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 Post-Humanité(s)

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Syllas

Syllas


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Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire
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MessageSujet: Post-Humanité(s)   Post-Humanité(s) Icon_minitimeMar 11 Jan - 2:59

[HRP]Oh, je n'annonce pas de grand retour triomphal (et vain, mon emploi du temps demeurant lourd, malgré mon congé actuel), non non, je me contente de poster une petite nouvelle (fin', je corrige: de taille raisonnable... c'est pour ça d'ailleurs qu'elle est dans ce sous-forum ci. 25 pages word en petit format me semblent suffisantes) sur ce TA que j'ai vu grandir, avant de le perdre de vue. Ais remarqué en passant dans les catégories quelques connaissances (Teclis, De Vaane, Grendelor, Kosmos, entre autres et pour ne pas les citer).

Pour ce qui est de la genèse de cette nouvelle (vous remarquerez, si vous êtes connaisseurs de mon travail, comme certains anciens, que mon style s'est affiné), et bien, c'était à l'origine une transgression par rapport à mes canons du RP. Mon RP est froid, industrialisant, de la bonne vieille Hard-SF où le seul inconnu, c'est la profondeur de l'univers, avec pour seule espèce une humanité pas si différente de celle de nos jours. C'est l'univers de l'UTE, et je ne l'ai pas abandonné.
Cette-nouvelle-ci prend place environ 20.000 ans après l'époque de l'Union, dans une des lignes temporelles possibles (je me réserve le droit de créer d'autres avenirs^^). Beaucoup de choses ont changé, et j'ai pu m'entraîner ) de nouveau thèmes et styles (ancien que des anciens, revisités), avec, je suppose, un succès variable.

Mais je n'ai pas fait que ça depuis l'année et demi que j'ai passé hors de TA (beaucoup de choses ont changé, j'ai remarqué, dans le staff et l'organisation, mais globalement, le site est resté fidèle à lui-même). Je suis en train d'écrire un roman: pour l'instant 450 pages en taille 11 environ, et j'ai grosso modo passé la moitié. En plus, plus de quarante pages de notes, de personnages, de plans et de citations. Bref, c'est du gros, et j'ai bon espoir d'être publié lorsque le tout sera bouclé, corrigé et re-corrigé, soit dans une grosse année et demi. Ca n'est pas que du rêve, sinon je ne l'afficherais pas ouvertement: j'ai eu d'excellent retour en montrant des extraits à d'autres que mes proches.

Une mention: Toutes mes œuvres sont protégées par la convention de Berne et les règlements concernant la propriété intellectuelle. Qui plus est, la société Hegemony se réserve le droit de poursuivre en justice les auteurs de plagiat. (mention légale issue du copié-collé que j'utilise toujours, et cela vaut en plus de la protection que le forum s'était déjà arrangée pour avoir du temps d'Aëringor, avec Creative Commons).

Enfin bref, comme d'habitude, je disserte trop. Place à ma nouvelle: étant donné la longueur des sous-chapitres, je ferais un post pour deux sous-chapitres, ce qui rendra l'intrigue plus limpide aussi.

Bonne lecture.

Votre amiral Nikolaï Syllas d'Acre.[HRP]


Dernière édition par Syllas le Mar 11 Jan - 3:06, édité 4 fois
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Syllas

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MessageSujet: Re: Post-Humanité(s)   Post-Humanité(s) Icon_minitimeMar 11 Jan - 3:00

Post-humanité(s)

1

Chancelant un peu, Max Lasena se glissa péniblement à travers la foule en délire, et parvint à tomber sur l’un des tabourets entourant le bar de marbre noir, derrière lequel une sorte d’être androgyne, élégamment habillé d’une toge très légère, servait les clients aussi vite que ses trois bras le lui permettaient. Reboutonnant sa chemise, Max lui commandant un drink, n’importe lequel, pourvu qu’il fût grand et particulièrement alcoolisé, et rapidement un verre géant rempli à ras-bord d’un liquide vert clair et très pétillant se matérialisa devant lui.
Au cours de la dernière demi-heure, il était passé par les bras de huit femmes, et probablement quelques hommes aussi, même si ses souvenirs s’emmêlaient un peu ; comme d’habitude, sa mémoire n’était pas bien longue. La fatigue commençait à la gagner, aussi avait-il laissé ses compagnons de jeu pour traverser ce temple romain géant, construction gigantesque et absurde, pléthore de colonnes corinthiennes et ioniennes, de chapiteaux tarabiscotés, de bas-reliefs représentant des bacchanales tout juste aussi infernales que celles se déroulant dans la réalité. Sur une paroi se détachait, large de plusieurs mètres, un immense visage d’un dieu vieillard, nommé Jupiter, Mithra, Yahvé, Osiris ou Baal, personne ne s’en souvenait exactement, dont le culte depuis longtemps oublié n’avait laissé qu’une relique grotesque et vaine servant à présent à une compétition de lancer d’œufs d’autruche. Au plafond, des dômes se perdaient dans les ténèbres, là où la lueur d’interminables cierges noirs ne parvenait plus, ni celle de la lune, géante et gibbeuse, qui apparaissait à travers l’énorme ouverture centrale du toit. Au sol, autour d’un bassin d’atrium démesuré où barbotaient quelques demi-douzaines de personnes, la fête faisait rage depuis un temps indéterminé. Des hommes et des femmes plus ou moins habillés dansaient, s’embrassaient, riaient, dormaient, courraient, jouaient avec la délicate nourriture qu’une armée de domestiques en pagnes blanc clair apportait sans discontinuer. Une musique, endiablée et originaire du vide entre la lune et les fêtards, donnait à l’endroit une atmosphère unique, comme si une seule et unique pulsion cardiaque faisait vivre tous les hommes présents ici.
Au bout de la moitié, Max commença à sentir l’effet de l’alcool, et sa fatigue disparut progressivement, remplacée par une euphorie probablement due aux autres produits présents dans le liquide. Qui sait ce que l’hermaphrodite versait dans ses boissons ? De toutes façons, personne ne s’y intéressaient, et tous retournaient rapidement à la fête, reprendre une orgie là où ils l’avaient laissée, ou un peu plus loin, peu importait.
Une main lui saisit l’épaule, et le tira par derrière. Il fit tomber son cocktail au sol – où les éclats de verre et le liquide verdâtre disparurent presque à l’instant de leur contact avec les vénérables dalles de marbre. C’était Diane, sa compagne du moment, qui, avec un grand sourire, l’emmenait manu militari à travers la fête. C’était une fille délicieuse, à la taille svelte et aux cheveux roux sombres descendant en spirale jusqu’à ses épaules, et parfois même un peu plus bas. Sa toge était un peu déchirée sur le côté droit, laissant par moment entrevoir un sein, ce qui n’inquiétait personne, tandis qu’elle ne portait plus qu’une seule sandale. Ses lourdes boucles d’oreilles dorées en forme de serpent, dignes d’une Cléopâtre, bougeaient au rythme de sa marche sautillante.
Finalement, ils atteignirent l’autre extrémité de la fête, et, par un petit couloir dérobé que Max n’avait pas repéré, la quittèrent, pour se retrouver sur une terrasse. Bizarrement, après quelques mètres, la puissante musique pulsante s’était évanouie, remplacée par une mélodie plus douce et langoureuse. Au milieu de la terrasse, près d’une fontaine représentant Neptune et Vénus, un couple s’embrassait manifestement, mais le reste de l’endroit était vide.
Il s’installa avec Diane sur le rebord, à partir duquel on avait une vue plongeante sur Rome : la cité s’étendait à perte de vue, ses avenues silencieuses étaient magnifiques, ses palais de marbres gigantesques. Le Cirque Maxime, resplendissant même dans la nuit, s’étendait en contrebas, ainsi que la basilique Saint-Pierre, de l’autre côté du Tibre, tandis que sur la ligne d’horizon, la lune terminait son voyage nocturne – alors qu’à l’intérieur de leur temple de Jupiter et de Bacchus elle était encore au zénith. Une bise soufflait paisiblement.

-Pourquoi est-ce que tu es parti tout à l’heure, Max ? Demanda Diane, daignant enfin remarquer la déchirure de sa toge, tâtant distraitement du bout de ses doigts le tissu endommagé.

Max haussa les épaules, et caressa doucement la poitrine de sa compagne.

-Un coup de fatigue soudain, je ne sais pas pourquoi. J’avais besoin de me reprendre.

Elle le regarda, perplexe, avant de tourner sur elle-même en un mouvement, se retrouvant assise sur le muret, les pieds pendant dans le vide du dénivelé d’une trentaine de mètres séparant la terrasse du forum de Trajan. Sa deuxième sandale tomba, mais elle n’en eût cure – elle savait bien que dès qu’elle le désirerait, il y en aurait une nouvelle paire prête.

-Si tu ne veux plus être ici, Max, on peut aller ailleurs, susurra-t-elle en passant un bras autour de ses épaules, il parait qu’on donne de magnifiques courses de voitures au Cirque, ou qu’il va y avoir de nouveaux sacrifices à la Pyramide du Soleil. Ça ne te dit rien ?

Il soupira, pas encore totalement débarrassé de l’impression étrangement vague qui l’avait saisi dans un moment de bonheur total. Il était en plus gêné de déranger Diane, dont l’empathie naturelle faisait que son ressenti s’étendait à elle.

-Ca n’est rien je te dis, on peut rester. Et puis on a été au cirque la semaine dernière…ou le mois dernier, je ne sais plus.

Elle resta une seconde silencieuse, les pieds se balançant au-dessus du gouffre. Puis, elle hocha la tête, faisait s’entrechoquer ses cheveux spiralés.

-Bon, je t’attends à l’intérieur, avec les autres, viens quand tu te sens mieux. Soit heureux !

