Du clin d'oeil à l'effet mirage

Si je jette un bref regard en arrière. Il me semble avoir consacré plus de temps à "décomprendre" qu'à réellement comprendre. Je n'ai jamais été très doué pour la compréhension. Cet handicap naturel fait de moi un bipède inadapté, peu réceptif aux grandes idées, et plutôt mal armé face aux acquis et certitudes qui jalonnent l'existence. Pour aggraver le tout, je suis un adulte par inadvertance et un enfant par intérim. Sur le sujet, ma compagne précise goguenarde: "S'il fallait refaire le moule, j'y ajouterais quelques retouches..." Lorsqu'elle tient ce propos, j'ai noté qu'une lueur étrange traverse son regard. J'en déduis qu'il s'agit d'un euphémisme.

Je ne suis pas une personne sérieuse évoluant dans un monde sérieux. Il me semble du reste que ce sérieux s'apparente à la contrainte, à l'aigreur, aux faux-semblants, à l'illusoire... Mais je comprends la gravité des enfants, avec leur sourire rempli de larmes et leurs interrogations muettes. La présentation étant faite, je vais enfoncer le clou. Qui serais-je ? Si j'étais moi...

Du côté grand zigomatique, pardon ! sur un plan plus pragmatique, je supervise un labo de recherche en acoustique. Je développe des thèses "sottes et grenues" aussi cohérentes que la subjectivité perceptive et je me drape dans l' "effet mirage" en sautillant dans les interstices. Vous l'aurez sans doute deviné, je ne travaille pas ; je m'amuse. En prime, comme les vieilles demoiselles, je triche effrontément et sans vergogne avec mon âge ; le rythme étant plutôt soutenu j'arriverai peut-être un jour vers l'âge de raison.

Comme je suis un morveux passéiste et rétrograde, mon traitement de texte se compose d'une gomme et d'un crayon de papier. De ce fait, une troisième main aussi experte que charitable, rédige pour moi ces quelques lignes. Le croirez-vous, les lettres de mon clavier se dissimulent à l'approche de mon doigt, et fievreusement, plutôt hagard, je les recherche un peu partout ; derrière l'écran, sous le tapis, parfois même entre les tranches de gruyère des pièges à souris disséminés sur mon bureau. J'ai fini par comprendre qu'il fallait piéger l'ordinateur.

Magnanimes, vous me rétorquerez sûrement que ce n'est pas grave, car tout se soigne, tout s'apprend. N'y comptez pas. La technique se dérobe avec acharnement. Vous connaissez le principe de Peter. Pourquoi voudriez-vous que les choses aillent bien alors que tout pourrait être pire ?

Quand j'étais môme l'on me répétait sans cesse : "Dis bonjour à la dame", et invariablement, fuyant les regards réprobateurs, je répondais "Non !" avec ostentation. Autour de moi fusaient des commentaires acerbes du style : "Qu'est-ce que c'est que ce gosse mal torché ?" Je m'enfonçais dans mon mutisme... La réprobation enflait ; des mains pleines de fourmis et des pieds enchylosés s'agitaient autour de moi. "Mais enfin, pourquoi ne veux-tu pas dire bonjour !" Au grand désespoir de mes parents, je n'ai jamais donné la réponse. Et il m'arrive encore parfois de discerner le reproche dans leur regard. Le recul aidant, je vais soulager ma conscience. La réponse que l'on tenta si souvent de m'extirper avait une origine métaphysique incontournable : "Parce que ça me satique !"

Aujourd'hui, la raison n'a pas fondamentalement évolué sauf qu'elle se dissimule insidieusement entre Word et le clavier. Fainéant et de surcroît borné. Irrécupérable. Vous l'aurez compris, je suis de la race insipide des zéro messages qui regardent brouter les vaches. Néanmoins, tard le soir, ou tôt le matin, j'arpente les sentiers de votre belle cité. Car pour couronner le tout, je suis un passif noctambule, délétère et timoré.

Je discerne le vers luisant qui se trimbale sous votre bulbe... "Mais qu'est-ce qu'il fout ici ce con ?" Il n'y a pas si longtemps, Ramrod et Tr0n échangèrent quelques postes dont voici le copié-collé:

Monsieur Tr0n, merci ! Ma raison est identique à la vôtre...

Après une présentation aussi alléchante, peut-être se trouvera-t-il parmi vous un aveugle ou un borgne. Qui sait, une mère Thérésa du desespoir, un abbé Pierre des causes perdues ; bref, une main secourable et une âme disloquée pour un accueil en diagonale: "Welcome le nouveau, la littérature se portait déjà mal sur Ter Aelis, il ne manquait plus que toi pour nous coller la poisse".