Le Siège [Guerre des confréries]

Rouge, la flamme que crachait le ciel en furie. Rouge, le sang répandu dans les cris.
Cassiopée ouvrit les yeux. Elle ne pouvait plus sommeiller sans entendre la rafale d’un rêve qui se répétait, l’appelant sans relâche. Dans ses nuits, le visage diaphane de la gardienne se tordant sous la torture lui revenait sans cesse, ne lui laissant en tête que le souvenir vibrant d’un regard en déroute, implorant le ciel.
Elle se leva d’un bond. Il était temps de réunir le conseil du Sang bien que Nahis ne puisse être de retour avant des mois. Or, le temps leur était désormais compté. Le Conseil serait incomplet mais Tàranis et Drystan avaient répondu à l’appel et Airet Syl avait commencé à élaborer tout un arsenal et ne quittait plus guère les cryptes où s’entassaient les carcasses dont il était le seul à connaître l’usage.

Cassiopée se dirigea vers la salle du Conseil qui n’avait pas réuni les Hauts Saigneurs depuis bien longtemps. Les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes, laissant le soleil percer doucement par les vitraux et baigner ses pieds de rais colorés. Le calme du lieu se répandit en elle et elle se sentit galvanisée par l’apport d’énergie dégagée par la pièce.
S’approchant de la grande table ovale, elle vint se placer devant sa place attitrée, celle de la Gardienne Harmonique, Protectrice du Sang. Et, caressant les écailles du dragon incrustées devant son siège, elle s’assit dans le haut fauteuil puis se concentra sur le Sang qui coulait en elle. Ce fut instantané, le flux toujours actif se répandait comme une marée et elle attendit. Les mots devenaient inutiles lorsque le Sang se réveillait.
Lorsqu’elle entendit les premiers pas poindre au lointain dans le couloir, une longue corne torsadée apparut au creux de sa main. Elle luisait de l’éclat mat d’un albâtre dont le cœur se serait chargé d’étoiles et dont les poussières l’auréoleraient. Elle la déposa dans l’encoche réservée à la Protectrice qui s’illumina d’un rayon d’or plongeant directement dans l’œil central du dragon.
La Confrérie était en route.

Fureter entre les énormes rochers des Hauteurs, ces imposantes cathédrales de Passu dans les cimes brûlantes de la mi journée, voilà de quoi rôtir. Quelle idée. Mais la Dame et ses acolytes doivent connaître les avancées des travaux.

Ils devaient savoir, le siège débuterait avec un arsenal plutôt léger. Par la suite, si les fournisseurs se montrent compréhensifs, il y aura toute une machinerie pour alimenter le travail des sapeurs. Toute une liste de bons à signer, mais l'outillage sera prêt. Si les fonds le permettent. Je crois que la démesure assoiffe la trésorerie, mais il faut toujours voir plus grand. toujours.

Un dragon passe en rase-motte. Enfoiré de volatile. Bientôt la mécanique remplacera toute cette racaille organique. Ce sont des bombes à retardement, des puits à soufre, mais aussi de sacrés bestioles.

Une piqûre à l'épaule plus tard et les travées des palais Hauts-Perchés. Le moustique gronde. Il n'aime pas que je tourmente de mille maux ses congénères. Il faut que je retrouve mes fourneaux avant le zénith. Mais d'abord me faire entendre de la hiérarchie. Si l'alchimie prend, l'ennemi - le leur, je ne suis qu'un artisan - soumettra une reddition à sens unique.

- Dame. Me voilà.

Au son de la voix de soprano qui la saluait, Cassiopée ébaucha un sourire de contentement.

- Tu es le premier Airet Syl, comme quoi les derniers venus sont toujours les premiers à paraître. Tu es le bienvenu et je suis heureuse de voir que tu a consenti à répondre à mon appel malgré ta folle exploration des machines infernales.
Tu siègeras aujourd’hui pour la première fois à la table du conseil.

Sur ces mots, Cassiopée, se leva pour lui offrir la place réservée aux nouveaux initiés, à mi-chemin de la longue table. Là où les initiés se faisaient face aux côtés des anciens.

-Ici est ta place. Ta voix y sera entendue comme le veut la longue tradition du Sang.
Il t’appartient de déposer ton arme dans le sillon qui abreuvera nos ancêtres.

Tout en guidant le nouveau venu, Cassiopée lui montrait les différents rayons qui se dirigeaient irrévocablement vers l’œil du grand dragon incrustés dans la table. Alors qu’Airet Syl se tortillait sur un siège presque trop grand pour lui, elle reprit sa place, sans ajouter les mots inutiles, attendant que les Hauts Saigneurs se présentent.

L’Océan de Nuages dansait doucement entre les Hauteurs de l’Orgueil. Aë filait entre les crêtes depuis bien des rotations, quittant la route de l’Appel pour rejoindre le Conseil. La Citadelle de la Confrérie rayonnait aux Confins des Cieux, Phare illuminant la Brume en ces sombres heures de Conflit.

