Les Thermes [zone publique]

Bâtis dans un esprit cosmopolite, les riches Thermes de Wilwarin trônent en centre-ville, visibles de loin, grâce à l'immense dôme de verre qui les recouvre.
Conçu pour faire entrer la lumière sans laisser s'échapper la chaleur, ses impressionnantes dimensions en font l'un des monuments les plus célèbres d'Aelis. Sa structure est maintenue grâce à six branches, produites dans le meilleur acier d'Echoriath. Il est d'ailleurs dans la tradition pour les étudiants de l'académie de littérature, de venir en nettoyer les immenses plaques de verre à la solde des dirigeants de la ville, pour gagner de quoi louer leurs appartements. La transparence de ces plaques, façonnées du sable de Sûl-Nar, semble aussi pure que de l'eau douce.
A l'intérieur, un très grand complexe de bains s'étend, tandis que la température y avoisine les vingt-cinq degrés. La première salle est un très grand vestiaire, l'apodyterium, où chacun se dévêtit avec peu de pudeur.
Puis au centre se trouve la Palestre, terrain de sable destiné aux exercices, jouxtée au natatio, large bassin d'eau assez fraîche où il est possible de faire des longueurs.
Une fois le corps assez éprouvé par le sport, le chemin conduit vers le tepidarium, grande pièce faite de bassins tièdes, où se trouve la majorité des gens, venus converser de choses diverses, aussi bien du temps que de commerce ou de voyages.
Un peu plus loin se trouve le grand bassin du Frigiditarium, où de rares courageux se purifient dans l'eau glacée. Certains même entament des longueurs, avant de prendre le chemin du Caldarium, où se trouvent plusieurs petits bains brûlant à quarante-cinq degrés, souvent le rendez-vous des hommes politiques, athlètes hommes ou femmes, ou encore des dockers de la ville. Ce lieu est également appelé Forge des corps et des esprits. D'ailleurs, on ne s'y baigne pas systématiquement, les vapeurs ardentes dissuadant un certain nombre d'oser tremper leur corps. Les personnes plus ordinaires préfèrent se rendre à la salle des massages, pour pouvoir se détendre à travers la chaleur étouffante.
Chaque pièce possède un toit dans lequel est ouvert un unique puits de lumière, toujours par souci de conservation de la chaleur. Celle-ci est produite par l'antique moyen de l'Hypocauste qui, à partir de fours à bois situés dans les sous-sols, chauffent les fonds des bassins et les murs semi-creux. Pour éviter de se brûler les pieds, le sol est fait de multiples carreaux en grès, aux figures mythologiques peintes par d'illustres artistes Atalantes. On peut ainsi admirer le mariage de Runth et Moriganne, une fresque peinte sur le sol de la salle des massages.

L'alimentation en eau et en bois permet d'importants échanges commerciaux, mais aussi culturels, entre les villes, de même que l'entrée gratuite, fait venir des voyageurs de toute Aelis...

Cordelia aimait la nouveauté : la toute récente ouverture des Thermes ne lui était pas passée inaperçue. Elle décida donc d'aller y faire un tour...

C'est en chien court sur pattes qu'elle passa la porte de l'établissement, trop petite pour attirer l'attention du personnel d'accueil. Toute joyeuse, elle arriva la première salle - un vestiaire, apparemment - puis débarqua là où se trouvait le premier bassin. Impatience de goûter l'eau, elle y sauta en jappant de plaisir !

Avant de toucher l'eau, Cordelia s'était changée en ondine, de bleus et de verts chatoyant. Elle était seule, pour le moment. Vivement que d'autres arrivent !

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Il avait froid maintenant que sa couverture été partie sous la forme d'un petit chien. Heureusement pour lui, il savait ou elle été, il avait juste peur de pénétrer dans les lieux. En effet personne encore -a part la femme-oiseau-ours-chien comme il l'appelé- n'avaient encore pénétré dans l'imposant bâtiment.
Il fallait bien qu'il face quelque chose, il avait froid, et les gens le regardaient de travers, comme étonné de voir un enfant sans sexe devant les thermes de la ville...
Bon, j'y vais, se dit il en montant les premières marches. Quand il fut enfin en haut de l'escalier d'une dizaine de marche -qui lui avait paru tel une longue et douloureuse randonné- un homme lui demanda se qu'il venait faire ici.
"Je viens chercher mon chien, il vient de rentrer..." menti l'enfant.
Mais le garde le laissa passé, après tous, même si l'enfant se baigne, sa sera notre premier client, se dit il.

