Magie du moment

Derrière la fenêtre, le ciel orange annonce le soir qui s’approche silencieusement. Il se transforme peu à peu en rose jusqu’à entrer dans la pièce. Les rideaux crème brillent. Dans mes mains le galbe du bol se love, et se pose sur mes lèvres. L’odeur sucrée de la cannelle me monte à la tête et m’apaise. Je respire, profondément. Puis le liquide brun clair coule dans ma bouche, explosant en petites et douces bulles de sensations : la tiédeur d’un lit en hiver, l’amertume du chocolat, puis le goût sucré qui l’accompagne, le parfum de la cannelle, encore, mais cette fois c’est ma langue qui s’en délecte. La douceur tapisse mon palais, ma gorge, chauffe tout mon corps. Je suis assise face à l’ordinateur. Dessus passe une partie de piano et de saxophone, mélancolique et joyeuse à la fois, simple et pleine d’espoir. Les sons, les notes viennent presser mes mains encore plus contre le bol : sa chaleur rejoint celle plus douce du chocolat au niveau de mes poignets. La lumière pulse lentement à mes paupières fermées. En bas, mon père crie contre mes frères, mais sa voix est recouverte par le piano, comme dans ces films où les paroles laissent place à la musique, ouverture sur un autre monde. Rien n’a d’importance que le moment présent. Être là à découvrir le morceau de chocolat noir au fond du bol, crème râpeuse et sombre au cœur encore dur et croquant. Ma langue est prise au piège par cette gangue d’amertume, la musique est à son apogée, les violons ont rejoint le piano. La lumière dehors décline, celle de l’écran me perce le crâne. La cannelle et le cacao prennent possession de mon âme. Je ne suis plus rien. Je suis juste là, carreau de chocolat noir et intense, qui fond, doucement, sournoisement, glisse telle une langue de lave et vient recouvrir mes entrailles. Il me féconde et donne naissance à des souvenirs qui ne sont pas les miens, à des mondes qui m’étaient alors inconnus, à des pensées étrangères et pourtant si familières. Le temps de mettre des mots dessus et déjà le ciel est bleu, d’un gris lumineux, le chocolat est froid, les notes sont différentes, en bas tout le monde s’est tu, assis devant un film. Sur les bords du bol ne restent que quelques grains couleur terre. Puis la musique s’arrête, et recommence. Ses airs me sont familiers. Quelqu’un me parle sur l’écran. La magie s’est repliée. Elle se cache maintenant, comme avant, toujours là, mais difficilement saisissable. Mais toujours là.

Ouais, t'as raison pour le "orange pâli par le soir", c'est assez affreux. Mais bon, j'étais jeune, hein, je ne l'ai pas retravaillé depuis sauf pour virer quelques fautes. J'm'en vais changer ça de suite !

Quant au reste, contente de voir qu'il te plait ! C'est cette magie du quotidien que je vais essayer de peindre, dans mes prochains textes. Et j'aime bien ta métaphore de la glace, elle colle tout à fait avec ce que je cherche à faire passer.