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 De la rouille et de l'aigreur

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Cassiopée
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeMar 27 Avr - 2:15

Les deux gardiens patientaient près du téléphone, hébergés par la police de Galvorn pour l'occasion. Smirtnoff, mort de faim, était parti se manger un steak au restaurant, et il était revenu avec deux thés, qu'il tend à Cassiopée. Ils continuent d'attendre, de préférence sans la compagnie des flics du district.

-Curieux que personne n'appelle.


Cassiopée se penche vers Smirtnoff pour lui confier d’une voix sourde :

-Je ne supporte pas la police de Galvorn… Regarde-les… Tous baraqués comme des tanks en faction qui se jouent un cinéma pour nous faire croire qu’ils sont intelligents….

Voici déjà deux heures que les deux compères avaient regard tendu vers l’appareil radio dans l’espoir d’un message.

Le vampire jette un coup d'œil en coin vers le comptoir du couloir où deux castagnes aussi larges que hautes s'esclaffent des exploits de répartie d'un de leurs collègues qui roule les mécaniques.

-Ils sont au moins équipés pour l'endroit.


C'est à ce moment que le téléphone sonne. Smirtnoff le saisit sans laisser la sonnerie s'exprimer:

-Allô?

Il reconnaît la voix de Grendelor.

-Il est à Wilwarin. Il a été soigné.

Cassiopée sursaute.

-A Wilwarin ? C’est Grendelor qui l’a soigné ?

Cassiopée en reste la bouche ouverte. Elle se sent presque trahie par sa propre sœur.

-Mais ce n’est pas possible ! Elle ne peut pas lui avoir redonné vie ! Pas elle !

Elle avait tant espéré que l’enfant ait pu perdre tant de sang qu’il en meure… Mais ce n’était qu’un rêve qui ressemble à une prière quand on ne sait plus quoi faire pour que tout aille mieux.

-Elle ne le connaît pas, et il ressemblait à un gosse. C'était pas d'une évidence accablante.

Il remercie Grendelor pour son appel.

-On va le chercher, il doit être encore dans les parages.

Il se lève avec une mine renfrognée.

Ils sortent de chez la police avec empressement en remerciant et Smirtnoff se dirige vers la gare, en vue de prendre un aéroplane une fois sous Wilwarin. Le voyage peut prendre quelques heures.

-Nom de dieu, qui a eu l'idée de l'envoyer à Wilwarin!


Alors qu’ils atteignent la grand place, Cassiopée l’arrête d’un revers de manche.

- Tu comptes prendre un train ?


En elle, elle sent Issac se tordre, comme s’il riait d’une situation qu’il trouvait comique. Et sans qu’elle puisse agir pour qu’il n’en soit pas ainsi, son dragon se détacha de son sein pour se matérialiser au milieu de la place. Sa gigantesque masse occupe la moitié de l’espace dégagé et sous le vent de sa venue, les gens courent en tous sens, tentant d’échapper à ses griffes et son écrasante corpulence.


Smirtnoff est lui-même tenté de fuir l'énorme chose qu'il rencontre pour la première fois, mais il reste planté à côté de Cassiopée, le visage blanc et dépourvu d'expression:

-C'est quoi ça?

Cassiopée a toujours laissé apparaître son dragon dans un espace ouvert, à des moments fondamentaux de sa vie, et le voir occuper la moitié de la place l’impressionne beaucoup.
Il lui paraît majestueux et superbe.
Elle lui glisse :

-Tu es beau ….

Puis, sans le quitter des yeux :

-Smirtnoff, je te présente mon autre moi-même, issu des profondeurs de mon âme, Issac.
Il vient pour tes beaux yeux, tu peux en être fier…


Le vampire admire la bête écailleuse en feignant d'ignorer les cris alentours.

-Waw. Ok. Ravi de le rencontrer.

- Viens ! Monte !

Et Cassiopée tire Smirtnoff par la main pour l’entrainer dans l’escalade d’une grande patte griffue qui leur sert d’ascenseur pour atteindre le cou où Cassiopée vient se loger, habituée qu’elle est de s’y sentir bien. Smirtnoff se retrouve bien vite installé près de son dos, le corps enveloppant sa dame étoilée.
Alors, dans un bruissement d’ailes qui fait claquer en écho tous les bâtiments alentours, la masse s’élance lourdement presque à la verticale. Puis quand le vent les rattrape, leur course prend des allures de majesté planante.

Le vampire est réticent à grimper sur cette sorte de monstre géant, mais la dame d'étoiles le tire avec trop d'enthousiasme. Assis autour d'elle sur le cou de la bête et voyant Galvorn rétrécir de façon vertigineuse, il se cramponne à la dame et patiente le souffle court. La promenade à dos de dragon n'a jamais figuré dans ses hobbys courants. Il n'en a même pas vu si souvent.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeMer 28 Avr - 9:35

Lorsque l'infirmière revient dans la chambre, Gregovi est assis.
Sinon tu ne tiendras pas sur tes jambes quand tu voudras te lever. La tisane te redonnera de l'énergie.
Il est très satisfait de voir arriver le plat de nourriture et la boisson, qu'il décharge des mains de Grendelor avec empressement.
-Merci.
Sa voix aussi est devenue grave. Le bout de ses bras tremblent avec force de l'effort qu'il a dû fournir cette nuit. Il se met à boire trop vite et sursaute sous la brûlure. Tandis que la dame parle de sa voix calme il s'obstine sur la tasse, le nez enfoncé dedans et les épaules courbées autour.

