L'échiquier

Avarras avait pris beaucoup d’avance sur les quatre mercenaires et le limier qui faisait office de chef de groupe. Il était arrivé à un des seconds dômes de la bibliothèque, celui-ci était peu éclairé mis à part le centre de la pièce.
Avarras mis ses mains dans le dos, chuchota et attendit au centre.

Ils arrivèrent face à lui en arc de cercle avec le seigneur Alexandre en son centre.

-          Tu es piégé, tu ne peux aller nulle part !

-          Allons seigneur Alexandre Régis de la maison Vanrey, j’aurais espéré que les années vous auraient permis de développer votre clairvoyance. Ce n’est pas le cas, à mon grand regret. Dit-il tout sourire.

-          Sale bâtard, je vais te faire ravaler ta langue. Toi ! casse-lui une jambe avec ton épée.

Le mercenaire le plus à droite sortie du lot en courant vers Avarras l’épée levée.

-          Tsk tsk, mauvaise technique très cher.

Le mercenaire n’a pas eu le temps d’abattre son épée que la main droite enflammée d’Avarras était sur son visage et envoya s’écraser cinq mètre plus loin le corps calciné de ce dernier.
A ce moment-là, tout s’accéléra.

Un deuxième mercenaire fonça sur Avarras qui le décapita d’un seul coup en dégainant sa lame. Le troisième parvint à lancer une attaque à la verticale qu’il réussit à parer aisément. Celui-ci ne se découragea pas et lança une seconde attaque. Cette fois ci, Avarras fit un pas de côté afin d’éviter l’attaque et planta une dague dans l’œil droit du mercenaire qui resta figé quelque seconde avant de s’effondrer sur le sol. Le dernier pris peur en voyant la scène et décida de s’enfuir. A peine avait-il fait trois pas qu’un petit carreau d’arbalète vint se loger dans sa nuque.

C’est à ce moment-là qu’Alexandre Régis décida d’agir.

Sans crier gare, Alexandre courra vers Avarras et lui donna un grand coup d’épaule sur son côté gauche. Cela eu pour conséquence de le faire glisser sur trois mètre.

-          Hmpf, à ce que je vois, dit-il en se relevant, vous aimez toujours autant le contact humain seigneur Alexandre.

-          Ferme-la, tu feras moins le malin une fois devant mon cousin.

-          Parce que vous pensez que je vais vous suivre sans la moindre objection ? Ne soyez pas si stupide.

-          Et qu’est-ce que tu vas bien pouvoir faire pour m’en empêcher ? tu es tout seul face à moi et tu n’as aucune chance !

-          Permettez-moi de douter de la véracité de vos propos, dit-il avec un large sourire.

Alexandre n’a pas eu le temps de répondre qu’un carreau d’arbalète vint se loger dans le péroné de sa jambe gauche. Ce qui pour conséquence de le mettre à genou. Avarras en profita pour se mettre sur le côté droit du seigneur afin de sectionner le tendon d’Achille.

-          Vous n’aurez plus besoin de ça, dit-il en ramassant l’épée d’Alexandre.

-          Aaaaaaaahh ! espèce d’enfoiré !

Avarras alla récupérer sa dague dans l’œil du mercenaire et revint en face du seigneur.

-          Allons, allons, assez de vulgarité.

-          Tue-moi qu’on en finisse.

-          Je ne vais pas vous tuer, voyez-vous pour l’instant, vous êtes plus utile vivant que mort.

-          Ahah, ça m’étonnerait que tes petits camarades te suivent après ce que je vais leur raconter.

-          Parce que vous pensez que je vais vous laisser continuer à dire des grossièretés ?

-          D-de quoi ?! Dit-il les yeux remplis de peur.

-          N’ayez crainte, j’ai l’habitude de sectionner des membres, dit-il le regard noir, la dague à la main.

-          Non, pitié, aaaaaaaaaaaaaaaaahhh !!!

