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| Les Illusions Brisées | |
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Lilith Littéraire et rôliste
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| Sujet: Les Illusions Brisées Jeu 26 Avr - 19:00 | |
| Le Monde derrière le monde. Partie 2. Les Illusions Brisées. I.Lorsque le don se déclare chez un enfant, une grande fête vient célébrer cet avènement. Cette tradition se perpétue depuis les confins du temps, bien avant les premières civilisations et les premières guerres. A l’aube des premiers jours des hommes, tout était différent. La paix régnait sur les peuples isolés et jamais le sang n’avait été versé. Parmi les Premiers, inspirés par les murmures du vent, une poignée décida de partir explorer cette terre qu’ils foulaient chaque jour et qui s’étendait sur l’horizon sans fin. Lorsqu’ils revinrent de leur long voyage, tout était différent et, à partir de ce jour, certains animaux et certains hommes ne furent plus rien de ce qu’ils paraissaient être. Sur les bords de la terre ils trouvèrent Yggdrasil, l’arbre monde, qui leur ouvrit les yeux aux choses qui ne sont pas sensées être vues. On appela ce jour l’Eveil. Yggdrasil leur montra qu’il était deux mondes, celui des hommes et le Monde-autre, où tout était possible mais que tous ne sont pas désignés à arpenter. Il les émerveilla par les innombrables et mystérieuses créatures qui peuplaient sa canopée infinie. Ils virent là des plantes qui ne poussaient pas sur terre et côtoyèrent dans un silence respectueux des animaux qui ne venaient pas vraiment du monde des hommes. Parmi les Premiers à avoir rencontré l’arbre monde, un petit groupe se lia intiment avec Yggdrasil, qui est l’esprit de toutes choses, et se vit attribuer des dons. Et une fois de retour auprès de leur peuple, ces hommes se divisèrent en deux clans distincts. Les premiers, ceux qui voient, pouvaient deviner la véritable nature du monde autour d’eux. Ce qui était caché aux regards des mortels, ce qui arpente les chemins entre les deux mondes, leur apparaissait aussi clairement que le soleil dans le ciel. Leur vision exacerbée fit d’eux des sages, écoutés de tous. On raconte même que quelques-uns d’entre eux possédaient le don de prescience, le don de voir l’avenir. Tu fais partie de cette branche des Premiers, qui ressentent le pouvoir du Monde-autre sur celui des hommes. Aujourd’hui les hommes modernes, fermés à l’immensité de cette vision ancienne, nomment ceux qui voient « chamanes ». Mais les chamanes sont rarement de vrais voyeurs. L’autre branche fut dotée d’un cadeau très différent. On les nomma ceux qui marchent, ou marcheurs. Yggdrasil leur accorda le don de changer de forme, et ils s’enveloppèrent de la peau d’animaux sacrifiés pour parcourir le monde, attirant à eux la force des bêtes de l’arbre-monde. Ils devinrent forts et puissants, ils devinrent de redoutables guerriers, craints et respectés par tous. Mais très vite un désaccord naquit entre les deux clans de l’Arbre monde sur le but de ces cadeaux, et le conflit devint inévitable. Ceux qui voient décidèrent de partir s’installer ailleurs, peu habitués qu’ils étaient aux bains de sang. Et, c’est sous les quolibets moqueurs de leurs ennemis qu’ils s’en allèrent. Le temps passa et les civilisations naquirent, mais on n’oublia pas les deux clans et leurs dons. Ceux qui voient furent très vite recherchés pour leurs capacités exceptionnelles, de même que les marcheurs furent de toutes les grandes batailles. Les deux vieux ennemis s’observèrent en chien de faïence pendant des siècles. Puis la vision se tarit, effrayés par les marcheurs, ceux qui voient finirent pas se cacher, se disperser à travers la Terre et tombèrent dans l’oubli. Ce qui avait été un don devint une malédiction. Voyant ses enfants se déchirer, Yggdrasil leur envoya un ultime message avant de sombrer dans une torpeur végétale. Les dons qui avaient été librement donnés n’étaient que les deux faces d’une même pièce, ils ne pouvaient perdurer l’un sans l’autre. Si les deux clans ne trouvaient pas un moyen de coexister comme au premier jour de l’Eveil, ils ne pourraient survivre et leurs cadeaux leur seraient repris.... | |
| | | Lilith Littéraire et rôliste
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| Sujet: Re: Les Illusions Brisées Ven 25 Mai - 15:12 | |
| II. Début.