On ne te reconnaitrait plus. C'est peut être une bonne chose pour toi. Il semblerait que quelqu'un te cherche. Il y a eu une annonce à la radio. Soit tu es dans un pétrin sérieux, soit quelqu'un s'inquiète de toi. Dans un cas comme dans l'autre, il faut que je dise que je sais où tu es. Si tu veux partir, tu le peux et tant que tu te ménages tu ne seras pas en danger.

Son dos s'assouplit tandis qu'il s'imbibe du liquide chaud et il prend le temps de se détendre et d'essuyer son front où ses cheveux sont collés. Ses mains tremblent de moins en moins.
La guérisseuse se lève après avoir parlé et s'éloigne vers la porte. Elle semble s'attendre à ce qu'il quitte les lieux. Il pose sur elle des yeux d'un bleu ombragé.
-Vous êtes respectable.
Ses lèvres sont un peu bleues du sang qui peine encore à circuler dans ce corps fraîchement allongé.
-Est-ce vous avez des vêtements à prêter?
Il n'avait déjà rien sur le torse mais son pantalon est définitivement trop court pour lui.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeMer 19 Mai - 18:48

Grendelor sourit avec un regard triste à l'évocation de sa "respectabilité". Cela fait quelques temps qu'elle ne l'est plus à ses yeux. Toutefois, elle ne dit rien et se contente de promettre d'aller voir si elle peut trouver quelque chose pour vêtir le vampire qui grandit à vue d'oeil. La guérisseuse ne revient que bien plus tard, l'air soucieuse. Elle tend un paquet à Gregovi.

Ils seront un peu grands mais ils devraient ainsi tenir jusqu'à la fin de ta croissance, enfin d'après l'estimation que j'ai pu faire de ta taille, bien sûr.

En ouvrant, Gregovi déplie deux jeans délavés, deux chemises blanches, une ceinture et une veste légère en daim. Il trouve aussi des sous-vêtements, deux paires de chaussures solides ainsi que quelques billets de monnaie aelissienne.

J'ai pris deux tailles différentes, l'une devrait t'aller dès à présent et l'autre plus tard, j'espère.

Depuis qu'elle a appelé et reconnue Smirtnoff comme celui qui recherche Gregovi, elle est inquiète. Elle sait le vampire enclin à des gestes inconsidérés lorsqu'il est face à des sentiments qu'il ne maîtrise pas. Elle se souvient toujours avec effroi de son attaque sur la nymphe. Pas un instant la dame turquoise ne relie le jeune vampire au tas de cendres qu'elle a vu lorsqu'elle a soigné le gardien mourant. Pas un instant elle ne s'inquiète pour lui ou Cassiopée mais bien pour Gregovi qui lui parait fragile malgré sa maturité. Celui-ci présente son côté le plus avenant et elle a pour principe de ne pas sonder l'esprit des gens sans leur permission. Finalement, elle lache simplement

Méfie-toi de lui, il ne se contrôle pas toujours.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeLun 1 Nov - 15:05

Smirtnoff a fermé les yeux pendant le trajet. La joue écrasée contre le dos de la nymphe, il attend en serrant les dents que les ailes puissantes se replient le long du reptile et que le sol revienne à portée de son pied, mais Cassiopée le secoue bien avant:
-Regarde! Wilvarin!
Le vampire entrouvre frileusement une paupière où s'engouffre le vent. L'animal évolue avec en l'air avec une vélocité qu'on ne lui imaginerait pas au sol, les tours de verre gargentuesques de la citée flottante s'approchent et passent dans un souffle en miroitant le reflet noir de la bestiole. Smirtnoff respire difficilement:
-Cassi, tu... Tu vois... Tu vois l'hôpital?
Cette dernière se penche en direction d'un quartier qu'elle pointe du bras, visiblement ravigorée par le plaisir qu'elle a pris au voyage:
-C'est ce bâtiment. Isaac va se poser.


Gregovi a enfilé les vêtements propres. La fraîcheur du tissu est agréable, même si l'usure de la chemise la rend rugueuse par endroits. Il se couvre soigneusement de la veste de daim et regrette de ne pas avoir de chapeau ni de lunettes pour se couvrir la tête. Le jour est levé dehors, une lumière matinale colore de bleu les parois de glace du building d'en face. Gregovi quitte sa chambre, traverse l'étage avec un dernier regard pour la dame aux cheveux turquoises qu'il aperçoit par une porte, descend l'escalier, puis l'étage. Une intuition inconfortable lui pince la poitrine tandis qu'il marche dans un tunnel de verre aérien reliant l'arrière de l'hôpital avec un autre bâtiment. Ses yeux caressent l'armature Art Nouveau qui ornemente la rembarde en se répétant et il flaire quelque chose de mauvais, sans mettre le doigt sur la nature de cette menace.
Puis une image très précise se dessine dans sa tête. Les pores le long de sa nuque s'hérissent, son oreille fine vient de percevoir le battement caractéristique d'une paire d'ailes très larges et lourdes, nues, un reptile, un dragon. Il a le temps de lever les yeux et de voir, au travers de la baie vitrée, des ailes immenses déployées se gonflant d'air pour l'atterissage. Il a le temps de voir, juchée sur l'encolure de la bête, une femme scintillante aux cheveux blancs comme le papier: Cassiopée.
Il se détourne aussi vite, mains dans les poches de sa veste en daim empreintée. Il y avait une deuxième personne en selle, sans doute Smirtnoff. Ils vont à l'hôpital. Il accélère l'allure pour rejoindre au plus vite le bâtiment voisin en espérant que personne ne l'arrêtera sur sa route. Personne ne semble le chercher en dehors des deux autres. Un dragon. Il n'a pas d'arme. Ne surtout pas se retourner. Il doit descendre dans les entrailles de la ville, à l'ombre et où la bête sera trop large pour entrer.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeLun 1 Nov - 19:59