Hazard couru dans les couloirs avant d'arriver au vestiaire, mais aucune trace de Cordelia. Alors il continua vers la Palestre, et le natatio.
Et c'est la qu'il la trouva, tous du moins, c'est la qu'il trouva une ondine bleu et verte qui donnait l'impression de danser sur l'eau.
"Cordelia? C'est toi?" Demanda t'il.

Ah ! L'enfant avait réussi à la suivre ! Cordelia bondit de joie, éclaboussant son nouvel ami.

Bah oui, c'est moi ! Tu voudrais que je sois qui d'autre ? Allééé, viens te baigner !

Après ces quelques paroles enjouées, la métamorphe se changea à nouveau et... et disparut ! Un rire mi-cristallin mi-démoniaque résonna dans la palestre.

Trouve moi, petit enfant, trouve moi ! Je suis cachée dans l'eau...

Green, qui s'était accordé une rarissime sortie hors de chez lui dans le but de se détendre, se laissait lentement mourir dans un bain du caldarium, étouffé par les vapeurs ardentes. Il aimait les thermes, et l'oubli qu'il y trouvait. Les paupières mi-closes, il faisait abstraction de tout. Il ne demeurait que le contact de l'eau brûlante sur sa peau. Le nirvana.
De maigres rayons de soleil glissaient au bas de la large pièce à travers le puits de lumière. L'après-midi était plutôt calme, du moins dans le caldarium - chose habituelle étant donné les faibles possibilités d'animer un endroit dont la température de l'eau avoisine les 45°C et celle de l'air, environ 35° (la tendance était plutôt à l'inaction). Cependant, Green rouvrit les yeux en entendant les cris joyeux provenant du natatio.
"Des enfants peut-être ?" se dit-il. Cela faisait une éternité qu'il n'en avait pas vu. Lentement, il nagea jusqu'à l'extrémité du caldarium et en sorti pour apparaître dans l'embrasure entre la palestre et le natatio.

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Ou es tu Cordelia, je ne te vois plus.
L'enfant
criait, et cherchait du regard son amie. Mais comme il ne pouvait la voir du bord du bassin, il pénétra dans les eaux tièdes.
Quand il fut dans l'eau, un jeu commença entre lui et Cordelia, elle se cachait, il la cherchait, en vain...
Car, quoi que fusse sont déguisement, Hazard ne la trouvait pas. Quand il allait renoncé, un homme passa dans l'embrasure de la porte.
Oh, pardon monsieur, je ne voulais pas me baigner, je suis tombé dans l'eau, je cherche mon chien. Menti l'enfant, honteux d'avoir pris la permission de se baigner, sans demander a personne.

On l'avait appelé pour une petite fuite dans les tout nouveaux thermes de la cité. Il n'était pas plombier, mais se débrouillant dans tout ce qui est un peu bidouillage, il avait proposé ses services à un ami poète, qui avait été employé pour nettoyer des immenses baies vitrées avant l'ouverture.
Une fois son travail terminé, il se dirigea vers les vestiaires par lesquels passait en trombe un enfant qui cherchait son chien et qu'il eu à peine le temps de saluer. Hormis cet enfant, l'endroit semblait désert à cette heure. Décidant de profiter de sa venue pour se détendre un peu, il rejoignit le natatio en finissant sa course en une gerbe d'éclaboussures.

Yaaahaaaa !

Sortant la tête de l'eau après quelques brasses, il observa les alentours. La salle était vraiment réalisée avec finesse, les artisans de la cité s'était surpassés. Il remarqua alors à ses côtés une ondine que son saut semblait avoir effrayé.

Oh, excusez-moi je ne vous avais pas vu. Mais vous me voyez ravi de notre rencontre.

Teysa entra dans les thermes toujours entouré de ses brumes colorées, silencieux comme a son habitude il s’avança vers les gens qui s’animait au fond. Abasourdi, le gardien ne chercha même pas à l’arrêter. Il traversa les vestiaires de sa démarche légère, s’arrêta devant un homme à l’allure d’aviateur lui tendit une poignée de pétale de rose, puis reprit la route sans un seul mot pour aller s’installer dans un coin tranquille. Posé sur une des poutres, il sortit une flûte traversière argentée et commença à jouer une ballade pour apporter une touche musicale au tableau qui se dressait sous lui.

