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| Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral | |
| | Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Dim 24 Oct - 21:57 | |
| __________________________________________________ Chapitre 1 : Révélations Chapitre 2 : Les entrailles de Mordora Chapitre 3 : Retrouvailles Chapitre 4 : Dans les égouts Chapitre 5 : Derniers préparatifs Chapitre 6 : Libération Chapitre 7 : Bataille spatiale Chapitre 8 : Une main secourable Chapitre 9 : Complot Chapitre 10 : Un cuisant échec Chapitre 11 : Règlements de comptes Chapitre 12 : Guerre médiatique Chapitre 13 : Le Site Delta Chapitre 14 : Guerre civile Chapitre 15 : L'ascension [Commentaires]__________________________________________________
- Remerciements à Smirt' pour sa superbe bannière du chapitre 1 et son idée générale pour la forme de toutes les autres.
- Remerciements à Smirt' pour la bannière du chapitre 2. C'est flamboyant !
Dernière édition par Kosmos le Sam 27 Nov - 20:27, édité 7 fois |
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| Sujet: Re: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Mer 27 Oct - 18:35 | |
| Le 28 mai de l'an 2 avant la F.C.P.
Kosmos et ses compagnons mercenaires étaient sur une nouvelle mission pour le moins difficile à remplir. Le maire d’Adopolis, capitale de la planète de Naxos, les avait contactés quelques jours auparavant. Il leur avait instamment demandé de pourchasser un dangereux savant fou, Nelrik, qui s'était échappé des geôles sinistres d'Adopolis où il croupissait depuis plusieurs années. Motivé par sa haine envers le maire et son désir de vengeance, Nelrik avait reformé une équipe de scientifiques immédiatement après son évasion et préparait de sombres inventions destinées à détruire Adopolis.
Le clan de Kosmos avait fini par dénicher son laboratoire secret au plus profond des montagnes de Naxos. Hélas lors de l'affrontement avec les scientifiques, qui s'apparentaient plus à des bandits de la pire espèce, Nelrik était parvenu à s'enfuir et à quitter la planète à bord d'une navette monoplace. Après avoir précautionneusement désamorcé tous les pièges explosifs placés à leur intention dans le laboratoire, les mercenaires s'étaient élancés à la poursuite du savant.
Ils avaient bien vite retrouvé sa trace sur la planète voisine, mais Nelrik leur avait une nouvelle fois filé entre les doigts. Leur traque avait donc repris de plus belle, de planète en planète, les amenant très loin du système de Naxos. Par manque de carburant, ils avaient dû se poser sur une lune agricole que Kosmos connaissait bien…
- Imternos, si j’avais su que je reviendrais là un jour...
- Vous disiez ? demanda un Qaherlan distrait.
- Non rien, lui répondit Kosmos, le plein est bientôt terminé ?
- Oui, on repart dans quelques minutes.
- Et bien ne m’attendez pas, j’ai quelques affaires à régler ici.
- Des affaires ? s'étonna l'autre. Vous êtes déjà venu sur Imternos ?
- Peu importe, répliqua Kosmos pour éluder la question. Rattrapez Nelrik, c'est la seule chose qui compte à présent.
- Dois-je comprendre que vous vous retirez de la mission ? s'étrangla Qaherlan interloqué.
- Non, bien sûr, je vous rejoindrai avec un vaisseau de l'académie militaire du coin dès que possible. Et j'entends bien toucher la somme convenue malgré cette absence.
- Cela dépend, déclara le mercenaire d'un air presque désolé. Si nous attrapons ce scélérat avant que vous soyez revenu, je ne pourrai pas grand-chose pour vous.
- Permettez-moi d'en douter, rétorqua Kosmos. Ce type a beau être givré, c'est un malin, il l'a déjà montré en nous faussant compagnie plusieurs fois. Quoi qu'il en soit je vous souhaite bonne chance. À bientôt !
Quelques instants plus tard, l'astronef s'envola sous le regard pensif de Kosmos. Jamais il n'avait eu l'occasion de revenir sur Imternos, jamais. Il s'était toujours dit qu'il trouverait le temps, mais sa carrière militaire avait été beaucoup trop foisonnante. Pire, depuis un an les territoires de l'Amirauté lui étaient formellement interdits. Ce jour-là pourtant, par un étrange caprice du destin, Qaherlan avait proposé d'y alunir. Refusant de laisser filer cette chance, Kosmos lui avait aussitôt indiqué l'astroport d'Edylia. L'envie de retrouver sa ville natale avait triomphé sur la crainte qu'on le reconnaisse et qu'on l'appréhende, éventualité qui demeurait néanmoins peu probable.
Le jeune homme quitta à pied l'astroport et se perdit dans les ruelles sinueuses de la ville. Il avançait sans hésitation sur ce trajet qu'il avait tant de fois effectué. Il connaissait tout par cœur, peu de choses avaient changé. L'Amirauté ne se souciait guère du développement de cette lune. Les seules technologies novatrices apportées ces dernières années concernaient exclusivement le domaine agricole, par souci d'augmenter la productivité. Imternos était le garde-manger de l'Amirauté et toute son économie reposait sur cet unique point.
Edylia, la capitale de la lune, s'était certes étendue, mais au-delà de l'astroport exclusivement, vers le nord et l'ouest. Kosmos se dirigeait complètement à l'opposé. Il déboucha dans le cœur historique de la cité, qui ressemblait à un pittoresque village médiéval et paraissait n'avoir jamais connu la troisième révolution industrielle. Ces vielles bâtisses, cette place pavée, cette fontaine… Tout semblait familier au jeune homme. Son itinéraire ne l'amena pas à passer devant l'académie militaire, située légèrement en retrait du centre-ville, mais il y reviendrait bien assez tôt. Pour l'heure il y avait une personne qu'il tenait absolument à revoir.