Cassiopée n’avait encore jamais volé dans les environs de Wilwarin. La cité volante ressemblait à un véritable joyau déposé sur un nuage. Les rayons du soleil venaient se refléter dans les parois de verre et de métal des bâtiments de la cité et la faisaient miroiter tel un diamant.
Cassiopée était enthousiasmée par cette arrivée magistrale au côté de son ami Smirtnoff. Elle appréciait le goût plaisant de la beauté associé à celui de la fraîcheur de la peau blafarde du vampire contre son dos alors qu’il se cramponnait à elle.
Elle s’étonna à peine de la voix hésitante de Smirtnoff qui cherchait où se trouvait l’hôpital et l’incitait à se poser rapidement, tant elle était fascinée par la magnificence du titane sous la lumière intense du jour.

Le vol d’Issac s’était ralenti afin de négocier son arrivée et permettre à Cassiopée de préciser leur lieu d’atterrissage. La Dame des étoiles repéra le célèbre bâtiment qu’administrait sa sœur Grendelor aux volutes qui décoraient la façade. Vu du ciel, l’hôpital s’étalait en espalier et les pentes des toits venaient s’entrechoquer, libérant des espaces totalement plans où Issac pouvait se poser. Cassiopée repéra un replat parfaitement situé aux abords d’une entrée arrière de l’hôpital où Issac pourrait s’installer durant leur absence et les déposer sans être trop remarqués par les usagers qui défilaient du coté de l’entrée principale. Comme le lieu était désert, le dragon put se poser sans encombre ni alerte au public et leur entrée dans l’hôpital n’attira pas les foules qui les avaient accompagnés à leur départ de Galvorn.

Issac garda ses ailes étendues le temps que les passagers descendent puis les referma d’un claquement sec. Puis il détendit son long cou avant d’approcher sa grosse tête de Cassiopée qui la prit entre ses bras pour y déposer un baiser.
Smirtnoff s’était vite écarté et semblait impatient de quitter la cour pour atteindre l’extrémité d’un long couloir de verre, mais Cassiopée prit le temps de caresser le contour des yeux et des naseaux du dragon sans se préoccuper de son environnement.
Le voyage aérien avait donné à la Dame des Etoiles une sérénité qu’était loin de ressentir Smirtnoff. C’est donc calmement qu’elle rejoignit son ami empressé de s’engouffrer dans le bâtiment de soins.




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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeVen 5 Nov - 14:03

Smirtnoff a sauté du dos de l'animal et s'emmitouffle dans sa veste en signe de protestation vis-à-vis de son égo, le poil ébourrifé et frigorifié. Lorsqu'il se retourne vers eux, Isaac et sa cavalière s'embrassent comme deux moitiés. Le vampire fait demi-tour vers la petite porte qui s'ouvre à l'autre bout du toît et d'où un membre du personnel de l'hôpital sort hors d'haleine, alarmé par le débarquements de deux maudits compères sur son édifice (et accessoirement, un dragon d'une vingtaine de mètres massifs).
-Monsieur Smirtnoff! Et madame Cassiopée! Hem... Puis-je vous aider?
L'homme trottine jusqu'à distance respectable, ses deux soucoupes pointées sur la dame qui câline sa compagnie. Smirtnoff le rejoind pour s'éloigner de la zone de déployement des larges ailes à crocs noirs et s'adresse à l'employé en blouse:
-Nous devons voir Dame Grendelor de toute urgence. Elle s'occupe d'un patient dangeureux.
-Ah bon, bien! Heu. Enfin... Que se passe-t-il? Un patient?
-Pouvez-vous fermer les portes et garder tout le monde à l'intérieur? Nous devons récupérer ce patient. Il en va de la sécurité de tous. Fermez les portes.
-Oui, je... Je fais passer le message. Tout de suite.
L'employé reprend son assurance et repart d'un pas ferme, prêt à organiser l'arrestation de ce patient délicat et s'inquiétant de la sécurité de sa soigneuse aux cheveux turquoises.
-Je vous remercie.
Smirtnoff marche à sa suite avec un regard vers Cassiopée. Ils doivent se dépêcher:
-Pressons.
Des visages se collent aux vitres des quelques étages ouverts de l'arrière du bâtiment, en extase totale devant le dragon et la femme étoilée qui semble son maître.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeJeu 25 Nov - 3:21

Issac semble retenir Cassiopée qui ne peut s’empêcher de l’approcher plus. Il n’émet aucune raison, mais elle se sent accaparée par lui comme s’il voulait la garder dans son environnement.
A ce moment, il est tant son inverse que leur volonté s’annule et qu’elle ne peut ni venir avec lui, ni avancer vers la destination choisie. Les portes de l’hôpital s’ouvrent aux nouveaux arrivants et Cassiopée ne parvient pas à rejoindre Smirtnoff qui l’appelle avec empressement.
Elle doit littéralement s’arracher du cou d’Issac et le laisser penaud au milieu de la place sous les yeux des badauds pour suivre son compagnon alors qu’il s’apprête à pénétrer seul dans le bâtiment.
Contrariée par l’appel de son dragon, elle s’engouffre par la porte pour suivre le directeur qui est venu les accueillir.
Une fois lancée derrière Smirtnoff, elle accompagne le vampire dans sa course. Il bouscule le directeur qui n’a d’autre choix d’accélérer le pas tout d’abord, puis courir comme si sa vie dépendait de sa vitesse d’action.
Lorsqu’il arrive près de Grendelor, celle-ci se précipite vers eux mais son élan est stoppé net par l’intervention décidée et tranchante de Smirtnoff qui s’enquiert immédiatement du lieu où séjourne Gregovy.
Notant son absence de manière dans le front plissé de la dame turquoise, il fait une révérence avant de répéter:

- Mes excuses, où se trouve-il?