Elle l’embrassa goulument, avant de s’éclipser discrètement. Max resta seul à profiter du vent agréable qui balayait la terrasse où régnait une fin de nuit éternelle. Toujours perdu dans ses pensées, il balaya la ville du regard.
Cette Rome était belle et calme. Elle s’étendait aussi-loin que portait le regard, succession ininterrompue de monuments gigantesques, de colisées, de palais sublimes de marbre blanc, d’arcs de triomphes érigés à la gloire des généraux d’une époque lointaine, de forums où se pressait une population aveugle et inexistante de plébéiens menant une existence sans plaisir. On aurait cru que Rome couvrait toute la planète, même si ça n’était bien entendu pas le cas. Durant ses derniers voyages, avec Diane ou avec d’autres, il avait été au Caire, à Babylone, à Dehli, à Jérusalem, à New York où encore à Karakorum. Chacune de ses villes semblait tout aussi infinie que Rome, tout aussi voluptueuse, tout aussi spectaculaire.
Lentement, Max se leva, secouant la tête pour chasser ces étranges pensées. Il n’était pas censé se faire d’idées là-dessus. Aussi quitta-t-il la terrasse à son tour, pour retrouver la fête de minuit. .La musique sauvage refit son chemin jusqu’au milieu de sa chair, poussé par cette pulsion, il commença à s’agiter, à rejoindre groupe sur groupe, vaguement à la recherche de Diane.
Cela arriva alors qu’il parvint juste au pied d’un buste de marbre de la plus noble facture, représentant un vieillard aux traits altiers, couronné de lauriers, au visage fermé et sérieux. Au pied de la colonne soutenant le buste de ce César, de cet Auguste au nom depuis longtemps oublié, deux ivrognes copulaient en toute sérénité, à côté d’un plat de fruits renversé au sol.
Max tituba, soudain traversé d’étranges spasmes. Il voulut crier, mais tout ce qu’il aurait pu dire était comme dissout par la musique violente, soudain devenue insupportablement forte.
Il trébucha, et tenta de se raccrocher à Justinien. Mais sans qu’il n’ait le temps de n’avoir aucun contact avec la pierre séculaire, il disparut sous les yeux figés du grand Basileus.


2

Sodor Hufalko était ahuri par sa découverte, et voyait déjà les millions d’Unimonnaie rejoindre son compte, au Satellite Principal. Les quatre autres membres de l’équipage du Fadrei III étaient eux aussi ravis, conscients qu’ils auraient leur part, et mettaient les bouchées doubles pour boucler le travail aussi vite que possible. Il fallait qu’ils couplent l’énorme vaisseau colonial terrien à leur petit cargo afin de pouvoir utiliser l’hyperpropulsion, et sortir aussi vite que possible de l’espace des Okhellos, avant que ces derniers ne remarquent ce qui se tramait. Et, considérant le rapport entre la masse de leur astronef, et celle du titan primitif qu’ils avaient trouvé parcourant l’espace normal à faible vitesse, tous systèmes éteints en dehors de l’informatique de bord, il y avait du boulot pour les mettre en synchronisation.
Lorsque Hufalko était monté à bord, il n’en avait pas cru ses yeux. Des milliers d’humains, parfaitement conservés, alignés dans des caissons de stase. Sa découverte était un vaisseau colonial terrien géant, d’après l’ordinateur de bord, un cuirassé de la Fédération Terrienne Unie antique, classe Unity, reconverti, et utilisé plus de trente milles années minkanoviennes auparavant. Ce type de découverte le ferait entrer dans le folklore de la marine marchande, en plus, bien entendu, du très sélect Club Selen de la capitale, où se retrouvaient les minkanoviens les plus riches.
Tout cela en tête, Hufalko patrouillait nerveusement dans la salle des machines de l’antique vaisseau terrien. Ses propulseurs étaient morts depuis une éternité, et c’était sa seule inertie qui l’avait encore poussé lors de la découverte, poussé droit dans l’espace Okhello. Toute l’électronique de la propulsion était hors service, et les piles à énergie primitives vidées. En fait, les systèmes de cryostase fonctionnaient apparemment encore grâce à un collecteur d’énergie cosmique placé à l’avant du Léviathan, dispositif désespérément dépassé, mais apparemment d’une efficacité providentielle. Des humains morts avaient une valeur bien moindre que celle d’humains en vie, tout Minkanovien savait cela.
L’ingénieur du Fadrei III installait dans l’espace dégagé de la salle un créateur de champ d’inertie, qui, une fois activé, permettrait à un champ d’inertie artificielle d’entourer le vaisseau, et rendrait possible l’entrée de concert dans une fenêtre d’hyperespace. La tâche n’était pas de tout repos, car il fallait reconfigurer tous les paramètres, l’endroit était proprement unique. En plus, il fallait que l’inertie reste supportable, pour éviter que la précieuse cargaison humaine soit endommagée avant la vente. Hufalko percevait la motivation et la passion de sa fidèle mécanicienne-chef, ainsi que, vaguement, quelques pensées techniques : Polarité inversée sur 24-11, mise en place d’un réseau artificiel de gravitation, connexion à l’ordinateur du Fadrei III, etc…
Par principe, le capitaine du cargo ne s’immisçait pas dans les pensées de ses subordonnés, et espérait que jamais ceux-ci le ferait. C’était extrêmement grossier de le faire – sauf quand on était intime, bien entendu. Rien n’était plus beau pour lui que de partager parfaitement les émotions avec sa femme, restée sur Minkanov, et leurs symbioses psychiques pouvaient durer toute la nuit parfois.
Soudain, une vague de contrariété, puis de panique lui parvint de façon étouffée depuis l’un des niveaux supérieurs du vaisseau. Intrigué, Hufalko activa le communicateur inclus dans sa combinaison de voyage. Mais on l’appela avant qu’il n’ait le temps de rien dire :

-Patron ?
-Oui ? Qui est là ?
-C’est Karojal, je suis au niveau 17, et je crois que Zadevex vient de faire une bêtise.

Hufalko fronça les sourcils. Son navigateur avait toujours été très maladroit, et il fallait toute la compétence de son second pour l’empêcher d’emmener le Fadrei III à la ruine.

-Quoi encore ?
-Heu patron…et bien, fit la voix jeune et mal assurée de l’incriminé, j’étudiais le panneau de fonctionnement d’un des coffrets de stase, quand j’ai éternué… J’ai dû appuyer quelque part, par erreur. Le machin ici émet de drôles de bruits…

Hufalko jura, et annonça qu’il se mettait tout de suite en route. Il imaginait le prix d’un humain en Unimonnaie, et combien d’années de retrait sur le salaire du navigateur il faudrait pour qu’il rembourse une éventuelle connerie. Il grimpa quatre à quatre les marches de l’escalier interne – les ascenseurs étaient morts depuis longtemps dans ce machin datant des premiers âges de la civilisation – jusqu’à l’endroit indiqué sur l’ordinateur de son casque, tout en maudissant le fait de ne pouvoir se gratter le menton du bout des doigts, geste nerveux qui lui servait à externaliser sa perplexité et son mécontentement.
Le jeune navigateur était là, près de l’une des unités de cryo-stase. Si la plupart d’entre elles étaient entrées dans les parois, ne laissant apparaitre qu’un panneau latéral petit et métallique, celle-ci semblait avoir glissé sur son rail, pour faire voir un corps d’homme, apparemment encore endormi – Louée soit la puissance des Computs ! Encore en vie ! –. Zadevex, très maigre dans sa combinaison argentée, avait reculé de quelques pas, et son visage pâle était clairement visible à travers la verrière de son casque, ainsi que ses cheveux blonds. Sa peur suintait jusqu’au cœur de l’esprit du capitaine.
Le second était lui de l’autre côté du couloir, et examinait une console émettant une faible lueur. Karojal avait toujours était meilleur que les autres pour l’apprentissage aidé par machine. Cela donnait trop mal à la tête à Hufalko, aussi, sa licence de capitaine de cargo en poche, il avait définitivement abandonné la pratique. Mais le second, lui, avait tenu à apprendre la langue terrienne la nuit dernière, restant sous le projet d’ondes cervicales, les dents serrées, son malaise presque inexistant, mais tout de même insidieux, pénétrant dans l’esprit du capitaine par le lien mental unissant tous les Minkanoviens. Certains racontaient que les Hemlins avaient des méthodes d’apprentissage assisté presque instantanées… mais on racontait tant de choses sur eux que ça n’était pas fiable.

-Bon, qu’est-ce qui se passe, l’artiste ?

Un peu honteux, Zadevex expliqua ce qu’il avait fait, ainsi que l’endroit où il avait appuyé. A ce moment, le dispositif aurait émis un sifflement très fort, et le sarcophage aurait quitté la paroi, s’avançait jusqu’au point où il était maintenant. Et, peu à peu, des voyants étaient passé du bleu sombre au vert clair.
A peine avait-il fini que Karojal déclara, impassible, sans quitter les indications des yeux :

-Il se réveille.

Hufalko étouffa un « merde » sonore, et demanda :

-Pas moyen de le replacer en stase ?
-Non, fit le second en secouant la tête de haut en bas, pas assez d’énergie. Apparemment le réseau mental qui relie tous les passagers est déjà en train de le déconnecter, et toutes ses fonctions corporelles se réactivent. Il va reprendre conscience dans les cinq minutes au plus tard, je pense.

Tout en communiquant à Zadevex une vague de colère et de mécontentement, le capitaine prit sa décision :

-Rutgel, disposes-tu d’un marquage sur l’humain en stase à proximité de nous ?
-Positif, répondis la voix calme et féminine en provenance du Fadrei III, marquage disponible.
-Dans ce cas-là, transporte-le dans notre infirmerie de bord dès que ses signes de vie seront normaux, et place-le dans un environnement sécurisé jusqu’à notre retour.
-Compris, capitaine. Transport en stand-by…
-Daduq, où est-ce que tu en es ? Demanda-t-il ensuite.
-Presque fini, patron, répondit la mécanicienne-chef, j’ai juste besoin d’activer la génératrice, et d’initialiser le champ. Cinq centi-rotations, pas plus.
-Okay, dépêche-toi.