- Participerons-nous, Drystan ?
- Indubitablement, Oui, Aë. Par devoir et par Choix.
- Et ceci contribuera t-il à notre Première Mission ?
- Pourquoi cette Question ? Ce qui nous unit est bien plus puissant que la Parole, que les Rêves, ou que le Sang. Ce que je vois à travers lui, tu le vois tout autant… Le Songe, Aë.
- Penses-tu qu’en La sauvant, tu parviendras à protéger ces Terres ?
- Cela reste trouble… Pourtant… C’est l’Unique chose à accomplir.
- Et là bas ? Bien des Fils de la Lune sont des Aélisséens. Les tueras-tu sans pitié aucune, en sachant qu’avec eux, tu enflammes les fragments de ton Existence ?
- …
- C’est ce Silence que je craignais. Ce Silence guidé par l’Indécision.
- Dans ce Combat, je serais perdant. Il me reste seulement le choix de ma défaite… Verser le Sang des Enfants de « notre » Saint Royaume, afin de le protéger, tout en obéissant à ce lien sacré envers ceux qui nous ont permit des Les Terrasser. C’est l’Unique choix. Nous éviterons de tuer les Lunaires autant qu’il en est possible.
- Nous ne pouvons pas faire mieux… Et Lui ?
- Je ne sais point. L’Equilibre qui règne en moi, à travers cette Confrérie, est tracé par son But. Si jamais Lui sombre dans les ténèbres, menaçant ceux que je protège, alors, je serais Impitoyable…

« J’espère de tout cœur que tu tiendras ce Discours lors du Conseil. Car il est le Notre… » La Citadelle du Sang n’était plus qu’a quelque milles. Déjà, Hayarn sentait l’Aura de deux Dragonniers. Dame Cassiopée et Airet Syl. Un Instant plus tard, le Dragonnier et sa compagne atterrirent sur les Hauts Promontoires de la Citadelle. « Repose-toi, Aë. Retourne t’immerger dans les Fleuves d’Essences, tout en demeurant par l’Esprit à mes Cotés… » Dans une gigantesque Gerbe de fumée d’Ebène, la Déesse disparut. Le Conteur demeura seul. Dans son regard, rien ne se reflétait. Ses Cheveux d’Ebène tombait jusqu’au creux de ses reins, filant le long de l’Aelkam des Veilleurs. Sur son corps reposait une légère Armure d’Aspharen Boréal, forgée dans le coeur des Cassendrins du Nord. L’ensemble était d’une parfaite noirceur, la Protection couvrant la totalité du corps, sans en entacher les mouvements. Au niveau des poignets l’on constatait des renforcements, indispensables Grappins de l’Art des Lames. Hayarn soupira. S’avançant d’un pas rapide dans le Couloir, il parvient à la Salle du Conseil.

« L’Appel a sonné en Moi. Et ainsi, je viens. »

Elle n'était pas loin du château des Sang quand Tàranis su que le conseil devait se rassembler pour préparer le siège approchant. Elle y grimpa rapidement tandis que Sirona calmait son impatience de grands coups d'ailes et de descentes en piqué contrôlées de justesse. Dans les yeux de l'elfe se lisait un certain amusement à la vue de ce légendaire et majestueux animal en pleine euphorie.
Quand elles arrivèrent aux portes de la Citadelle, la dragonne piqua vers Tàranis et d'un dernier claquement d'ailes, vint se fondre en elle. La jeune fille atteignit rapidement la Salle du Conseil devant laquelle se trouvait Drystan, droit comme un i et une fierté étincelante dans les yeux. Elle entra dans la pièce en le dépassant et lui indiqua sa place de la main, l'invitant à s'asseoir.

Prends place, Drystan, tu siègeras face à Airet. Et voici l'encoche dans laquelle tu dois placer ton arme.

Elle posa le bout des doigts à l'endroit désigné, et tandis que Drystan s'installait, elle rejoignit la place qui lui était réservée. Sa main s'attarda le long de l'encoche prévue pour sa flûte avant qu'elle ne l'y place. Enfin, elle s'assit et parcouru des yeux les visages concentrés de ses Confrères.

Nous voici presque au complet...

Retiré dans sa chambre, le Prince régnant fixait à la fenêtre les lents nuages qui venaient s'accrocher au montagnes enneigées. Ce lent ballet, il le ressentait au fond de ses veines comme ce même mouvement qui gonfle en lui et le balance d'ombre en ombre. Ses yeux bleus se fendirent, sa respiration se ralentit. Lentement dans son corps un nœud de vent enfle, puis se contracte jusqu'à ce que les nuages ralentissent et finissent par s'immobiliser.

Dans son ombre, loti comme un veilleur, Shyon lui murmure:

Il est temps.

Je sais, mon ami.

Et ouvrant son regard à ce tissu qu'il sent l'étreindre et lui murmurer, son corps improbable s'étiole jusqu'à reformer l'instant du réel. Quand lentement le sang reflue, les portes basses de la salle du conseil se tiennent devant lui. Sa main droite s'approche des fines gravures qui l'envahissent et le vent s'engouffre pour les ouvrir et le laisser entrer. Tout le monde est présent, n'en manque qu'une. Et c'est vers cette absente qu'il s'approche, déposant dans l'encoche un pétale sombre qui au contact de la Table s'embrase et allume un rayon jusque dans l'oeil mystique du Dragon de marbre. Puis lentement, il se dirige vers sa place au bout de la table ovale. En passant il effleure l'encoche de Taranis et sentant un fleuve essentiel imprégner sa flute esquisse un sourire que l'air dur et officiel efface sans discernement. Il n'est pas temps d'autre chose que ces priorités listées sur les feuilles que l'Intendante a laissé à son attention.

