- MES AMIS ! MES FRÈRES ! L'heure est grave. Depuis des années, nos ancêtres ont conquis de nombreuses régions ; notre histoire remonte à l'aube de la Renaissance ! Et d'une traite, un nouvel ennemi insidieux, CE nouvel ennemi, dehors, veut balayer notre glorieuse civilisation ! Nous devons les en empêcher !
D'un rapide mouvement, le haut maréchal des chocolats pralinés pointa sur la carte un endroit qui se situait près du campement adverse.
- Mes amis, nous porterons notre premier coup ici. Les divisions des généraux noisettes et liqueur attaqueront avec toutes les troupes. La cavalerie constituée par nos escargots pralinés chargera par le flanc droit pour disloquer leur formation en phalange, quant aux chocolats blancs et noirs,
le haut maréchal regarda ses pairs doux et amer qui se jetèrent un regard de défi, il devront ancrer notre aile gauche et couvrir les arrières. L'ennemi est mobile et je suis sûr et certain qu'il tentera de nous contourner. Même s'il est plus nombreux que nous, c'est notre valeur combinée à notre pugnacité qui l'emportera.
- C'est de la folie !
Tous se tournèrent vers un chocolat triangulaire, qu'ils reconnurent comme étant le seigneur des assortiments de chocolats non répertoriables.
- Seigneur. Qu'est ce qui vous chagrine ?
- Haut maréchal, sachez que je désapprouve votre folie. L'ennemi est plus de deux fois plus nombreux, et mieux armé. En cette période, son moral est excellent !
- Certes, je comprends vos incertitudes mon ami,
le haut maréchal des chocolats posa une frisette de son papier d'emballage sur l'épaule de son camarde mais c'est la période où nous pouvons fédérer tous les royaumes autour d'une grande alliance. C'est aujourd'hui, et maintenant, que nous pouvons porter un ultime coup, décisif. Êtes vous avec nous ?
Ils se jaugèrent une seconde.
- Nous suivrons la volonté du grand concile réveillonnaire si tel est son souhait. Mes troupes sont à votre service.
- Parfait, qu'elles restent à défendre la forteresse, en retrait. Si par malheur nous avons besoin de vous, accourez au plus vite.
Le haut maréchal des chocolats leva en l'air son cure dent. Tous firent de même, hormis le colossal chocolat aux noisettes, qui maniait une immense scie rose, artefact antique arraché aux décorations d'une bûche de noël de l'an passé.
- Aujourd'hui, nous jurons solennellement de faire tout notre possible pour remporter la victoire.
Tous reprirent d'une voix chaude le refrain. Nous vaincrons, ou alors nous répandrons à même la nappe notre cœur fondant ! POUR L'ILLUSTRE CORTES !
***
Le haut maréchal des chocolats contemplait avec fierté l'armée de cacao, qui avançait en bon ordre vers l'extrémité Sud de la table. Le terrain serait parfait. La dinde ancrait une partie de leur position droite et il ne faisait pas trop chaud : aucun risque de fonte des effectifs sur le champ de bataille.
A ses cotés se trouvaient les officiers liqueur et noisettes qui ordonnaient leur très nombreux bataillons. Le haut maréchal se tourna vers son sonneur de cor.
- Donnez l'ordre de stopper la marche. Laissons les se briser sur nos positions.
D'une note claire et aigüe d'un berlingo évidé, le jeune musicien fit arrêter net l'armée. Les braves soldats se jaugèrent tous, dubitatifs. Il y eut un silence...
Rien ne bougeait. Où pouvait bien se trouver ce terrible ennemi ? Le haut maréchal se dit qu'ils le sauraient tous bien assez tôt. Au moment où lui venait cette pensée, il y eut un léger tremblement qui fit chanceler les flûtes de champagne de la table. Le grondement s'amplifia d'instant en instant.
- Qu'est ce que...
Au détour d'une assiette, il l'aperçut : gros, mou, immense et rose. Il fut rapidement suivi d'un deuxième, puis d'un troisième puis d'une dizaine. Une centaine de mashmalows roulait vers leurs lignes à la vitesse d'une sucette en furie.
