Nahïs Rôliste
Nombre de messages : 607 Age : 35 Localisation : Où m'emporte le vent Date d'inscription : 02/02/2008
| Sujet: Rendu thème n°1 ( précision au cas où ce ne serait pas le dernier :D ) Sam 19 Sep - 21:04 | |
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[center][url=http://www.servimg.com/image_preview.php?i=40&u=11994943][img]http://i89.servimg.com/u/f89/11/99/49/43/auputa10.jpg[/img][/url]
[color=lightgrey][i] Ballonnée dans la moiteur ambiante, la boursouflure enfle et se gonfle d'une liqueur délirante. Naissance d'une obèse à l'essence sensuelle...[/color][/i] [/center] [justify]L’écran grésilla. [color=lightgoldenrodyellow][b]« Flash info. Nous rappelons à tous les téléspectateurs l’information principale de ce mardi : de violentes précipitations sont attendues. Méfiance donc demain sur les routes de la moitié Nord de l’hexagone, nous vous conseillons de limiter vos déplacements. »[/b][/color] La mâchoire de Lili s’en décrocha. Ça allait déchirer sa grand-mère en slip de bain ! De la pluie, encore et encore, la croulante coulant sur son visage, elle se rappelait. De l’eau à perte de vue, de l’eau comme il n'existait plus. L’eau de la mer était devenue pire que l’eau des chiottes de la mère Suzie, sa voisine de pallier. L’eau du lavabo désinfectait la bouche plus efficacement que la lotion hydro alcoolique mise en vente contre la grippe A. L’eau des lacs, des rivières et des fleuves sentait plus fort que le crottin de cheval, et ne parlons pas de sa couleur douteuse, qui en feraient verdir plus d’un. Mais l’eau de la pluie, c’était un délice, un concentré de bonheur, un bouillon de fraîcheur ! A embrasser la pluie, on se sentait vivant. Chair de poule et peau glaciale s’entremêlaient dans l’émulsion tonique. Un fortifiant 3 en 1.
Telle une pile électrique, Lili bondissait dans le salon, poussait des cris de yukuléra - un charnu glouton de la forêt de Yukulélie - d’une voix stridente, tapait des pieds et des mains tout en tournant autour du poste de télévision. La danse de la pluie revisitée. Un peu plus et l’on aurait dit qu’une tribu indienne s’était donnée rendez-vous au 4, allée des tulipes. Prise de frénésie, une joie malsaine se répandit dans ses veines, lui monta à la tête. Les photos. Scotchées au mur blanc, elles étaient des tourments imprimés sur papier, un calice où se mélangeait différents personnages, aux parfaits yeux d'inquisiteurs. Elles glissèrent délicatement sur la faïence immaculée du lavabo. Une à une, dans un goutte à goutte étudié.
L’eau battue en neige moussait, écumait. Sous le voile blanchâtre, des visages délavés s’effaçaient. La grand-mère, aux vêtements sponsorisés par le magasin des pompes funèbres, épinglait de son regard le photographe. Lili se souvenait. Le photographe, c’était elle. La grand-mère n’avait pas digéré ce flagrant délit à sa vie privée. Et flanqué à sa petite-fille une paire de claques dont les joues de celle-ci se souvenaient. [color=lightgoldenrodyellow][b]-" Ce soir, c’est moi qui rit, mamie ![/b] [/color]S’exalta la jeune fille, malaxant pour mieux la détruire les restes informes de son aînée.[color=lightgoldenrodyellow][b] Enfonce-toi dans la fange…"[/b][/color] L’eau bouillonnante ramena à la surface les débris pelucheux d’une chevelure brune. Maman… Ton travail comptait donc plus que ta propre fille ? Il faut croire que oui, pour que tu l’envoies à l’autre bout de la France sans autre explication. Et juste à côté, flottant sur les eaux blanchâtres, papa tentait d’excuser une fois encore les paroles dures de sa femme.[color=lightgoldenrodyellow][b] "C’est dans sa nature, tu sais, les féministes…" [/b][/color]Faiblard. Geignard, poltron, qui s’aplatissait plus qu’un tapis, s’excusait trois fois en une minute, le tout garanti 100% invisible ! Son père avait battu tous les records. Lili jubilait de plaisir en les voyant tournoyer dans le siphon du lavabo, happés par le liquide laiteux. Colère noire, rage verte, peur bleue, les couleurs dégorgeaient et se confondirent une à une, avant de disparaître. Ne resta que du blanc. [/justify] [center][color=lightgrey][i] L’appel de la Terre l’invite à s’allonger. Elle lévite et coule voluptueusement vers le bas du cumulus, ogive lascive.[/i][/color][/center]