Au terme d'une heure de marche environ, dans un village reculé et encore plus modeste que les vieux quartier d'Edylia, Kosmos atteignit une jolie résidence. Les couleurs vives des balcons richement fleuris contrastaient avec le blanc immaculé du crépis. Il pénétra dans le jardin et des effluves enivrantes vinrent lui chatouiller les narines. Devant la porte, sous une treille recouverte de clématites, il fit tinter le carillon. On entendit un mouvement à l'intérieur et bientôt la porte s'ouvrit sur une vieille dame aux cheveux gris. Kosmos s'inclina respectueusement.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle sans préambule en le dévisageant. Je vous ai déjà rencontré quelque part ?
- Je ne pense pas, non. On m'appelle Kosmos, mais cela a peu d'importance. Je recherche une certaine Herminia, qui fut autrefois maîtresse de ces lieux.
Il n'avait pas hésité à décliner son identité militaire, jugeant peu probable que cette vieille dame le connaisse et de surcroît qu'elle aille le dénoncer. En effet, ce nom avait beau être célèbre sur le Site Alpha, il n'avait sans doute pas atteint un coin aussi reculé que ce village campagnard, à la limite des territoires de l'Amirauté. Et même si c'était le cas, comment aurait-elle pu savoir qu'il avait été exilé ? L'Amiral Yoris avait veillé à ce que l'affaire ne fasse pas trop de vagues parmi les civils.
- Elle l'est toujours, je suis son infirmière. Vous avez de la chance, elle est éveillée en ce moment, ça lui arrive de plus en plus rarement. Pour quel motif dois-je vous annoncer ?
- Son infirmière ? répéta Kosmos qui avait mis du temps à réagir.
- Vous êtes sûr que vous la connaissez ? demanda son interlocutrice soudain suspicieuse. Qui êtes-vous exactement ?
- Je suis son fils, avoua Kosmos avec franchise. Voilà bien longtemps que je ne l'avais pas revue et j'ignorais qu'elle était souffrante.
Le visage de la vieille dame se figea devant une telle révélation. Cependant, toujours dubitative, elle rétorqua :
- Herminia avait un fils qui est effectivement parti il y a quelques années, elle m'en parle sans arrêt, mais son prénom n'est certainement pas Kosmos. Je suis navrée Monsieur, toutefois tant que vous ne me donnerez pas une bonne raison de déranger ma patiente je ne vous laisserai pas entrer.
Elle fit mine de refermer la porte, mais Kosmos l'en empêcha en bloquant le battant de sa main gauche. Puis il mit fin au doute de son interlocutrice en lui annonçant ce qu'elle désirait entendre.
- Mon véritable prénom est Otton Nelgeran, je maintiens que je suis son fils. Daignez-vous me laisser entrer à présent ?
- C'est bien cela, s'excusa l'infirmière, pardonnez ma méfiance, mais mieux vaut qu'Herminia reçoive un minimum de visiteurs. Pour vous en revanche, je suis contrainte de faire une exception.
Et la vieille dame s'écarta, lui faisant signe d'entrer. D'un pas étonnamment vif pour son âge, elle le mena dans le couloir de la maison si familier à Kosmos.
- De quel mal souffre-t-elle ? demanda celui-ci d'un ton dégagé qui laissait néanmoins poindre une trace d'inquiétude.
- L'oronariose, incurable, lâcha l'infirmière abruptement, la communication n'étant visiblement pas son fort. Je ne suis là que pour lui tenir compagnie et apaiser sa douleur, afin qu'elle nous quitte sans souffrir.
Le jeune homme sentit une enclume atterrir au fond de son estomac. Il avait déjà entendu parler de ce virus, qui avait fait une apparition prononcée sur un grand nombre de systèmes, deux ans plus tôt, alors qu’il était encore centurion de l’Amirauté. Aucun virologue n'avait été capable de trouver un antidote, cependant ils avaient réussi à créer un sérum qui contrecarrait le caractère contagieux du virus. Aucune des personnes contaminées n'avait pu survivre, mais l'épidémie avait été enrayée. Bien qu'assez rares, de nouveaux cas apparaissaient régulièrement dans l'Amirauté. Les patients étaient aussitôt isolés grâce au sérum, mais rien ne pouvait les sauver.
L'infirmière introduisit Kosmos dans le salon aux couleurs chatoyantes. Herminia s'y trouvait, une lettre dans les mains, assise sur un vieux fauteuil. Elle leva les yeux à l'entrée de Kosmos, mais ne le reconnut pas. Ses traits avaient beaucoup changé en grandissant, d'autant plus que sa longue chevelure n'avait pas encore blanchi lorsqu'il avait quitté Imternos.
Cette décoloration datait d'un combat spatial dans lequel il avait failli laisser la vie, trois ans plus tôt. Il s'était retrouvé coincé sous une tuyère arrachée par la violence de l'attaque adverse. Le système de sécurité du vaisseau assiégé avait fermé toutes les évacuations pour contrer l'apparition d'un incendie et de la tuyère éventrée s'échappait une quantité impressionnante de gaz. Sans le retour salvateur d'un autre officier pour rouvrir les portes coupe-feu, Kosmos aurait péri asphyxié ou gravement intoxiqué. Heureusement ce dramatique épisode s'était simplement soldé par un mois d'hôpital et une irréversible décoloration capillaire, causée par la toxicité des gaz, qui par la suite lui avait conféré une certaine notoriété. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Lun 1 Nov - 12:37 | |
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Herminia fit signe au jeune homme de s'asseoir sur le divan moelleux puis lança un regard interrogateur à son infirmière.
- Votre fils, annonça celle-ci avant de se retirer.
Le visage marqué par la fatigue et affreusement émacié d'Herminia s'illumina soudain.
- J'espérais tellement ce moment, murmura-t-elle d'un râle presque inaudible. Mon petit, tu ne peux pas imaginer à quel point ta visite me comble de bonheur. J'ai cru que la vie ne me laisserait pas suffisamment de temps pour te revoir un jour. J'ai tant de choses à te dire...
Ses phrases étaient saccadées, à cause de son émotion autant que de sa faiblesse physique. Kosmos eut le cœur brisé de la voir dans un tel état. Tout son corps tremblait. Le simple fait d'articuler semblait mobiliser toute son énergie et elle parlait d'une voix si basse que le jeune homme fut finalement contraint de quitter le divan pour se rapprocher d'elle.