- DE LA GUIMAUVE EN APPROCHE. RESSERREZ LES RANGS ! PREPAREZ VOUS A RECEVOIR LA CHARGE !
Très rapidement, un véritable mur de cure-dents fut formé. Les chocolats aux noisettes et à la liqueur poussèrent un cri de guerre tandis qu'une marée de petits ours en gélatine se ruaient à l'assaut derrière les shamalows. Le général des chocolats blancs, en arrière, leva son pique de bois.
- Chocolats, préparez-vous à faire feu ! Chargez les machines de guerre !
Plusieurs carrés s'activèrent autour d'une douzaine de petites cuillères, transformées en catapultes. Des poignées de cacahuètes et gourmandises salées furent entassées dans les coupoles. Puis, on les recouvrit prudemment de caramel liquide.
- Attendez... Attendez...
La nuée de guimauve rose et blanche se trouvait maintenant à une vingtaine de centimètres des premières lignes. Elle était dangereusement proche. Le général des chocolats blancs baissa son cure-dents.
- FEU !
Il y eut un bruit sec et durant un instant, l'air s'emplit de projectiles qui retombèrent lourdement sur les mashmalows. Plusieurs s'écrasèrent sur la nappe, gourmandement touchés. D'autres furent empêtrés par le coulis sucré et s'immobilisèrent, collés à la table.
Néanmoins, le reste de la horde s'abattit avec vigueur sur les chocolats, creusant de larges sillons dans les lignes cacaotées. Ces dernières piquèrent avec enthousiasme dans la chair épaisse et neutralisèrent plusieurs des boules de gomme. Mais ils n'eurent pas le temps de se remettre de leurs émotions : les oursons furent sur eux et une féroce mêlée s'engagea.
Les chocolats avaient pour eux la force et des papiers solides aux couleurs uniformes, dorées et argentées. Les animaux en gélatine étaient légions, et pour un qui tombait, deux prenaient sa place. Très rapidement, la nappe fut entachée de sucre et de fluides à caries.
Depuis son état major, légèrement en hauteur sur le rebord du plat de la dinde, le haut maréchal des chocolats s'adressa à l'assemblée.
- Frères,
il interpella les chefs noisettes et liqueur, prenez la tête de vos forces et repoussez les vers notre cavalerie. Sonneur de cor, demandez aux escargots pralinés d'agir.
Il s'aperçut que de nouveaux renforts bonbons arrivaient depuis le Sud, une masse dépareillée de réglisses, de bubblegums et des redoutables arlequins : tenaces et déterminés, ces clowns formaient des troupes d'élite, et faites vite !
A nouveau, le son du berlingo vibra et une note lui répondit dans le lointain, derrière l'immense silhouette de la dinde farcie.
Dans le ciel, une nouvelle volée de cacahuètes passa au-dessus d'eux alors que la bataille commençait véritablement.
***
Lorsqu'il entendit l'appel à la curée, le dragon de cavalerie des escargots pralinés ordonna la charge. Très rapidement, ils prirent de la vitesse parcourant la distance impressionnante de un centimètre par seconde. Ils contournèrent l'immense plat et l'officier aperçut la terrible mêlée qui se déroulaient non loin. Il poussa un cri de guerre repris en cœur par les siens et percuta le flanc adverse.
Un ourson tenta de s'interposer sans succès et fut promptement écrasé. Deux autres bonbons voulurent lui sauter dessus pour le retourner mais d'un vigoureux coup de coquille, il les envoya valdinguer sur le coté.
La charge des escargots avait très sérieusement entamé la détermination des bonbons sur le flanc droit, et beaucoup tentèrent vainement de fuir. Plusieurs des gastéropodes marrons furent tués sur le coup, par la masse, mais la grande majorité continua sur sa lancée. Les chocolats aux noisettes se rallièrent autour d'eux et enfoncèrent les lignes adverses paniquées.
Une importante débandade commença...
Le dragon de cavalerie se débarrassa de trois adversaires supplémentaires, et broya un autre sous sa masse hermaphrodite. Le conflit allait être sanglant en glucose...