Nerveusement, il commença à faire les cent pas dans le couloir, où le sarcophage de cryo-stase émettait de temps en temps un sifflement sinistre. Il tâtait les émotions de Zadevex sans retenue, pour lui montrer son mécontentement et sa déception. Trop d’argent était en jeu pour se permettre ce genre de bêtises. En plus, il percevait de temps en temps un flash émotionnel en provenance de l’humain, confirmant la prévision de Karojal
Soudain, la voix artificielle de Rutgel, la puissante Intelligence embarquée du Fadrei III, retentit dans leurs casques :

-Capitaine, les scanners détectent l’approche d’un astronef non identifié. Cela pourrait être un vaisseau Okhello. Quelle conduite dois-je adopter ?

Hufalko serra les dents. Il ne manquait plus que cela : les Okhellos. Ils n’avaient pas la réputation d’être tendres avec ceux violant leurs frontières « sacrées ». La perspective des millions d’Unimonnaie s’éloignait atrocement.

-Attend d’avoir la confirmation de l’identification, et prépare le passage en hyperespace, ainsi que les boucliers. Prépare la synchronisation avec le vaisseau terrien, et marque-nous pour un éventuel transport d’urgence. Attend la suite de mes ordres.
-Compris, capitaine. Soyez prudent…

Il hocha doucement la tête, se surprenant à se dire que Rutgel était probablement le membre d’équipage le plus raisonnable du Fadrei III.

-Ici salle des machines, fit la voix de soprano de Daduq, j’ai bouclé le champ d’inertie et je ramasse mes outils. Bon pour le départ ?

Le visage de Hufalko s’éclaira.

-Oui, parfait. Karojal ?
-On peut transporter notre invité.

Avec soulagement, le capitaine ordonna à l’Intelligence de bord de tous les transporter à bord. Après un minuscule picotement, sans transition pour ses six sens, il se retrouva sur la passerelle étroite du Fadrei III, avec les autres. L’humain avait disparu.

-Rutgel, cria-t-il immédiatement, fais-nous partir aussi vite que possible en hyperespace avec l’autre tas de ferraille.
-Destination : territoire du Protectorat de Minkanov ?
-Oui !

Tout le cargo du parcouru d’un frémissement infime, tandis que, lentement, les hyperpropulseurs se déployaient hors de la coque arrière, commençant à créer un champ de distorsion de l’espace, afin d’aménager une fenêtre leur permettant de gagner le subespace, démultipliant à terme leur vitesse relative à l’espace conventionnel.

-Danger, annonça la voix de l’Intelligence, alors même que Zadevex gagnait à peine son poste, croiseur Ohkello identifié, vecteur convergeant au nôtre. L’appareil est à portée de tir.
-Affichage principal ! Combien de temps avant le passage en hyperespace ?
-Temps avant hypernavigation : quarante-trois milli-rotations.

Sur l’écran tridimensionnel qui s’était matérialisé, la série de chiffres et de symboles représentant le croiseur Okhello était beaucoup trop proche. Il tira un coup de semonce, qui se dispersa dans l’espace à quelques dizaines de milliers de longueurs de vaisseaux à tribord.

-Danger, repris l’intelligence, le vaisseau a ouvert le feu sur nous. Les protocoles dictent un arrêt des machines et l’ouverture de la communication.
-Ignorer !
-Capitaine, réception d’une transmission en provenance du vaisseau Okhello.

Après un instant d’hésitation, Hufalko accepta la transmission. Sur le petit écran holo de son siège apparut le commandant du vaisseau Okhello. Comme tous ceux de son espèce, il était grand et assez trapu, à la peau vaguement violacée, avec un cou particulièrement étiré, aboutissant à une tête triangulaire, depuis laquelle deux petits yeux noirs le détaillaient. La voix était caverneuse et parlait avec un fort accent, qui semblait chaque fois mettre en avant la dernière syllabe d’un mot :

-Ici le commandant Zdar Yarrik du Rafo Dadob. Vous avez violé l’espace sacré d’Okhello en connaissance de cause. Désactivez vos moteurs et préparez-vous à être abordé !

Serrant les dents, Hufalko répondit du tac au tac :

-C’est faux, nous sommes ici en espace Minkanovien, monsieur, mon ordinateur de bord est formel. C’est vous qui commettez un acte de piraterie envers un bâtiment commercial !

L’Okhello ne fut pas déconcerté aussi longtemps que le capitaine du Fadrei III l’avait prévu, et coupa la com.. Un tir à impulsion de précision partit du Rafo Dadob, et toucha le cargo, traversant sans peine son bouclier, pour mettre hors d’usage l’un des deux propulseurs hyperspatiaux. Instantanément, le système d’arrêt d’urgence coupa le deuxième, à cause des risques de la dissymétrie du champ de distorsion. Lentement, le frémissement des machines ralentit.
Ils étaient coincés. Hufalko s’efforça de dissimuler sa peur aux autres, mais il sentait leurs esprits désemparés se tourner vers lui.
Qu’allait-il faire ?

-Rutgel ? Prépares-toi à procéder aux modifications suivantes sur les enregistrements de bord…

Pendant que l’Intelligence effaçait par dizaines les données compromettantes de son disque-gel, à trois compartiments de la passerelle, dans l’infirmerie, l’humain ramené par erreur à la vie s’éveillait.
Pour la première fois depuis une éternité, Max Lasona avait ouvert les yeux, et contemplait, en proie à la plus profonde terreur, la réalité.


Dernière édition par Syllas le Mar 11 Jan - 3:04, édité 1 fois
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Syllas

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MessageSujet: Re: Post-Humanité(s)   Post-Humanité(s) Icon_minitimeMar 11 Jan - 3:01

3


Le Satellite Principal était visible depuis les cinq autres satellites, ainsi que depuis le spatioport de l’orbite. En fait, la planète gazeuse autour de laquelle tout ce complexe tournait portait un nom pour chaque culture qui s’y rencontrait, mais, généralement, on se contentait de l’appeler la Centrale, car toutes les routes spatiales – ou du moins une majorité suffisante – s’y rejoignaient.
Un trafic extrêmement dense parcourait les autoroutes de l’espace entourant cette partie-ci du système stellaire. En plus de la Centrale, une planète habitée ajoutait à l’importance du pôle commercial, même si ses habitants, les Irisiens, n’étaient qu’une culture humanoïde de la brochette basse des civilisations spatiales. Non, ce qui rendait le système d’Iris célèbre, c’était assurément le Satellite Principal. Depuis des milliers d’années Minkanoviennes, il était considéré comme étant le centre du pouvoir dans cette moitié de la galaxie. Tous les diplomates, tous les chefs d’Etats en quête de légitimité, tous les commerçants s’y retrouvaient. Cela car les cinq plus puissantes espèces de cette partie de la galaxie y siégeaient en un condominium plutôt équilibré qui avait assuré jusqu’ici une paix relative qu’ailleurs on regardait avec envie.
On racontait que la construction elle-même de la Station, sorte de grossière sphère grise et blanche de douze kilomètres de rayon, hérissée de hautes tours semblables à des aiguilles effilées, était l’œuvre des Grands Hommes, espèce dont l’existence se perdait dans les brumes de l‘antiquité galactique, et que seuls les Hemlins affirmaient avec certitude avoir connu. Deux des cinq autres stations, beaucoup plus petites, losanges irréguliers, étaient Minkanoviennes, bien plus récentes. Deux autres étaient Jarikalites. C’étaient des bijoux d’ingénierie spatiale, formés d’une série de tores reliés les uns aux autres par des arches élancées, nouvelles preuves du savoir-faire d’une espèce de grands architectes, qui avaient toujours rêvé d’entrer au conseil sans y parvenir. Enfin, la dernière station était celle des Vanadiens, et était aussi atypique que cette espèce lointaine, vivant dans la bordure de la galaxie : Elle se présentait sous la forme de plusieurs cylindres bleu sombre, connectés les uns aux autres à leur extrémité, selon un modèle irrégulier.
Le spatioport était quant à lui très différent : c’était un assemblage géant de bric et de broc de parties d’autres stations spatiales, d’anciens vaisseaux et diverses constructions ajoutées les unes après les autres au fur à mesure que le trafic au Central s’accroissait. N’empêchait que ce « témoin manifeste de l’imperfection des espèces intelligentes de la galaxie », pour reprendre un mot d’esprit qu’un hemlin a une fois prononcé à ce sujet, était à présent presque aussi massif que la réalisation des Grands Hommes, et probablement encore plus cosmopolite, avec ses milliers de petits vaisseaux et navettes, ses interminables docks, ses ponts commerciaux, ses centaines de milliers de chambres d’hôtel, etc...
Jas’o Cerlin connaissait bien l’endroit, y ayant passé une bonne partie de sa vie, et pourtant il lui arrivait encore par moment de se perdre dans les niveaux supérieurs, lorsque, croyant prendre un raccourci, il pénétrait par erreur dans une pseudo-virtualité quantique, et se retrouvait à l’autre bout du spatioport, dans un quartier inconnu, transpercé du regard par des yeux étrangers des habitants miséreux des sections inférieures. Mais actuellement, il n’avait pas le temps pour cela : il était pressé de rejoindre la navette où se trouvait son client.
Normalement ce dernier aurait eu droit à un avocat Minkanovien, ce qui avait attiré la curiosité de Cerlin lorsque l’affaire lui avait été soumise, mais, apparemment, on avait exhumé une vieille règle de droit Condominial qui obligeait à tout membre d’une espèce A, découvert avec un membre non-consentant d’une espèce B, sur le territoire d’une espèce tierce C à choisir un avocat parmi une espèce autre que A, B ou C. Donc le capitaine du cargo Minkanovien avait sollicité le Barreau Jarikalite du Central afin d’obtenir un défenseur, et, après quelques échanges de bons procédés auprès de ses supérieurs, Cerlin avait eu l’affaire, même s’il n’avait pas encore tout saisi.
Apparemment, son client avait été pris en flagrant délit de violation du territoire Okhello – ce qu’il avait, sagement, nié, prétextant une erreur de navigation. Les Okhellos avaient beau être brutaux et xenophobes, ils tenaient toutefois leurs engagements, et, comme ils avaient signé la grande convention sur la justice interstellaire, afin de récupérer une place une Conseil, ils étaient astreints à présenter ces cas devant la Cour de Justice du Satellite Principal.
Cela n’empêchait pas Sobor Hufalko d’être sous bonne garde, songea pensivement Cerlin en arrivant dans le sas d’accès à la navette qui servait de lieu de détention au capitaine minkanovien et à son équipage : deux escogriffes Okhellos flanquaient la porte, l’air pas commode, armes à projectiles bien en évidence, leur peau violacée tranchant avec l’intérieur gris de la station, avertissant chaque intrus que ceci n’était définitivement pas le chemin des toilettes. Déjà que son espèce était peu plus petite que les humanoïdes, il se sentait particulièrement mal à l’aise face à ces géants taciturnes qui faisaient semblant de ne pas le regarder. Il s’approcha de celui qui portait les insignes les plus élevés :