***

Avarras retourna vers le dôme principal en trainant Alexandre par le col de sa veste. Exodus et Melaka étaient déjà là.

-          Ah magnifique, vous aussi, vous avez finis avec ces mercenaires. Fort distrayant n’est-ce pas ?

Il regarda plus en détail ses deux partenaires. Le répurgateur avait l’air d’avoir pris une sacrée volée, notamment en voyant le nez cassé de celui-ci. Quand à Melaka, elle était toujours aussi agréable à regarder.

-          Maintenant si vous le voulez bien, j’aimerais récupérer les livres que vous avez trouvés afin de pouvoir les étudier en toute sérénité.

Le répurgateur et l’elfe-vampire lui donnèrent les deux livres.

-          Je vous remercie fort bien. J’en ai pour quelques heures à étudier ces livres. En attendant discutez entre vous. Oh et je vous déconseille d’entamer le moindre dialogue avec celui-ci, dit-il en montrant le seigneur Alexandre. Il n’est plus aussi bavard qu’autrefois.

***

Avarras s’enferma dans une petite pièce isolé de la bibliothèque, sans fenêtres. Et pour être sûr de ne pas être dérangé, il bloqua la porte avec son épée.
Il partit s’asseoir devant le bureau et posa les trois livres devant lui. En voulant mettre son manteau sur la chaise, il fit tomber de sa poche un boite qui s'ouvra.

Il regarda la boite sur le sol tout en écoutant le son qui en sortait. Il releva la tête et regarda dans l’obscurité de la pièce. L'échiquier - Page 2 Watch?v=VWW8DMpfI9U

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- Je sais que mes émotions ne doivent pas prendre le dessus, que je dois mettre le passé de côté tant que l’objectif n’est pas atteint… Mais cet objectif est lié au passé, alors comment l’oublier temporairement ?

Avarras se mit droit sur sa chaise, les bras tendus sur le bureau.

- Je ne peux pas. Le passé est le seul moyen pour moi d’avoir la volonté nécessaire de continuer. Pour mon honneur, pour l’honneur de la famille… la famille… en cendre.

Vestige d’une terre sacrifiée

Précieux repère des lions affamés

Ils nous ont volés notre sourire, notre visage,

Mais nous ont laissé notre cœur.

Pourquoi notre cœur ?

Pour que nous puissions déguster notre rage.

Qu’ils savourent leur victoire,

Un jour viendra où notre sang noir,

Viendra les ronger.

Ce jour-là, nous serons à notre apogée.

Avarras pris un des trois livres et l’ouvrit pour commencer à les étudier.

- Ce jour viendra…

L'Enfant regarda s'éloigner son employeur sans dire un mot, le fixant jusqu'à ce qu'il se fonde dans les ombres des rayonnages. Il tourna alors la tête en direction de Melaka, affichant à la fois un air surpris et contrit.

- Si on le gêne, il n'a qu'à le dire! Je le trouverais presque grossier pour la peine.

Puis il baissa le regard, s'attardant sur le corps ignoblement hérétique de la Sanguine − les idées pareilles à celles qui lui venaient en la regardant étaient forcément hérétiques − pour finalement examiner la forme recroquevillée et gémissante à ses pieds.

- Et puis il nous laisse ses crasses en plus! Franchement, ce n'est pas ce que stipulait le contrat : "aider à trouver un livre" n'a pour moi jamais rimé avec "nettoyer derrière lui". 'pis y met du sang partout, aussi.

- On ne peut pas dire que vous contribuez vous-même à la propreté des lieux, répondit sa collègue en pointant le nez cassé du Répurgateur qui s'empressa alors de presser de nouveau un mouchoir sur l'excroissance douloureuse. Et pour être honnête, souligna-t-elle, ce n'est pas vraiment l'exemple de travail précis. Le connaissant, même brièvement, ne jouez pas les surpris lorsque vous tombez sur ces à-côtés. En tout cas si vous voulez rester crédible.