Grendelor ne peut que froncer dangereusement les sourcils à l’évocation de ce dernier.
Le vampire s'agite, visiblement impatient de recevoir sa réponse.
Grendelor n'ose pas comprendre ce que sous-entendent les questions de son ami Smirtnoff. Elle se tourne vers Cassiopée qui la regarde avec autant d'avidité que son compagnon.

- Pourquoi me parlez-vous de Gregovy ? Il est mort.

Le visage de Grendelor est plissé par la contrariété.
Smirtnoff se maudit de ne pas avoir mentionné son nom dans l'annonce, une heure auparavant.

-Pas exactement. Il est vivant, il se trouvait ici, peut-être sous forme d'enfant. Où est-il allé? Est-ce qu'il a mangé?

Le vampire insiste avec étrangeté sur la dernière question.
En même temps il semble calculer leurs chances de rattraper le fugitif.

A présent, Grendelor n’ose pas imaginer ce qu’elle croit. Mais son esprit vif ne met pas longtemps à assembler toutes les pièces qui composent les éléments des événements récents.

-Je viens de soigner un enfant oui. Un vampire comme toi. Il est parti.

Dans son regard s’inscrit l’inquiétude alors que Cassiopée réagit violemment et pousse presque un hurlement:

- Non ! Dis-nous à quoi il ressemble ? Vite ! Où est-il parti ?

Dans son esprit, tout s’enchaîne sans transition, et elle est déjà dans la course qui doit lui permettre de rattraper l’enfant avant qu’il n’agisse de son propre chef. Mais, elle attend, vorace, que sa sœur lui réponde.

Sa réponse semble avoir satisfait Smirtnoff et il se tourne immédiatement vers une infirmière qui s'était approchée, inquiétée par les cris:

-La sortie la plus proche de l'immeuble? Quel côté?

La femme, d'un certain âge, répond avec efficacité et sans se défaire de son sang malgré la nervosité ambiante:

-Deux étages en-dessous, la passerelle B.

Il tourne la tête en se rappelant mentalement de la passerelle de glace qui s'allongeait vers le building sous leur piste d'atterrissage:

-Où est-ce que ça mène?

-La station du métro et la place Gambard.


Le vampire pousse un juron et détale en direction des escaliers pour redescendre.




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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeJeu 25 Nov - 4:40

Dans la cage des comptoirs de la station la conversation va bon train. La journée a commencée en beauté, la pause de midi se raproche avec fainéantise et le café rapporté par la conjointe n'est pas raté, contrairement à l'habitude. Nat' encaisse les pièces de monnaie que le voyageur vient de déposer sous la vitre en baragouinant à propos du coût des tests d'émission de son futur véhicule.
-C'est fou non? -Merci, monsieur, bonne route- Et en plus je l'aurai pas avant le mois de Juin.
-Avec tout ça tu ferais presque mieux d'acheter une Airprop!
-Oui presque!
L'ordinateur s'active sur sa gauche et une feuille glisse hors de l'imprimante avec des spasmes rapides.
-Oh tiens! Du courrier.
-C'est quoi?
-Attends, ça sort.
Elle extirpe du bout des doigts la feuille martelée par l'encrage et tente de lire à l'envers ce qui se montre sur l'en-tête:
-On dirait une annonce de recherche.
-Ah oui, tu sais qu'ils en ont fait une ce matin? Ils cherchent un gosse. Ahh... Les pauvres parents, t'imagines?
-C'est sûr... Hop.
Se saisissant de la feuille elle s'empresse de parcourir des yeux le portrait-robot qui s'y trouve, occupant la moitié de la page.

De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Gregoviportraitrobotcop

-Qu'est-ce que c'est?
-... Ils recherchent un type pour l'arrêter. Gregovi Gregovitch, âge 16-17 ans, peau blanche, cheveux brun clair, yeux bleu clair, porte une chemise grise et un jeans bleu... Potentiellement dangereux. Il y a un numéro...
-Montre??
La compagne bondit hors de son siège pour chiper la feuille des mains de sa collègue et se rassied en silence, écarquillant les yeux sur le portrait tandis que l'autre se penche pour regarder les passants au travers de la vitre:
-Station Gambard c'est ici, ils veulent dire quoi par "potentiellement dangeureux"?
-Nat'... Ce type est passé y a cinq minutes pour prendre un ticket!
-Quoi??
-Il est passé là, je lui ai donné un ticket!
Les deux femmes se retournent pour regarder avec avidité de l'autre côté des guichets où les escalators scintillants avalent une foule modeste et tranquille.
Après quelques secondes d'observation infructueuse, Nathalie se tourne, un doute sur la figure:
-T'es sûre que c'était lui?
-Sûre de sûre, t'as vu les yeux qu'il a? (petit rire)
-Il a une tête de tapé.
-T'es folle, il est canon.
-Merde... C'est quoi le numéro?
-Vas-y, t'appelles.
-Donne!