-Sergent, je suis maître Jas’o Cerlin, l’avocat choisi par le capitaine Hufalko.

Il agita sous leur regard ses accréditations électroniques. Le garde prit le petit disque métallisé, et l’inséra, imperturbable, dans un appareil, puis le retira, en faisant signe au Jarikalite d’entrer. Les Okhellos avaient pour réputation d’entendre dans l’ultra- et l’infrason : peut-être l’appareil émettait-il un signal dans ces fréquences-là. A moins qu’il sache parfaitement qui il est, et que ça n’était là que pour l’inquiéter.
Haussant ses épaules osseuses, il passa le sas, et pénétra dans la navette.
Hufalko l’attendait avec impatience, et montra une grande chaleur et joie à sa vue – pour un Minkanovien. Lentement, prudemment, parlant à mots couverts – qui savait si les Okhellos n’avaient pas truffé de micros l’endroit ? – il expliqua à Cerlin la situation : le vaisseau terrien découvert à la frontière du territoire Okhello, leur découverte, le bref combat et la capture. Pendant deux semaines, ils avaient étés retenus sur un des mondes secondaires des Okhellos, avant d’être expédié ici. Il n’avait pas la moindre idée de qui était arrivé aux précieux humains à bord du vaisseau colonial. Quant à celui qu’ils avaient réveillé…

-Que vous avez réveillé !? S’exclama Cerlin, bouche bée, cessant de tapoter ses six doigts les uns contre les autres.

Le visage de Huflako s’assombrit, et il désigna le garçon installé sur une banquette derrière, son navigateur.

-C’est ce crétin qui a appuyé par erreur sur la fonction réveil. Quoi qu’il en soit, apparemment les Okhellos ne savaient pas quoi faire avec l’humain réveillé, et ils l’ont donc placé sous sédatifs. Il est ici à bord, dans un autre compartiment à ce que je sache.

Cerlin gigota nerveusement à l’intérieur de sa tunique serrée. Un humain réveillé était un problème assez grave, car pouvant activer les lois concernant la maltraitance d’humains votées une quarantaine d’années minkanoviennes plus tôt. A l’époque, le trafic d’humains centré sur Minkanov avait atteint des proportions incroyables, et des chasseurs de tête, payés par les Minkanoviens, parcouraient les anciens secteurs humains à la recherche de la perle rare, n’hésitant pas à, par moments, violer les frontières de la Réserve Naturelle Humaine, sur Kyra, ou encore à poursuivre les nomades, qui, comme à leur habitude, ne s’étaient pas laissés faire et avaient mené des compagnes de terreur dans les districts extérieurs minkanoviens en représailles. Les Vanadiens, scandalisés par cela, avaient alors proposé au Conseil de voter des lois protégeant les humains, ce que les Okhellos avaient accepté de voter avec joie, pour affaiblir les Minkanoviens. Les Hemlins avaient voté blanc, à leur habitude, pendant que les Constructeurs de Pyramides avaient voté pour, sans réellement que l’on sache pourquoi. Il en avait résulté un grand affaiblissement des Minkanoviens, dont de nombreuses procédures de clonage dépendaient d’un approvisionnement régulier en cellules humaines. Tout cela faisait que ce qui touchait aux lois sur la maltraitance d’humains avait tendance à être un baril de poudre diplomatique.
Sur le plan purement juridique, Cerlin pouvait avec une assez grande certitude affirmer qu’il parviendrait à sortir Hufalko de là, mais si des considérations politiques s’en mêlaient, il ne garantissait plus rien…
Les Minkanoviens lisaient bien les émotions et certaines pensées des humanoïdes – eux-mêmes étaient génétiquement très proches des humains –, mais beaucoup moins bien celles des autres espèces. Toutefois, le visage du capitaine montra bien qu’il avait saisi en gros le sens des pensées du Jarikalite.
Il lui demanda ce qu’il allait faire. Après une bonne minute de réflexion, Cerlin annonça qu’il allait prendre ses précautions…


4


Le maître Cerlin pestait contre les systèmes du spatioport. Toujours une panne, toujours une réparation interminable, toujours un embouteillage dans les Pneumatubes qui assuraient le déplacement à travers le dédale du complexe. Ils revenaient juste de l’hôpital du Central, situé dans une des stations Jarikalites. Là-bas tout était impeccable et fonctionnait perpétuellement bien. Le personnel était hautement compétent, et l’air embaumait la douce senteur des forêts de Jarikal. L’humain avait été convenablement ausculté afin qu’un certificat médical paraphé par trois médecins assermentés prouve qu’il n’avait subi aucun mauvais traitement. Une nécessité absolue s’il ne voulait pas que son client se retrouver coincé dans une situation peu enviable. Ça avait été vite fait et bien fait dans un environnement propre et efficient.
Mais ici…
D’une certaine façon, on comprenait rapidement que la station était en grande partie tenue par des humanoïdes et des ferrailleurs. La communauté Irisienne était très importante, ainsi qu’une demi-douzaine de petites espèces, dont quelques-unes, qui, spoliées de leurs mondes par les guerres qui ravageaient en permanence l’autre moitié de la galaxie, avaient trouvé refuge ici. Tout cela créait un substrat malsain de misère hostile qui n’était pas pour rien au délabrement de larges districts du spatioport, et à la nécessité permanente d’en construire de nouveaux plutôt que de restaurer les anciens.
Cela faisait que Cerlin était de plus en plus mal à l’aise à attendre devant la bouche du Pneumatube. Une petite file s’était formée derrière eux, et l’infirmier également Jarikalite avait l’air tout aussi gêné. Enfin, rajoutant à la panique de l’avocat, les sédatifs commençaient à perdre leur effet sur l’humain, qui regardait lentement autour de lui, avec un intérêt très tinté de panique.
Finalement, l’écran du tableau de commande du Tube s’éclaira, et, plein d’espoir, Cerlin le fixa. Sa fureur fut considérable lorsque les mots « HORS SERVICE 32 » s’affichèrent – trente-deux possédant peut-être une signification métaphysique lui échappant –, provoquant un soupir écœuré parmi la foule.
Décomposé, l’avocat ordonna à l’infirmier :

-Vite, il faut l’emmener au prochain Tube.

Ils se retrouvèrent à courir dans la foule du Pont Inférieur, l’humain se laissant de moins en moins facilement tirer. De temps en temps, il émettait un meuglement préoccupé, comme un étrange bovin, faisant augmenter l’inquiétude de Cerlin. Que se passait-il s’il retrouvait toutes ses facultés ? Ici ? Si les gens se rendaient compte que c’était un vrai humain, vierge de toutes modifications génétiques, une émeute éclaterait, chacun étant prêt à tuer l’autre pour rapporter l’homme à l’ambassade Minkanovienne.
Il sentait les regards de centaines d’humanoïdes et d’autres espèces darder leur petit groupe. Ils étaient trop bien habillés, parlaient de façon trop Haute, se dépêchaient trop ostensiblement. D’un autre côté, y aller lentement risquait tout autant d’accroître les risques.
Cerlin mordit sa lèvre inférieure gauche, et, enfin, aperçut au loin la lueur jaune du panneau indiquant la présence d’un Pneumatube. Cet anneau du Pont Inférieur était assez peu large, mais très haut : on distinguait mal le plafond, et plusieurs entresols étaient visibles, passerelles anarchiques jetées entre les deux parois du Pont. Le moindre mètre carré sur les côtés était utilisé pour une échoppe, un hôtel, un bordel, une entrée d’habitation. La foule présente au niveau du sol ajoutait encore à la confusion, les gens se bousculant sans vergogne, criant, riant, observant en silence.
Soudain, alors même que le courant semblait l’alléger, il s’orienta à droite, les obligeant à se diriger vers un corridor de traverser du Pont. Le panneau jaune du Pneumatube disparut de leur champ de vision, pendant que, d’une voix faible, l’humain posait ce qui était manifestement une question, dans sa langue natale.
Cerlin jura, et tenta de faire marche arrière, mais se heurta à un mur de visage butés. Des Irisiens, des Rakeliens et quelques autres humanoïdes, voire peut-être, au fond, un Ohkello. Ils poussaient le petit groupe toujours plus en avant dans les tréfonds les plus mal famés du Spatioport. Cerlin savait qu’ici son communicateur ne lui serait d’aucune utilité, à cause des interférences, et que de toutes façons, en cas de pépin, il serait mort longtemps avant l’arrivée d’hypothétiques secours.
Une trouée se présenta devant lui. Il n’hésita pas, saisissant d’une main la manche du vêtement ample d’hôpital de l’humain, et de l’autre la blouse de l’infirmier, il les fit tous s’engouffrer dedans en courant. L’homme avait des ratés en marchant, mais parvint péniblement à suivre, zigzaguant plus qu’il ne courait. Des clameurs grasses, parfois des rires, parfois des cris de contrariétés provenaient de derrière eux, mais ils ne se retournèrent pas, profitant du miraculeux salut offert par cette étrange trouée.
Ils tournèrent un dernier coude, et, tout à coup, tout prenait fin. Le couloir se terminait par le sas d’un vaisseau, et la foule avait disparu, se contentant dorénavant de faire un bruit hostile derrière eux, à une distance respectable.
Cerlin avait failli heurter l’un des deux individus debout devant eux, ne l’évitant qu’au prix d’une contorsion absolument inadaptée à son corps. Ils étaient immenses, probablement plus grands d’une tête de plus que les Okhellos, facilement de deux que leur humain, et très maigres. Vêtus de lourds équipements noirs, partiellement cuirasses partiellement combinaison de vol, ne dévoilant que par endroits leur taille svelte à en être presque maladive, ils portaient à la taille un long pistolet à impulsion à droite, et une dague courbée à gauche. Quelques circuits informatisés parcouraient leur torse, indiquant que l’ensemble avait aussi fonction de scaphandre si nécessaire. En remontant, Cerlin vit enfin leurs visages : deux têtes extrêmement pâles, plutôt allongées vers le haut pour des humanoïdes, avec des cheveux noirs de jais, des yeux blanc océanique et une fine bouche, au pli sévère.
L’homme saisit Cerlin par le collet, et le souleva sans trop de difficultés. Il avait des doigts très longs, terminés par un ongle effilé chacun. Les veines étaient visibles sous sa chair blafarde.