- Calmez-vous mère, chuchota-t-il en prenant délicatement sa main, calmez-vous. Je suis là à présent, ne vous inquiétez plus, je vous écoute avec attention.
- Mon petit, j'ai quelque chose d'essentiel à t'avouer. Et j'ai cru ne pas vivre assez longtemps pour tout te révéler. Voilà près d'un an que je me bats contre cette maladie, espérant en réchapper, mais c'est un mal qui me ronge peu à peu et, après tout ce que j'ai lu à ce sujet, je me suis finalement faite à l'idée qu'elle va l'emporter. Ta venue si inattendue sera sans doute l'un des derniers heureux événements de ma courte vie.
- Il y a forcément un moyen de vous sauver, grogna Kosmos entre ses dents tout en agrippant l'accoudoir. Avez-vous fait savoir votre état ?
- Ils connaissent ce virus dans les hautes sphères d'Imternos. Il paraît que l'Amirauté a dû y faire face il y a quelques années. Malheureusement il n'existe actuellement aucun remède et mon cas est beaucoup trop isolé pour qu'on dépense une quelconque subvention dans la recherche médicale. On m'a tout bonnement déclaré que j'étais condamnée.
- J'ai des contacts au Site Alpha, mère, je peux faire en sorte que certains laboratoires se penchent sur l'oronariose. Ils trouveront un antidote et vous serez sauvée. Vous laisser dans un tel état est inacceptable.
- Ne t'embarrasse pas de promesses inutiles que, de surcroît, tu as peu de chances de tenir. Je suis mourante, mon fils. Je sais combien c'est pénible, mais tu dois te faire à cette idée, comme je m'y suis faite. Rien ni personne ne me sauvera, pas même toi.
Kosmos pleurait intérieurement, pressant toujours la main de sa mère dans les siennes. La voir ainsi si frêle le bouleversait complètement. Et pourtant elle parlait sur un ton dur et résigné. Elle s’était préparée à son sort depuis bien longtemps, bien qu'il ne veuille l'admettre.
- Il y a autre chose dont je voudrais te faire part, poursuivait Herminia.
- Je vous écoute, mère, articula Kosmos avec difficulté, tant il luttait contre la vague de chagrin qui commençait à le submerger.
- Je t'ai caché un terrible secret durant toute ton enfance, afin de te protéger. Tu m'as quittée si tôt que je n'ai pu te le révéler. Et voilà qu'aujourd'hui tu reviens comme par miracle, m'offrant une chance de me rattraper. J'ai passé trop de temps à attendre ce moment alors autant être directe. Voici la vérité telle qu'elle est. Tu n'es pas né sur Imternos, mais sur la planète de Phocée. Et tu n'es pas né de mon ventre.
Kosmos mit du temps à assimiler ce terrible coup de tonnerre. Cet aveu l'abasourdit totalement. Il sentit ses jambes se dérober sous lui et il tomba à genoux, face à celle qu'il avait toujours cru être sa véritable mère. Il connaissait la planète de Phocée, de nom du moins, et savait qu'elle et sa voisine, Jogeth, étaient sous le joug draconien d'un groupe restreint de personnes, une sorte d'aristocratie qui dictait les lois comme bon lui semblait. Ne les ayant jamais jugées menaçants ou intéressants sur le plan économique, l'Amirauté n'entretenait aucune relation avec les peuples de Hésèle et Jogeth.
- Ton père fut un haut dignitaire de Phocée. Tu as hérité de sa vivacité d'esprit et de son autorité. Ta véritable mère, quant à elle, t'a transmis sa délicatesse et son sang-froid à toute épreuve. Mais ton sens stratégique, tu le dois à toi et à toi seul. J'étais ta nourrice à l'époque et j'ai dû quitter Phocée suite à la guerre entre républicains et oligarques. Tes parents et tes frères sont morts dignement, en combattant ces derniers.
- Mes frères ? balbutia le jeune homme.
- Oui, tu avais deux frères aînés, Kendrix et Aldus. Ils étaient aussi vaillants et courageux l'un que l'autre, mais ils ont péri dix jours avant que les oligarques n'aient définitivement remporté la guerre civile. Tu avais deux ans à l'époque.
Kosmos resta sans voix.
- Et aujourd'hui ce sont toujours les oligarques qui dominent Phocée et Jogeth. Notre peuple est soumis à l'oppression inique de ces horribles despotes. Ceux-là même qui t'ont privé d'une famille et d'une vraie mère, qui t'ont contraint à vivre dans la modestie alors que la richesse et le bonheur t'étaient promis.
- Mais vous avez toujours été une vraie mère pour moi...
- Tes paroles me touchent profondément, mon fils, et grâce à toi je vais pouvoir quitter ce monde en paix, quand mon heure sera venue.
Kosmos resta un instant silencieux suite à la tirade de sa mère. Son esprit bouillonnait de pensées qui s'entrechoquaient à toute vitesse. Dire que durant toutes ses années, son unique objectif avait été de devenir une figure emblématique de l'Amirauté. Quand on l'avait poussé à l'exil, il s'était senti complètement perdu, loin d'un foyer qui en définitive n'était pas le sien. Phocée... Depuis le début c'était vers Phocée qu'il aurait dû se diriger.
- Non, je refuse, dit-il finalement tandis qu'une nouvelle idée, diffuse, insidieuse, venait le titiller. Je refuse de vous laisser partir ainsi sans rien faire alors que vous avez tout sacrifié pour moi.
- Il n'y a hélas plus rien que tu puisses faire...
Et soudain se fut le déclic. Son devoir lui apparut avec une limpidité affligeante.
- Au contraire, mère, protesta-t-il. Ces crimes perpétrés par les oligarques ne doivent pas rester impunis. Je vous vengerai, mère. Je vengerai mes parents et mes frères !
