2 avril 2287
-Capitaine Richard Mac Calhun, matricule Z65-47-1C4
La voix du général Mickael Alexander avait fait vriller mes tympans comme si on avait fichu une perceuse dessus. C’était son habitude d’agir de la sorte et ça ne m’impressionna pas plus que ça.
-Chef, oui, Chef, répondis-je fièrement en bombant un peu plus le torse.
Satané garde-à-vous ! Il me faisait un mal de chien ! Ça devait faire trois plombes qu’on était plantés comme des idiots à attendre la fin du discours un tantinet pompeux de notre ami le Président, qui parlait des ravages des Skaarjs à l’autre bout de la galaxie. En regardant autour de moi, je voyais que les sept unités qui composaient ma section se tortillaient aussi comme des vers, attendant, non sans une certaine impatience de pouvoir se libérer, à la fois de cette crampe monstrueuse, et de notre commanditaire, qui, franchement était tout aussi insupportable. Ce petit détail ne devait pas avoir échappé à Alexander, et à coup sûr, il allait me passer un sacré savon. Faire partie (et même dans mon cas commander !) la 12ème section d’infanterie lourde, c’est franchement la classe, mais y’a des moments ou on sait qu’on aurait mieux fait de rester couchés. C’est pas amusant tous les jours d’être soldat ! On doit couper tout lien et par dessus tout ne pas en créer. Alors pas de femme, pas de gosse sur Terre, et (heureusement, vu les planètes qu’on se coltine) pas non plus sur d’autres planètes ! Mais personnellement je me fiche éperdument de tout ça. C’est pour moi un honneur et une fierté de servir. J’ai certainement pas le temps pour ce genre de « batifolages »
-Avez-vous écouté ne serait-ce qu’une seule bribe de ce que (il sembla hésiter un instant… et je m’étais mis à douter qu’il soit tout aussi intéressé par ce qui avait été dit) Monsieur le président vient de présenter.
Allais-je gentiment lui faire remarquer que pour ce genre de bavardages porteurs d’un profond ennui, des chaises n’auraient pas été de trop ? Non... C’était mon supérieur quand même !
-Bien sûr, répondis-je simplement. Les Skaarjs, la guerre tout ça…
J’entendis ma section ricaner. Mais le président, lui ne semblait pas d’humeur aussi joueuse.
-Je n’en ai pas perdu un morceau, Monsieur. Mais si je puis me permettre, la position que nous occupons est… quelque peu inconfortable, alors… Mon attention a du… s’émousser un peu…
Le Président campa devant moi les mains jointes derrière le dos, il respirait vraiment fort. Je l’avais mis en rogne ? Il soupira bruyamment et vint poser son visage à quelques centimètres du mien.
Et c’est que notre Grand Supérieur c’était loin d’être Mr Univers ! Et j’ai énormément de peine à me l’imaginer torse nu en train d’exhiber son corps d’athlète. Ses yeux retranchés dans ses orbites roulaient compulsivement et faisait défiler à toute la section son faciès évocateur d’un singe qui venait de découvrir un accélérateur de particules.
-Et ça vous fait rire Calhun ?
-Non, Monsieur, lui répondis-je, en me forçant à ne pas exploser.
-Bien! conclut-il sèchement.
Et il retourna à sa position initiale, et je cru l’entendre marmonner quelque chose du genre « Ce genre de type qui font la fierté du N.E.G… »
Pour les amnésiques, les Disparus ou tout ceux qui liront ce journal si le N.E.G (et je l’espère) n’est plus qu’un lointain morceau d’Histoire, N.E.G signifie New Earth Governement, ou Gouvernement de la Nouvelle Terre. Ce gouvernement qui avait été mis en place en 2215 pour lutter contre les Skaarjs, qui d’ailleurs avaient rasé une partie de la planète durant le 7 days siege.
Le briefing sembla durer une éternité. Il continuait à nous rabâcher sans cesse l’enjeu de s’immiscer dans une Conquête Guerrière qui ne nous concernait même pas. Les enjeux n’étaient pas aussi clairs que ce que l’on voulait nous faire croire, mais du moment où nous nous sommes engagés, nous savons que nous sommes de fait contraint à agir selon le protocole d’invasion pacifique, pour éviter que les Citoyens trop mécontents ne fourvoient une révolte. Nous savions très bien que cette entraide intergalactique en session extraordinaire n’est qu’un absurde prétexte pour plomber les « envahisseurs » avant de squatter soi même avec ses petites troupes d’invasions pacifiques et temporaires. Dont évidemment nous étions les pions. Enfin pas des pions à proprement parlé parce que vue notre statut de combattants d’élite, il allait de soi que nous étions plutôt des pièces lourdes. Mais c’était quand même agaçant de participer à une telle opération aussi loin de chez nous, et en plus avec des méthodes pas très orthodoxes.
