Eveil

Journaliste Nombre de messages : 1000 Age : 27 Date d'inscription : 23/12/2007

Inspiration. L'air froid comme du métal s'engouffre dans ses poumons et lui arrache une larme, comme à un nourrisson qui respire pour la première fois. Sa respiration ressemble plus à un râle, lent et rauque. Doucement, il se lève, sans gestes inutiles. Ses muscles douloureux se bandent sous la charge. Il se retourne lentement pour observer alentour. Son champ de vision restreint par la montagne au pied de laquelle il se trouve ne lui permet que d'observer les prairies environnantes et, au loin une plaine aride. Son corps réagit et se met à avancer, toujours lentement. Une force invisible semble lui imposer la direction. Son esprit ne tente même pas de résister, trop engourdi pour réagir.

Après environ dix minutes de marches, il aperçoit une route. Ce corps semble savoir ou aller. Ayant rejoint la route, les chairs décident de la suivre, toujours mûes de leur propre volonté. Il déambule ainsi jusqu'à croiser une charrette tirée par une mule. Arrivé à hauteur de celle-ci, il est hélé par le conducteur.

- Hé gamin ! Qu'es'tu fiches par ici ?
- ...
- Laisse tomber, tu vois bien qu'il en tient une couche !

Mécaniquement, il se tourne vers le conducteur et le fixe. Pourtant, son regard est vide, son esprit englué dans les entrailles de sa conscience. C'est son corps qui règne. L'instinct animal, agressif, le submerge. Soudain l'adrénaline déferle dans ses veines et une colère sourde le gagne. Il saute sur le conducteur, le prenant à la gorge et lui brise la nuque d'un mouvement net et précis. Il se dresse alors face au second homme qui a à peine eu le temps de pointer son pistolet contre lui. Un sourire se dessine machinalement sur son visage, froid et presque forcé. Le second homme semble pétrifié un instant. Il lui semble que ce qui se tient devant lui ressemble plus à une machine qu'à un être vivant. Il tire sur cette chose, l'atteignant à la poitrine. Pendant un instant, rien ne semble se passer, puis, il distingue un liquide sortant du trou net de la balle. Argenté et froid comme la chose. L'homme n'a que le temps de comprendre que c'est du métal liquide et de voir des gerbes de cette même substance le submerger avant d'être déchiré de part en part.

L'être se tient toujours debout sur la charrette, entre les deux corps. Il tombe soudain à genoux et se prend la tête des deux mains. La douleur de son esprit qui refait surface est telle qu'il finit par tomber inconscient, sur cette carriole.

***

Parmi le flot de pèlerins arrivant dans Sul-Nar, l'homme passait plus ou moins inaperçu, si ce n'est que les haillons qui l'habillaient semblaient encore plus défraichis que ceux des autres voyageurs. Il avançait lentement, comme s'il prenait le temps de contempler les bâtiments qui s'élevaient à côté des dunes. Il arriva bientôt face à un homme légèrement bedonnant qui souffrait manifestement de la chaleur, aux vues des auréoles trempées qui se dessinaient sous ses bras. Il n'avait manifestement pas l'habitude ni des efforts physiques, ni des habits légers, car on distinguait nettement qu'il portait encore quelques couches d'habits sous sa toge brunâtre. Peut-être n'était-il pas si gros que ça, pensa le voyageur. Peut être qu'il porte juste trop d'habits...

Gesticulant, le bureaucrate faisait son possible pour canaliser le flot d'arrivants, peu aidé en cela par quelques miliciens, visiblement natifs de la ville, qui préféraient rester à l'ombre. L'homme s'arrêta devant le belthilien, semblant attendre sur celui-ci. Le bureaucrate, trop content de voir quelqu'un faire selon son bon vouloir, s'éclaircit la gorge comme un instituteur qui s'apprête à donner sa leçon et dit à voix forte:

- Bienvenue en Ter Aelis, voyageur ! Je suis l'agent du recensement chargé de la belle (il toussota à ce terme) cité de Sul-Nar. Peux tu me donner ton nom et tes motivations, je te prie ?
- ... Haven.
- Bien bien! Et que viens-tu faire ici?
- ...je verrai.
- Hum... lâcha l'agent, un peu désarçonné par cette réponse.

N'osant pas vraiment insisté, il se déplaça sur le côté et héla un autre passant pour combler le silence, recommençant son discours. Haven avança donc dans la cité en continuant de regarder autour de lui et découvrant un nouveau pan de cette civilisation qui lui offrait tant de nouvelles possibilités...

On tue, on tue, on tue sur les chemin et l'on se croit impuni. Est ce que ça donne un peu de joie, de fierté..? Peut être un gout immodéré de puissance. Tu les as écrasé. C'est toi qui vit pas eux. Tu dois t'en foutre, remarques. Tu dois t'en foutre. Le craquement des os. On en entend tous les jours. Tous les jours.