Il faisait sombre. Partout où elle posait son regard, Prisca ne voyait que les ombres immobiles. Elle passa son doigt sur le mur contre lequel elle était accroupie et compta les encoches dans le ciment. Elle en dénombra dix-neuf, autant que le nombre de jour durant lesquels elle était restée terrée. Une ombre dans le noir. Prisca essaya de se rappeler ce qui s’était passé depuis sa rencontre avec Surin. Quatre jours durant, il l’avait caché chez lui, lui rapportant les rumeurs, son bannissement officiel du gang de David, son nouveau statut de paria après qu’elle eut tabassé plusieurs informateurs, les recherches menées par la police afin de la retrouver. Le silence de Sourire sur cette affaire. Puis elle avait du bouger, constamment, au grès des planques que lui fournissait Surin, son dernier allié. Elle se rappelait les rats, la chaleur des sous-sols, l’humidité qui rongeait ses vêtements, le silence pesant et épais des caves, les ténèbres, la flamme des allumettes, utilisées avec parcimonie. L’odeur du souffre et de la crasse étaient finalement passées et ne lui soulevaient plus le cœur de dégout. Combien de temps cela avait duré, elle ne pouvait le dire. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu le ciel ni sentit le soleil sur sa peau, comme Surin l’emmenait toujours par des tunnels et des passages dérobés. Ils avaient sillonné le Passage pour finalement atterrir ici, dans cette cave encore plus humide que les autres, encore plus sombre. Prisca frissonna et se recroquevilla un peu plus sur elle-même. Chaque bruit la faisait sursauter, ses sens en alerte depuis trop longtemps lui jouaient des tours et la jeune fille sentait sa raison vaciller dans le noir. Un bruit inhabituel la fit sursauter et elle se retrouva debout, son couteau brandit devant elle, la main tremblante. Elle pointa arme et regard vers le couloir sombre, les sens en éveil. Au milieu du tintement régulier des gouttes s’écrasant sur le sol, elle reconnut le bruit feutré des pas de Surin. Rassurée, Prisca rengaina son couteau et se rassit pour attendre son ami, quand elle sentit que quelque chose n’allait pas. La démarche de Surin, habituellement fluide et assurée, semblait impatiente et nerveuse. La jeune fille sentit l’angoisse lui tordre le ventre et elle remit une main sur le manche de son arme. Lorsqu’il arriva enfin, Prisca était si tendue qu’elle laissa échapper un cri de terreur alors que la lumière éclatait dans ses prunelles. Surin baissa sa lampe torche en voyant qu’il l’avait aveuglé. Il avait le teint gris et les traits tirés, Prisca reconnut l’odeur de la peur sur lui et l’angoisse dans les mouvements erratiques de ses mains.
-Que se passe-t-il ? demanda-t-elle la gorge sèche d’appréhension.
-Je crois qu’ils sont au courant.
-Sourire ?
-Non, répondit l’homme en jetant des coups d’œil apeurés par-dessus son épaule, les flics.
-Merde, lâcha Prisca. Il faut partir. Maintenant !
-Je n’ai rien trouvé d’autre. Je suis désolé, mais ils m’ont dans le collimateur. Prisca je suis désolé, mais je dois partir, il faut que tu te débrouilles seule. Je suis désolé.
La jeune fille sentit le sol se dérober sous ses pieds. Elle prit appui contre le mur humide derrière elle, la respiration sifflante. Un silence pesant s’installa, à peine brisé par les murmures d’excuse de Surin et les battements de cœur anarchique de Prisca. Au bout d’un moment, elle releva la tête et son regard bleu fit frémir l’homme face à elle.
-Ce n’est pas grave, dit-elle, tu as déjà fait beaucoup pour moi.
