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La nuit avait déjà enveloppé chaque recoin du vieux port, quand Jarock décida qu'il serait fort agréable d'aller uriner sous le ciel étoilé. Respirant profondément l'air frais il se laissa aller au coin d'une sinistre ruelle. Enjoué et un brin éméché, l'homme s'esclaffa qu'il vivait pour de tels moments. Heureux sont les simples d'esprit. Soupirant, il remonta ces guenilles et s'aventura quelques mètres plus loin, admirant d'un air béat la voute céleste. Guère poète, bien moins encore astrologue, le bon rustre qu'était Jarock se lassa bien vite " Des trucs qui brillent " et beugla à qui voulait l'entendre " Qu'il recommençait à faire soif ". D'une démarche chaloupée il entreprit alors de rejoindre la taverne, quand il aperçut, là, à quelques mètres, perchée sur un amas de caisses, une petite fille. Encapuchonnée, cette dernière jouait une bien triste complainte. Ces longues manches flottantes claquaient au rythme des bourrasques, accompagnant les cris de douleur arrachés à sa petite flûte de Pan. La brume recouvrait à présent les quais, s'installa alors en Jarock une peur inconnue, celle de l'incompréhension. La peur violente de ce qui nous dépasse, et tous ses membres se mirent à trembler. Devant lui, en l'espace d'un instant la frêle petite fille avait disparu pour laisser place à un jeune homme, ce dernier un long revolver en argent dans les mains, reprenait en chantant la mélancolique complainte. Et puis, ce fut le silence. Une lumière. Et le bruit sourd d'un corps, celui de Jarock s'écroulant sur le sol dans un torrent rougeâtre. Sans un regard le jeune homme rangea son long revolver dans son étui et se leva gracieusement. Allumant une cigarette il se tint là, silencieux. Ses cheveux cuivrés flottant timidement, il releva sa manche laissant apparaître ainsi le dessin d'un soleil aussi noir que la nuit.

Joli tatouage.

Elle sortit de l'ombre et vint s'accroupir près du corps inanimé qui gisait aux pieds de son aggresseur. Elle jeta un bref coup d'oeil le temps de noter un travail propre et sans fioritures.

Pauvre homme, il méritait beaucoup de choses mais sûrement pas ça. Je ne trouverais jamais le repos si même les ivrognes se mettaient à perturber l'équilibre. En ce qui te concerne...

Toujours accroupie, Elle sentit l'homme esquisser un mouvement vers son revolver. Elle sourit lorsqu'il la tint en joue.

Range ça, l'ami. Tu m'as déjà donné suffisamment de raisons de me pencher sur ton cas, n'en rajoute pas une couche. J'aimerais savoir pourquoi tu t'amuses à perturber ce fragile équilibre, cette harmonie que nous nous efforçons de maintenir. Quelles sont tes motivations ? J'ai beau chercher, je trouve très peu d'informations sur toi, si ce n'est ton nom. Un homme discret en Ter Aelis, c'est curieux. C'est même très curieux.

C’est parce que tu n’écoutes pas. Ta perception ne va pas au-delà de tes sens. Pourtant, j’entends ton âme. Elle joue pour moi et je connais tes sentiments à l’instant même où tu les éprouves. Je sais que ma présence te perturbe. Ton malaise grandit mais je ne sens pas la peur en toi. C’est bien.

Elle effleura un instant son âme mais se heurta à un mur. Il tressaillit. Il ne se protégeait pas, non.

Tu es fermé à tout contact mais c’est involontaire.

Elle vint se camper bien droite devant l’individu et le dévisagea longuement. En travaillant bien, elle pourrait en faire un bon élément pour la Confrérie mais elle hésitait.

Tu vois, cet homme…On oublie complètement sa présence depuis qu’il est mort. Avant, il y avait quelque chose. Quelque chose qui t’a amené à lui. Cette chose devait chatouiller ton Equilibre et tu as brisé son Harmonie pour ton confort. Maintenant qu’il est mort, son âme, brisée elle aussi, ne joue plus mais tu perçois à peine le changement.
En d’autres termes, c’était égoïste et inutile.

Elle resta silencieuse, incertaine. Comprenait-il réellement ce qu'Elle lui expliquait ? Si ce n'était pas le cas...