Exodus maugréa en réponse à la réplique de sa collègue du moment, puis fixa de nouveau le résidu de nobliaux sanglotant sur le marbre, avant de se frotter le menton en signe de haute réflexion.

- D'un autre côté… De mon expérience, on apprend jamais plus sur les gens qu'en fouillant dans leurs ordures.

- Je ne pense pas que celui-ci nous apprendra grand-chose vu son état, corrigea la sanguine tandis que Gipsy reniflait l'homme mutilé avec un intérêt prédateur. Elle se pencha et lui saisi la mâchoire, ce qui lui fit pousser une longue plainte inarticulée. Je crois même qu'il vient d'entrer dans le club très fermé des muets à perpétuité.

- Bah, ce n'est pas comme si je le voyais survire encore longtemps. Et puis quand on connait le genre de langage auquel il a eu recourt jusqu'à présent, on ne peut pas vraiment regretter son babillage.

- Certes. Mais maintenant la question est : comment fouille-t-on ce genre de… détritus? Sans se souiller d'avantage, j'entends.

- Et bien pour commencer, la méthode voudrait que l'on s'attache au caractère visuel de la chose. Donc : à quoi ça ressemble?... Bon, à un homme mort. Ou au moins en devenir.

- A un homme molesté, si on veut vraiment être précis. Mais je crois que votre méthode devrait également se porter sur les détails, par exemple vestimentaire. Là, on voit bien malgré le sang qu'il s'agit d'atours de bonne qualité, sans doute très cher.

- Hum, pertinent, pertinent…

- De plus, la posture de l'homme ainsi que son discours lors de son entrée peuvent nous indiquer une habitude au commandement. Ou à la tyrannie, c'est selon.

- Conclusion?

- J'en déduit que nous avons à faire à un fils de bourgeois, ou de bonne famille. Vue l'équipement et les mercenaires, je penche pour le sang bleu. Et puis les bourgeois sont trop lâche pour venir eux-mêmes sur le terrain.

- Voyez-vous cela! C'est impressionnant comme analyse, à part qu'on l'avait tous deviné depuis son arrivé, je vous ferais remarquer!

- Et bien je préfère une certitude redondante à une hypothèse posée trop rapidement, répondit Melaka en se retournant pour cacher sa gène. Et puis ça nous aide malgré tout.

- En quoi exactement, madame l'experte?

- Simplement parce qu'il y a plus de bourgeois que de nobles, statistiquement parlant. Donc on vient de réduire le champs de recherche.

- Oh mais c'est parfait, il suffit de feuilleter – la ferme toi!

Il décocha un coup de pied en traitre au noble maintenant certifié, qui s'était mis à gémir de plus en plus fort.

- Je disais, il suffit de feuilleter tout les almanachs, les arbres généalogiques et les revues mondaines. Super! Et bien je vous laisse faire, parce que je l'ai déjà fait une fois et ça m'a duré plus de trois jours! Et j'avais des indices valables au moins cette fois-là! Pas une vague classe sociale!

- Si vous n'êtes pas content, vous n'avez qu'à les chercher vous-même les indices! Après tout c'est votre méthode, alors essayer un peu de trouver mieux que "cet homme est presque mort, ouais, je confirme, on va manger?"!

- Garce, chuchota Exodus en se penchant sur le presque-corps, moins vexé par les reproches que par l'imitation un brin trop juste.

- J'ai entendu!

- Tant mieux!

Il observa plus en avant le corps, lâchant une claque ou deux pour la forme à destination du noble, histoire qu'il bouge un peu moins, 'voyez? Après plusieurs fouilles infructueuses des poches et des doublures, il se rendit compte d'un détail tout bête. Passant la main sur le plastron léger que l'homme portait au torse, il révéla sous une couche de sang le dessin particulier d'une salamandre tirant sur le vert et surmonté d'une tiare.
Pas du grand art, mais au moins un héraldique reconnaissable.