- Qu'est-ce que tu racontes ? rétorqua Herminia d'une voix qu'un nouvel accès de fatigue affaiblissait encore plus, si c'était possible. Personne ne doit être vengé. Ce serait une pure folie. Kosmos réfléchissait à toute vitesse. Il était temps de corriger sa trajectoire et de laisser l'Amirauté de côté. Quoique... Tout se mettait progressivement en place dans son esprit, à mesure qu'il analysait la situation. Non, finalement il ne devait pas renier l'Amirauté. C'était un atout beaucoup trop puissant pour être négligé, il fallait au contraire qu'il s'en serve.
- Comptez sur moi mère, déclara-t-il d'une voix assurée tout en se relevant. C'est mon devoir que de rendre à la nation phocéenne son prestige et sa fierté passés, et je l'accomplirai. Je vous en fais la promesse.
- Tout ça n'a plus d'importance, insista Herminia. Seule ta propre vie compte à mes yeux. Je ne t'ai pas révélé cette histoire pour que tu te révoltes. Je t'en prie, renonce à ce projet, il est irréalisable.
- C'est hors de question, répliqua Kosmos à présent si décidé que plus rien ne pouvait le faire changer d'avis. Ce ne sera que justice. Je trouverai un moyen de libérer Phocée.
Sa mère ne répondit pas. Mais Kosmos fut bien en peine de déterminer si c'était parce qu'elle n'en avait plus la force ou parce qu'elle s'en voulait de l'avoir amené malgré elle à un tel désir de vengeance. L'infirmière choisit ce moment pour faire irruption dans le salon.
- C'est l'heure de la piqûre, annonça-t-elle en parlant à la fois du sérum contre la propagation de l'oronariose et de la multitude d'antidouleurs qui avaient été prescrits. Je suis désolée, ajouta-t-elle à l'adresse de Kosmos, mais je pense qu'il vaudrait mieux laisser Madame votre mère tranquille à présent. La moindre discussion la fatigue énormément.
- Je comprends, soupira Kosmos en jetant un dernier regard à sa mère.
- Ta visite m'a transportée de bonheur, parvint-elle à articuler. Adieu mon fils !
- Je reviendrai vous rendre visite aussi souvent que possible, promit le jeune homme.
Et il sortit du salon en titubant. Trop d'émotions l'avaient submergé en si peu de temps : une joie intense de revoir sa mère, suivie d'une tristesse inconsolable à l'idée qu'elle était condamnée, puis finalement cette surprise assommante qui avait réveillé en lui une ancienne colère réprimée depuis longtemps. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Sam 13 Nov - 23:09 | |
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Kosmos devait rejoindre son clan de mercenaires au plus vite afin de participer à la capture de Nelrik. Il aurait un besoin vital de la somme promise en récompense par le maire d'Adopolis. Allongeant le pas, il regagna la cité d'Edylia. L'académie militaire était l'un des plus grands bâtiments. La large façade de béton contrastait avec l'aspect des maisons alentour. Kosmos entra par une double-porte vitrée, puis se dirigea vers le bureau d'accueil. Un homme au visage buriné se tenait assis au comptoir.
- Puis-je vous être utile ? demanda celui-ci.
- Sans doute, je désirerais parler au doyen Norwan Duxe.
- Je suis désolé, mais cela fait trois ans déjà qu'il a quitté Imternos, pour un poste plus honorifique, ne le saviez-vous pas ?
Kosmos fut décontenancé, il n'avait pas envisagé cette possibilité.
- Qui lui a succédé ?
- Un certain Vellas, mais il n'a pas duré longtemps. Il avait mieux à faire ailleurs. Edylia a beau être la capitale d'Imternos, elle n'en demeure pas moins un trou paumé dans laquelle peu de gradés de l'Amirauté rêvent de s'enterrer. Maintenant, c'est le commandant Hans Fuddy qui dirige l'académie. Il est jeune, à peu près votre âge, mais a démontré une maturité exemplaire. C'est un gars du coin, alors il sait comment est la vie ici.
- Hans ? s'exclama Kosmos. Doyen de l'académie ?
- Monsieur le connaît ?
- Bien sûr ! C'est un ami d'enfance. Nous avons fait toutes nos classes ensemble. Conduisez-moi à lui je vous prie.
- C'est que… le doyen est sans doute occupé, répondit le standardiste avec hésitation. Et sans preuve de votre identité…
- Tant pis. Si vous pouvez au moins lui transmettre un message, dites-lui qu'un « gosse adorant voler » est à ses portes, il comprendra la référence.
- Puisque vous insistez…
Et l'homme disparut derrière le battant d'une des portes latérales. Lorsqu'il revint, il fit signe à Kosmos de le suivre et l'entraîna dans un dédale de couloirs. La ville n'avait pas trop changé mais l'intérieur de l'académie, lui, était méconnaissable. D'autant plus que Kosmos n'en avait gardé qu'un vague souvenir. Il n'était resté que quelques mois entre ces murs, avant que Saltew, centurion à l'époque, ne l'invite sur le Site Alpha.
Quelques instants plus tard, le jeune homme pénétrait dans le bureau du doyen. Ce dernier était penché sur de la paperasse, à sa table. Il était roux et arborait la carrure imposante de l'homme qui sait ce qu'il fait. Ses traits révélaient d'ailleurs une grande confiance en lui. Il leva les yeux à l'entrée de Kosmos et esquissa un sourire chaleureux :
- Enfin tu daignes montrer le bout de ton nez ! lança-t-il. Mais qu'ont-ils fait de toi sur le Site Alpha pour que tu n'aies même pas la politesse de venir saluer tes amis en huit ans de service militaire ? Il a fallu attendre d'être banni pour revenir sur Imternos ?
- C'est plus attirant lorsqu'il y a une interdiction, plaisanta Kosmos, légèrement surpris que son ami d'enfance soit au courant de son bannissement. Mais que leur est-il donc passé par la tête, sur le Site Alpha, pour t'avoir nommé doyen ? s'empressa-t-il d'ajouter en imitant la même voix profonde que son interlocuteur.
- Tu étais colonel et même pas au courant ? C'est une place qui m'était toute désignée pourtant, n'as-tu jamais entendu parler de mon charisme légendaire ? ironisa Fuddy.