Gregovi a descendu l'escalator sans s'arrêter et il continue de marcher à même allure le long du quai, sa chemise de rechange sur l'épaule, les mains dans les poches comme n'importe quel aélissien sortant à l'heure d'un lunch. Le panneau d'information translucide annonce en lettres d'un bleu frais que le prochain convoi arrive dans 7 minutes. Il est surpris que personne ne l'ai interpellé aux guichets, une annonce avait pourtant été faite et selon les avertissements de la soigneuse, Smirtnoff le cherchait.
Il marche jusqu'au bord du quai, ses pieds collés l'un à l'autre sur la ligne rouge et patiente, attendant que l'air poussé par un train vienne souffler sur son visage.
Il n'est pas à l'aise. Sa croissance accélérée ne tord pas son corps aussi intensément que cette nuit et il sent la faim creuser son estomac, mais chacun de ses os brûlent sous sa peau et des courbatures parcourent les muscles de son dos et de ses jambes à intervalles réguliers qui le font frissonner.
Il constate que personne ne l'observe ou ne semble intéressé, ce qui est bon signe, mais il demeure sur le qui-vive.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeSam 4 Déc - 5:19

-Dis ? A quoi va-t-il ressembler maintenant ?

Cassiopée n’a pas interrompu sa course pour interroger Smirtnoff qui s’est élancé lui aussi à vive allure dans la direction indiquée par les derniers mots de Grendelor. Il ne leur a pas fallu longtemps pour choisir de quitter l’hôpital sans même se préoccuper d’Issac qui acceptait sans aucun scrupule de se pavaner devant tous les malades encore debout qui commençaient à se regrouper dans le long corridor de verre pour l’admirer.
Ils avaient dégringolé quatre à quatre les dernières marches de l’hôpital pour courir sans reprendre leur souffle vers la station de métro la plus proche.
Ils savaient tous deux que seule la vitesse et la surprise pouvait arrêter la monstruosité qui se profilait à l’horizon de leur vie.

Dans l’esprit de Cassiopée, Gregovy est une aberration de la nature. Même un vampire n’aurait jamais du pouvoir ressusciter après avoir été décapité et brûlé ainsi que l’avait permis les cieux. Jamais, Grendelor n’aurait dû le protéger ainsi qu’un pauvre enfant démuni. Jamais, ils n’auraient dû avoir à se retrouver devant celui qui n’était là que pour tuer.

Ils dévalent dans un ensemble presque parfait les escaliers d’accès de la station métropolitaine la plus proche.

Cassiopée se précipite au guichet, bousculant sur son passage quelques individus ronchonnant.

- S’il vous plait ! Dit-elle, se remémorant quelques notions de politesse malgré sa lutte impétueuse contre le temps. Nous recherchons un jeune homme, vous devez avoir reçu son portrait robot, non ? Vous ne l’auriez pas vu ? Vous auriez dû…

- Celui là ? répond la femme qui interrompt sa conversation téléphonique pour lui répondre.
Tout en l’interrogeant, elle lui présente le dessin qu’a réalisé Smirtnoff un moment plus tôt.

-Vous l’avez vu ?

Elle n’a pas le temps de répondre que son bras s’est tendu vers l’extrémité ouest de la station où un groupe de jeunes étrangers cachent une silhouette un peu frêle et dégingandée. Smirtnoff a déjà précédé Cassiopée quand elle s’élance dans la direction indiquée. Ils n’ont pas le temps d’atteindre leur but que le train entre en gare.






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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeVen 7 Jan - 23:51

Smirtnoff n'a jamais couru aussi vite. Il s'étonne de ne distinguer aucun visage autour de lui, que des formes chaireuses et floues. Seule la silhouette de Gregovi se dessine devant lui comme une cible, aussi nette qu'en contre-jour. Ce dernier n'a bougé à peine, nuque statufiée devant les portes du train jusqu'à ce qu'il tourne la tête avec vivacité, les yeux ouverts comme des phares étincelants fixés sur lui. Il sort alors de son champ de vision.
Smirtnoff ralentit pour le chercher des yeux, essoufflé. Le jeune homme a bondit dans une direction opposée et court maintenant en sens inverse des quais. Smirtnoff dérape après lui:
-Arrêtez-le!!
Quelques voyageurs se retournent, surpris.
-Arrêtez ce garçon!!
Il jure au manque de réaction populaire. Les gens s'écartent devant Gregovi, ébahis, sauf un homme en imperméable qui s'avance pour lui barrer la route, plus agairi deux fois plus grand que lui, l'attrape entre ses bras comme un sac de grain presque vide. Gregovi est stoppé net mais n'abandonne pas la lutte, il se débat sans faire d'effort excessif, plante avec précision un coude dans le sternum de son adversaire afin de lui couper le souffle et, à nouveau sur ses pieds, s'échappe.
Smirtnoff l'a rattrapé d'une centaine de mètres sur cette altercation mais Gregovi grimpe déjà au sommet des escaliers.
-Stop!
À l'autre bout des comptoirs les passerelles sont fermées et la police de gare met en joue le jeune homme lorsqu'il surgit hors des marches. La foule a été écartée:
-Plus un geste!
Gregovi s'arrête, la sortie est coupée par les armes pointées sur lui, Smirtnoff se trouve au bas des marches avec la dame d'étoiles dont il distingue avec frayeur les éclats ensoleillés. Il est coincé.
Les policiers s'avancent vers lui en accélérant puis le jettent à terre, lui coincent les mains dans le dos sans ménagement. Sa silhouette élancée est immobilisée, d'ailleurs il ne fait rien pour se débattre.
Smirtnoff approche.
-Tenez-le bien. Il est dangereux...
Une petite foule bloquée aux comptoirs observe la scène avec intérêt.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeDim 20 Fév - 9:53