Citation :

Elle posa un écu sur le comptoir de l'aubergiste du "Cochon fringant" et s’installa dans un coin de la pièce pour jouer de son arghûl.
Peu de temps après qu’elle ait commencé à jouer, une silhouette encapuchonnée l’approcha et, lui tendit la main en lui chuchotant : demain mets toi en quête du Zénith tu ne seras pas déçue. Elle le fixa de ses yeux rougeoyants avant de contempler ce qu’il lui avait remis : un sceau orné d’une tête de dragon et d’une flûte.

Port de Galvorn, à l’auberge du cochon fringant.

Une jeune femme assise sur un banc usé, jouait avec la pièce que lui avait remise un inconnu encapuchonné. Lorsqu’il lui avait murmuré « demain mets toi en quête du Zénith tu ne seras pas déçue », sa voix monocorde n’avait trahi aucune émotion. Impossible de savoir si l’on pouvait, ou non se fier à lui.
Le Zénith …
Lorsqu’elle avait tenté d’interroger l’aubergiste à ce sujet, il avait fait mine de ne rien savoir. Mais alors que la jeune femme du désert passait la porte de sa chambre, elle vit du coin de l’œil une ombre se mouvoir si lestement, qu’elle crut que la fatigue lui avait jouée un tour.
Alors qu’elle balayait la pièce du regard en ôtant ses gants, le vent s’engouffra soudain par la lucarne grande ouverte et une feuille parcheminée pénétra dans la pièce. Elle tournoya un moment, puis fini sa course par une courte glissade sur le plancher encrassé.
Zéa s’assit, pensive sur la paillasse qui lui servait de lit, le parchemin vierge entre ses doigts griffus. Elle avait renoncé à poursuivre l’ombre, sachant pertinemment qu’elle la perdrait dans les ruelles sales et méconnues de la ville. Alors que l’hybride plaçait l’arrête de sa joue dans le creux de sa paume, un rayon de lune tomba sur le parchemin. L’épaisseur variait selon un motif intrigant. Elle tendit le parchemin à la verticale, en contre-jour de la lueur lunaire et les mots apparurent.

Un soleil d’obsidienne sur ta main,
La brume te montrera le chemin.

La voix sifflante du tatouage lové derrière son oreille lui murmura : Prend un peu de hauteur, ce sssont la crasssse et la puanteur qui embrument ton esssprit.
Elle acquiesça et grimpa sur le toit de l’auberge. Cette dernière jouxtai une tour maigrelette qu’elle escalada sans mal. Une fois parvenue à son sommet, elle put contempler la ville entière qui se déroulait devant ses yeux.
Les ruelles sombres serpentaient en creusant d’étroits sillons à travers toute la ville. Les vapeurs d’alcool malodorantes s’élevant des ruelles voisines firent frémir ses narines.
C’était l’heure où les quelques honnêtes gens de ce port se couchaient pour laisser place à leurs concitoyens noctambules.
Elle était en partie amnésique depuis sa longue hibernation, mais une vague de souvenirs commença à la submerger, et en réaction aux images pénibles, c’est d’un geste presque rageur qu’elle traça à l'encre, sur les écailles de sa main droite, un cercle entouré de flammèches noires.
Obéissant à son instinct, elle saisit son Arhgûl, sorte de flûte en roseau et entonna une antique mélodie emplie de sagesse et de mélancolie.

Zéa ne s’endormit qu’au point du jour. Elle avait patiemment attendu toute la nuit durant, mais rien ni personne n’était apparu.
La jeune femme fut réveillée une heure plus tard par la voix forte d’un racoleur quelques rues plus loin. Elle se rendit sur les lieux avec la ferme intention de le faire descendre de ce qui lui servait d’estrade et de le faire taire à jamais. Seulement, la chance semblait être du côté de l’énergumène qui avait temporairement arrêté son manège lorsqu’elle arriva sur les lieux.
L’hybride balayait la foule des yeux à la recherche du racoleur quand son regard tomba sur les affiches révolutionnaires pour la libération de Galvorn.

Elle tâta d'un geste machinal sa bourse vide.
Alors qu’elle contemplait méditativement l’affiche, on la saisit soudain par le bras. Elle n’eut pas le temps de dégainer son Khopesh qu’une silhouette inconnue l'entraînait vigoureusement loin de la foule déjà bruyante malgré l’heure matinale.