-Que fais-tu ici, Kmurr Jarikal ? Demanda-t-il d’une voix raisonnant de l’accent du fin fond de l’espace.

C’étaient des Nomades, les derniers humains libres, même s’ils n’avaient plus grand-chose en commun avec l’exemplaire déniché par Hufalko. Vivant toute leur existence à d’immenses flottes, de Hordes, ils ne devaient allégeance à personne, et leurs capacités au combat étaient craintes par toutes les marines spatiales de cette moitié de la galaxie, à l’exception, peut-être, des Hemlins. La majorité des gens ne les considéraient pas comme des humains, même si leur code génétique en était plus proche que ceux de Hemlins ou encore des Minkanoviens, comme le prouvait le fait que la foule de la plèbe de la station restait à distance craintive. Même les plus fous n’auraient cherché à capturer un nomade pour le vendre aux Minkanoviens.

-Je… nous cherchions un Pneumatube, pour monter au Pont Supérieur, bafouilla Cerlin, fixant le regard bleu du nomade.
-Il n’y a pas de Pneumatube ici, Kmurr. Sais-tu qui je suis ?

Il fit « non » de la tête, de haut en bas.

-Je me nomme Miejane Stiraï, et suis Atabeg. Et votre présence ici, kmurri, m’insupporte.

Du coin de l’œil, il vit l’autre, la femme, s’approcher de leur Humain, et approcher sa main de son visage, pour l’étudier. Ce dernier écarquilla les yeux, et fit un bond en arrière, manquant de tomber.

-Que c’est intéressant, fit, doucement, la voix, très grave pour une femme, de la nomade, et que comptiez-vous faire avec ce pactole ? C’est comme ça que vous les considérez, vous, les sédentaires, non?

Cerlin commençait à sentir des fourmillements dans les jambes, et tremblait de tout son corps – signe de stress quasi-universel.
La rumeur derrière eux enfla, la Nomade ayant confirmé ce à quoi songeait la majorité de ces gens. La situation était réellement intenable. Pitié que quelqu’un ait remarqué notre absence en haut, s’entendit-il prier mentalement. S’il était un excellent avocat, il était bien évidemment quasi-incapable de se battre, même contre un autre Jarikalite, alors contre un Nomade, ou même une foule. Son peuple était un peuple de constructeurs civilisés, par de destructeurs plus ou moins barbares, de spectres de l’espace.
Tout à coup, la poigne de fer se desserra. L’atabeg le laissa tomber. Il fut incapable de se rattraper, et fit un grand écart par terre, grimaçant de douleur.
Lorsqu’il se releva, le nomade l’avait contourné, et faisait face à un individu s’étant détaché de la foule. C’était un énorme humanoïde, deux fois aussi large que Stiraï, qui tenait dans chaque main de longs couteaux à froid, et affichait un visage clairement hostile. Le nomade, qui n’avait même pas encore esquissé de geste vers ses armes, contemplait, plein de dégoût sur sa face blême, l’humanoïde du spatioport.

-Tu oses lever une arme vers moi, kmurr ? Siffla-t-il, fixant le visage hostile de l’autre.

Pour toute réponse ce dernier poussa un hurlement, et se précipita vers Stiraï. Ce dernier esquiva deux énormes moulinets terminés par des lames, et, se retrouvant derrière d’agresseur, donna un coup de ses coudes blindés dans sa nuque. L’individu s’affaissa sans un mot. La femme nomade, elle n’avait pas bougé, et regardait alternativement l’humain et le « combat », un petit sourire aux lèvres.
Lentement, Stiraï tira sa miséricorde, et, faisant se retourner sur le dos le corps de l’attaquant, entrepris de tracer avec des signes sur son visage, signes de l’écriture nomade. Puis, après avoir essuyé la lame sur le vêtement de sa victime, renvoya celle-ci d’un coup de pied puissant dans la foule. Une rumeur inquiète s’en était emparée, et elle recula de plusieurs pas.
Il se retourna vers un Cerlin au paroxysme de la panique.

-Par l’esprit du Feu, dit-il, je n’ai plus de patience, décampe immédiatement Kmurr, avant que je ne décide de m’emparer de ton bien.

Il désigna d’un doigt arachnéen l’humain, qui, de plus en plus terrifié, avait reculé jusqu’à la paroi métallique, et tournait frénétiquement la tête dans toutes les directions. Se voyant désigné, il tomba par terre, et se cacha le visage dans ses mains.
Désemparé, Cerlin s’apprêtait à donner l’ordre à l’infirmier de le relever et de pénétrer dans la foule lorsque, soudain, celle-ci se sépara en deux. Quatre policiers d’ambassade en uniforme Minkanoviens apparurent, escortant une femme en élégante robe jaune sable se mariant à la perfection avec ses cheveux châtain clair retombant en cascade dans son dos. Un pendentif triangulaire argenté caractéristique ornait son front.
Elle jugea la situation en quelques instants, et s’avança. Devant le nomade, elle joignit les paumes de ses mains en baissant doucement la tête. Stiraï, après un clignement d’yeux surpris, imita le geste, suivi par sa compagne. Un salut nomade ?

-Qui es-tu, toi, kmurr ? Demanda-t-il.

Elle se fendit d’un léger et aimable sourire, et s’expliqua :

-Je m’appelle Emera Gonfalno ; je suis la deuxième adjointe de l’ambassadeur du Protectorat de Minkanov.

Les narines du nomade s’évasèrent.

-Que nous veux-tu ? Provoquer une nouvelle fois mon peuple ? Nous n’avons pas oublié ce que vous avez tenté de nous faire, et si ta présence m’est insupportable.
-Je ne demande pas mieux que de partir, grand Atabeg, mais j’aimerais prendre avec moi cette chose.

Elle désigna à son tour l’Humain. Stiraï eut un sourire sardonique, et déclara, avec un petit geste de la main droite :

-A ce que je vois, la cupidité des minkas est restée inchangée. Prends-le, il n’est pas à moi, et disparait de ce lieu.

Elle ne se le fit pas dire deux fois, et, sur un signe, deux policiers minkanoviens encadrèrent l’Humain. Puis, se retournant vers Stiraï, elle refit le signe des paumes. Il resta de marbre, regardant à travers elle.
Les nouveaux venus disparurent aussi vite qu’ils étaient arrivés, faisant se disperser la foule. Sans un regard pour Celin et l’infirmier, les nomades passèrent le sas de leur vaisseau, lequel se referma rapidement derrière eux, ne laissant qu’une pièce nue et vide, et un avocat se demandant désespérément comment il allait pouvoir gérer cette situation impossible.


Dernière édition par Syllas le Mar 11 Jan - 3:04, édité 1 fois
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Syllas

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MessageSujet: Re: Post-Humanité(s)   Post-Humanité(s) Icon_minitimeMar 11 Jan - 3:03

5

Il chercha de la main l’emplacement qu’elle avait occupé, mais ne trouva que le vide sur les draps blancs soyeux où ils avaient dormi après s’être connus. Max ne conservait que peu de souvenirs, une sorte de concentré incohérent et s’étirant sur un temps indéterminé d’images peu claires, de silhouettes grotesques et hostiles, et finalement, des bras de sa Diane, qui venait tout juste de le quitter, comme la chaleur de la couverture l’indiquait. L’absence de linéarité n’inquiétait pas trop Max ; souvent, après une fête comme celle de Rome, les pensées s’entremêlaient confusément, et jamais on n’en gardait un souvenir particulièrement clair. L’essentiel était qu’il sentait autour de lui un environnement sûr, et qu’il avait sa compagne du moment à proximité.
Où ?
Où était cet endroit sûr ? Où était-elle ?
Péniblement, il ouvrit les yeux, et regarda autour de lui, pour découvrir avec perplexité qu’il n’avait jamais été ici auparavant. Pas de colonnades corinthiennes grotesques, pas de dômes étincelants dans le lointain, par de lune rouge sang Aztèque dans le ciel. Non, une pièce, assez grande, carrée, sans fenêtres, baignée depuis des endroits indéfinis par une lumière blanc-jaune très agréable. Une porte, dans un coin, battant étrange sans poignée. Des meubles métalliques aux formes élancées, d’étranges, projections lumineuses au-dessus d’un bureau.
Elle émergea d’une étroite porte latérale, portant une ample robe beige, toute simple. Ses cheveux d’or sombre retombaient artistiquement sur ses épaules, et il irradiait d’elle une aura qui ne le laissait pas indifférent.
Pourtant, il la regarda comme si elle était un démon, pendant qu’elle réajustait son frontal triangulaire, juste au-dessus de son nez.