Trois jours se sont écoulés depuis la démonstration de force dans le métro de Wilvarin. Trois jours durant lesquels Gregovi a croupi dans une cellule de commissariat. Etant denationalité étrangère, il réfute le pouvoir de la justice aélissienne sur lui. “Vous ne pouvez pas me juger”.
Smirtnoff avait ordonné à la police de ne pas lui donner de nourriture, seulement de l'eau. Il revoit le visage septique de son représentant des forces de l'ordre.
-Rien du tout?
-Il n'en mourra pas.
On avait monté un dossier et on lançait des recherches dans les docs pour retrouver de potentielles victimes. “Il y a de fortes raisons de croire que cet individu de catégorie B se soit nourri entre sa revenue à la vie et le moment où il a pour la première fois été aperçu sous forme enfantine. Cherchez un corps dévoré jusqu'à l'os. Un grand chien, un enfant... Fouillez tout Galvorn, retournez les poubelles, le dessous des quais, les égouts...” En ce moment même on remuait chaque parcelle de crasse de la banlieue.
Smirtnoff, lui, noue sa cravate au-dessus d'un lavabo du commissariat de Wilvarin. Il est penché devant la glace, s'observant d'un œil absent et sombre. Le bleu très pâle de l'iris est ombré, pas plus visible malgré les cheveux ramenés en arrière par un coup de peigne humide. Le front dégagé n'éclaire pas son visage. Il ne veut pas être jugé. Il ne reconnaît pas Ter Aelis. Bien entendu. Il a le droit d'être jugé par ses semblables.
Ses semblables.

Une image lointaine et fade lui parvient, le coucher de soleil filtré par une raie de nuages bleu marine, une silhouette au bord de la mer, le vent salé sur la falaise. Un battement de cil, le bruit du gravier sous les pas et l'horizon vide, un corps disparu à jamais. Il n'avait pas regardé en bas, il n'avait pas osé. Il n'avait pas de preuve. Rien. Juste un bruit de course indistinct, peut-être un accident, peut-être un geste volontaire. L'incompréhession totale de cette scène d'absurdité dont la dernière pièce manquerait, flottant quelque part dans une dimension inexploitée, pour toujours, incomplète.
Qu'importe?
Smirtnoff regarde son reflet immobile et bancal. Je pensais que Ter Aelis m'avait guéri... Mais tu es toujours là. Hiver. Ma colère dort mais ne s'éteind pas. Au contraire. C'est elle qui lève mes genoux, qui dresse mes poings et mes pensées, qui lascère mes obstacles. Tu m'as forgé ainsi, et chaque pas que je fais est amère, narcissique, effrené, malade, arrogant et furieux. Rien ne pourra me satisfaire, rien ne pourra combler le gouffre qui m'habite. J'avance et tu es sur ma route. Ma haine est muette et sourde mais elle voit. Je ne sais pas pardonner. Je t'écraserai, puisque c'était ta leçon.
Je te rouerai de coups et de mépris, t'étranglerai d'irrespect, couperai tes chevilles sur lesquelles tu reposes, afin que tu tombes nue et ridicule à mes pieds.

-Tes voeux sont accordés. Tu seras jugé par tes semblables.
Smirtnoff est surpris de s'entendre parler. Il remonte le col de fourrure fraîche qui frôle ses joues, secoue les épaules pour centrer son manteau et sort sans rien regarder.

