Oyez Oyez, braves gens !
La triste et pitoyable histoire du Nain Dujardin qui s'était perdu dans les Grottes Delamor par un froid après midi d'automne.
Le vent se déchaînait sur les chênes centenaires, le froid se glissait
avec vice par les moindres fissures de son logis d'été (tel un vil
voleur de poules affamé et sans aucune vergogne). Et il était pris
d'une violent envie d'aller se soulager la vessie (ce qui lui arrivait
souvent, hélas, dû à son grand âge et sa vessie en piteux état, suite,
il est vrai, à une vie remplie et tumultueuse.... mais cela est une
autre histoire).
Il comprit donc qu'il était temps de prendre ses quartiers d'hiver et de pousser la petite porte du fond du couloir.
Avant de sortir, il prit sa peau de troll, qu'il avait arrachée il y a
quelque temps pour s'en faire un manteau (pas trop hygiénique, mais bon
ça tient au chaud). Il enfila ensuite ses bottes, puis ses pieds d'orc
coupés sur un cadavre qui trainait dans la forêt où il habitait. Enfin
prêt, il ouvrit cette fameuse porte au fond du couloir.
Et là, à peine sorti de son antre, sa petite barbichette se courba sous le
froid, limite elle gela sur place. Il n'avait pas fait quelque pas que
soudain un gobelin bondit de derrière un vieux chêne en le menaçant :
-Tu as encore oublié de me livrer les deux tonneaux de bibine que tu
m'avais promis ! hurla le visiteur (qui était sourd comme un pot en
plus d'être accro à la bière frelatée)
- Pas l'temps, pas
l'temps ! fit Dujardin en se ruant sur le buisson le plus proche (en
dépit de la glace qui avait envahi toute la contrée). J'ai une urgence !
Hélas, il n'eut guère le temps de donner plus d'explications à son voisin
acariâtre et assoiffé. Car il glissa malencontreusement sur la glace,
fila dans les airs à une vitesse prohibée, rata de peu le buisson visé,
mais surtout atterrit juste sur l'Entrée Interdite des Gouffres de
Malodort (entrée de service qui était hélas contigüe au trou d'aisance
camouflé par ledit buisson).
Sans avoir le temps de réciter les mille et une recette de bières mortelles, voilà notre Nain glissant, rebondissant, grimaçant et percutant les cailloux, pierrailles, veines
de malachites et autres décors divers mais surtout minéraux qui
tapissaient les douze kilomètres deux cent quarante sept de galerie
relativement verticale. On comprend maintenant mieux pourquoi cette
entrée est déclarée Interdite.
Il fut lui même absolument surpris d'être encore vivant à l'atterrissage final et sans plus aucun soucis de vessie....
-Par la barbe de Dùrin, marmonna Dujardin...
Les nains sont réputés pour leur goût et leur connaissance des profondeurs
de la terre : ce ne fut donc pas un problème pour notre compère que de
trouver la sortie de ce labyrinthe. Cela lui prit tout de même une
journée entière avant d'atteindre enfin la lumière du jour. Dujardin
avait eu tout le temps de repenser à cet idiot de gobelin assoiffé : il
savait très bien que faire du troc avec les gobelins n'apporte que des
ennuis. Ils sont fourbes, avides de tout, et n'hésiterons pas à vous
occire pour récupérer le moindre objet brillant en votre possession,
avec ou sans valeur. Tout ce qui brille attire naturellement la vermine.
Une fois de retour chez lui, le gobelin n'était plus là. Dujardin était
vraiment en pétard de s'être fait battre par un gobelin puant. En plus
la bière qu'il devait lui donner était juste devant sa porte d'entrée,
dujardin avait prévu de la livrer au gobelin une fois que sa vessie
aurait été vide.
Dujardin rentra chez lui, choisit sa plus
grosse hache, sa plus belle coiffe, et prit la bière sur son épaule. Il
faut dire qu'il était costaud le gaillard. Cette fois c'était décidé :
il ne se laisserait plus marcher sur les pieds par cette sale engeance.
Il allait tenir parole en livrant la bière chez le gobelin, mais comme
tout nain furieux et armé, bien déterminé a faire goûter le métal de sa
hache au gobelin qui avait failli le tuer et qui lui avait fait perdre
une journée entière dans les entrailles de la terre !
Le problème c'était que le gobelin habitait relativement loin, et le froid
sec de l'air ambiant rendit la glotte du pauvre nain terriblement
sèche. Une bonne bibine lui aurait aussitôt fait se sentir mieux... et
puis ça lui aurait permis de se réchauffer un peu par ce froid... Qu'à
cela ne tienne...
- Le gobelin ne remarquera rien si je lui prends une petite gorgée, et puis il me doit bien ça le sale ivrogne !
Une lampée, deux, cinq, dix, vingt... la soif de Dujardin était sans fin,
et puis boire un pti't coup c'est tellement bon !! Notre ami finit par
s'endormir contre un arbre, complètement saoul, se disant que le
gobelin attendrait bien quelques heures de plus, le temps que sa sieste
soit terminée.
Peu de temps après, passèrent par là un groupe de quatre individus.
- Grôka ! min yukut kra
-kabaguh trink z-ik
-Ouais on va bien le dépouiller, il a sûrement plein d'or dans sa besace
-Qak uja !!
Ainsi sur ces bonne paroles, le nain ne se rendit compte que quelque chose
clochait que lorsqu'il sentit quelque chose de fin et glacé lui
caresser les tripes... Mais il était déjà trop tard : trois huruk-hai
et un inconnu du genre louche et infréquentable étaient en train de lui
faire les poches, après avoir pris le soin de lui ouvrir le ventre
jusqu'à la poitrine.
- Sûrement des rôdeurs à la recherche de vivres et de pièces d'or, pensa Dujardin avant de rendre l'âme...
--Fin--
Credits :
si-k
thecrow
frere tuck