Lorsqu’enfin au bout de quelques heures, et quelques centaines de répétitions (qui paraissaient d’ailleurs être prolongée spécialement pour notre grand plaisir) plus tard, le Grand Chef se décida à nous libérer, nous saluâmes le gratin du NEG puis nous sortîmes de la salle (soit dit en passant où on crevait de chaud en tenue d’apparat) où se tenait la réunion et on se dirigea vers nos baraquements. Ma foi ce sont de bien jolis bâtiments ! Certainement plus agréables que ceux que l’on reçoit en mission. Le complexe est très grand, aussi faut-il marcher pendant un bon moment avant d’y arriver. Enfin au moins ça dérouille. Et en plus il faut dire qu’on en jette, toute la 12i, en tenue de clown en plus, marchant comme des amis de toujours, riant et braillant, chantant des chansons étranges et autres joyeusetés qui se répercutaient sur les murs des bâtiments qui abritaient les tout nouveaux troufions. Faut dire que l’on donne pas le meilleur exemple, mais en fait dans l’immédiat on s’en fichait un peu, on ne gardait en dehors des missions aucun concept de grades. Il n’y avait pas de colonel de capitaine ou de docteur Jackson ou de je-ne-sais-pas-trop-quoi, en dehors de l’enfer, je redevenais pour tout le monde Richard ou Rick. Et ils ont plutôt intérêt à s’y plier vu que le dernier qui avait enfreint cette règle a fini avec le nez cassé, (et j’avais d'ailleurs fini avec une petite mise à pied, mais peu importe). Depuis, le type en question ne m’en veut pas, malgré qu’il soit deux grades au dessus de moi, mais en plus, on entretient des rapports réguliers. Donc tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Arrivés dans le baraquement de notre section, chacun partit de son côté. Je m'écrasa sur mon lit de camp, tout particulièrement inconfortable, et attrapa un bouquin au pif. Un magazine technologique. Génial. Moi qui ai une sainte horreur de tout ce fourbi électronique... Ça m'occupera jusqu'au briefing de la mission qui devait nous être assigné cet après-midi. Je feuilleta sans passion et les circuits imprimés, ordinateurs high-tech et femmes en formes présentant des gadgets insipides. Une publicité retint toutefois mon regard, à la partie armement et technologies de guerre: un petit article de quelques lignes, en dessous de celui sur le dernier CleanerX4.
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C'est sur ces mots accrocheurs que le NEG a annoncé l'apparition d'une émission d'un genre totalement nouveau et qu'ils promettent un excellent divertissement. Jerl Liandri, président de la Liandri Mining Corporation, et connu pour être celui qui a soumis le projet à M. S. Wright est resté assez vague sur le concept du jeu et s'est abstenu de toute divulgation. Il faudra donc attendre Janvier pour en savoir plus... Car c'est à cette date qu'est prévue la première diffusion. Wait and see.
Mattew Kamalan
Je jeta le magazine à l'autre bout du lit, et mon regard se plongea sur le plafond parfaitement blanc. Je n'avais pas entendu Jean, ma seconde s'approcher du lit. Lorsque je me rendit compte qu'elle était là, je baissais les yeux: elle était en train de remettre le bouquin en état. Cette manie me fais bien marrer. Le reposant sur la table, elle me lança un regard de biche qui n'avait plus rien de militaire. Jean était une guerrière accomplie, particulièrement violente, mais en dehors du champ de bataille c'était sans doute la plus féminine de toutes les femmes-soldats, et pourtant depuis le temps que je bourlingue j'ai eu l'occasion d'en voir des centaines et bien souvent elles sont dénuées de tout ce qui fait une femme et sont bien souvent plus attirées par les flingues que par le maquillage; bien entendu si c'est tout à leur honneur sur le champ de bataille – on peut facilement éprouver leur propre soif de violence et de sang lors des combats, en dehors c'était particulièrement agaçant de ne pas trouver un autre sujet de conversations que le boulot ou les tableaux de chasse respectifs. Me décochant un sourire a en coller une crise cardiaque, elle se détourna aussi soudainement qu'elle avait souri et elle n'adressa plus un mot à personne.
Le temps passa trop lentement à mon goût. Lorsque le repas fut terminé je quitta le mess et me dirigea dans le coin des branles-manches, enfin, je veux dire, l'administration...
Les cinq membres de ma brigade étaient là. Un type déguisé en sapin de Noël les contraignaient à laisser leur habitudes de côté, et nous dûmes nous saluer officiellement. En prenant ma place (toujours debout, il faut croire qu'ils étaient trop pingres ou trop feignants pour installer une flopée de siège dans la salle de briefing) je remarqua que deux corps étaient présents: la 4ème d'artillerie légère, dirigée par le très adoré Jonathan Shanks, que bizarrement je n'aime pas du tout, il faut croire que je veux me rendre « intéressant », et la 15ème d'Assaut blindé, commandée par le très respectable Victor « Frostbite » Callaway, qui vaut son surnom à la fois pour sa capacité de survie en milieu extrême et aussi parce qu'il est vraiment très chaleureux dans son genre. C'est un mec que j'admire énormément mais à vrai dire, j'ai vraiment une trouille monstrueuse de ce type! Refusant de leur accorder un regard de plus parce que le sapin s'approchait dangereusement, je repris une posture « décente » et on attendit, Dieu sait combien de temps, jusqu'à ce qu'un haut-gradé se décida enfin à nous expliquer les détails de l'opération.