Il entre dans la pièce aux bruissements du trousseau de clefs du gardien qui reste en arrière. Gregovi paraît petit assis sur la couchette, les joues creusées, une chemise trop petite pour ses os allongés.
Smirtnoff ouvre les bras, la face inexpressive:
-Je déclare à titre officiel cette cellule, Ambassade Hivernale.
Il baisse les mains ensuite et ne dit rien, observant Gregovi qui le scrute en retour. Ce dernier demande:
-Tu as le droit de faire ça?
-J'ai tous les droits.
Gregovi attend. Comme Smirtnoff ferme la porte à clef, il se redresse, pour le voir enfiler des gants blancs. Le maudit ne manque pas ses réactions et il voit que ce geste a attiré son attention. Le vampire a compris de quoi il s'agissait. Si cette cellule est un territoire vampirique, les lois le sont également.
Gregovi lève le menton, les mains posées sur ses genoux comme un maître de maison devant un invité:
-Serait-ce la raison de ma grève forcée de la faim? Tu ne prends pas trop de risque.
Smirtnoff sourit:
-Tu m'as enseigné les règles du jeu.
-Et je t'ai disqualifié.
-Pas vraiment... Je t'ai rendu tes dés truqués, et quitté la partie.
Il allait répondre quelque chose, mais Smirtnoff le coupe poliement:
-Ici, tu joues sur mon terrain, cher “semblable”. J'écris les règles et tu t'y plies. Tu n'as pas à ouvrir la bouche.
Gregovi sourit à son tour mais son attitude princière s'est amollie. Il dit:
-Ah oui... Ton royaume de petites gens.
Toujours la même regaine. L'uni-jambiste est le roi des cul-de-jattes.
-Des mots... De la salive.
Smirtnoff marche lentement jusqu'à lui et un réflexe force Gregovi à se lever pour se mettre à hauteur. Leurs visages se font face.
-Je t'ai dit... De tenir ta grande gueule fermée...
Gregovi l'observe avec intensité, silencieux pendant quelques secondes, puis étire dans ses joues amaigries un sourire à la fois chaleureux et railleur:
-Mon petit... Smirtnoff. Tu as gagné en éloquence, je te l'accorde. Tu as également pris du poids, mais pas dans le sens que tu voudrais croire. Je ne suis pas celui qu'il faut mettre au régime ici, au contraire.
La balle renvoyée, il recule de quelques pas pour s'asseoir sur sa couchette aux draps troués, le visage débarassé de toute appréhenssion sous le regard de son supérieur hiérarchique supposé.
-Tu te fiches de mourir.
-Je suis déjà mort. (haussement d'épaules) Oui.
-Et tu te fiches de souffrir de la faim.
-On m'a déjà privé de nourriture par le passé. J'ai survécu 12 ans ainsi.
Smirtnoff lui jette un coup d'oeil, agacé d'apprendre quelque chose de la bouche d'un professeur qu'il pensait pouvoir forcer à la retraite. Mais il renvoie la balle sans s'interrompre.
-Le ferais-tu encore?
-Je n'en suis pas sûr. Mais je sais une chose. Tu n'y arriverais pas. Tu n'as pas ce qu'il faut pour faire souffrir.
-Tu veux dire plutôt que j'ai ce qu'il faut que tu n'as pas pour ne pas vouloir faire souffrir autrui.
Gregovi sourit en coin mais ne répond pas. Smirtnoff croise les bras en attendant.
-Tu es mal placé pour me prétendre incomplet.
-Nous ne manquons pas des mêmes choses. Si je manque d'assurance, tu manques de tout.
-Voyons cela.
-Oui, voyons cela. Je ne vois aucune raison sensée pour que tu veuilles me supprimer. La Ville d'Hiver n'a jamais voulu de moi, elle ne me manque pas non plus, et je ne m'y trouve plus.
Il lève les mains à l'horizontale en attendant l'explication du mystère, Gregovi lui répond:
-On entend parler de toi.
-Ah. Un élément nouveau.
-S'il n'y a pas besoin de ta présence physique, il n'y a pas non plus besoin de ta réputation.
-Ma réputation. Mais tu vois, c'est là que je ne comprends pas bien. Tu parles de ma réputation, mais j'ai un autre nom, je ne mentionne strictement pas mes origines. Je ne vous ressemble même pas. Cassiopée n'a jamais entendu parler de toi avant que nous te voyions surgir. Alors dis-moi, explique-moi QUI s'en fait tant à mon propos? Au point de m'avoir tracé jusqu'ici parce que je ne crois pas un mot de la réputation dont tu parles, bien entendu.
Gregovi ne répond pas.
-Bizarrement j'y ai pensé, en m'installant ici. J'ai pensé à toi. Je me suis demandé si tu pouvais connaître un endroit comme celui-ci, où il est si aisé de s'épanouir en comparaison à l'Hiver, à la ville que toi, tu ne semblais pas plus aimer -je sais que tu ne t'y plaisais pas, ne fais pas cette tête-là- Tu n'aimes pas la ville d'Hiver mais tu ne pouvais pas la quitter. Tu étais gardien. Tu as beau posséder les clefs de la serrure mais tu demeures, toi aussi, dans la prison. Tu as cru que j'étais condamné à rester mais je suis parti et je suis libre, et tu es prisonnier, dans tous les sens du terme.
Le visage de Gregovi, qui n'exprimait rien jusqu'à la fin de ce discours, s'étire. Les coins de sa bouche se relèvent sans qu'il n'en résulte un sourire, une ombre efface son regard:
-Je ne suis pas prisonnier. Tu vois, je suis là, tu es ici...
Disant cela, il pose une main sur l'épaule massive du bâtard, puis sur sa joue graisseuse. La délicatesse de ses doigts est abrutissante, le geste fragile d'une compassion infiniment déplacée.
-Smirtnoff, tu n'es parti que pour mieux me retrouver.
Les mots qu'il prononce ensuite, sans voix, ne sont pas entendus.
Un silence dénué d'yeux les enveloppe quelques secondes. Puis Smirtnoff saisit Gregovi sous le menton, sa main large autour du cou rétréci par le jeûne. De l'autre, il force ses doigts alignés entre deux côtes de la cage thoracique de Gregovi, transperçant douloureusement les cartilages trop durs, ouvrant la plèvre jusqu'à trouer le tissu visqueux. Une tièdeur insistance a ganté sa main et s'enfuit le long de son avant-bras. Les articulateurs de ses doigts le lancent immédiatement mais la température amortit et endort sa douleur, tant qu'il ne préfère pas se presser de se retirer de ce corps étranger. Lorsqu'il se décide à le faire et qu'il relâche sa prise autour de la nuque de Gregovi, ce dernier fléchit les genoux et bascule en arrière silencieusement, les talons enfouis sous ses cuisses dans une position que sa souplesse ferait presque paraître confortable.
Son corps léger n'éveille aucun bruit en rencontrant le sol bitumé de la cellule.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeSam 3 Déc - 4:42

Gregovi n'est pas mort. Le sang s'échappe de sa blessure, roulant sur sa poitrine en quelques secousses semblables aux traits nerveux d'un grand pinceau, absorbé comme l'aquarelle par la chemise claire qui s'en imbibe et se fonce. Son poumon déchiré se déverse de l'intérieur et la douleur vive des noyés tire son visage.