Oh, excusez-moi je ne vous avais pas vu. Mais vous me voyez ravi de notre rencontre.

Tête penchée, la métamorphe regarda le nouvel arrivant qui l'avait bousculée. Elle sourit légèrement.

Un tel affront envers ma personne ne PEUT PAS rester impuni ! Tu me dois un gage... voyons, que pourrais-je bien te faire faire... ?

Cordelia avait un petit air moqueur, de ces enfants qui s'apprêtent à joueur un mauvais tour. Mais heureusement pour sa victime, sa réflexion fut interrompue par l'arrivée de Teysa : en voyant ce fou qu'elle connaissait bien entrer dans la salle, Cordelia lança un haut rire cristallin qui se réverbéra sur la voûte des thermes. Prenant l'apparence d'une lyre ornée d'une fée, elle sautilla tant bien que mal vers le musicien.

Hé, ami ! Ta venue est une bien bonne chose ! Laisse moi t'accompagner... faisons danser ces huluberlus !

Alors que les mains de la fée commençaient à jouer, son visage se tourna discrètement vers l'homme qui l'avait heurtée dans l'eau. Cordelia lui lança un clin d'oeil. Dans l'esprit de l'homme résonnait une phrase :

Je n'en ai pas fini avec toi...

Le corps perclus de douleur et l'esprit malmené par les récents événements, Sharah'In avait entendu dire qu'il existait un endroit propice au repos. Les thermes. Une fois rentrée, elle s'était accordée une nuit de sommeil avant de se rendre en Wilwarin pour découvrir l'endroit, Anamorphose dans le dos. Habillée tout en noir, petites lunettes de soleil sur le nez, elle se déplaçait rapidement. Elle n'avait qu'une hâte, se détendre et oublier. Ou simplement se détendre.

Sans prendre garde au décors qui l'entourait, Sharah'In n'avait d'yeux que pour l'entrée imposante du bâtiment. Elle salua le gardien d'entrée, entra dans les vestiaires. Elle y déposa son manteau et ses bottes. Comme jamais elle ne se sépara de sa douce Anamorphose, elle en caressa doucement les courbes, vérifiant son vernis. Hors de question de prendre le risque de l'abimer (plus qu'elle ne l'était déjà). Jugeant que tout était en ordre, Sharah'In se dirigea vers le caldarium, dont les vapeurs étouffantes semblaient l'appeler.

Elle déposa sa compagne à ses côtés, bien calée dans un angle, avant de s'allonger à même le sol, laissant les vapeurs brûlantes jouer sur son corps. Elle sentait la chaleur se propager autour d'elle, pansant ses blessures et réchauffant son âme. Quel délice que cette chaleur qui l'enivrait, la faisant revivre. Elle n'était que feu, au fond. Un feu ardent qui ne brûlait que pour son art. Mais qu'il était doux de se sentir caresser et envelopper dans ce manteau douillet de feu moite...

Sharah'In ne résista pas longtemps. Installée douillettement, elle ferma les yeux sur le monde, se consacrant uniquement à cette douce et brûlante chaleur...

Dans les vapeurs, la brume et le silence, au fond des thermes une ombre se glissa, furtive et rapide. Ses déplacements semblaient se mêler aux étranges formes que la chaleur évoquer les vapeurs brûlantes jusqu'à ce que son image se distingue dans le reflet de l'eau où se tenait la Musicienne. Ses yeux fendues tels le prisme des reptiles et son front imprégné d'une opale écarlate, signe des Princes Régnants du Sang. Il s'installa face à l'Enfant, le visage traversé d'arabesques noires comme mouvantes. Il étudia un peu ce corps alangui, offert à l'apaisement étrange des thermes de Wilwarin, cette âme rendue à la transcendance de sens jusque dans l'affection d'une quiétude réparatrice.

Cette âme fascinante. Sa voix s'était élevée douce et charmeuse. Quel mystères préservez vous. Quelle passion et quelle croyance? Confiez moi vos secrets, sans que je vous exhorte, sans que nous ayons besoin d'en arrivez là. Que ressentez vous des harmonies, des promesses que nos prophéties s'accordent à nos murmurer au fond d'une mélodie, d'un jeu de mot savant ou dans le regard d'une prodige... . Ils prennent si peu soin de vous...

Les yeux clos de Sharah semblaient s'ouvrir, porté par le ton rêveur du Prince.