Azräael sort de son fourreau et sous une lumière ombreuse s'enfiche dans la table. Au déclic, le rayon sanzien couvre la table et termine le faisceau des Sang. Alors sa voix s'élève, grave et violente:

Il est passé du temps, et pourtant nous n'oublions rien. Il ne faut rien oublier de toute cette humanité. Elle tisse une réalité qui nous est propre, qui nous concerne et nous alerte. Notre travail ici, sur ce Terres Aélissiennes n'est pas achevé. Nous ne sommes pas né pour créer des murs seulement, mais pour faire entendre l'Appel sombre et précieux de nos origines et pour marquer dans la chair de ce Monde le sceau de notre Sang. Notre harmonie ne vit pas seulement, elle engendre et devra toujours engendrer l'Excellence et l'Honneur de notre Sang dans le sillage de nos actes, de nos vies, toutes nos vies.

Que tous ceux qui voudraient s'y opposer ou abîmer notre Ordre... payent le prix de leur Audace, et qu'aucun ne soit épargné puisque la compassion use le coeur de ceux même qui l'éprouvent jusqu'à le rompre.

Une pause s'insinua dans son discours tandis qu'il couvrait le regard de ses confrères et consœurs. Puis ses mains s'élevèrent de la table et semblant amorcer un léger ballet des fils essentiels se colorèrent. De la table s'éleva tout un paysage que les personnes reconnurent sans peine : les Palais Lunaires. Modelant le tissu, lui insufflant son vent et sa mémoire, il rendit l'exacte vérité à sa miniature.

Ceci est... une image approchante de ceux que nos fils du Vent ont pu retenir des Palais avec les relatives probabilités d'erreurs dans la description si des champs de protections affectent le réel, ce qui semble très peu probable selon les Dragonniers et leur compagnon. Aucune altérité significative dans leurs perceptions n'a été soulevée. Cependant je vous demanderai si possible, Airet Syl' , si jamais quelque outils peuvent nous aider, de confirmer les observations, ou de les infirmer. Selon également les forces mécaniques dont nous disposeront, un autre conseil aura lieu sur place pour adopter la stratégie adéquate selon nos ressources.

Nous engagerons nos force sous six jours, en espérant n'être pas retardées par le temps et ce afin de garder un minimum de discrétion, les forces aériennes se tiendront au sol tant que je n'aurai pas ordonné leur envol. Nous nous tiendrons en arc de cercle devant leur forteresse à distance respectable.

Nos corps d' armées se diviseront en deux parties. La première se compose des membres ici présents, et de deux esquadrilles de dragonniers qui nous serviront d'escorte. Elle aura pour but de pénétrer dans la forteresse et de récupérer le colis pendant que la seconde partie, composée des forces techniques et de nos principales forces engageront un combat sans limite contre les forces lunaires.

La miniature se dissipa peu à peu au fur et mesure du discours jusqu'à se confondre dans la nuit.

Pour eux, il n'y aura aucun frein. Il ne devra rien rester de ces terres impies. Comme il n'est rien resté de moi. A chaque part, son inverse. Celles-ci seront d'égale facture.

Les yeux du Prince s'enflammèrent, sa respiration recommença sa lente chute. Azräel habituellement silencieuse s'embrasa à mesure que ses âmes se focalisèrent sur un unique fil de mémoire: Ces Palais tomberont, jusqu'au dernier mur, jusqu'à la dernière âme. Ces palais tomberont. Ses mains retombèrent lentement sur la table.

En déposant son Azraaël dans l’encoche du Sang, le prince régnant achevait de les lier. Par le faisceau qu’ils venaient de tisser en joignant leurs âmes par les armes, ils déposaient leur existence dans la confrérie.
Ils étaient tous là, sauf Nahis qui affrontait, pour l’heure d’autres maux. La situation était suffisamment grave pour que même Airet Syl quitte ses expériences mécaniques et les rejoigne.
Ce conseil allait devoir décider des jours à venir, l’avis de chacun aurait son poids.
Cassiopée se tenait à la droite de Sanz et par sa position ne pouvait voir son visage. Sa proximité, par contre, la rendait sensible aux changements qui s’étaient opérés en lui depuis leur dernier entretien. Le corps qui recevait son âme se dissipait derrière un voile de brume, alors que son essence luisait de pourpre sombre.

Les mots s’accrochèrent alors et certains vinrent se graver en elle.

«… l'Excellence et l'Honneur de notre Sang dans le sillage de nos actes, de nos vies, toutes nos vies…….Il ne devra rien rester de ces terres impies…. »

La parole avait été donnée.
Les mots fusaient en son esprit comme des armes au poing. Ils blessaient et pénétraient le Sang.