-Je suis désolé, continua son indic. Si jamais tu arrives à quitter le passage, va à cette adresse.
Il lui tendit un bout de papier froissé qu’elle saisit rapidement. Elle lut l’adresse qui y était inscrite et leva à nouveau les yeux vers l’homme.
-C’est en dehors de la ville. Il n’y a rien là bas.
Surin s’apprêtait à répondre quand une violente détonation les propulsa à terre. Il lâcha la lampe et il fit de nouveau noir comme dans un four. Les mains sur les oreilles, Prisca se redressa aussi vite que possible, butant sur Surin, toujours à terre. Ses oreilles bourdonnaient désagréablement, la privant d’ouïe. Elle se pencha pour ramasser son compagnon et le forcer à se remettre debout, ce qu’il fit en prenant lourdement appui sur elle. Elle essaya de lui parler mais elle n’entendait même pas le son de sa propre voix. Surin avait l’air hagard, du sang coulait de ses oreilles et d’une vilaine plaie sur son front. Elle le gifla afin qu’il reprenne ses esprits. Des lumières s’allumèrent dans leur dos, Prisca se retourna et aperçut au loin l’uniforme d’une quelconque brigade d’intervention. Son sang ne fit qu’un tour, elle secoua Surin un peu plus fort et le poussa dans le couloir. Ils bifurquèrent immédiatement sur leur droite. Les multiples lampes des policiers éclairaient la cave comme en plein jour. Prisca poussa son indic dans le couloir en lui criant de courir. Il sembla comprendre, ou lire sur ses lèvres et décampa en titubant, les bras ouverts pour suivre la paroi, s’enfonçant dans le noir. La jeune fille le regarda s’enfuir, consciente de la présence des policiers juste derrière elle. Elle se retourna lentement, les mains levées, paumes en avant pour montrer qu’elle n’était pas armée. Dans la lumière aveuglante des lampes-torche, elle se retrouva face à cinq hommes vêtus de gilets pare-balle et armés de revolvers, tous pointé sur elle. Prisca sentit quelque chose de chaud lui glisser dans le coup. Elle porta sa main droite à son oreille. Un des hommes dut croire qu’elle allait tenter de s’échapper et se jeta brusquement sur elle. Ils basculèrent à terre et Prisca perdit connaissance alors que l’homme tombait de tout son poids sur elle. | |
| | | Lilith Littéraire et rôliste
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| Sujet: Re: Les Illusions Brisées Mar 29 Mai - 16:38 | |
| II. Fin* ** En se réveillant, Prisca crut qu’elle se trouvait toujours dans la cave sombre et humide. Sa main heurta violemment un mur contre lequel elle reposait, allongée sur le flanc. Sa tête était prise dans un étau qui l’empêchait de réfléchir et ses jambes et ses bras courbaturés au point qu’elle ne put se lever. Elle réussit finalement par basculer en position assise, grimaçant sous la douleur. Malgré le brouillard ambiant de son esprit, elle comprit très vite où elle se trouvait. En cellule. Elle soupira en reconnaissant les lieux. Elle se trouvait chez le commissaire Jean et à n’en pas douter il n’allait pas être content du tout. Elle se massa les tempes du bout des doigts, il y avait de la saleté jusque sous ses ongles et ses paumes étaient noires. Elle découvrit une myriade de bleu sur ses bras. Prisca ferma douloureusement les yeux et se rallongea sur le sol. Elle posa sa joue contre le béton froid et sec et plongea dans un sommeil sans rêve et sans repos. Un officier vint la réveiller, Prisca sursauta lorsqu’il lui toucha l’épaule et sa main fusa vers sa hanche. Elle trouva le fourreau de son couteau vide et tandis qu’elle essayait de se resituer, l’homme lui passa une paire de menottes aux poignets, serrant plus que nécessaire. La jeune fille grogna mais ne dit rien, il ne valait mieux pas aggraver son cas. On la conduisit dans une salle d’interrogatoire et en chemin, ils passèrent devant ses parents. Ils ne la reconnurent pas sous la crasse qui l’enveloppait, mais Prisca put voir sa mère, en sanglot dans les bras de son père. Pendant un instant, elle eut des remords, ils avaient l’air désespéré. Puis elle se détourna et fixa son regard sur la porte qui se rapprochait. L’officier lui ouvrit le chemin et la laissa entrer seule dans la pièce. Le commissaire