Le môme sur le toit. Pas si môme que ça. Seulement un peu félin, appuyée contre la cheminée, un oiseau rare sur son épaule droite. Un phœnix

D'ici on voit parfois les Étrangers pas si étrangers que ça qui tuent quelque marchands sur le chemin. C'est assez prenant, on en oublierai de manger.

Son ironie cinglante était atténué par l'éclat dans ses yeux. Que voulait-il dire réellement. L'enfant le fixait du haut de son trône de tuiles. Un vent frais dérangeait ses cheveux en bataille. Sanz fixait Haven de ses yeux plus pâles qu'un croissant de lune.

Tristesse liée aux vents changeants, lassitude d’un corps meurtri par les évènements, tout était en œuvre pour qu’un froid intérieur inonde Cassiopée. Elle avait besoin de chaleur pour commencer un nouveau périple. Ainsi, elle avait entrepris le long voyage depuis Atalante vers Sul-Nar en quête du soleil du désert de sable.

Autour d’elle l’air sec laissait ses ondes vaporeuses en suspend, visibles à l’œil nu.
Elle sentait sur son épiderme la moindre trace de sueur sécher sans avoir le temps de rafraîchir sa peau. Les rayons salaires amollissaient et rendaient apathiques ses noirceurs internes.

Elle se dirigea vers la fontaine des innocents, baptisée ainsi car elle avait été élevée au retour de combats mortels par deux elfes en mal de pureté. Elle semblait être un bouquet humain lié si serré que des bras suppliants s’en échappaient dans toutes les directions.

La place ruisselait de monde à cette heure de la journée. Les pèlerins défilaient toujours plus nombreux sur ces nouvelles terres d’exil. Pourtant tous les vieux autochtones restaient cloitrés à l’abri des rayons solaires.

Alors qu’elle se baissait pour boire une gorgée d’eau fraiche, son regard fut attiré par un homme. Un homme parmi les hommes se dit-elle. Et pourtant, malgré ce regard vide de toute expression et cette démarche d’automate, elle percevait une aura particulière….

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- D'ici on voit parfois les Étrangers pas si étrangers que ça qui tuent quelque marchands sur le chemin. C'est assez prenant, on en oublierai de manger.

Haven ne réagit pas tout de suite à la remarque de Sanz, son esprit peinant encore à remplir ce nouveau réceptacle à sa disposition. Mais soudain, ces paroles le tirèrent de sa passivité. Sa démarche s'assouplissant et son regard gagnant une lueur.

Il fixa cet homme un instant et déclara.

- Comme tu l'as dit, je vis et pas eux... Leur perte fut ma providence, et il faut bien que la balance reprenne son équilibre de temps en temps.

Un sourire intrigué se forma sur le visage de Haven, alors qu'il regardait ce drôle de personnage qui siégeait sur un toit avec son oiseau. L'oiseau lui rappelait quelque chose, mais il n'aurait su dire quoi.

- Nous connaissons nous d'un autre plan? demanda-il avec le ton et l'expression d'un enfant trop curieux.

Cassiopée épiait d’un œil perplexe l’inconnu. Il émanait de lui une jeunesse si étrange qu’elle en restait suffoquée. Cette âme était si neuve qu’elle embaumait le nouveau-né. Elle braillait encore intérieurement.

Alors que l’homme se dirigeait vers un mur, levant le nez au ciel, Cassiopée en profita pour s’approcher doucement. Elle ne souhaitait pas se faire remarquer, aussi se plaça t’elle à contre-jour, sous le porche qui menait vers les écuries du sieur Rodoric. Du lieu où elle se tenait, les cris des grands lézards des sables de l’éleveur couvraient le brouhaha des passants et des échoppes qui fleurissaient sur la place.

L’homme semblait en conversation.

S’en étonnant, elle préféra avancer doucement en sa direction. Au moment, où elle allait mettre un pied dans la lumière, elle stoppa son geste brutalement, restant en suspend entre l’ombre sombre et auburn des habitations et la chaleur dorée du soleil de Sul-Nar.

Elle venait d’apercevoir Sanz, assis sur un toit, le phœnix sur l’épaule. Il écoutait l’homme lui parler. Cassiopée fut alors envahit d’une crainte prégnante.

Avait-il senti cette âme si fraîche ?

- Nous connaissons nous d'un autre plan?

La question restait en suspend. Sanz fixait Haven sans un mot. Il estimait avoir assez parlé. Jusqu'à ce qu'il sente une présence familière et craintive glisser dans l'espace.

A quoi bon vous cacher Cassiopée?

Son ton avait été froid et teinté d'un léger mépris. Le phoenix chantait doucement sur son épaule puis dans un envol élégant vint voleter au dessus de la tête de Haven et disparut. Quand il revint c'était un loup blanc, les crocs légèrement sortis, qui se glissa entre les jambes de l'Etranger avant de s'arrêter face à la Dame d'Orion.

Disons que je me suis amusé à vous voir vous jeter des falaises, Monsieur l'Etranger.

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