Après la longue tirade de Sanz, elle se leva pour s’exprimer à son tour, dévisageant Tàranis pour tenter de pénétrer sa réaction.

- Le Sang répond à l’Appel, aussi sombre soit-il, car il en est le fluide et nous sommes son corps. Notre Humanité collective autant qu’individuelle est notre bras autant que notre force. Il nous importe de ne pas l’oublier, comme il nous importe de ne pas oublier qui nous sommes.
Je voudrais rappeler, Sanz, que la Confrérie Lunaire n’a pas atteint les fondements de ton être, elle n’a touché que ta chair, même si l’expérience a été douloureuse pour nous tous. Tu es encore parmi nous.

Le visage du Prince ne cilla pas pendant qu'il écoutait la réaction de sa consœur et ce en dépit des formulations qu'elle avait soigneusement choisies et qui pourraient par quelques interprétations légitimes supposer une once de nuance et de réserve vis à vis de son discours. Stoïque, il répondit d'une voix grave et déterminée :

Sans quelque matière importée... je ne serai pas là pour vous répondre, Cassiopée. Nous...ferons ce qui est nécessaire afin de remplir les objectifs annoncés.

La réplique ne sembla pas contenter clairement son amie mais la dureté du ton lui signifia clairement que le point qu'elle avait soulevé était clos. Sanz se tourna lentement vers Tàranis et d'un geste cérémonial l'invita à poursuivre après lui.

L'Héritière avait écouté avec attention l'échange entre Cassiopée et Sanz sans les regarder et son visage ne laissait rien transparaitre de l'intérêt qu'elle aurait pu porter à la question soulevée. Quand le Prince lui indiqua que son tour de parler était arrivé, elle se leva et fixa son attention sur Airet Syl, de l'autre côté de la table.

Bon, passons aux problèmes matériels. Airet Syl, vous étiez chargé de concevoir quelques outillages utiles en temps de guerre. Où en est donc votre travail ? Avez-vous aboutit à des résultats concluants ?

Laissant la parole à l'interrogé, elle se rassit sans le quitter des yeux.

Ah, j'ai cru que cet instant n'arriverait pas, qu'on écoute le côté technique de l'aventure. La prochaine fois, je me ferai représenter. Mais avec l'étiquette, Je vais encore me faire souffler dans les bronches. Et quand les résidus de soufres s'en mêlent, autant retrouver ses fourneaux.

- Vous vous inquiétez un peu tard. Vous ne recevez donc pas mes factures? Les barils d'orichalque ont été détournés et il a fallu courir après les dérobeurs. Mais toutes les pointes de flèches, tous les fers de lance ont été livrés. Heureusement, vos fantassins ne sont pas partis nus à l'assaut, scintillants comme des princes. bon c'est sûr côté discrétion... Les engins de siège sont prêt. Quelques trébuchets pour fondre les remparts et votre conscience meurtrière. J'ai mis au point quelques mécanismes d'intérêt. Des balistes rotatives que vous n'aurez qu'à sangler sous les ailes de vos dragons. Pratique, précis. Il y a des engins incendiaires. Et les bombardes ont été moulées. Deux trois boulons et elles seront assemblées, prêtes à l'emploi. Pour le reste les alliages ne tiennent pas tous. Espérons que nous pourrons caparaçonner les dragons, une bonne raison d'avoir du plomb dans l'aile. Hum.
A l'occasion, vous viendrez visiter les Hauts Fourneaux. Vous avez vos réponses ; et j'ai encore quelques fournées à inspecter. Comme convenu dans la charte qualité de notre entente, vous recevrez le reste de la commande dans les délais, de manière à approvisionner le front au fur et à mesure. C'est que nous sommes en flux continu, et avec les pillards qui rôdent. Vous devriez jeter une flamme par là-bas. C'est moins confortable, mais pour rien au monde je ne m'installerai parmi vous.

Je mangerai bien un truc salé moi.

Une brume rouge et bordeaux s’insinuait dans les interstices de la portes de la salle, la nuit était tombée précipitamment, laissant la pièce dans une ambiance glauque et lugubre. Sanz se redressa sur son siège laissant un sourire apparaitre sur son visage.

- Enfin quelque chose d’intéressant.

La Porte de la pièce s’ouvrit doucement dans un grincement, et dans la lumière du claire de lune un ange a six ailes apparue, sa peaux était pales, vêtue tout de noir, il portait au doigt une bague que Sanz avait déjà vue, ses yeux brillait d’une lumière rouge malsaine et son visage était traversai par un énorme sourire sanguinaire qui laissait voir ses crocs avide de sang. Il éclata de ‘un rire exalté en apercevant le visage horrifier de la majorité des personnes de la pièce.

- Je suis le prince de sang, seigneur des carnages, destructeur de vie et dévoreur de monde, et je doit parler au arrogant seigneur que vous êtes.

Les arrogants Seigneurs sont ceux qui restent de la Noblesse Aélissienne et les Hauts Seigneurs du Sang. Il est bien dangereux dans nos propre palais d'aller formuler quelque inconvenance qui pourraient froisser notre.. arrogant ego, Prince Teysa.