[justify]4h18. Lili se redressa en sursaut. Les cheveux hirsutes, les mains flageolantes, les yeux exorbités à la limite de rouler dans leur orbite. Le cerveau à l’envers. La raison de ce désordre intérieur était simple : un cauchemar à faire pâlir un abominable monstre haut de dix étages.[b] Et si la pluie ne venait pas ? [/b]La jeune fille sauta de son lit, le cœur battant la chamade. Elle ouvrit la fenêtre. Le canal Saint-Martin dormait encore, eau paisible bordée d’arbres centenaires. Mais l’air suintait de ce parfum humide aux fragrances poussiéreuses, promesse d‘une ondée aux airs de gorgone. Terrifiante. Cela rasséréna Lili qui emplit ses poumons de cet oxygène vivifiant, plongeant son regard tout là haut. Les étoiles scintillaient, accrochées à la toile d’encre que les écharpes de nuages voilaient par endroits. Petits points lumineux qu’on voudrait cueillir du bout des doigts, délicatement. Le souffle de Lili se calma, ses yeux s’adoucirent.[/justify]
[center][color=lightgrey][i]Hilare, elle déboule du nuage gonflé d’eau. Le vol l’enivre et la fait trembler. Elle est la première, celle qui annonce l'ondée salvatrice. Au-dessus d'elle, ses soeurs frétillent d'enthousiasme. L'heure de la rencontre est proche...[/i][/color][/center] [justify]08h00. Il faisait sombre ce matin. Les feuilles des arbres frémissaient sous la caresse de la brise. Une feuille mordorée se détacha, emportée par la soudaine excitation du vent. C'était le signal de l'ouverture du bal. L’averse entama sa danse endiablée avec le macadam. Un vernis brillant recouvrait déjà le bitume lorsque Lili mit les pieds dehors. De sa main, elle cueillit les gouttes, perles diaphanes au reflet opalin. Et l’on disait que l’eau était bleue… oui, dans les films pour enfants. Elle en voulait des colliers, pour les enfiler mille fois et mille fois se transformer. La courbure de son cou appelait les caresses, ses bras de danseuse accompagnaient le ballet ruisselant. Les gouttes résonnaient et chantaient le bonheur sur fond de bourrasque. Elle s’abandonnèrent, tourbillonnèrent pour heurter le gris de sa vie, l’illuminant.
Aux premières loges du spectacle, les habitants de l’immeuble étaient stupéfiés. Ils regardaient évoluer l'ingénue au rire éclatant, que les éléments malmenaient comme un fétu de paille.[b] Il fait trop froid[/b], murmura une mère abasourdie. [b]Elle va se tuer ![/b] pensa la mère Suzie, voyant le niveau du canal s'élever. [b]Que fait cette folle ?[/b] se demandaient-ils tous, dissertant ensuite d'un ton entendu sur les ravages du suicide dans la population adolescente. Ils ne virent pas que le ballet de la tempête esquissait des silhouettes, qu’il redessinait des visages aimants pour une fillette euphorique. Elle tendait les mains pour les effleurer, toucher leurs contours rendus flous par le rideau de pluie.
Quatres heures plus tard. L'eau a rendu un corps désarticulé, étendu sur la chaussée. Il est trempé, malgré l'imperméable qui le protège. Un tressaillement le parcourt. Un bras remue, deux yeux clignent. Il se relève doucement, agité de tremblements. Tâtonne, hésite, puis avance. Marche. Un pas devant l’autre. Il lève les yeux. La mère Suzie est toujours devant sa fenêtre. De ses lèvres craquelées, un son sort : [color=lightgoldenrodyellow][b]- Vous vous attendiez à quoi ?[/justify] [/b][/color] [center][color=lightgrey][i] Au bord du gouffre, elle hésite, avant de se jeter à corps perdu dans le velouté de sa joue. Elle avale et dévale les centimètres tel un félin affolé. Une goutte, au son de la félicité.[/i][/color] [/center] | |
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