Et ils éclatèrent de rire.
- Qu'est-ce qui t'a conduit dans les parages ? haleta Fuddy. J'avais fini par croire que tu évitais Imternos.
- Le hasard à vrai dire. Je suis à la poursuite d'un dangereux savant et j'aurais...
- Un dangereux savant ! répéta le doyen, mi-étonné, mi-moqueur. Dans quel pétrin es-tu encore allé te fourrer ?
- Mes compagnons et moi serons grassement payés si nous parvenons à attraper ce fou furieux.
- Ah ! Je vois... Du mercenariat. J'espère pour toi que tu n'opères pas dans les systèmes de l'Amirauté, tu n'es pas sans savoir que nos lois interdisent ce genre d'activités. Mais bon, poursuivit-il sur le ton de la plaisanterie, de toute façon ce ne sont pas nos lois qui te retiennent, il n'y a qu'à constater ta présence ici pour le comprendre.
- Ce n'est pas parce que je suis un colonel déchu que je m'amuse à dénigrer toutes nos lois ! répliqua Kosmos. Bon d'accord, peut-être un peu, ajouta-t-il avec condescendance après un court silence, mais après tout, mes quelques débordements ne dérangent personne et vont rester entre nous. Pour en revenir à mon savant fou, j'aurais besoin d'un vaisseau afin de repartir à ses trousses. J'ai eu un léger souci avec le mien.
- Il s'est écrasé ?
- En quelque sorte.
Kosmos ne tenait pas à lui raconter son entrevue avec sa mère. Il préféra donc ne pas expliquer que c'était lui qui avait demandé à ses compagnons de ne pas l'attendre.
- Suis-moi au hangar, je vais t'en prêter un.
- Je crains qu'il ne te faille plus que prêter, car je ne compte pas revenir avant un bon moment.
Hans haussa les épaules :
- Il faut ce qu'il faut, ça m'a l'air d'être pour la bonne cause. Plus pour l'argent sans doute, mais un peu pour la bonne cause tout de même.
Sur le chemin du hangar à vaisseaux, ils évoquèrent leurs souvenirs d'enfance.
- Tu te rappelles, disait Kosmos, la fois où nous avons fait scandale à Férénia ?
- Bien sûr, nous avions libéré tout un troupeau de bangoras qu'un éleveur acariâtre maltraitait, et ce en plein voyage scolaire.
- Nous avons été exclus toute une semaine de l'école.
- Je ne regrette ce geste pour rien au monde.
- Moi non plus, et cette semaine de vacances nous a procuré le plus grand bien. Je me rappelle la tête qu'avait tirée notre instructeur.
Ils entrèrent dans le hangar en riant aux larmes. Leurs retrouvailles les transportaient de joie et avaient ravivé une grande complicité.
- C'est ici que nos routes se séparent de nouveau, reprit Hans.
- Oui, encore une fois, dans ce hangar…
- Voici un chasseur de ligne, il est maniable, rapide et doté de la propulsion hyperspatiale. Très utile pour une course-poursuite. Fais-en bon usage !
- Ne t'inquiètes pas pour ça, et merci beaucoup.
- A notre amitié !
Le doyen s'écarta, laissant son ami grimper dans l'appareil. Juste avant de refermer le sas, ce dernier lui dit :
- Tiens-toi au courant des prochains événements dans l'Amirauté, il risque d'y avoir du changement dans quelques mois.
L'appareil décolla sur cette phrase sibylline et s’éleva vers le vide sidéral. Kosmos profita de sa solitude pour souffler un peu. Son retour sur Imternos avait vraiment été riche en émotions.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Sam 27 Nov - 20:25 | |
| Le 11 juillet de l'an 2 avant la F.C.P.
Le maire d'Adopolis paya grassement pour la capture de Nelrik, que le groupe de mercenaires avait fini par coincer sur Phrygia, un monde situé à quelques milliards de kilomètres de son étoile et qui par conséquent était recouvert de glace. Le savant fou retourna donc croupir en prison sous une surveillance triplée, la peine de mort n'étant pas pratiquée sur Naxos.
Kosmos exigea du maire qu'il le paye en Unités, ce qui ne fut pas un problème puisqu'en tant que monnaie universelle elle avait cours sur Naxos. Au début de sa mission, le jeune homme avait prévu d'investir l'argent gagné dans un énième agrandissement de sa luxueuse sa villa, sur Vitae Sylva, mais son bref passage sur Imternos avait bouleversé ses projets. Bien au contraire, il vendit sa villa à un millionnaire en quête d'une résidence secondaire, décuplant ainsi ses fonds. Ajoutant ses propres économies au total, Kosmos atteignit la somme d'un million et demi d'Unités, de quoi laisser rêveur.
Il comptait, grâce à cet argent, s'acheter la permission auprès du Consul Weissenberg de disposer quelques temps de l'armée et la flotte de Mordora, le monde sur lequel il avait passé plusieurs mois au début de son exil. Connaissant bien le consul, Kosmos s'estimait capable de le convaincre. Il aurait tant à gagner à la clef, non seulement en argent, mais aussi et surtout en pouvoir, qu'il lui serait impossible de refuser. De mercenaire, Kosmos allait devenir une sorte de commanditaire : étrange ironie.
Par souci de confort, il troqua le chasseur de ligne prêté par Hans Fuddy contre une navette spécialement conçue pour les voyages interstellaires privés, et donc pourvu de la propulsion hyperspatiale. Il put ainsi mettre le cap sur sa prochaine destination. Lorsqu'enfin l'appareil émergea d'hyperespace, se retrouvant comme par enchantement en orbite de Mordora, il reprit les commandes manuelles et plongea dans les épais nuages de cendres qui enveloppaient la planète volcanique. Vivre à la surface était impossible tant l'air y était irrespirable. Aussi les habitants s'étaient-ils contentés de creuser, s'enfonçant très profondément sous la croute terrestre.