- Melaka, commença-t-il avec une voix chargée de fierté victorieuse, je pense avoir trouvé quelque chose.

La jeune femme observait la victime à ses pieds avec dégoût. Elle se demandait de plus en plus ce qu'elle faisait ici et où la mènerait cette quête. Au final, même après leur rude combat, les deux acolytes n'étaient toujours pas plus avancés sur les réelles motivations d'Avarras. Néanmoins, Melaka appréciait la présence d'Exodus, qui, elle devait bien le reconnaître, la rassurait. Alors qu'elle s'étonnait elle-même de tolérer la présence d'un fils de l'Unique, celui-ci l'interpella.

Melaka, commença-t-il avec une voix chargée de fierté victorieuse, je pense avoir trouvé quelque chose.

Que se passe-t-il encore ? T'as vu passer une araignée dans un coin ?

La vampyre restait malgré tout sur le ton de l'humour. Sûrement par crainte de montrer un quelconque attachement envers le Répurgateur. Ce dernier lui répondait évidemment de la même manière.

Ah ah... Très drôle ! Regarde plutôt cet écusson.

Hum, ça ne me dit rien du tout... Tu connais cet emblème ? l'interrogea-t-elle.

Je l'ai déjà vu dans un livre de la bibliothèque, j'en suis sûr. Suis-moi, il y a un rayon dédié aux différentes familles de Ter Aelis et d'ailleurs. Nous le trouverons forcément !

Exodus courait déjà en direction du pôle où se trouvait l'objet de sa curiosité. Melaka eut une hésitation concernant le sort de l'homme agonisant à ses pieds, puis elle haussa les épaules avant de rejoindre le Répurgateur. De toute façon, leur blessé n'irait nulle part. Ils devaient poursuivre leurs recherches pour en savoir plus.

Bon, par où on commence ?! s'étonna Melaka face à la montagne de livres qui lui faisait face.

Son acolyte ne lui répondit pas, déjà trop occupé à détailler les rayons. Son intuition lui faisait penser que le blason de leur éclopé ne faisait pas partie d'une famille aélissienne. Il s'était donc directement penché sur une rangée étrangère à leur monde. Melaka suivit le mouvement et entama son enquête à l'autre bout de la gigantesque rangée. Plusieurs heures de fouille furent nécessaires avant de trouver enfin quelque chose.

Viens voir ça ! s'écria Exodus qui affichait son plus grand sourire.

Et voilà qu'il recommence... Pourquoi tu le suis comme un toutou ? soupira Gipsy aux côtés de sa sœur.

Arrête un peu de râler, on doit faire équipe si on veut s'en sortir dans cette affaire.

Ben voyons... Dis plutôt qu'il te plait.

N'importe quoi !

Gipsy ne put s'empêcher de grogner de rire, ce qui attira l'attention d'Exodus. Ce dernier eut un regard dubitatif vers les deux compagnons, mais ne releva pas.

Alors, tu me montres ? lui demanda la jeune femme en s'approchant.

Exodus pointa du doigt une page arrachée de l'ouvrage qu'il tenait en main. On reconnaissait l'emblème repéré sur la victime, malgré l'état de décomposition avancé du manuscrit. Les informations concernant son appartenance avaient mystérieusement disparu. Un nom était néanmoins déchiffrable : Volk.

Volk ? Est-ce que tu les connais ?

"Le Pouvoir. Tel est le plus enviable des trésors. Qui n'a jamais espéré porter la Puissance d'un Dieu, gouverner tel un roi, guider tel un seigneur ? Serrer dans ses mains cette vermine grouillante qu'est devenue la plèbe, la posséder, la diriger, sans qu'elle ne s'en rende compte. Etre un marionnettiste invisible et pourtant omnipotent... Ce qui détiennent cette Force n'usent pas toujours de Lames ou de Magie pour faire trembler les montagnes. Ils se contentent de trouver les serviteurs qui sauront le faire pour eux. Quels sont leurs buts ? D'aucuns servent leurs intérêts, par vengeance ou par envie. Mais tous ont un unique et même objectif : Le Pouvoir pour le Pouvoir..."