-Où es Diane ? Articula-t-il, montrant, sans en avoir conscience, les dents.

L’autre ne parut pas le moins du monde inquiétée. Le visage totalement inexpressif, elle s’installa sur un tabouret lévitant en face, et croisa les jambes. En grognant, Max se releva, et, après une seconde, se laissa tomber sur le bord du lit – pour constater qu’il ne reposait sur aucun support et flottait également quelques centimètres au-dessus du sol.
Il devenait de plus en plus perplexe. Quelque chose n’allait pas avec ce qu’il disait. Pas ce qu’il avait voulu dire, mais la façon dont il l’avait dit, sans qu’il ne parvienne à mettre le doigt dessus…

-Nous t’avons soumis à la machine, Max, dit l’autre, avec un étrange accent chantant, pour que tu parles notre langue. Sinon, ça aurait été beaucoup plus difficile.

Bouche bée, il la fixa. Mais, plutôt que de s’engager plus en avant, il réitéra sa question, ressentant toujours au passage la gêne de la langue :

-Où est Diane ?

Les épaules de l’inconnue s’affaissèrent légèrement, mais son visage reste de marbre.

-Elle n’est pas ici. Elle n’a jamais été ici.

Max se mordit les lèvres, ne comprenant plus rien. Il avait le souvenir flou mais décisif de sa présence, charnelle, à ses côtés, et voilà que…

-C’était moi, dit-elle tout à coup simplement. Ton espèce aime tellement prendre ses désirs pour des réalités qu’il suffit d’une petite poussée dans le bon sens au bon moment…

Elle mima le geste avec l’index et le pouce. Max serra les dents et fin « non » de la tête, de droite à gauche. L’inconnue le regarda avec un brin de curiosité, avant de redevenir totalement sérieuse.

-Je n’ai pas eu beaucoup de difficultés à trouver la dernière femme avec laquelle tu as été proche, et à tromper ton cerveau primitif, poursuivit-elle. C’était une expérience intéressante… même si franchement dégoûtante quand on y pense. Enfin, ça a été d’autant plus de facile dans cette situation de voir ce que tu avais derrière la tête.

Il ne saisissait plus rien à ce qu’elle racontait. Son regard divagua, allant d’elle jusqu’à la table la plus proche du lit, vide, puis à la porte. Peut-être qu’en fonçant…

-Même en fonçant, tu ne sortiras pas d’ici, fit-elle, le glaçant de terreur. Mais je comprends que ce que je dis ne t’intéresse pas. Ton espèce ne s’est jamais intéressée qu’à sa petite nature limitée. Mais, si tu es ici, c’est pour une autre raison. Je….

Elle s’arrêta, avant de pincer les lèvres, un peu dégoûtée.

-Par pitié, couvre-toi, c’est écœurant à la longue !

Rougissant de honte, il saisit la couverture, et s’enroula dedans. Le soulagement visiblement non simulée de l’inconnue accentua son impression.

-Je voudrais que tu me dises précisément la façon dont tu vivais jusqu’ici…


-…Par moments, lorsque le transport dans la navette atmosphérique durait trop longtemps, nous n’attentions pas plus longtemps pour commencer la nouvelle fête. Quelques comprimés suffisaient presque toujours à nous remettre d’aplomb, et, de toutes façons, nous n’avons jamais étés capables de comprendre ce qu’il y avait dedans, ni ce qu’il y avait dans les boissons qu’on nous servait. C’était pareil pour les orgies, on ne cherchait pas à savoir avec qui on était, on se contentait d’y être, et les choses se faisaient par elles-mêmes. On avait jamais besoin de réfléchir plus de cinq minutes à l’avance, tout nous était apporté, c’était le bonheur en quelques sortes.
-Est-ce que tu regrettes de ne plus y être ?
-Je ne sais pas... peut-être bien, oui.

L’image holographique en gros plan sur le visage de Max s’arrêta, et disparut lentement, laissant la salle du Conseil en silence. C’était une pièce ronde au plafond haut, constellé d’orbes de tailles variables et déversant une lumière irréelle sur l’endroit. Six estrades, surmontées chacune d’un siège, occupaient une moitié du cercle, réparties de façon ordonnée. En face, une série de tribunes flottait à quelques mètres au-dessus du sol : tout en haut, loin, au fond, celles des spectateurs, plus proche, les tribunes des représentants commerciaux et agences de presse, et enfin, au plus proche, celles du personnel diplomatique. Au niveau du sol, une série de sièges à lévitation avaient étés installés afin de transformer la Salle du Conseil en tribunal : s’y pressait une foule de représentants ; des Minkanoviens et des Okhellos principalement, ainsi que quelques Jarikalites, qui, comme souvent, officiaient en tant qu’experts-juristes.
Du reste, cinq des six places du Conseil étaient, comme d’accoutumée, occupées. A l’extrême gauche pour les spectateurs, la représentante Minkanovienne, une vieille politicienne très solennelle dans sa longue robe blanche et bleue, le frontal doré bien en place, les doigts joints en une attitude de contemplation pensive.
Un peu plus à droite, le représentant des Okhellos, aussi grand et violacés que les autres de sa race, sa tête triangulaire affublée des grandes oreilles qui leur poussaient avec l’âge. Ses doigts puissants, agrippés aux accoudoirs de son siège, semblaient frémir après le visionnage de l’holocapture.
Le siège du centre gauche, situé entre l’Okhello et l’Hemlin, était vide, et sa vacuité indiquait à chacun la présence supérieure ayant forgé, des dizaines de milliers d’années auparavant, le Condominium : les Grands Hommes, espèce aujourd’hui disparue, sans que l’on sache si cela s’était fait de son plein gré, ou par l’extinction.
La place suivante était occupée par une Hemlin. C’était une femme, bien proportionnée, portant une combinaison noire et violette très près du corps et simple. Sa tête était ceinte d’un serre-tête complexe, doté de deux barrettes parallèles à mi-hauteur. Son visage était absolument fermé. Les Hemlins étaient l’espèce la plus puissante et avancée de la galaxie, mais également l’une des plus atypiques. Totalement dépourvus d’émotions – ce qui les rendait opaques aux Minkanoviens, car unique –, aussi anciens que les Grands Hommes, ils ne vivaient que par et pour la recherche scientifique et la technologie… ce qui n’était pas sans créer des jalousies, des mystères et de nombreuses peurs. Mais jusqu’ici jamais les Hemlins n’avaient tenté la moindre expansion : ils n’en avaient pas besoin, aussi demeuraient-ils dans leur espace, et gare à celui qui montre l’audace suicidaire d’y pénétrer. D’ailleurs, parmi les sphères bien informées, ça se savait qu’ils étaient les seuls dans cette galaxie à maîtriser la propulsion intergalactique. L’espace n’était pas un problème pour eux, et, tout comme les Grands Hommes, ils semblaient déjà être en partie sur un plan supérieur au reste des espèces intelligentes.
A droite de la Hemlin était installé une Vanadienne. Elle était assise un peu de travers sur son siège, et entourée d’une brume bleue claire, recréation de l’atmosphère de sa planète d’origine. Ses bras et ses jambes étaient étrangement gainés et s’élargissaient un peu en arrivant vers les extrémités, pendant que le tronc restait plus petit que celui d’humanoïdes, ornés de quelques restes de fourrure aux articulations. Son visage laissait voir deux yeux placés de part et d’autre d’un nez dont l’arrête osseuse remontait loin au-dessus, jusqu’au sommet du crâne, tandis que sa bouche restait minuscule et comme timide. Elle bougeait de temps en temps la tête, signe de perplexité chez eux. La sensibilité des Vanadiens était proverbiale, et ce témoignage enregistré devait la faire cogiter de façon considérable.
Enfin, le dernier siège, à l’extrême droite, était occupé par un Constructeur de Pyramides. Faute de meilleur nom, on les qualifiait comme cela : personne ne savait quel était leur vraie désignation, et il était rarissime qu’un Constructeur prenne la parole. Ils se présentaient sous forme d’un être osseux, à la chair grise-noire rare et bizarrement répartie eux articulations, la tête, de taille humaine, présentant une face plutôt accentuée vers l’avant, mettant en relief leurs grands yeux ronds. La réaction du représentant à ce qu’il venait de voir était indéchiffrable, mais son souffle résonnait, sifflant, à travers le mince orifice buccal.
Des sièges du premier rang, une silhouette en robe se leva : C’était Emera Gonfalno, de l’ambassade Minganovienne. Son visage altier était libre de toute expression de triomphe, pourtant, ce témoignage qu’elle venait de faire montrer allait probablement faire basculer la politique du Conseil : c’était une grande victoire diplomatique en puissance pour Minkanov.

-Hauts Conseillers, vous avez vu et entendu ce que moi-même j’ai vu et entendu, comprenez-vous à présent qu’il est juste que nous revenions sur les lois concernant la maltraitance des êtres humains ? Les paroles de la bouche même d’un représentant de cette basse espèce ne suffisent-elles pas à le prouver ? En quel nom ce Conseil pourrait protéger des humains afin de les laisser se complaire dans cet état de la plus profonde décadence ?

