Invitation au Vernissage

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Le lieu paraissait si grand, si clair et lumineux ! S’éteindrait-il face la luminescence de ses œuvres ou bien celles-ci deviendraient-elles ternes ? Elle avait longuement tergiversé avant de choisir cet espace et maintenant qu’il ne lui restait plus qu’à tout installer avant le moment crucial. Elle avait peur.

Cassiopée, grande et belle femme selon les critères de l’île, se dirigea vers le centre de la pièce là où un puits de lumière inondait le bassin aux sirènes. C’est là qu’elle installerait sa pièce maîtresse qu’elle avait avec raison nommée « Cocktail explosif ». Cette œuvre monumentale pourrait s’élever tel un être liquide et lumineux, sa cime déployant un arc-en-ciel prismatique vers les différents points de la rose des vents qui déverserait une fine pluie d’étoiles.
Cassiopée avait choisi le socle de la pièce avec beaucoup de soin : un tapis de nuages laiteux qui mettait subtilement en valeur le corps principal de la pièce formé d’un torrent d’eau claire palpitant tel un organisme vivant.

Sa pièce préférée était sans doute celle qui lui ressemblait le plus : « Rêve de nuit ». Elle l’avait d’ailleurs utilisée pour confectionner l’affiche de sa prochaine exposition. Elle mettait en valeur son teint lunaire légèrement argenté qu’elle avait hérité de son père. Sa mère lui avait légué ses yeux verts qui évoquaient les lagons d’Atalantë. Elle était autant fille du ciel que de l’eau.

Toutes ses sculptures étaient le résultat d’un travail consciencieux et minutieux qui lui demandait une concentration intense. Ses mains ne tremblaient pas lorsqu’il s’agissait d’ouvrir les voies d’eau et de nouer ces fils invisibles à l’œil nu qui maintiendrait la composition. Mais c’était la lumière qui la fascinait le plus. Cette lumière qu’elle canalisait de ses doigts d’or, puis qu’elle malaxait jusqu’à l’étourdir.
Lorsqu’elle avait achevé sa principale œuvre liquide : « Heurts de l’existence » ce majestueux flacon de mer soufflée résonnant comme une corne de brume tout en déversant une trouée de ciel et sa lumière éclatante, Cassiopée était restée épuisée, frissonnante ; son mental déformé par les ombres et la lumière insolente.

Cette nuit, les œuvres seraient méticuleusement installées sur les espaces prédéterminés, mais il lui fallait dès à présent envoyer les invitations pour le vernissage de sa première exposition. Le carton d’invitation devrait être communiqué également aux âmes damnées. Il était important de les amener à entrer dans son étrange rêve et quitter la vie aseptisée qui leur était aujourd’hui offerte. Elle espérait que son art éclabousserait les visiteurs de soleil, de vagues et de vent…

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Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

L'Âme damnée, comme son homonyme féminin, avait reçu une invitation pour le moins intéréssante ...
Voilà ce qui avait poussé Ramrod à dériver jusqua cette exposition.

Le regard empli de curiosité, il s'était aventuré parmi les œuvres qui s'offraient.
Rapidement, un serrement de cœur vint remplacer la curiosité : la beauté inhérente de certaines œuvres d'art lui provoquait souvent ce sentiment.
Il eut même besoin de soupirer d'admiration face à une sculpture liquide qui avait attirée son attention.

Puis, la curiosité se remit en marche : Qui avait pu faire cela ?
Il balaya panoramiquement du regard la salle, peu peuplée, pour se fixer sur une femme pour le moins charmante, qui semblait couver les œuvres d'un regard tendre et attentionné.
Il s'approcha doucement, prit son sourire de bienvenue et lui parla doucement, à l'égard du lieu dans lequel ils se trouvaient :

Mes respects, belle inconnue ... Je me nomme Ramrod.
J'ai reçu votre invitation, et j'ai très bien fait d'y venir. C'est ... Splendide.
Vous êtes nouvellement arrivée, me semble-t-il ..
Me ferez-vous l'honneur insigne de connaître votre nom ?

Le carton d'invitation trônait là, sur la table. Tentant.

Non non non, tu ne peux pas te le permettre. Ce soir, tu bosses ! Tu as déjà bien une semaine de retard sur le planning !

Après un nouveau regard d'envie vers le bristol soigneusement calligraphié, Dounette carra les épaule et jeta un regard décidé au parchemin qu'elle était en train de consulter. Il fallait absolument clore les concours des backgrounds avant la fin de la nuit ! Fastidieux travail...

L'âme damnée poussa un soupir a fendre la pierre. Le travail administratif, vraiment, c'était pas son truc.
Peut-être que je pourrais refiler ça à Ram' ...
Ni une ni deux, Dounette ferma les yeux, se concentra, et...poussa un grognement indigné !
Mais mais mais ! Il y est lui à l'exposition d'Art Liquide ! Trop injuuuuste ! Bé si c'est comme ça...j'y vais !

Toute contente et ayant vite oublié ses bonnes résolutions, Dounette attrapa son manteau et se dépêcha d'arriver au local avant que le vernissage ne soit complètement terminé. Elle adorait les mondanités.

Ce fut la luminosité particulière du lieu qui la frappa en premier. Une luminosité abyssale, profonde.

Emerveillée, elle rejoignit son co-loc qui semblait prostré devant l'une des sculptures, merveilleux agencement d'eau et d'air.

Mais qui peut bien réussir de pareilles merveilles?

Depuis plusieurs heures les portes grandes ouvertes de l'exposition déversaient un flot discontinu de visiteurs.
Les réactions étaient très disparates. Certains semblaient émus au cœur même de leur âme, d’autres regardaient ses œuvres avec une méchanceté telle qu’elle n’aurait osé l’imaginer.

Comment la Nature pouvait-elle à ce point révéler les caractères profonds de ces êtres ?
Elle avait mis tant d’amour dans sa création, elles étaient comme une extraction d’elle-même !

Perdue dans ses pensées, Cassiopée n’avait pas vu la voix approcher : une voix résonnante de chaleur et d’émotion.

Elle se retourna avec douceur afin de ne pas briser cet instant de perception intense, quand soudain ses yeux s’élargirent. Ce regard profond et bleu d’acier, cette force tranchante dans chacun des traits : Ramrod, l’âme damnée…
Trop émue de se trouver si près de celui qui, sans le savoir, lui avait permis d’être ce qu’elle était, elle sourit et murmura :
Oh merci ! Merci à vous, cher Ramrod… C’est pour moi un tel bonheur d’avoir le privilège de vous rencontrer…

Elle avait à peine achevé sa phrase, qu’un mouvement rapide derrière Ramrod détourna leur attention à tous deux.
L’âme damnée Dounette venait de rejoindre son âme sœur.
Cassiopée ne put supporter une telle émotion sans agir. Les deux âmes jointes près d’elle !

Elle ferma les yeux et toutes ses œuvres se mirent à vibrer. De chacune s’élevait une sonorité différente. Un long chant aquatique et stellaire exprimait sa joie. Ses œuvres parlaient pour elle.
Quand la dernière vibration s’éteignit, un silence profond régnait dans la salle.
Cassiopée ouvrit les yeux et d’une voix claire et haute elle annonça : Vous êtes tous maintenant conviés à venir vous désaltérer et vous restaurer au buffet !

Elle se plaça entre les deux âmes et d’un regard malicieux ajouta : Je suis Cassiopée, entièrement à vous dans cette salle et toujours prète à vous servir…

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