Paroles d'Autrefois,
Yvean Septem.

"Ah. Oui. Evidemment. Du Sang. Il manquait à ce décor pacifique et paisible, à cette bibliothèque des temps anciens dont la richesse et la connaissance auront transcendé les âges, quelques gouttes de Sang.
Où, plutôt, une traînée immonde qui doit bien faire une centaine de mètres... Je pense que nous les avons trouvé, Yvean. Lui et ses employés. Le marionnettiste aux ambitions voilées.
Penses-tu qu'il sera heureux de nous rencontrer, Cylkaëm ?
Je ne crois pas. Il est de ces hommes qui exècrent l'imprévu, qui abhorrent l'imprévisibles et donnent des coups de pieds dans le chaton du surprenant. Il ne sera pas... Heureux. Il réagira comme un homme qui ouvrirait son propre roman et découvrirait qu'un inconscient a raturé les pages et rajouté des personnages imaginaires.
Autrement dit, il risque de réagir de manière étrange. Cet Avarras devra aussi garder sa contenance. C'est un individu d'une certaine élégance, après tout. Mais trêve de bavardages, mon ami. Allons donc rendre visite à ce personnage. N'est-il pas un mystère que nous n'avons pu résoudre et dont la rencontre nous permettrait d'étancher une certaine soif de curiosité ?"

L'homme s'avança, seul, entre les couloirs de la bibliothèque, laissant ses pensées derrière lui. N'importe quel noble, en croisant son chemin, y aurait vu un homme habitué au commandement et au pouvoir, de ceux qui n'ont point grandi dans le giron de la richesse mais bien dans le lit de l'ambition. Ses yeux brillaient d'une flamme insatiable, amalgame d'une colère refoulée et d'un savoir infini. D'étranges volutes semblait vagabonder en ses prunelles d'argent, traçant un second regard, plus perçant et, surtout, plus lointain. Son port était altier, desservi par des vêtements sombres mais élégants : un pantalon d'ébène ainsi qu'une chemise blanche, recouverte par un obscur manteau. Nulle arme ne semblait être dissimulée, si ce n'est une fine lame rangée dans son fourreau, dont la garde demeurait cachée.
Ses cheveux étaient attachés en arrière, tombant jusqu'à sa nuque, alliage de brumes et de nuit. Son pas était vif, quoique légèrement aléatoire, intimement relié à une aversion prononcée pour les flaques de Sang. Au bout de quelques minutes, il s'arrêta a coté de deux cadavres, les examinant rapidement avec un léger sourire. Les pensées revinrent.

"Il semblerait que le Répurgateur soit bien parmi nous ce soir. Ce sera un plaisir de croiser ce cher Exodus. Il ne fera sans doute pas le lien entre nous et l'Histoire où, tout du moins, je l'espère.
Oui. L'odeur de caniche ne ment pas. Melaka est aussi présente et ces Enfants ont une tendance à se brusquer de manière déplaisant lorsque la concentration de Sanguin est trop élevée. Mais ni l'un ni l'autre n'ont vu cet aspect. Cela est bon, pour ce soir... Et, oh. Il semblerait qu'il ait eu faim.
Oui, il a fait cuire une conserve, en effet. Je ne savais pas qu'il était en détresse au point de se cuisiner de l'homme."