Le sourire qui avait traversé le visage de Sanz se mua en une légère moquerie. D'un battement de paupière les brumes noires se fendillèrent de lueurs et le visage de leur hôte apparut clairement. Avec un geste de la main il invita son hôte à s'assoir sur la chaise qui se situait en face même du seuil.

Puisque vous êtes ici pour la première fois, je vous présente rapidement la Protectrice du Sang, Cassiopée ; l'Intendante régnante , Taranis ; notre Ingénieur Airet et Drystan HAyarn, récent membre.

Quand il eut fini sa main se reposa et une ligne lumineuse filer du centre de la table vers Teysa. L'invité pouvait siéger désormais.

Nous étions en train de parler de vous justement, enfin de vos amis mais cela revient au même. Que vaut donc votre visite?

Le prince sourit à pleines dents en entendant les mots du prince noir. Il se déplaça de sa démarche légère vers le siège qui lui était attribué.

- mes inconvenances, petit ange, ne sont pas à la hauteur de vos insultes. Oser me comparer à mon naïf colocataire, ou même me considérer comme ami de ses freluquets stupides…

Il s’assit sur le siège attribué, doucement la matière qui le constituait commença à couler et à se déplacer pour lentement prendre l’apparence d’un trône de pierre rouge sombre, des visages hurlant se déplaçant à sa surface, autant emprisonnés dans une infinie souffrance. Le primera prit ses aises tranquillement avec une patience et une langueur qui ne le caractérisait pas habituellement.

- Mais laissons de côté nos inutiles joutes orales, ma personne ne s’est pas déplacée en ces lieux pour de tels enfantillages. Je viens vous faire une proposition des plus alléchantes…

Laissant sa phrases en suspens. il sortit un verre et une bouteille dont le contenu, à l’odeur écœurante, avait un aspect de sang noirâtre en train de bouillir. Après s’être servi un plein verre, il humecta doucement ses lèvres pâles dans l’immonde liquide, à ce même moment, un verre identique apparaissait devant chacun des protagonistes de la pièce.

- je vous propose de vous livrer ce que vous recherchez dans nos murs… mais je vous demande en échange de me laisser le plaisir de raser le palais de mes soi-disant amis.

Ses yeux rougeoyants guettaient les réactions de son auditoire

Le visage dur, Cassiopée regardait les yeux pourpres du soi-disant Prince qui avait fait irruption dans la salle du Conseil. Elle connaissait Teysa le Sombre et celui-ci était son sosie à quelques détails qui le différenciaient totalement du Lunaire. Le Prince qui leur faisait face était habité d’un sang aux effluves noirâtres qui contrastaient avec le pourpre pur du Sang, ce sang d’origine harmonique qui irriguait le corps de leur confrérie. Ce Prince était peut-être Prince de sang, mais d’un sang noir et sombre et elle comprenait à présent d’où Teysa tenait son surnom de « Sombre ». Ici, seul était le sang Sombre.
Elle prit le verre dont le liquide brun et épais bouillonnait doucement. Son odeur un peu écœurante la fit grimacer quand elle s’adressa à lui en le levant bien haut devant elle :

- Prince de sang sombre…. Bien sombre semble t’il… Je ne bois pas à votre santé car je ne me permettrai pas de mêler ainsi nos sangs, mais je lève mon verre à vos propos, bien que raser la cité lunaire n’ait jamais été le mien…

Elle se tourna vers Sanz pour planter sur sa face son regard acéré.

- Pourtant, j’aimerais quelques éclaircissements, si vous n’y voyez pas d’inconvénients. Votre naïf colocataire, Teysa, ainsi que vous le nommez, vous laisserait faire table rase de sa cité et de ses habitants sans y voir à redire ? De même, pensez-vous réellement qu’il vous abandonnerait la gardienne sans rechigner ?

Une missive déposée ce matin par l'estafette des Hauts-Fourneaux, montée sur roulettes et dégageant une fumée acariâtre.

"Chers confrères.

Les préparatifs me demandent chaque jour davantage de matériaux pour construire armures et engins de siège. Je n'ai plus le temps de m'arranger pour vos réunions. Quelques bonnes actions vaudront mieux que des mots vides de sens. Cependant, les capitaux viennent à manquer pour payer nos fournisseurs ; d'autant plus qu'il va falloir se réapprovisionner en orichalque, en encre pour le graveur runique, en main d'oeuvre qualifiée.
Veuillez me faire connaître la somme débloquée, pour que tout finisse par votre satisfaction.

Depuis la Forge.

A.Syl."

Airet Syl s'était éclipsé juste avant l'entrée du Prince de Sang et voilà déjà qu'une missive provenant des Hauts Fourneaux était envoyée dans la Salle du Conseil. Tàranis la réceptionna et congédia rapidement le pauvre messager qui ne savait pas où se mettre dans la tension ambiante. Elle même ne comprenait pas exactement ce que l'espèce d'ange venait faire ici, ni pourquoi il avait pu pénétrer si loin dans le château. Elle préféra dédaigner l'étrange liquide qu'il avait si généreusement offert et, sans pour autant se désintéresser des évènements, se pencha sur le message.
Elle faillit laisser échapper une exclamation irritée quand elle lu qu'il fallait débloquer de nouveaux fonds, mais s'abstint de justesse et s'attela à l'écriture d'une réponse rapide.

