Ainsi une nouvelle page se tourne, paf ! Plus de trophée pour personne, un trophée pour Cordelia... Celle-ci sera ravie, j'en suis sûr, de savoir que d'autres n'attendaient que cela pour s'amuser un peu. Je monte donc, Cordelia, à la tribune pour vous soûler un peu de mes alcools superbes, et je commence une harangue qui durera longtemps. Ceci n'est pas très beau, ni très doux, c'est plus vif qu'intelligent, mais j'aime trop l'invention et l'effet de surprise pour qu'une occasion pareille m'échappe...
Voilà, orateur éveillé à l'odeur d'un gibier inattendu, voyant la proie et louvoyant pour l'atteindre, je commence, au milieu de ce second paragraphe, à me demander ce que je pourrai bien trouver comme idée de défi.
Suivez avec moi l'errance d'un petit bout de ma pensée, qui, perdue dans le monstrueux bazar de mon esprit que la folie gangrène, mangera ses compères pour survivre et produire enfin un énoncé cohérent :
- la pensée naît nue, elle ne sait pas qu'elle est et ni à quoi elle sert, mais elle sait son origine, poësie.
- la pensée s'élance et sent le sentiment, l'homme est là pour elle, elle veut comprendre cet amour qu'il a à dire n'importe quoi, le danger d'un défi, elle, elle s'en fiche. Pour l'instant.
- la pensée découvre les cadavres de ses antécédents, le cerveau du poëte est rempli de ses prédecesseurs, des tas de mots, squelettes d'existentiel, fantômes d'emphase...
- la pensée s'insurge, elle ne veut pas mourir, et elle affronte quelques instants le regard du fou qui doit lui servir de géniteur, elle réalise que lui-même est mort quelque fois avant que de la connaître, egovore.
- la pensée se pèse, se soulève, s'observe, se boit, elle commence à tâter de son inexpérience. Le poëte lui dit que ce n'est pas très grave, lui-même n'a jamais rien su. Elle veut voir le monde.
- l'homme la lache dans ce monde.
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(un temps passe, elle ne reviendra pas)
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- l'homme reste seul, il savait que ça finirait comme cela, l'inspiration n'est rien sans lui. Il parlera d'absence, du gouffre béant de l'existence quand on perd un petit rien minuscule, un de ces petits rien, de ces petits rien dont on ne saisit l'importance qu'après leur disparition.
Il en parlera avec des vers à-peu-près libre, impairs se retrouvant parfois, moui... ce doit être cela dont il a envie, en bannissant les rimes en fins de vers... quelque chose de manquant devra se retrouver pourtant, tandis que quelque chose d'évident manquera. C'est assez vague pour être clair, j'espère.