Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: [Bouquin] Contes carnivores Sam 5 Juin - 21:20 | |
| Contes carnivores, Bernard Quiriny. Dévorant leur découvreur, les Dionea Tourella sont la métaphore d'un art que Quiriny s'évertue à pousser à l'extrême. Ici, l'art prend les formes de la perfection sous ses formes les plus extravagantes, déplaçant les choses et les concepts, jouant avec le quiproquo qu'il porte en exergue jusqu'au fantastique.
Du Gaudiophone qui s'autodétruit dans l'achèvement de sa perfection au peintre dont l'oeuvre se conclue lorsqu'il s'y fait intégrer, Quiriny présente une vision décalée et comique d'artistes poussant leur passion jusqu'à l'auto-destruction. On retrouve ainsi une écriture extrêmement bien menée dont les surprises s'égrainent au fil des nouvelles, nous faisant parfois croire en un dénouement évident qui finalement rebondit pour s'envoler vers la frustration que ne manque pas d'éveiller en nous les épilogues ancrés dans le plus parfait genre fantastique.
Mais dans cet univers, il n'y a pas de barrière entre les choses, chaque objet n'a pas sa place ; et c'est avec plaisir que Quiriny s'amuse à faire revenir ses personnages sous d'autres aspects, naviguant entre ses nouvelles, invitant un Extraordinaire Pierre Gould, transformiste, tant dans l'histoire de sa non-existence farfelue qu'en tant que leader d'un mouvement esthète post-moral, plaçant comme Beaux-Arts la scène d'un meutre comme le paysage d'une marée noire. Ainsi, plus rien n'a d'existence fixe et le réel est à bannir, l'invention d'un langage frolant le surréalisme basé sur l'éternel quiproquo flirte avec un évêque dont le corps se dédouble.
On retrouve ainsi le sommet du genre fantastique, comparable à Poe ou à Borges, qui par ailleurs pousse à réfléchir.
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Jé
Nombre de messages : 505 Age : 51 Date d'inscription : 14/08/2009
| Sujet: Re: [Bouquin] Contes carnivores Mer 3 Aoû - 3:30 | |
| J'ai trouvé un extrait sur internet. J'aime bien le rythme soutenu de son écriture, et le traitement du thème m'a l'air très intéressant. J'y gouterais bien Souvenirs d'un tueurs à gagesI. L'ennui - L'un des contrats les plus étranges de ma carrière me fut proposé par un homme d'affaires de quarante-huit ans qui partageait sa vie entre sa banque parisienne et sa maison provençale. Nous fumes mis en rapport par l'un de ses collègues, un assureur suisse pour qui j'avais déjà travaillé, et nous nous rencontrâmes dans un café du Ier arrondissement. D'une serviette de cuir, il tira une enveloppe scellée contenant un dossier sur la cible (identité, résidence, profession, habitudes, faiblesses) et des photographies. Il me pria de ne pas l'ouvrir tout de suite. Je lui exposai mes conditions, qu'il accepta sans hésiter. Il était nerveux, comme tous les nouveaux clients, mais une sorte de griserie puérile l'animait, comme si l'assassinat n'était pour lui qu'un jeu. J'insistai sur l'irréversibilité du processus qu'il était en train d'enclencher, mais il m'assura que sa décision était réfléchie et qu'il était très conscient de ce qu'il faisait. Je mis donc un terme à l'entretien, lui expliquant que je reprendrais contact avec lui sitôt la mission terminée. Une fois rentré chez moi, j'ouvris l'enveloppe. Je découvris à l'intérieur une fiche de renseignements et douze photographies de l'homme à abattre. Je crus d'abord à une erreur, car elles montraient l'homme d'affaires lui-même. Une lettre d'explications agrafée à la fiche me détrompa. Extrait de "Contes carnivores". Berbard Quiriny. Editions Seuil. | |
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