Cher Confrère,

Nous avons déjà largement dépassé le budget prévu et débloquer de nouveaux fonds pour les forges priverait d'autres secteurs tout aussi importants. Nous ne pouvons bien sûr pas stopper vos fabrications et c'est pour cela que je vais accéder à votre requête. Mais si cela ne suffit pas pour contenter vos fournisseurs, c'est pour l'alimentation des dragons que nous allons manquer de capitaux et nous devront bien trouver des solutions dans les larbins de vos forges pour régler ce nouveau problème.

Je vous fait parvenir quelques pierres précieuses et une vingtaine de pièces d'or d'ici peu. Faites en sorte que cela suffise.

Tàranis
Intendance Régnante.

Elle plia le papier et, se levant, alla jusqu'à la porte le remettre au messager. Quand elle revint prendre place à la table, Cassiopée fixait toujours son Confrère sans que celui-ci ne dise mot.

Bon, cette fois-ci, je dois venir en personne. Je suis en panique. Mains mouettes et l'angoisse de délaisser les forges à des ouvriers surexploités.

- Consoeurs et confères! Consoeurs et conf...

L'air manque dans cette salle.

- Les éclaireurs ont surpris des maraudeurs en train de superviser nos installations. En dehors des détournements de chariots, voilà qu'on s'aventure presque sur nos terres. L'espion est parti en courant, et nous avons pu récupérer une partie de ce qu'il gribouillait. C'était les plans de nos installations, gribouillées en latin. Malheureusement le fuyard cavalait trop vite. Bref, je crains que l'ennemi n'essaie de jouer des coups d'avance. Qui sont-ils et que me veulent-il, hein?

Ravalant de l'air, trop précieux pour ne pas terminer la tirade.

- Merci pour l'enveloppe. J'ai reçu les fonds. J'ignorais que le trésor venait à manquer. Soit nous partons en pillage, soit je crains que nous ne pourrons terminer la guerre.

Il a fixé l'étrange mouvement de ses confrères mais il est resté immuable. Ses yeux sont fixé dans ceux de l'Etranger, Teysa le sanguinaire. Pendant quelque secondes de vieux souvenirs ont affleuré sa conscience mais il a eu tôt fait de les noyer. Il frappa légèrement la bague à sa main droite comme pour réclamer le silence puis s'exprima avec lenteur

Vous raserez vos Palais, Prince, et nous récupérerons ce qui nous est dû. S'il vous prend de l'oublier en chemin, ne doutez pas que nous nous ferons un plaisir de vous aider à la retrouver.

Se levant brusquement et surprenant l'assemblée il quitta la salle en invitant son confrère Airet à le suivre tandis qu'ils échangeaient quelque mot rapide.

Bien heureux que vous revenu j'ai quelque affaire qui nécessitent votre ingéniosité, allons dans vos fourneaux si vous le voulez bien.

Alors que le Prince de Sang sortait de la pièce en compagnie d'Airet Syl, il croisa Léhault, le golem. Celui-ci avait entendu l'appel silencieux de la Protectrice du sang et avait décidé de quitter les profondeurs qui l'abritaient en temps normal. Il était nu, si l'on peut dire ainsi, car son corps de pierre ne possédait aucune anatomie. Ses yeux rouges se posèrent sur la Dame des Étoiles et un étrange sourire défigura son visage. Puis il vit Tàranis, l'héritière du Sang, et alors la colère gagna son cœur de Noirebène. Sur son torse était gravé le symbole de la Confrérie du Sang, faisant ainsi de lui un Haut Saigneur comme les autres. Ceci, l'héritière du Sang n'arrivait toujours pas à l'accepter et le traitait encore comme un esclave, ou comme un monstre, bien que ce dernier nom ne dérangeait pas Léhault qui aimait à se faire appeler le Monstre du Sang. Se tenant bien droit dans l'embrasure de la porte, il entra d'un pas déterminé, et, posant les yeux sur Tàranis, dit :
Je suis Léhault, le Monstre du Sang, Haut Saigneur parmi les Hauts Saigneurs. Je viens ici, car j'ai senti votre appel du fond de mes quartiers souterrains. Il détourna le regard vers Cassiopée et poursuivit.
Ma dame, je suis là comme vous m'avez demandé. Votre verbe sera mon ordre, Protectrice. Puisse votre place parmi nous être toujours telle.
Puis il s'inclina, plein de déférence devant la femme qu'il considérait comme sa réelle maîtresse. Bien sûr Sanz, le Prince du Sang était pour lui bien plus qu'un Dieu, mais c'était à la Dame des étoiles que sa fidélité était avant tout donnée.
Il s'avança encore un peu, et continua de parler.
Je suis, depuis que je vous ai rejoint, dans l'attente de ce qui va probablement suivre. Je sais que chacun d'entre nous attend avec impatience que cela arrive, et je suis comme vous. Je n'ai qu'une envie, porter au plus loin les frontières de notre empire. Mais, ô, chers compagnons, regardez ce que nous sommes actuellement. Ne faut-il pas aider ce très cher Airet Syl pour confectionner les armes les plus puissantes qui soient ? Et vous, Tàranis, l'intendante, ne pensez-vous pas qu'il faille recruter plus d'hommes si nous voulons avoir la chance de sortir vivant de cette guerre ? Il avait presque craché sa dernière phrase, avec une telle haine que les murs de l'édifice en avaient tremblé.