Smirtnoff s'assied pesamment à son côté, la main toujours ensanglantée levée devant lui, qu'il pose amicalement sur la poitrine percée devant lui et qu'une quinte de toux se met à brutaliser. De l'autre main, dont il s'appuyait par terre avant de la remplacer par un genou, il approche la blessure cammoufflée dans les pourpres et les rouges vifs de la chemise teintée qu'il arrache d'un geste brusque.
Se penchant ensuite il enfuit la main droite dans la blessure, ce à quoi Gregovi réagit avec vivacité, envoyant les deux bras à l'encontre du buste adverse. Les doigts se glissent sous la peau, cherchant brièvement prise, il ferme le poing sur le tissu élastique et le soulève ensuite avec force comme il a fait pour la chemise et soulevant le corps avec. Le bruit de déchirure est identique et l'épiderme divorcé de ses chairs découvre d'autres membranes lacérées au fur et à mesure du geste, trop peu de tissus graisseux et une forêt de réseaux capillaires dénudés. Le manteau transparant se sépare en deux lambeaux qui se replient immédiatement sous leur propre élasticité et Smirtnoff se rabat sur le plus court, qu'il arrache de l'autre côté. Gregovi, ravivé par la douleur intense du déshabillage, ne lui facilite pas la tâche et la manoeuvre les recouvre du sang répandu par les mains et les coude. Enfin Gregovi se tient presque tranquille, suffoquant dans une direction détournée de la scène et ses membres immobilisés par des tremblements spasmodiques. Smirtnoff, toujours penché au-dessus de lui, observe sans sourciller le morceau de peau froissé dans le creux de sa main. L'approchant avec lenteur de son visage, il pousse le trophée décoloré et visqueux dans sa bouche et mâche sans appétit avant de déglutir.
Son visage demeure en suspens dans le vide quelques instants, clos hérmétiquement, sa lèvre inférieure tachée d'un sang dilué dans ses sécrétions sous-cutanées.

Une dizaine de minutes se succèdent avant que la pâleur de Gregovi ne rivalise avec celle du bitume. L'inondation sanguine dans son poumon droit a remonté le long de ses bronches et envahi le gauche. Il ne respire pratiquement plus lorsque que sa toux extrait de sa trachée une sombre quantité d'hémoglobine déversée par sa bouche et son nez. Son diaphragme n'expire que du liquide et redescend avec difficulté sous sa paroie abdominale affaiblie, puis n'en remonte plus. L'hémorragie l'a tué en même temps que l'absence d'oxygène dans ses bronchioles saturées, toutes colorées d'un rouge acide. La douleur n'était pas descriptible.

Une heure passe avant que le gardien de cellule ne toque à la porte. Smirtnoff se redresse en lui lançant de ne pas ouvrir la porte. Il demande humblement quelques heures supplémentaires pour terminer son interrogatoire.

Lorsqu'il a terminé, il ne reste plus grand chose de Gregovi. Sa dépouille est éparpillée dans tous les coins de la cellule comme sur un plat en sauce, ses côtes emballées dans leur cartilage forment une cage désormais creuse et fumante, sa trachée en sortant par le haut comme un tube au-dessus des vertèbres cervicales aux touffes de nerfs dépassantes. Son scalpe gît sous la couchette, à côté de son crâne paqueté d'une pièce par ses tendons roses et blancs, les orbites pleines fermées de ses paupières aux cils collés par le sang noir et sec depuis longtemps.
Smirtnoff se débarbouille les mains et le visage sous le robinet minuscule. Il se défait de sa veste et la plie sous son bras et par chance, le sang s'y voit peut même si l'odeur métallique, poignante, prend à la gorge.

Quittant la pièce, il ferme la porte sans un regard derrière lui et conseille le géôlier de laisser le suspet reposer avant d'aller le déranger.
-Je reviendrai plus tard.
-Bien monsieur.
Gregovi quitte le commissariat de la sorte.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitimeVen 28 Déc - 21:29

Smirtnoff-Gregovi quitte la prison de Wilvarin sans se presser, traverse les limites de la cité flottante par les transports publiques. Il se dirige sans penser, guidé par le bout de ses chaussures d'abord sur le bitume, puis sur le bois laqué d'un métro à vapeur. Bientôt le cuir usé superpose des pierres froides ensablées de la digue puis s'enfonce en chuchotant dans le sable humide caressé par l'écume.
Il semble à Smirtnoff qu'un vent glacial le repousse en s'engouffrant sous son manteau, que le ciel couvert décolore l'univers silencieux à ses pieds. Mais lorsqu'il lève le menton pour découvrir l'horizon, une étoile aveuglante barre le ciel. C'est le soleil. Il ne distingue aucune couleur et sourit en réalisant que la lumière brûlante ne lui fait rien, pas même plisser les yeux.
Il ne sent pas l'eau froide traverser le tissu intérieur de ses chaussures pour empoigner ses chevilles. Les langues glacées autour de sa taille et le long de ses jambes ne le font ni frissonner ni ralentir. Sa main gauche perd toute sensation lorsqu'il caresse la surface ondulante et grise. Il pose les yeux dessus en la soulevant et observe sa palme s'assombrir et tomber comme de la poudre épaisse, se mélanger à l'eau pour se désintégrer. Curieuse recette. Sa main disparaît entièrement.
Ses pieds amollis trébuchent ou s'enfoncent, il ne sait pas trop. Mais le niveau de l'eau le rattrape jusqu'au menton et colle ses cheveux sous ses oreilles. Les vaguelettes touchent et gouttent, presqu'en silence, normalité. C'est ici que son cœur l'a mené, ou l'appelait, laissé derrière il y a bien longtemps. Sa poitrine s'immobilise sans heurt, ses paupières posent sur ses pommettes ses sourcils noirs salés.

Le manteau flotte un moment sous la surface comme une grande algue indifférente.
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MessageSujet: Re: De la rouille et de l'aigreur   De la rouille et de l'aigreur - Page 3 Icon_minitime

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