Pourquoi restez vous là ou l'on vous use tel une arme contre le Vivant? Vous qui pourriez devenir tellement plus, on vous oblige à l'Unique, et il ignore ce don si précieux d'écouter le Thème du Cosmos. Sharah.

Tendant sa main pour soulever le menton de l'Enfant à peine éveillé, il plongea les yeux dans les siens.

Nous pourrions nous apprendre tellement, n'est ce pas?

Nous pourrions nous apprendre tellement, n'est ce pas?

Apprendre... un mot qui semblait résonner dans l'esprit de Sharah'In sans pour autant trouver son chemin. Voulait-elle vraiment apprendre quoi que ce soit... Et puis... Cette voix ne lui était pas inconnue.

Le Prince était en face d'elle. Elle ne savait pas vraiment comment elle devait réagir, à cause des derniers événements. Devait-elle l'attaquer ? Attendre ? Sharah décida de ne rien faire et d'écouter. Pour l'instant.

- Apprendre ? Mais quoi donc avez-vous à m'apprendre ?

Cette visite l'intriguait au plus haut point. Mais que pouvait-elle dire ou faire ? Elle se dégagea de l'emprise du Prince et s'assit, bien droite au côté d'Anamorphose. Jambes croisées, complètement éveillée, elle attendait. En face d'elle, le Prince se releva à son tour.

- Alors ? Pourquoi donc être venu après notre différent ? Et n'allez pas me dire que c'est pour "apprendre"...

Dans son esprit, déjà, s'esquissais les premières notes d'une mélodie...

En fait, nous n'avons pas vraiment le choix. Il faut apprendre et le temps presse. Sans vous rendre compte, vous touchez aux limbes, aux harmonies, par votre art et par votre maîtrise de l'anamorphose. Et nous avons tellement besoin de comprendre comment la musique fait œuvre de magie. Dans le souffle des notes, dans la respirations, nous savons vous comme moi qu'il y a du divin dedans, et que ce divin ne vient pas exactement de l'Unique.

Le ton était devenu rude et les yeux du Prince s'étaient allumés tel des ombres pourpres fixant la jeune enfant d'une détermination froide. Sa main attrap son épaule et la tenant serrée il murmura:

Si vous ne pouvez pas expliquer nous nous arrangerons autrement. Et si vous ne voulez pas, nous nous en arrangerons aussi. Je vous ai vu oeuvrer au cimetière, et vous laissant vous exprimer je suis désormais fort certain que vous nous serez extrêmement précieuse si tant est que vous agissiez en adulte, Mademoiselle Sharah'In .

Cassiopée se tenait aux abords des thermes depuis un bon moment déjà, attendant son heure.
Elle avait suivi Sharah’In depuis le cimetière avec la discrétion d’une brise qu’on se plait à oublier.
Mais il était temps à présent de visiter ce bâtiment richissime et grandiose. Tout en traversant le vestiaire sans prendre le temps de se dévêtir, elle admirait l’immense coupole de verre qui découvrait un ciel immaculé dans laquelle la lumière du jour se déversait avec fracas.
Comme plusieurs individus mal intentionnés la prenaient à partie de n’être pas dénudée, elle se débarrassa d’un geste de la main du voile de brume opaque qui la recouvrait. Sans ralentir sa marche, elle dépassa rapidement le brand bassin dans lequel elle se serait bien plongée un moment et atteignit les vasques d’eau chaude.
Elle eut tôt fait d’apercevoir Sanz en discussion avec Sharah’In et se dirigea vers le couple qui paraissait en grande discussion.
Au moment où Sanz attrapait brutalement la jeune fille à l’épaule, Cassiopée se rangea à ses côtés et dit :

-Voulez-vous Chère Sharah’ venir passer quelques jours de vacances sur les monts de l’Orgueil ? Le prince régnant serait sans aucun doute ravi de votre visite et nous possédons un cadre idéal pour élever la musique à ses sommets. Nous aimerions avec votre concours comprendre vos compositions.

Cassiopée sourit à la jeune femme en prenant bien soin de poser délicatement sa main sur les longs doigts qui s’apprêtaient à toucher les cordes d’Anamorphose.

Avait-elle vraiment le choix ? Pire encore, voulait-elle seulement l'avoir ? Elle était lasse. Venue en ces lieux pour se détendre et reprendre quelques forces, elle se retrouvait maintenant à devoir suivre les deux individus qu'elle avait combattu plus tôt. Toute cette histoire flairait le piège à plein nez mais qu'y pouvait-elle ? Elle ne se sentait ni la force, ni l'envie de combattre ici.