Elle avait terminé sa brève tirade, le bras relevé et dirigé vers les trois sièges placés un peu plus en avant. Là-bas, l’Humain Max, Sodor Hufalko et son avocat Jas’o Cerlin se tenaient. Elle désignait clairement l’humain.
La voix stricte, égale et sans appel de Mir Slator Jasur Zavo Sondak raisonna dans la salle multimillénaire :

-L’objet de cette procédure est de juger les faits suivants : L’intrusion du cargo classe Fedr-Savat KX M-5120 nommé « Fadrei III » sur le territoire stellaire de l’Etat Stellaire des Ohkellos, et sur les violations subséquentes présumées des lois concernant la maltraitance des humains, entrainées par la présence d’une unité coloniale humaine ancienne et désaffectée. Les faits étudiés ne comprennent en rien l’étude qualitative et la remise en question des lois sur la maltraitance des humains, et votre intervention, vice-ambassadrice Emera Gonfalno, a, par conséquent, de fortes probabilités de tenter de vouloir influencer les conseillers dans leur décision sans apporter d’avancements aux questions traitées. Ainsi, nous devrons considérer ladite intervention comme nulle et non avenue. Veuillez, si vous désirez vous adresser à ce Conseil au sujet du témoignage qui vient d’être montré, le faire maintenant.

C’était du pur Hemlin : exhaustif, pointilleux, ennuyeux, perfectionnistes, désespérément lié aux règles. Cette interminable déclaration prononcée d’une traite aurait pu tenir en une demi-phrase : Cela n’a rien à voir avec le débat, dites autre chose.
Gonflano ne s’en ému pas trop : c’était malgré tout nécessaire, afin de commencer à porter le sujet sur le tapis. Elle repassa donc à l’arsenal conventionnel :

-Même, en dehors de cela, nous pouvons aussi considérer que l’intervention du capitaine Hufalko s’est faite afin de porter secours aux humains à bord du vaisseau colonial terrien. Lesdites lois sur la maltraitance ne nous y obligeraient-elles pas ?

Cette fois-ci ce fut l’avocat des Okhellos qui réagit, bondissant sur ses pieds :

-Votre opportunisme est honteux, vous ne faites que considérer les lois dans l’angle où elles vous servent !

Il y eut un murmure approbateur devant cette franchise parmi les spectateurs. Mais le géant cramoisi poussait déjà son avantage :

-De plus, osez-vous insinuer que nous sommes incapables de nous occuper des humains ? Osez-vous affirmer que vous auriez averti la communauté internationale de votre trouvaille, et ensuite renvoyé les humains à bord sur Kyraa, dans leur réserve naturelle ?

Ce fut Jas’o Cerlin qui se leva pour répondre, ce qu’accueillit Gonfalno comme une occasion de se rasseoir discrètement, afin de préparer son éventuelle prochaine intervention.

-Hauts Conseillers, considérez le fait que l’astronef humain voyageait à vitesse subluminique en espace donc conventionnel, et qu’il se déplaçait tout systèmes extérieurs éteints. Seul le plus grand des hasards a permis à mon client de se trouver à portée de capteur, et lui a également permis de reconnaitre le signal émis non pas comme celui d’un astéroïde où d’une planète noire, mais comme celui d’un vaisseau apparemment désemparé. Conformément aux lois intangibles de l’espace, il s’est porté au secours de ce qui aurait pu, je tiens à le rappeler, tout aussi bien être un vaisseau Okhello en détresse, perdant son énergie et son soutien de vie. Enfin, très Hauts Conseillers, considérez aussi le fait que le vaisseau humain aurait pu traverser de la sorte tout l’espace des Okhellos sans être remarqué, et, par conséquent, disparaitre définitivement dans l’espace profond, emmenant sa cargaison vers une mort certaine, qui plus est, pendant que l’intellect desdits humains s’adonnait aux plus condamnables des comportements. Hauts Conseillers, je demande par conséquent que mon Client soit blanchi des accusations d’intrusion sur le territoire Okhello, et de braconnage, en raison de son respect pour les lois coutumières de l’espace, ainsi que des préoccupations humanitaires de son action.

Il y eut un silence. La plaidoirie de Cerlin était courageuse, car mettait dans la balance le droit coutumier et l’obligation d’aide, laquelle dépendait en partie des lois contre la maltraitance d’humains. Mais il était un spécialiste ; cela se voyait.
La représentante Hemlin, qui agissait comme présidente, posa la question traditionnelle :

-Les parties désirent-elles intervenir encore ?

Parmi les Minkanoviens, personne ne se manifesta. Mais un des Ohkellos se leva.


6


C’était un Okhello plutôt petit, et dont le teint était par moment plus gris que rougeâtre. Il avança d’un grand pas devant son siège, faisant face aux cinq juges suprêmes – et dirigeants de facto – du Condominium.

-L’Etat Stellaire des Okhellos n’a pas oublié l’agression non-provoquée dont il a fait l’objet de la part du Protectorat de Minkanov, il y a soixante années minkanoviennes de cela.

Sa voix était posée et presque agréable – pour un Okhello – tandis qu’il ne s’agitait pas, paisible orateur.

-Aussi avons-nous posé des balises-senseur tout au long de la frontière afin d’observer les mouvements spatiaux des Minkanoviens, et éviter toute attaque traitreuse comme ils n’en usent que trop souvent. Et, dans leur orgueil et leur audace démesurée, ils nous pensaient trop ignorants pour capter leurs manipulations jusque loin à l’intérieur de leurs frontières. Aussi pouvons-nous vous présenter ceci.

Sur son mot, l’écran holographique central s’assombrit. Des indicatifs temporels en chiffres Ohkellos, doublés d’Unichiffres standards montraient qu’il s’agissait d’un enregistrement datant de près d’une vingtaine d’années auparavant. Deux vecteurs se rencontraient : celui d’un vaisseau de guerre Minkanovien, et celui d’un objet inconnu. Le vecteur de ce dernier se modifiait après la rencontre.

-Nous avons la preuve que les Minkanoviens connaissaient le vaisseau terrien, et ont changé en connaissance de cause la trajectoire de ce dernier, afin qu’il ne rentre pas dans l’espace du Gouvernement Général Hemlin, mais dans celui de l’Etat Stellaire des Okhellos. Le fait de pénétrer dans notre territoire soi-disant à la recherche de cet astronef était donc un coup monté fait pour amener l’affaire devant ce Conseil, et pouvoir raviver les tensions entre nos deux Etats.

Il toisa l’assistance, certain de ce qu’il affirmait, pendant que, lentement, sur l’écran holo, les vecteurs des deux vaisseaux divergeaient. La vanadienne avait l’air réellement intriguée, et la Minganovienne du Conseil semblait suffoquée d’indignation – à moins que ça ne soit qu’une feinte.

-Mais ça n’est pas tout, honorables Conseillers. Nous avons pris la liberté de tirer un autre humain de la Cryo-stase, afin de vérifier si le témoignage montré par Emera Gonfalno était conforme à la réalité, dès que nous en avons appris le contenu. Observez, Honorables Conseillers.

L’image changea du tout au tout. Un grand visage de femme remplaça les vaisseaux : une femme assez pâle, portant des cheveux roux tombant salement sur les côtés de sa tête, et au regard un peu vague.
Max Lasona sursauta, et dit, presque criant :

-Diane !

Sur un signe de la Vanadienne, Maître Cerlin le fit rasseoir. L’humain était devenu incontrôlable depuis qu’il était passé entre les mains de Gonfalno, songea-t-il, prenant soin de dissimuler cette pensée à l’intéressée.
Mais déjà l’hologramme avait commencé à parler :

-… était il y a assez longtemps, je me souviens de façon assez exacte. Avant cela, je n’ai que des images floues, incompréhensibles. Mais j’peux vous dire que c’est à partir de ce moment que ça a commencé.

Une voix extérieure, clairement celle d’un Ohkello, intervint :

-Qu’est-ce qui a commencé ?
-Les fêtes. Les attroupements, les villes, cette atmosphère… torride. Je n’arrive pas à m’imagine sans, pourtant, je sais que ça n’a pas toujours été le cas. Je sais que j’avais une sœur, à Tharsis. Je vivais sur Beta, me semble, dans la capitale, lorsqu’on nous avait proposé…
-Le style de vie que vous avez mené dans votre vie jusqu’ici est-il à votre avis conforme au style de vie humain traditionnel ? Vous semble-t-il désirable ?

L’humaine passa lentement sa langue sur ses lèvres, geste provoquant quelques grimaces de dégoût dans l’assistance. Soudain elle parut perdre sa concentration, et fixa un point un peu en dessous de son référentiel d’origine, d’où provenait la voix.

-Je peux voir votre main ? Elle a l’air si bizarre !
-Répondez à la question, s’il vous plait.

Diane secoua lentement la tête, comme si elle cherchait à rassembler ses idées. Elle répondit, d’abord hésitante, puis plus sûre :

-Je ne pense pas… non, je ne crois pas que les humains vivent comme ça. C’est… si artificiel.

Là-dessus l’image disparut, et, en guise de conclusion, l’intervenant Okhello déclara :

-Nous avons comparé les dates des changements intervenus dans le programme de gestion de l’activité mentale en Cryo-stase, et celle de la rencontre avec le vaisseau de guerre Minkanovien. Comme nous nous y attendions, elles sont identiques. Ça n’est pas une coïncidence, honorables Conseillers : j’affirme devant vous que le Protectorat de Minkanov a monté toute cette affaire afin de discréditer les humains devant ce Conseil, de provoquer un affaiblissement de la position diplomatique de l’Etat Stellaire des Okhellos, et de faire suspendre, à terme, les lois sur la maltraitance des humains, afin de pouvoir reprendre ses malsaines et répugnantes expériences de clonage reproductif, qui ont étés condamnées par ce Conseil. Si vous votez, honorables Conseillers, la libération du capitaine Hufalko et l’adjonction du vaisseau terrien à ce même capitaine, alors vous adouberez en connaissance de cause la politique du Protectorat de Minkanov à l’égard des humains, et ouvriraient une voie à l’asservissement des derniers humains à la seule fin de la reproduction des Minkanoviens.