Le seul bâtiment visible depuis le ciel était l'astroport, dont la taille approchait celle d'une ville moyenne. Il était recouvert d'un gigantesque bouclier aux reflets bleutés, alimenté par l'énergie des volcans elle-même. Le dôme qu'il formait était cependant masqué dans sa quasi-totalité par des milliers de plates-formes d'atterrissage qui planaient au-dessus. En effet, il fallait tout d'abord se poser sur l'une d'entre elles, puis se rendre vers un sas d'entrée par le biais de petits véhicules monoplaces.
Kosmos respecta toutes les précautions d'usage et pénétra enfin sous le dôme. Connaissant déjà les lieux, il ne descendit pas immédiatement de son véhicule. Payer un ticket pour emprunter les transports en commun aurait été stupide, d'autant qu'à la surface les prix dépassaient largement les limites du raisonnable. Seuls les touristes se laissaient attraper. Kosmos se dirigea droit vers ce que les habitants de Mordora appelaient « le Puits », situé au cœur de l'astroport, à une dizaine de minutes environ.
Le Puits était un vaste bâtiment circulaire rempli de... cabines d'ascenseurs. C'était l'unique chemin vers les profondeurs abyssales de Mordora. Descendant à une allure vertigineuse dans des conduites de plusieurs kilomètres de long, les ascenseurs vomissaient chaque jour la foule en provenance de l'astroport.
Autant l'astroport était libre d'accès, autant l'entrée dans Mordora était réglementée. Un contrôle strict d'identité attendait tous les voyageurs à la sortie du Puits. Chacun choisissait une file et passait devant les scanners biométriques : rétinien, vocal et digital. Le tout était surveillé de haut par les Damnés, les soldats de Mordora, vêtus de leurs majestueux uniformes de combat. Lorsqu'un individu entrait pour la première fois, ceux-ci l'accostaient aussitôt et le conduisaient dans le bâtiment adjacent, une sorte de poste de douane, pour lui faire remplir des tas de paperasse et le ficher dans leur système informatique. Ayant déjà séjourné sur Mordora, Kosmos n'eut aucun souci de ce côté-là. Il passa donc sans encombre.
Il s'enfonça ensuite dans les rues de la cité souterraine, se dirigeant à pied vers le palais consulaire qui, selon ses souvenirs, n'était pas très loin. La ville était un dédale de ruelles, de ponts, de places, de tunnels et de porches. Le jeune homme parvint malgré tout devant un bâtiment aux proportions titanesques, entièrement creusé dans la roche volcanique. L'unique entrée était barrée par une lourde porte au blindage impénétrable. Deux Damnés qu'a priori il ne connaissait pas montaient la garde devant, aussi droits que des piquets. Désirant être introduit auprès de Weissenberg, Kosmos les interpella :
- Bien le bonjour ! Je suis un ami du consul. Pourriez-vous me conduire à lui ? S'il n'est pas trop occupé bien sûr...
Les Damnés restèrent de marbre. Kosmos répéta deux fois sa question, sans plus de succès. Les Damnés ignoraient totalement ses invectives, comme s'ils ne l'entendaient pas. Ils se contentaient de regarder droit devant eux. Exaspéré, Kosmos s'avança carrément sur eux, faisant mine de forcer le passage.
- Reculez immédiatement ! le somma l'un des deux gardes sur un ton impérieux.
- Enfin vous réagissez, répliqua le jeune homme qui avait obtenu l'effet escompté. Pourquoi ne répondez-vous pas ? J'aimerais simplement entrer.
- L'accès au palais est interdit aux civils, déclara le Damné.
- Allons bon ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Depuis quand les règles de sécurité sont aussi strictes ? Et pourquoi refuser ainsi les visiteurs ? Annoncez-moi simplement au consul, je me nomme Kosmos, je suis sûr qu'il acceptera de me recevoir.
En guise de réponse, les Damnés se murèrent de nouveau dans un profond silence. Kosmos n'en revenait pas. Il fallait pourtant absolument qu'il voit Weissenberg. Rentrer en force aurait été voué à l'échec, rien que les portes qui se dressaient devant lui suffisaient à l'en dissuader. Il continua donc à harceler les Damnés, espérant les convaincre, lorsqu'une voix l'interrompit :
- Vous n'obtiendrez rien d'eux.
Un mendiant vêtu de haillons s’était arrêté non loin. Il fit signe au jeune homme de s'écarter des Damnés pour discuter plus tranquillement. Kosmos obtempéra et s'approcha de lui.
- Pourquoi restent-ils muets dès qu'on parle du palais ou du consul ? demanda-t-il.
- J'ai l'explication sur le bout de la langue, répondit le mendiant en feignant une intense réflexion, c'est dingue comme la mémoire peut nous jouer des tours, parfois.
Agacé, Kosmos céda un peu d'argent, il n'avait pas de temps à perdre avec les devinettes tordues d'un mendiant et préférait aller au plus vite. Les frasques des Damnés lui avaient déjà fait perdre suffisamment de temps. Le visage du mendiant s'illumina à la vue des quelques pièces. Il les attrapa avec avidité, les cacha dans les plis de ses habits miteux et s'exclama :
- Ça me revient à présent ! Le consul a donné l'ordre à ses soldats d'ignorer tous ceux qui mentionneraient son nom où qui demanderaient d'entrer au palais. Vous avez fait les deux.
- Mais de là à appliquer cet ordre au mot près, fit Kosmos croyant fortement que c'était un mensonge de la part de son interlocuteur. Ils pourraient au moins donner des explications.
- Certains Damnés sont un peu crétins sur les bords, vous savez, ricana le mendiant. S'ils ne vous répondent pas, c'est qu'ils n'ont eux-mêmes pas d'explication valable. Ils sont dix gardes à tourner par paires, tous au bas de l'échelon, leurs supérieurs leur demandent simplement d'exécuter les ordres. Je vous jure que c'est la vérité ! ajouta-t-il devant le regard incrédule de son interlocuteur.
- Pourquoi le consul aurait donné de telles directives ?
- La raison la plus probable est qu'il en a marre que ses soldats et lui soient harcelés par les pauvres en permanence.
- C'est-à-dire ? fit Kosmos soudain intrigué.
