manque en punition
Donner la leçon
A qui la connaît par cœur.

3.
C’est en leur rendant leur forme
Que je me suis su leur
Expulser l’artisan
Ou lui offrir la guerre
Les leurres.

4.
Le tigre blanc, haï, hâbleur
A décidé du décor
Trahi les interstices
Et effacé aux autres
Les issues qu’il ne voudrait révélées.

5.
Bornes foulées aux pieds
Captif de la géométrie
À Pest, à Séoul
À Nagasaki
Le ciel en hostile lisière.

XII. Aiguë-marine

1.
Comment justifier l'intuition pathétique
Le bel hasard
Qui ouvre les portes rose-orange
Aux effluves de pêche ?
Comme il vous plaira.

2.
Les délires de maraude
Lestent d'inconnu les plans
S'incarcèrent des kobolds inconscients
En des sanctuaires de succubes.

3.
Plateau à terre
Règles libérées
Extension aux mondes
Les jeux ne valent que
Dégénérés
Zeix seuf unit seun trux.

4.
Murène de Virtù
Recomposé deux fois
Perdu dans un potlatch
Qui rit sa forme
Et la hache de l'hurluberlu.

5.
L'apnée titille
L'avion supersonique
La plongée sous elle.