D'un mouvement du bras, elle se dégagea de Cassiopée, tenant toujours Anamorphose dans sa main. Le contact avec sa compagne de toujours la calma quelque peu. D'un autre mouvement de l'épaule, ce fut de Sanz qu'elle se libéra, une moue dédaigneuse au visage. Autant elle appréciait un peu la jeune femme, autant l'autre ne lui inspirait que méfiance et mépris.

- Ai-je vraiment le choix ? Marmonna-t-elle, de forte mauvaise humeur. Soit. Je vous suis. Mais je ne garantis pas ma coopération, sachez-le. De plus, j'exige d'avoir à ma disposition une cheminée ou de quoi faire un feu. L'hiver approche, les monts sont généralement glacés. Et je supporte mal le froid. Ça me rend invivable au possible. Et mes mains ne jouent pas dans le froid.

En face d'elle, aucun des deux ne bougea. Semblant attendre qu'elle se lève. Ce qu'elle fit. Anamorphose toujours dans sa main, elle se dirigea vers la sortie du caldarium, sans même chercher à savoir si les deux autres la suivaient ou non.

Elle se demandait si elle avait vraiment fait le bon choix. Mais elle ne se sentait pas la force de les combattre. Elle était venue pour panser ses blessures et en avait eu à peine le temps. Mieux valait donc les suivre et aviser après. Du moins, c'est ce qu'elle pensait être la meilleure solution, pour le moment. De plus, elle se doutait bien que les deux n'étaient pas venu seuls. Or elle ne pouvait lutter contre tous à la fois. Surtout avec le Prince, qui, même si elle répugnait à l'admettre, était un adversaire plus coriace que ceux qu'elle avait déjà pu rencontrer.

- Oh, j'oubliais ! fit-elle, hautaine. On me laisse aussi le temps de récupérer le reste de mes affaires.

Et sur ces mots, elle se dirigea vers le vestiaire...

D'un geste d'indifférence le Prince envoya Cassiopée accompagner Sharah In vers les vestiaires tandis qu'il se dirigeait vers la sortie. La chaleur des thermes laissait autour de lui une brume givrée qui suivait pas à a pas son chemin jusqu'à former un sillon. Le froid de l'être restait insensible aux vapeurs ambiantes. Poussant les lourdes vapeurs, il aspira l'air de Wilwarin. Une seconde son regard portait sur les milliers de lumières de la ville flottante plongée dans la nuit fraîche mais on le déragea rapidement pour l'informer que le bâtiment était cerné au cas ou elle tenterait de s'enfuir. Il fit un léger coup d'épaule pour répondre

Elle semble fatiguée, elle n'irait pas bien loin. Et nous sommes dans le ciel, il lui faudrait prendre les nacelles pour retourner à terre. En l'occurrence nos dragons veillent.

Bondissant de l'horizon une tête de bronze armée de crocs immenses apparut face au Prince. Il tendit la main pour caresser le museau de la bête immense avant de lui murmurer:

Ouvrez bien vos yeux et restez discret. Je ne voudrai pas lire dans les journaux demain que des dragons ont assiégé la Cité Volante durant une longue nuit... .

Le Dragon sembla cligner des yeux avant de disparaître dans une bourrasque, secouant une mèche de cheveux qui cachait l'opale de Pouvoir sur le front de Sanz. La musique de la jeune enfant ne l'intéressait pas, c'était plus probablement le rapport intime qu'elle entretenait avec ce qui ressemblait à un artefact de puissance qui l'intriguait. Ces derniers temps, ce genre d'objet semblait émerger de façon plus insistante et leur apparition était en soi étrange pour s'être tus pendant de longs siècle. Repoussant sa cape dans son dos, il jeta un coup d'oeil vers les Thermes.

Récupérer ses affaires, bien observer les possibilités de fuite, réfléchir à une possible solution, sans en avoir l'air. Le tout sous le regard de Cassiopée, appuyer contre le montant de la porte. Il va sans dire que Sharah'In prit tout son temps pour récupérer ses quelques vêtements et sa paire de botte, avant de finalement rejoindre Cassiopée.