- Ceux-ci veulent sans arrêt de l'argent et demandent à s'entretenir avec le consul pour exposer leurs doléances.
Kosmos n'en croyait pas ses oreilles. Qu'était-il passé par la tête de Weissenberg ? Il était pourtant un grand chef d'État et Mordora un monde prospère. Le nombre de réclamations populaires devait être faramineux pour qu'il se barricade ainsi. Mais comment se faisait-il qu'autant de pauvres fussent au bord de la révolte ? Il se tramait quelque chose…
- Et ils râlent pour tout et n'importe quoi, poursuivait le mendiant.
Kosmos le soupçonnait fortement d'avoir participé à ce genre de revendications, mais il n'en fit rien, ne voulant l'offenser, car il représentait pour l'instant sa seule source d'informations dans un lieu qui, contrairement à ce qu'il s'était imaginé en y débarquant, n'avait rien d'amical.
- Ce genre de restrictions m'ont l'air de ne s'appliquer qu'aux gens du peuple, reprit-il. Pourquoi refusent-ils la venue des étrangers ?
- Je vous l'ai déjà expliqué, les Damnés sont recrutés en fonction de leurs muscles et non de leur cervelle.
- Dites plutôt que vous n'en savez rien, marmonna Kosmos. Mordora a toujours été une planète accueillante. Les conditions de vie sont un peu rudes, puisqu’il faut vivre sous terre, mais jamais les étrangers n’ont été traités de la sorte.
- Vous semblez bien maîtriser le sujet, vous êtes déjà venu ici ? devina le mendiant tout en sautant sur l'occasion. Peut-être même que vous connaissez bien le consul ? Vous ne pourriez pas lui faire part de quelques requêtes pour moi ? Vous comprenez, la dernière fois que je me suis présenté au palais, j’ai été poliment éconduit et…
- Je n’en ai strictement rien à faire ! trancha Kosmos, ne voulant surtout pas que le mendiant présuppose qu'il connaissait personnellement Weissenberg. Tout ce que je désire c'est comprendre le fin mot de l'histoire. Vous n’avez pas une explication plus plausible et plus intelligente à me donner ?
- Pardonnez-moi, mais je n'ai aucune idée de la véritable raison. Nous n'avons plus vu le consul depuis des semaines, il se terre dans son palais.
- Attitude qui est tout sauf normale. Il va donc falloir que je rentre là-dedans.
- Et bien je vous laisse, le salua le mendiant en s'inclinant ironiquement, mais au vu de vos premiers essais je doute que vous puissiez passer.
- Attendez ! le héla Kosmos. Connaissez-vous un moyen plus simple pour entrer ? |
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| Sujet: Re: Confédération Phocéenne : Mémoires d'un amiral Sam 11 Déc - 22:23 | |
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- Plus simple que la porte principale, il ne faut pas exagérer. Plus discret, certainement.
- Montrez-moi, ordonna Kosmos en ajoutant quelques pièces dans le gobelet métallique que lui tendait son interlocuteur, visiblement aux anges.
Le mendiant le mena vers une ruelle latérale, le fit passer sous une arche et descendre quelques marches, puis s'arrêta devant une grande grille d'évacuation qu'il ouvrit en faisant habilement jouer les gonds.
- Ceci est une des cheminées de la fonderie, située à des kilomètres en dessous. En ce moment c'est l'heure de la pause, il n'y a donc pas toutes les vapeurs suffocantes habituelles. Le conduit descend en pente relativement douce jusqu'à une trappe. Vous ne pourrez pas la rater parce que c'est impossible d'aller plus loin. La cheminée décrit un coude juste après et plonge verticalement dans les tréfonds de la terre, vers la fonderie. Derrière la trappe, vous trouverez un tunnel secret qui débouche au sous-sol du palais. Une fois à l'intérieur il faudra vous débrouiller seul et vous ne pourrez pas faire marche arrière.
- Mais comment savez-vous tout ça ?
- C'est souvent utile d'avoir quelques bons tuyaux, expliqua-t-il avec un clin d’œil malicieux, notamment quand de riches étrangers demandent de l'aide, sans viser personne. N'oubliez pas de refermer la trappe, il ne s'agit pas d'enfumer tout le palais quand les ouvriers d'en bas reprendront le travail.
- Et bien merci beaucoup, je crois que je vais opter pour ce passage-ci.
Le mendiant s'éloigna l’air particulièrement content de lui. Il avait bien gagné sa journée. Pendant ce temps, Kosmos se glissait dans le conduit. Celui-ci plongeait en à-pic quasiment vertical, une rude partie d'escalade s'annonçait.
- Relativement douce, bougonna-t-il, tu parles !
Il descendit prudemment, lentement, cherchant des prises sûres à tâtons. La suie encrassait la cheminée et rendait les parois glissantes. Le jeune homme dérapa à plusieurs reprises, mais sa concentration et son agilité lui permettaient de se rattraper in extremis. Enfin, au terme de cette périlleuse et éreintante descente, il trouva ladite trappe, cachée sous une épaisse croute noire. En équilibre au-dessus du trou, il dégagea l'entrée et s'engouffra en rampant dans le tunnel secret.
Il ressurgit quelques mètres plus loin, par une fausse bouche d'aération, dans une salle éclairée par la lueur blafarde d'un néon. Son visage était maculé de noir. Il avait l'air d'un guerrier qui s'était peint le visage avant de se lancer à la bataille, ce qui au final n'était pas loin de la vérité. La pièce était encombrée de caisses métalliques tailles diverses. Kosmos se dirigea vers la porte de sortie et pressa un interrupteur pour l'ouvrir. Heureusement le consul ne s'attendait pas à une infiltration de l'intérieur, la reconnaissance rétinienne servant à l'ouverture de la porte n'était demandée que pour entrer dans la salle.
Le jeune homme erra dans les couloirs. Il ne savait pas où aller car il n'était jamais descendu au sous-sol du palais durant son séjour. Finalement il trouva les escaliers et, sur le mur, un plan du palais. Il l'examina attentivement, le marquant dans sa mémoire et le faisant coïncider avec ses propres souvenirs, puis il grimpa à l'étage supérieur.