l’attendait déjà. Dans son regard, Prisca lut la colère et l’incompréhension, la déception aussi et cela lui fit plus mal encore que les larmes de sa mère. Il est curieux de voir comment on s’attache à ceux qui essaient encore de croire en nous. Prisca s’assit face au commissaire, posant ses mains menottées sur la table qui les séparait. Et elle attendit qu’il prenne la parole. Jean regarda longtemps la jeune fille blonde à l’air revêche. Il ne savait pas par où commencer. Il ne savait pas comment laisser ses sentiments hors de cette affaire. Il avait cru en elle, en sa volonté de s’en sortir. Même si elle restait toujours un peu inaccessible, lointaine et qu’il ne percevait pas son mode de fonctionnement, il avait cru avoir trouvé les mots, le langage. Il s’était trompé, elle avait replongé. La voir ainsi face à lui, les cheveux emmêlés, les yeux cernés, les mains abimés et ses vêtements en lambeaux, lui laissait un gout amer d’échec dans la bouche. Ils étaient revenus deux ans en arrière, lorsqu’il avait enfin réussi à mettre le fauve en cage. Mais Prisca avait brisé ses barreaux et fuit sa protection. Et aujourd’hui il n’avait plus le choix. Au bout de ce qui sembla une éternité à la jeune fille, il ouvrit son dossier, posé sur la table et en sorti une série de clichés. Prisca reconnut tous les visages, même sous les bleus, les contusions et les bandages. Oui, c’était son œuvre. Oui, elle était consciente de ses actes. Non, elle n’avait pas consommé de drogue au moment des faits. - Pourquoi ? demanda finalement Jean. Il se heurta au silence de Prisca. Chercha dans son regard un indice, un regret, n’importe quoi. Il n’y trouva que de la dureté et une volonté de glace. - Tu sais ce qu’il va se passer maintenant ?La jeune fille resta silencieuse. Elle savait très bien ce qu’il allait se passer. Et il savait qu’elle le savait. Un éclair de tristesse passa dans le regard azur de Prisca. - Tu passeras demain devant la juge pour mineur. Compte tenu de ton dossier et de tes antécédents, c’est plutôt mal parti. Mais comme tu as reconnu les faits, malgré ta fuite, il y a de fortes chances que tu ne finisses pas en détention. Je vais demander ton placement en centre de rééducation.Il marqua une pause devant l’absence de réaction de la jeune fille. - Prisca, enfin, pourquoi as-tu fais ça ? implora-t-il. On arrivait presque au terme de ta conditionnelle.- Henri, s’il vous plait, murmura Prisca au bout de quelques secondes, protégez mon grand-père.
- Quoi ? Mais explique-moi enfin ! Tu sais que tu peux me faire confiance. Merde !
- Promettez-le, je vous en prie. Le commissaire parut surprit par le ton presque suppliant de sa suspecte. Il promit de gardez un œil sur le vieil homme et Prisca le remercia avec un sourire triste. Puis elle retourna dans son mutisme et il la fit reconduire en cellule. Il demanda ensuite à un officier de faire venir les parents de la jeune fille, afin de leur expliquer la procédure et les conséquences qui en résulteraient. Il regarda Prisca s’éloigner et le visage ravagé par les larmes de sa mère. Elle ne leur adressa même pas un regard et il ne put dire si elle faisait cela par défi ou pour éviter d’avoir trop de remords. | |
| | | Lilith Littéraire et rôliste
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| Sujet: Re: Les Illusions Brisées Mar 3 Juil - 11:58 | |
| III.Inès ouvrit la porte avec lenteur, pour éviter de la faire grincer. Elle passa sa tête par l’entrebâillement et découvrit Camille endormie au sol, sous la fenêtre, son visage baigné par la lumière du soleil. Elle fronça les sourcils en remarquant que l’air ondulait légèrement autour de son amie, comme l’eau qui s ‘évapore sur l’asphalte brulant. Ce qui au début n’était que des fragments épars de voile, avait considérablement grandit et tendait à envelopper Camille dans une gangue vaporeuse. Inès soupira et ce seul bruit suffit à réveiller la jeune fille endormie. Elle se redressa en position assise tandis qu’Inès s’asseyait à ses cotés, une main sur son ventre, pas encore rond. - Comment tu te sens ? demanda Inès. - Bien, bien. Le soleil me fait du bien. Comment va ton père ?