L'air presque détaché de Tàranis depuis le départ du Prince Sombre se mua en une expression de froideur rigide à l'entrée de l'être rocheux. Se redressant dans son fauteuil, elle fixa sur lui un regard de dédain évident et un sourire sarcastique se dessina sur ses lèvres quand il exprima sa fierté de Monstre. Mais elle conserva le silence, le laissant aller au bout de sa tirade et de ses révérences. Quand il s'adressa à elle avec toute la haine dont il était capable, elle ne pu empêcher un léger ricanement de lui échapper.

Mais mon cher golem, que craignez-vous ? Croyez-vous que nous n'avons pas pensé à engager des troupes ? Voyons, on ne vous a pas attendu pour commencer à nous préparer. Qui plus est, en général, l'intendance concerne plus le matériel inerte ou mort que vivant. Disons que je pourrais m'occuper de vos congénères.

Elle accompagna sa dernière phrase d'un sourire mielleux puis se tu, posant le menton dans ses paumes, coudes sur la table.

Mais très cher Tàranis, vous le savez bien, je n'ai pas de congénère, je suis unique en mon genre. Et cela n'a pas pu vous échapper, car depuis ma découverte vous n'êtes plus la préféré du maître Sanz. Je sais que cela vous a beaucoup touchée, mais vous savez bien, que vous êtes toujours dans son coeur... S'il en a un...

Puis se tournant vers Cassiopée, il parla comme si Tàranis n'existait pas :

Ne pensez-vous pas, ô, maitresse, que nous sommes bien trop faibles. Si je connaissais la personne en charge du budget militaire je la renverrai, et sans tarder, car elle doit forcément comploter pour nous faire perdre cette guerre. Enfin, je suppose que l'on a mis les personnes les moins qualifiés à ces postes-ci pour ne pas priver d'autre secteur plus important.

Sur ces mots le Monstre du Sang pris place sur une chaise près de Cassiopée, et laissa le doux plaisir, d'avoir insulté celle qui pendant trop longtemps l'avais pris pour un esclave, l'envahir. Il poussa alors un soupir de contentement.

Sur ses mots, une violente bourrasque ébranla les portes de la grande salle. La lumière du soleil couchant inonda la pièce, teintant de rouge la table du conseil. L’assistance s’enferma une fois de plus dans son mutisme tandis qu’une silhouette féminine se dessinait à contre-jour. Elle semblait flotter sur le sol tant sa démarche aérienne était fière et déterminée. Sa longue robe noire lui conférait une aura malfaisante et sa chevelure brune cascadait en boucle sombre sur ses épaules dénudées. Sa peau ivoire prenait un aspect doré à la lueur du crépuscule et sur son visage, seuls se détachaient deux charbons ardents dans lesquels brillait une flamme implacable. Sa voix chaude et hautaine fit voler en éclat le silence qu’observait l’assemblée.

Bonsoir chers Confrères. Mon maître m’a envoyé ici afin de participer aux préparatifs et de vous prévenir du danger qui vous menace.

Talys prit place sur le siège qui lui était réservé et lorsqu’elle rejeta ses cheveux en arrière, la vue de ses compagnons se brouilla et une multitude d’images défilèrent devant leurs yeux ébahis.

Celle du palais Lunaire se détacha distinctement de toutes les autres. Leur champ de vision se concentra ensuite sur ses cachots, dans lesquels une forme indistincte était étendue à même le sol, aphone, inerte… La gardienne tant convoitée n’était plus que l’ombre d’elle-même. Un cri de rage déchira le ciel tandis qu’un incendie dévorait le paysage et que sa fumée opaque dévastait les galeries souterraines. Une effroyable bataille éclata alors, le fracas des armes et les hurlements de douleur devenaient de plus en plus insupportables. La mort ravageait tout sur son passage et l’avertissement de la Pythie, qui se passait de tout autre commentaire, se termina dans un bain de sang qui emporta chacun des membres ici présents…

Ces derniers cillèrent lorsqu’ils revinrent brutalement à la réalité. Seul le Golem n’avait cessé de fixer la jeune femme, imperméable à ce qu’elle leur imposait…

Erylie ne dormait pas. Jamais. Elle n'en ressentait ni le besoin ni l'envie. Aussi les visions de la pithie lui apparurent comme un spectacle se déroulant dans la périphérie de sa vision. Intéressante réalité.
La vampyre sortie de l'ombre et devant l'assemblée réunie fronça le nez, découvrant la pointe de ses canines.
D'un mouvement souple et rapide elle rejoignit le siège qui semblait être le sien. Sa longue queue de cheval reposait sur son épaule, ses yeux flamboyaient d'un feu vivace. Elle jeta un regard au golem et a la pithie qui s'observaient. Taranis, fidèle à elle même était calme. Erylie appréciait cette sérénité qui contrebalançait ses instincts meurtriers.
Sa voix rauque en ancienne s'éleva en un murmure distant mais parfaitement audible.