Le géant rougeâtre recula, et s’assit, satisfait de son effet. Un murmure traversa la salle, mais personne n’eut le courage d’intervenir. Ahurie, Emera Gonfalno fixait l’orateur.
Après une bonne minute de silence, la voix de la vanadienne retentit :

-Le Conseil du Condominium va à présent se retirer dans la Salle des Délibérations. La Séance est suspendue jusqu’à son retour.

Sans cérémonie, tous se levèrent, et descendirent les marches jusqu’à l’ascenseur qui venait d’émerger du sol, au centre de la pièce. Ils disparurent sous le sol en étrange matière métallisée, création quasi-éternelle des Grands Hommes.
Le chaos s’empara de la vénérable salle et de son assistance : les gens parlaient, criaient, commentaient ce qui venait de se passer. Gonfalno parlait frénétiquement avec plusieurs autres Minkanoviens, les Okhellos, très satisfaits d’eux-mêmes, discutaient et poussaient parfois de grands rires raisonnant comme d’étranges crissements. Quelques Jarikalites parlaient avec animation de ce qui venait de se passer.
Mais Jas’o Cerlin n’avait absolument pas envie de commenter. Il avait perdu le procès, c’était inévitable. On était passé dans le terrain politique dès que cette idiote de Gonfalno avait commençait à tempêter contre les lois sur la protection des humains. Sinon, il aurait encore pu sauver le capitaine voire sa découverte, mais maintenant, il se bornerait à mener un combat d’arrière-garde afin de s’arranger pour que Hufalko ne soit pas envoyé dans une des terribles prisons d’Okhello, mais plutôt un pénitencier Jarikelite, ou encore dans les petits mondes humanoïdes entourant le secteur du Central.
Le petit juriste de Jarikel commença à rassembler ses idées, jetant de temps en temps un coup d’œil sur l’index holo des Arrêts du Conseil du Condominium concernant les violations de frontière, qui flottait à quelques longueurs de main près de ses yeux.
Pendant ce temps, assez indifférent au vacarme autour de lui, Max Lasena fixait l’espace où s’était trouvé l’hologramme de Diane.
Il n’y croyait toujours pas. L’existence dont il se souvenait – tout n’était qu’imposture, un complot destiné à satisfaire les volontés géopolitiques froides d’une puissance extraterrestres dont il ne connaissait même pas l’existence quelques jours auparavant. Contrairement à sa compagne, il n’avait même pas de vagues souvenir de ce qu’il aurait été avant. Toute sa vie se résumait à ce cadre étrange mais rassurant des bacchanales enfiévrées.
Il ne se voyait pas d’avenir. Il ne comprenait pas le présent, et était encore moins en mesure de saisir le futur.


Le calme était revenu dès l’instant où l’ascenseur était remonté du sol, après un temps de délibérations anormalement long, et, lorsque les cinq représentants avaient repris place, le silence était total Mir Slator Jasur Zavo Sondak, la Hemlin inflexible, prit la parole :

-Le Conseil du Condominium a traité des questions suivantes : L’intrusion du cargo classe Fedr-Savat KX M-5120 nommé « Fadrei III » sur le territoire stellaire de l’Etat Stellaire des Okhellos constitue-t-elle une violation du droit de l’espace, du droit territorial et des Arrêts de la présente assemblée ? La rétention par l’Etat Stellaire des Okhellos d’un homo sapiens hors stase et de cinquante-huit mille neuf centre trente-deux en cryo-stase constitue-t-elle une violation des lois sur la maltraitance des humains, définies par l’Arrêt Geta-Salep 4260.152 du présent Conseil, ainsi que des lois sur la rétention de membres d’autres espèces telles qu’elles sont présentées dans les sections 108 et 109 du code des Arrêts ? En plus de cela, le Conseil a traité une dernière question, soulevée par les allégations du représentant de l’Etat Stellaire des Ohkellos concernant la présumée action délibérée du Protectorat de Minganov en vue d’apporter ce cas devant ce Conseil, notamment après avoir consultée et authentifié les preuves : Les actions du Protectorat de Minkanov constituent-elles une rupture de la solidarité entre les espèces du Condominium et une violation des lois concernant la maltraitance des humains ? Et, en dernier lieu, lesdites lois nécessitent-elles d’être abrogées ?

Le public retint son souffle après l’interminable déclaration de la présidente du Conseil. La Hemlin avait tout débité avec une régularité monotone qu’un humanoïde aurait eu de grandes difficultés à imiter : autant de linéarité et d’ennui dans la parole étaient durs à restituer. A croire que l’affaire en question ne mobilisait qu’une infime partie des capacités de la Mir Slator – ce qui était probablement le cas, compte tenu de ce qu’on savait sur les incroyables capacités cérébrales d’un Hemlin.

-Le Conseil du Condominium est donc arrivé aux conclusions suivantes. Sur la question concernant la violation du droit de l’espace, du droit territorial et des Arrêts du Conseil par l’astronef dénommé « Fadrei III », en connaissance de cause et conséquences, par son capitaine Sodor Hufalko, le Conseil a répondu « Oui » par quatre voix contre une. Sur l’incrimination par rapport à la législation concernant la maltraitance d’humains suscitée concernant la rétention des humains, en stase ou non, en provenance du vaisseau colonial de la Fédération Terrienne Unie découvert par le capitaine Sodor Hufalko et opérée par l’Etat Stellaire Okhello, le Conseil a répondu « Non » par trois voix contre deux. Sur la question de la question concernant une rupture de la solidarité entre les espèces du Condominium et une violation des lois sur la maltraitance des humains par le Protectorat de Minganov, le Conseil a répondu « Oui » par quatre voix contre une. Enfin, sur la nécessité d’abroger les lois susdites sur la maltraitance des humains, le Conseil a répondu « Non » par deux voix contre une, et avec deux absentions.

Un brouhaha emplit la salle du Conseil après l’annonce des décisions. La délégation Minkanovienne paraissait effondrée. Emera Gonfalno tenta de se lever et de s’en aller, mais fut retenue par un adjoint.
Imperturbable, la voix de la Hemlin continua, dominant un vacarme allant rapidement en décroissant :

-Le Conseil du Condominium réuni en Tribunal a également statué sur les peines infligées pour les infractions aux lois et Arrêts définis par cette assemblée. En premier lieu, le capitaine Sodor Hufalko devra se présenter devant la Cour des affaires Interstellaires du Central, où le procureur du Condominium présentera contre lui les accusations validées par ce Conseil. En deuxième lieu, le Conseil du Condominium a décidé d’imposer des sanctions au Protectorat de Minkanov pour ses violations des Arrêts de la présente assemblée, ainsi que ses actes jugés déloyaux envers les autres espèces du Condominium. A été décidé par quatre voix contre une que le Protectorat de Minkanov devra céder au Condominium les revenus d’exploitation des systèmes stellaires TXL-205-741, TXL-205-748 et TXL-206-104, de dénominations usuelles respectives Tarisec, Kerklaus et Hijam, pour une durée de dix-sept années Minkanoviennes standards. Ce transfert de richesses sera fait sous supervision d’administrateurs civils de la République Vanadienne volontaires pour la mission, et astreints à des rapports réguliers au présent Conseil. Enfin, le Conseil a décidé par trois voix contre deux que le vaisseau colonial terrien, passagers compris, serait saisi par le Condominium à des fins d’études scientifiques. Le Conseil prendra sa décision concernant ses passagers humains en cryo-stase lors d’une session ultérieure. Cette décision constituera l’Arrêt Kalep-O 5711.05 du Conseil du Condominium.

Elle laissa quelques instants de répit après une nouvelle tirade à rallonge qui aurait aussi bien pu être celle d’une IA – nombre de gens soupçonnaient les Hemlins d’être des robots – avant de conclure :

-La présence session du Conseil du Condominium, neuf cent vingt-sept mille quatre-vingt-dix septième depuis son instauration par ceux qui sont appelés les Grands Humains et les Hemlins prend par la présente intervention fin.

De nouveau, en silence, les conseillers se levèrent, certains disparaissant par les portes de derrière, d’autres rejoignant leurs délégations. La vieille Minkanovienne parlait à toute vitesse aux siens, préparant probablement déjà un plan pour colmater les énormes brèches faites dans la politique étrangère du Protectorat. Les Okhellos partirent très rapidement, probablement pour fêter dans un débit de boisson leur victoire, se félicitant bruyamment. Sodor Hufalko quitta libre la salle ; il serait emmené jusqu’aux quartiers fermés plus tard, les arrestations étant interdite au Satellite Central. Son avocat, maître Jas’o Cerlin, rassemblait ses holos des Arrêts précédents du Conseil, se dépêcha de le suivre, préparant mentalement la défense. Peu à peu, la très solennelle et multimillénaire salle se vida.
Dans une solitude absolue, Max Lasena demeurait seul face aux six sièges désertés. Les cinq juges de son futur n’avaient même pas pris la peine de statuer sur son cas, si pris qu’ils étaient dans leurs chicaneries légales, leurs décisions de grande politique, leur indifférence glorieuse de maîtres de la demi-galaxie.
Il se leva, lentement, et remonta l’allée jusqu’au bout. Deux irisiens, en tous points physiquement semblables à lui, interrompirent leur discussion en le voyant passer. L’un d’eux posa une question l’autre, qui haussa les épaules.
Juste avant que Max passe l’énorme porte de la Salle du Conseil, il entendit la réponse du second :

-Ca n’est qu’un homme.



Syllas.
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