- Toujours pareil. Ta présence à l’air de le calmer un peu.
- Oui bien sur. C’est parce qu’il est la.
- Ton…fils ? hésita Inès. Camille acquiesça de la tête. Elles avaient eu cette conversation des dizaines de fois. Camille, enceinte depuis moins de deux mois, affirmait avec une certitude déroutante qu’elle portait un garçon. Inès refusait de la croire et constatait pourtant le développement inquiétant du voile étrange autour de sa nouvelle amie. Les infirmières étaient au courant pour le bébé. Les dernières prises de sang de Camille avaient révélé un important taux d’hormone de grossesse dans son sang, laissant peu de doute quand à la nature de son agression, quelques semaines plus tôt. Les ragots allaient bon train dans l’hôpital, depuis cette découverte. Mais Camille parlait peu de ce qui lui était arrivé, et si elle y faisait allusion c’était toujours par rapport au bébé qu’elle portait, fruit non désiré d’une union violente. La plupart du temps les deux jeunes filles parlaient de musique et des dessins qu’Inès réalisait lors de ses fréquentes visites. Elle avait essayé de peindre Camille et son étrange aura, sans y parvenir. Inès regarda son amie qui souriait dans le vague. Lorsque la nuit tombait, ou que le soleil se voilait, quelque chose d’étrange passait dans le regard vert de Camille, quelque chose qui faisait frémir Inès. Une présence, farouche, qui semblait éclairer les pupilles de la jeune malade de l’intérieur. Comme s’ils étaient deux à voir à travers ses yeux. Le reste du temps Camille était une jeune fille joyeuse et bavarde, qui semblait vivre sur un secret, une blessure, que tous connaissait mais qu’elle repoussait au loin, comme si rien n’était jamais arrivé. Inès craignait le moment ou le ventre de Camille s’arrondirait et ou l’on ne pourrait plus faire semblant d’avoir oublié. En attendant, elle faisait de son mieux pour lui redonner le sourire, profitant du soleil, encore chaud avant l’hiver. Inès sortit une petite boite en bois de son sac et l’ouvrit en deux, révélant le plateau d’un échiquier. Camille cligna des yeux et saisit un cavalier blanc du bout des doigts. Elle le considéra un instant avant de le placer sur le plateau de jeu. - Cette fois, je vais te battre, annonça-t-elle avec un grand sourire malicieux. * ** Camille regarda partir son amie alors que le soleil se noyait derrière les arbres du grand parc. Elle la suivit mentalement dans le bâtiment. D’abord le couloir, les escaliers, l’entrée, quelques mots aux infirmières, le jardin, les grilles, les platanes. Lorsqu’elle sentit enfin qu’Inès n’était plus à portée de voix ou de son esprit, une sorte de vide s’abattit sur elle. Camille resta immobile, une main sur son ventre plat, le regard perdu. Sa transe ne dura pas longtemps, les infirmières vinrent la chercher pour le diner et elle les suivit sans rien dire, une boule d’angoisse irradiant doucement au creux de son estomac. La présence d’autres êtres humains autour d’elle la rassura et la peur reflua un peu durant le repas. Puis il fallut remonter les marches pour se coucher. Seule dans sa chambre, Camille hésita. Elle observa le parc à travers la fenêtre, n’osant s’en approcher. Le signal de l’extinction des feux résonna et Camille se força à entrer dans son lit, un œil méfiant toujours dirigé vers la fenêtre. Et elle patienta, les yeux grands ouverts dans le noir. Les heures passèrent sans autre bruit que le pas des infirmières effectuant leur ronde. Camille attendit, encore. Encore, sa couverture remontée jusqu’à son cou. Une infirmière passa. La jeune fille compta jusqu’à cinquante et bondit hors de son lit, souple et silencieuse. Elle entrebâilla la porte de sa chambre et jeta un coup d’œil dans le couloir. Ne voyant personne, elle