J'espère que ce danger est bien réel. Nos troupes n'ont que faire du menu fretin qui pullule ça et là.
Il me semble néanmoins que le Golem n'a pas tort. Si le danger qui s'annonce est moitié aussi grand qu'on ne le dit, il va falloir nous tenir prêt et sauvage.

Le murmure mourut sur une note animale.
La jeune femme haussa un sourcil comme pour jauger chaque membre présent. Un léger sourire de connivence passa sur ses lèvres comme elle croisait le regard de Cassiopée. Et d'un mouvement fluide et félin, son visage disparu dans l'ombre qui baignait son siège, laissant seules visibles ses mains. L'espace d'un instant, l'air sembla trembler et miroiter. Et les ongles vernis de noir de la vampyre eurent la fugace apparence de griffes. Puis tout redevint normal. Et silencieux.

Il avait vu la femme entrée, subtilement séduisante, elle avait captivé son regard. Elle avait parlé d'une voix dure, une voix méchante en vérité, mais cette voix ne lui avait rien fait.
Il savait que cette femme était la Pythie du sang, et qu'elle pouvait être un véritable monstre sanguinaire. Mais le Golem n'en avait que faire, cette femme, avec son étrange magie ne pouvait l'atteindre, en effet étant lui même immunisé contre tout se qui touchait à la magie, même la puissance de Shyon ne pouvait rien contre lui, alors il ne pouvait s'empêcher de la trouver frêle et fragile. Ainsi sourit-il quand elle leur parla de danger, que pouvait elle bien y connaitre au danger, en étant enfermé dans son sanctuaire jour et nuit. Devant la mine déconfite de ses confrères, leurs regards apeuré au révélation de Talys, et suite à l'intervention d'Erylie, le golem pris la parole.

Bien le bonjour ma Dame. C'est un réel plaisir de vous revoir. Je n'ai pu voir quel était ce danger, mais sachez que je suis de votre avis, nous devons nous préparer à affronter les troupes ennemis, et pour ceux, il nous faut gonfler nos effectifs. Pouvez-vous s'il vous plait me décrire quels sont les rêves que vous avez faits partager ?

Talys plongea son regard dans les deux billes de granit qui la dévisageait ouvertement. Cette grosse masse de pierre qui se mouvait et s’exprimait comme un être humain à part entière la troublait particulièrement. Ce n’était pourtant pas un homme mais l’intelligence qu’il possédait, ainsi que les sentiments dont il pouvait faire preuve à bien des égards ne pouvaient être ignorés. Elle pouvait sentir en lui bien des émotions différentes, telles que l’excitation de participer au combat, la douleur d’être traité comme un moins que rien, ou encore une étrange fascination pour ce qu’elle était, elle. Elle ignorait la raison de cet intérêt particulier mais lorsqu’il la regardait comme cela, elle avait l’impression qu’il la voyait telle qu’elle était vraiment et non comme elle souhaitait qu’on la voie. Cela était peut-être dû au fait qu’il restait insensible à ses maléfices et aux mirages qu’elle faisait fructifier dans l’esprit de tout autre… Ce don était d’ailleurs sa seule défense, son seul atout et sa seule arme. Il était parfois même une sorte de malédiction dont elle ne pouvait se défaire et qui lui empoisonnait l’existence aussi purement que simplement… Elle maitrisait les rêves mais les visions du futur qui s’imposaient à elle, qu’elles se réalisent ou non, restaient encore difficilement contrôlables et il lui était parfois pénible de supporter ce qu’elles voulaient bien lui montrer. Elle se résigna cependant à revivre l’expérience et, poussant un soupir las, résuma brièvement ce qu’ils venaient de voir, à sa seule exception :

Je viens de leur montrer ce que pourrais nous réserver une intrusion dans le Palais Lunaire. La gardienne qu’ils viennent y chercher a été profondément malmenée et il est très probable qu’elle ne nous soit d’aucune utilité. De plus, je ne fais nullement confiance à ce Prince de Sang sombre qui nous a si généreusement proposé ses services. Rien n’est gratuit en ce monde, vous devriez le savoir plus que quiconque. Et si nous nous précipitons aveuglement dans la gueule du loup, une violente bataille éclatera et tout cela finira dans le bain de sang le plus impressionnant de l’Histoire. Les forces mises en jeu lors de cet affrontement ne sont pas négligeables et les plus petits détails peuvent être déterminants…

La Pythie balaya la salle du regard, s’attardant sur chacun des visages tournés vers elle. Elle tortilla une de ses boucles brunes autour d’un de ses doigts et sa voix s’adoucit imperceptiblement :

J’espère en tout cas que chacune des personnes ici présentes a bien conscience de toutes les implications de cette opération et qu’elle agira en toute connaissance de cause et ce, dans la meilleure optique qui soit. Nous ne souhaitons de pertes inutiles pour personne… Et nous ne sommes pas prêts à assister à la déchéance de notre Confrérie.