Sans un mot, les deux femmes quittèrent les lieux, rejoignant Sanz à l'entrée des Termes. Ce dernier semblait préoccupé, sans vraiment qu'elle sache pourquoi. Etait-ce elle qui le mettait dans cet état ? Possible, même si elle ne s'imaginait pas vraiment provoquer ce genre de réaction chez le Prince. Malgré tout, elle avait opté pour l'attitude dédaigneuse, voire carrément impassible. Il était certain qu'elle ne ferait rien pour les aider, sans pour autant se montrer agressive ou récalcitrante. Du moins pour le moment.

Aussi, forte de cette résolution, elle se planta devant Sanz tout en le dardant du regard, air de dire "Et maintenant ?"

Cassiopée suivait autant Anamorphose que Sharah’In. Elle surveillait la main de la femme sur l’instrument et écoutait le moindre de ses gestes comme si l’instrument pouvait se dématérialiser en même temps que sa maîtresse. Cassiopée avait collé ses perceptions au duo.
Elle sentait la tension qui habitait Sharah’In et sa mauvaise humeur autant que sa fatigue. Mais elle sentait aussi le désir de fuite et la colère qui grondait en elle. Anamorphose ne bronchait pas mais se tendait vers la musicienne.
Lorsque la femme fut chaudement vêtue et que prête à les suivre elle se planta devant Sanz, presque virulente, elle eut envie de l’apaiser.
Elle esquissa un geste vers elle qu’elle refréna, sentant sourdre l’irritation, pour se contenter de dire avec douceur :

- Nous avons mutuellement à nous apprendre. Notre voyage sera un voyage d’étude dont vous tirerez un grand bénéfice. Ne soyez pas si fermée. Vous avoir découverte fut un événement majeur pour la Connaissance.
Elle souria presque quand elle montra l’instrument que l’Enfant de l’Unique tenait entre ses mains comme le plus précieux des biens, avant de poursuivre.
Anamorphose est belle, elle semble vivante. Serrez la bien contre votre corps pour la réchauffer. Issac va nous emmener vers les monts de l’Orgueil et le froid qui règne au delà pourrait bien effrayer votre main.

Sur ces derniers mots, Cassiopée conduisit Sharah’In vers le coin le plus sombre de la ruelle latérale où les attendait Issac dans un repli de lumière à l’ombre et à l’abri des regards.
Elle cala Sharah’In contre la crète majeure et se serra contre elle afin de lui conserver sa chaleur pendant la traversée.
Alors, sans préambule et sans peur, unie à Issac au-delà d’elle-même, le dragon s’envola, montant vers le ciel comme une tornade s’élève vers les cieux. Prenant de la vitesse, il atteignit les sommets des nuages très rapidement et Cassiopée enveloppa Sharah’In d’une peau d’air chaud pour qu’elle ressente moins fortement la pression presque insoutenable qui précédait la passage d’une fenêtre du Néant.

Elle lui murmura juste avant de disparaître :
-Tu vas percevoir un temps interminable pour les millions d’yeux de l’Univers, là où la perception se perd dans l’incertitude. N’aie pas peur.

-Tu vas percevoir un temps interminable pour les millions d’yeux de l’Univers, là où la perception se perd dans l’incertitude. N’aie pas peur.

Les mots sonnèrent aux oreilles de Sharah'In avec chaleur. Alors qu'elle serait contre elle Anamorphose, elle admirait le dragon sur lequel elle se trouvait. La créature la fascinait, elle devait bien l'admettre. Magnifique. De même la fusion palpable entre Cassiopée et lui lui faisait étrangement penser à elle et Anamorphose.

Mais elle n'avait pas peur. Elle se sentait étrangement sereine, grattant trois petites notes du bout des doigts, plus machinalement que par besoin. Elle avait la sensation de plonger, de se retrouver soudain vide et pleine à la fois, consciente et inconsciente, dans deux états à la fois antagoniste et proche, sans pour autant arriver à l'expliquer. L'effet du voyage, sans doute, bien qu'elle fut loin d'être capable de formuler pareil raisonnement. Elle redoutait le froid, mais c'était une étrange tiédeur qui l'enveloppait.

Derrière elle, la présence de Cassiopée se confondait avec celle de sa monture, bien qu'elle savait pertinemment que ce genre de terme était inapproprié.

Apprendre. Voilà ce que la jeune femme lui avait promis. Et elle espérait que ce serait bien cela qui l'attendrait au bout de ce voyage, à la fois extrêmement rapide et lent.

Lorsque Sharah'In ouvrit les yeux qu'elle n'avait pas eu conscience de fermer, la jeune femme découvrit le paysage froid, blanc, enneigé des montagnes.

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