referma la porte derrière elle et partit pieds nus dans les corridors sombres de l’hôpital. Sursautant à chaque murmure du bâtiment et rasant les murs, son périple lui sembla durer des heures. Elle finit par passer une lourde porte bleue, de l’autre coté du bâtiment. Elle continua d’avancer, les battements de son cœur résonnant dans les murs, au bout de ses doigts et dans ses oreilles. Elle déboucha finalement dans un grand couloir blanc et se dirigea avec assurance vers l’une des nombreuses portes qu’il contenait. Une fois face à la porte, elle posa instinctivement sa main sur son nombril et prit une profonde inspiration. Elle gratta doucement deux fois sur le montant, du bout des ongles et, sans attendre de réponse, entra dans la pièce. Marc était assis sur son lit, le dos droit, les mains posées sur ses cuisses. Il regardait par la fenêtre ouverte. Une brise fraiche faisait frémir ses cheveux en bataille. Camille frissonna elle aussi et se dirigea vers la vitre, qu’elle referma rapidement, son regard inquiet scrutant le parc sous eux. La lune s’évada momentanément des nuages qui l’encerclaient et éclaboussa les grilles de l’hôpital. Loin dans le fond du jardin, Camille sentit qu’il se passait quelque chose. Elle s’approcha de la fenêtre et fixa son regard sur les arbres, de l’autre coté de l’enceinte. Pendant un instant, elle crut apercevoir la silhouette d’un homme, debout sur le grillage d’enceinte. Elle cligna des yeux, mais il ne restait rien de sa vision. Soudain, elle se figea, porta ses yeux sur son bas-ventre. L’enfant qu’elle portait ne venait-il pas de bouger ? Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, mais l’étrange sensation était passée. Camille ferma les yeux et prit le temps de se calmer puis elle se retourna vers Marc et s’assit à coté de lui sur le lit. Il lâcha la fenêtre du regard et lui sourit quand elle lui prit la main. Puis dans un même élan ils tournèrent leurs regards vers la nuit au dehors, immobiles. | |
| | | Lilith Littéraire et rôliste
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| Sujet: Re: Les Illusions Brisées Jeu 1 Nov - 2:02 | |
| IV.Cela faisait des heures qu’il attendait assis par terre. Il avait froid à présent avec son simple t-shirt noir, alors que le soir tombait et rafraichissait l’air. Où pouvait-elle bien aller presque tous les jours pour qu’elle rentre si tard ? Peut être voyait-elle quelqu’un. Cette pensée ne lui plut pas du tout, mais il n’y pouvait rien. C’était son choix. Depuis la mort d’Alice, Inès n’était plus repassée au Salon de tatouage, elle n’avait plus apporté de dessin, n’avait plus donné signe de vie. Au début il n’avait rien dit, après tout l’expérience avait été traumatisante pour la jeune fille, mais le temps avait passé et Inès restait silencieuse. Il avait essayé de l’appeler, de lui écrire, de venir la voir mais c’était peine perdue. Elle refusait tout contact. Tom plongea son visage dans ses mains, un gros soupir résigné au bord des lèvres. Il jouait là sa dernière carte, si elle refusait à nouveau de l’écouter, il lui faudrait respecter son choix et sortir définitivement de sa vie. Il la sentit arriver bien avant de la voir et bondit sur ses jambes, lissant son t-shirt et son jean. Il passa une main dans ses cheveux bruns en bataille, et attendit qu’elle se montre. Il la vit tourner au coin de la rue et s’avancer vers lui, le regard lointain, perdue dans ses pensées. Il la dévora des yeux, cela faisait tellement longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Ses cheveux avaient poussé et venaient effleurer le creux de son cou. Elle avait perdu du poids aussi et sa peau était blanche, si blanche. Il se propulsa à sa rencontre, pour l’empêcher de fuir. Lorsqu’elle