Lorsqu'il atteignit le palier, une voix masculine retentit derrière la cloison. Quelqu'un approchait. Vite ! Il balaya la cage d'escalier du regard : rien, aucune échappatoire. Au moment où les battants de la porte s'ouvrirent, Kosmos se jeta par-dessus la rambarde et se suspendit dans le vide.
- C'est toujours à nous qu'on refile le sale boulot...
- Cesse de râler et obéit !
- Non mais c'est vrai, j'en ai marre à la fin ! Des agents d'entretien pourraient très bien s'en charger. Nous on est des soldats.
- Tu dis vraiment tout et n'importe quoi quand t'es en colère. Il n'y a pas d'agents d'entretien au palais. Le consul n'a confiance qu'en ses gardes, tu le sais bien. Tu devrais bénir le ciel qu'on nous ait affectés au rangement de ces caisses plutôt qu'au nettoyage des latrines.
Les deux gardes étaient tellement absorbés par leur discussion qu'ils descendirent sans voir Kosmos suspendu au rebord du palier, juste sur leur droite, à quelques centimètres. Ils sortirent de la cage d'escalier en râlant. Le jeune homme reprit sa respiration, qu'il avait retenue durant le passage des Damnés, puis il se déplaça jusqu'aux marches à la force des bras. Il bascula ensuite par-dessus la rampe de l'escalier, remonta sur le palier et sortit à son tour, mais par l'autre porte.
Il avança au hasard dans les couloirs troglodytiques, se remémorant tant bien que mal le plan qu'il avait lu, et finit par déboucher sur un endroit qu'il reconnut. Plusieurs groupes de Damnés patrouillaient dans les couloirs, mais ils faisaient tellement de bruit, certains d'être seuls, que Kosmos put les éviter sans peine à chaque fois, empruntant un autre passage ou se cachant dans une anfractuosité de la roche. De fil en aiguille, il gagna le hall central, une vaste salle dans laquelle deux patrouilles effectuaient une ronde permanente. À l'autre bout se trouvait l'ascenseur principal, le seul moyen d'accéder au dernier étage du palais, à savoir le bureau du consul.
Trois scientifiques en blouse blanche apparurent par une porte latérale. Ils comptaient sans nul doute utiliser l'ascenseur pour monter au laboratoire, quelques étages plus haut. Ce serait serré, mais Kosmos devait saisir sa chance. L'un des scientifiques approcha son œil du scanner rétinien et une lumière bleue jaillit. Kosmos s'élança à cet instant précis et traversa le hall en sprint. Les gardes, décontenancés par cette brusque irruption, mirent quelques secondes avant de faire feu. Quelques secondes de trop...
Le jeune homme plongea entre les portes de l'ascenseur qui s'ouvrait tandis que les scientifiques s'écartaient vivement, effrayés par cet homme à la chevelure blanche qui fondait sur eux. Une rafale de balles transperça le mur de la cabine, rafale qui aurait pu réduire Kosmos à l'état de gruyère s'il ne s'était pas plaqué au sol. Les portes se refermèrent lentement. Une nouvelle salve ricocha contre le blindage. C'était trop tard, Kosmos était passé.
La cage commença sa lente ascension vers le dernier étage. Pendant ce temps, Kosmos se préparait, il y aurait sans doute des gardes en haut. Par le biais d'un haut-parleur, on annonça qu'un intrus avait pénétré dans le palais. Puis une alarme stridente se déclencha, signe qu'il était désormais devenu l'homme le plus recherché de Mordora. L'ascenseur s'arrêta enfin.
- Sortez où je tire ! ordonna l'un des Damnés en faction à l'étage.
Aucune réponse, la cabine était vide. Pourtant l'alerte avait été sonnée, un homme était entré dans l'ascenseur principal. Le Damné s'avança légèrement. Il mourut en un éclair, dans un craquement sec. Kosmos, accroché au plafond de la cabine, venait de basculer sur ses épaules et, d'un coup vif du bassin, lui avait brisé le cou.
Sans attendre, Kosmos se jeta sur un autre soldat, debout juste à côté de l'entrée, encore ébahi de stupeur. À l'autre bout du couloir, un troisième Damné fit feu. Kosmos se retourna prestement, utilisant le corps du deuxième garde comme bouclier humain. La panse de ce dernier vola en lambeaux. N'ayant pas le temps de dégainer la sienne, Kosmos saisit l'arme que le mort tenait encore dans sa main et abattit son dernier adversaire.
Il était maintenant seul dans le couloir. La première chose à faire était de placer le corps d'un des Damnés à cheval entre le palier et la cage d'ascenseur, de façon à ce que personne ne puisse rappeler de dernier d'en bas. Une porte au blindage de titane le séparait encore du bureau consulaire, et donc de Weissenberg. Sa façon d'accueillir les visiteurs et de se terrer ainsi dans son palais surprotégé était vraiment inexplicable. Le seul moyen d'entrer était de passer son œil devant le scanner. Malheureusement Kosmos n'avait pas les yeux des gardes. Quoique…
Il s'agenouilla auprès d'un cadavre, sortit un canif de son ceinturon et décolla méticuleusement le globe oculaire du garde, veillant à ne pas l'abîmer. Les orbites, gorgées de sang, se rétractèrent dans un ignoble bruit de succion. Le jeune homme présenta ensuite l'œil au scanner qui balaya l'iris d'un faisceau bleuté. Quelques secondes plus tard, un déclic se fit entendre et la porte se souleva, divulguant le bureau du consul.
C'était une vaste pièce pauvrement meublée : une table basse dans un coin, quelques étagères sur lesquelles reposaient de vieux livres, deux ou trois commodes pour ranger diverses affaires et, au centre de la pièce, un large bureau. Weissenberg y était attablé, assis dans un fauteuil ancien. Il tournait le dos au nouveau venu.
- Est-ce ainsi que tu accueilles tes amis ? lança Kosmos d'un ton agacé.
Silence.
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