releva les yeux vers lui, l’angoisse lui tordit violemment le ventre mais il se força à sourire. - Bonjour, dit Tom d’une voix hésitante. Elle le regarda comme si elle ne le reconnaissait pas puis essaya de s’écarter de lui. Il lui saisit le bras avec douceur et releva son menton pour qu’elle le regarde dans les yeux. Elle ne se débattit pas, se laissa juste faire. - Inès s’il te plait, écoute-moi.Elle planta son regard dans le sien et sembla réfléchir à sa demande. Tom sentit quelque chose se briser en lui lorsque qu’il sentit sa peur, sa colère. Quelque chose d’autre encore qui le fit espérer. Des larmes roulèrent sur les joues de la jeune fille. - D’accord, murmura-t-elle. Sans un bruit, elle se réfugia dans ses bras. Tom la tint serrée contre lui jusqu’à ce qu’elle se dégage d’elle-même. - Pas ici, continua-t-elle, et pas maintenant. - Quand ? demanda le jeune homme, les sourcils froncés. - Après demain, je ne vais pas à la clinique. Je passerai au salon. - La clinique ? - Beausoleil, mon père est interné la bas.Un éclair de compréhension traversa l’esprit de Tom, qui resta silencieux. Ils convinrent d’une heure pour se retrouver le surlendemain et il la laissa partir, à regret. Il attendit qu’elle disparaisse dans l’ombre de la maison pour faire demi-tour. Sur le chemin du retour, il marchait et courrait à moitié, incapable de savoir s’il était heureux ou inquiet. Heureux qu’elle lui ait enfin adressé la parole, inquiet de ce qu’elle allait lui dire, lorsqu’il se reverrait. Un peu plus heureux quand même, pensa-t-il en souriant pour lui-même. Un tintement ténu balaya instantanément son excès de joie. Il ralentit son allure et se força à marcher calmement, maitrisant sa respiration. « Ton cœur bat encore trop vite », chuchota une voix près de son oreille. Les poils de ses bras se hérissèrent et il tourna lentement la tête pour regarder sa sœur marcher d’un pas tranquille à ses cotés. - Tu viens avec nous ce soir ? demanda-t-elle. - Non. - Non ? Tu es sur ? C’est pourtant très amusant. - Je ne vois pas ce qu’il y a d’amusant à ça. - Mais tu devrais voir ça, je crois que nos amis vont se rebeller, lança-t-elle comme si c’était là une perspective des plus réjouissantes. - Non merci.La petite fille fit la moue mais n’insista pas. Ils firent un bout de chemin ensemble, silencieux comme des tombes puis elle prit brièvement la main de son frère dans la sienne, et disparue. « Ne rentre pas trop tard » dit Tom à la nuit. Un carillon lointain lui répondit. * ** Assise sur un toit, les pieds dans le vide, elle attend. Elle attend que les autres se rassemblent et se mettent en marche. Une brise légère vient souffler une mèche dorée sur son front. Des petits cailloux s’enfoncent dans les paumes de ses mains, qu’elle appuie sur le sol, Elle inspire une grande goulée d’air frais. Ils sont là, elle le sait, elle les sent. Sans un mot, elle se jette dans le vide. Se rattrape souplement deux étages plus bas et se met en route. Sa foulée est longue et silencieuse, sa respiration calme et assurée. La ville laisse place à la banlieue, aux champs et enfin à la forêt. A l’ombre d’un grand chêne, ils sont tous là, ils l’attendent. La fille s’approche d’un jeune couple, ils se tiennent par la main. Ils sont promis l’un à l’autre, elle n’a pas le cœur de les séparer. Elle fait signe à un autre garçon, plus jeune. Elle ouvre ses bras et ils viennent s’y réfugier tous les trois, sous le regard envieux des autres. Puis elle leur murmure quelques mots, tout bas, dans le noir et la nuit, et ils hochent de la tête. Ils ont compris. Elle leur sourit avec fierté et sonne le départ. Les ombres des bois les engloutissent, dans le noir et la nuit. | |
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