Yvean Septem, car tel était son nom, enjamba l'armure et, entendant des voix a quelques rangées d'intervalles, se redressa légèrement. Il s'avança d'un pas assuré. Non pas pour aborder les personnes, mais afin que, si par malheur, elle le remarquait, il n'ait pas l'air d'un voyou rodant dans une bibliothèque en quête d'un mauvais coup mais plutôt d'un aristocrate bénéficiant des passe-droits nécessaires. Il n'eut toutefois point besoin de se justifier auprès des deux tourtereaux - ce nom lui vint à l'esprit lorsqu'il les aperçût, accompagné de l'idée fort réjouissante de l'avis du Primat sur la compagnie de certains de ses Enfants. Il les contourna sans encombre, trop absorbés qu'ils étaient dans la recherche d'un livre quelconque. Les écouter quelques instants avant de disparaitre lui permit toutefois d'en apprendre beaucoup...

"Où peut-il bien être, à présent qu'il a les Livres ? pensa-il.
Hum. Je dirais un endroit silencieux, invisible, où il pourrait travailler en paix sans que l'impossible querelle entre ces deux là ne les dérange. Je dirais donc dans les salles de lectures qui se trouvent, fort heureusement, à seulement quelques minutes dans cette direction."

S'en suivit une rapide marche, qui lui permit de contempler le travail artistique de Melaka, section carnage et effusion de Sang. Il arriva finalement au niveau des salles de Lecture. Comme d'accoutumée, elles étaient toutes ouvertes afin de permettre aux incantations nettoyantes d'agir en toute sérénité. Toutes, sauf une. Yvean manqua d'éclater de rire. C'était d'une logique implacable, après tout. Et cela lui éviterait d'avoir à vérifier toutes les pièces.
Il atteint la porte en quelques pas légers et posa sa main sur la poignée. Sans que celle-ci ne s'ouvre d'une délicate injonction. Il laissa filer un grommellement. "Cylkaëm... Pourrais-tu ?". L'homme posa sa main sur la serrure, avant de la cacher à l'aide du manteau. Une volute de fumée s'échappa de l'ombre, écho des étranges phénomènes qui se déroulaient autour de la serrure. Suivit d'un cliquetis, léger puis plus insistant, qu'accompagna finalement la chute de l'épée posée de l'autre coté de la porte.

"Je n'avais pas prévu cela, songea-il.
Cela empêche l'entrée discrète mais élégante. Soyons donc enthousiasmes et avenants !"

Vivement, mais sans brutalité, Yvean ouvrit la porte et laissa naitre sur son visage son plus beau sourire. Et, alors qu'il prononçait les paroles que nous avons retranscrit plus bas, une plume d'ébène tomba lentement sur le sol, au niveau de la porte...

"Sieur Avarras ! Je me présente, Yvean Septem, habitant d'Aelis depuis seulement quelques temps.
Votre entreprise m'intéresse et je pense que vous pourriez avoir besoin de mes services. Pourquoi ? Disons que les hommes qui vous cherchent et vous trouvent sans intentions meurtrières en Aelis ne sont pas légion, et que ceux-ci possèdent incontestablement des ressources étonnantes !"

Cela faisait au moins quatre heures qu'Avarras étudiait les trois livres qui se présentaient face à lui. De sa plume, il avait rédigé l'équivalent d'une nouvelle, sa main continuant d'écrire alors que son regard jonglait entre chaque livre.

Soudain il entendit un cliquetis derrière lui venant de la porte se faisant de plus en plus prononcé. C'est alors que la porte s'ouvrit avec fracas et que l'inconnu se présenta :

- Sieur Avarras ! Je me présente, Yvean Septem, habitant d'Aelis depuis seulement quelques temps.Votre entreprise m'intéresse et je pense que vous pourriez avoir besoin de mes services. Pourquoi ? Disons que les hommes qui vous cherchent et vous trouvent sans intentions meurtrières en Aelis ne sont pas légion, et que ceux-ci possèdent incontestablement des ressources étonnantes !

Voilà qui est déconcertant, se dit-il. Rien de son angoisse ne ressortait si ce n'est que son écriture commença d'une encre légère pour aller vers un style plus vulgaire et finir avec des taches d'encre sur la feuille.
Pour autant, Avarras garda son calme et continua son étude sans se retourner vers l'étranger.

- Vous savez... par principe, dans une bibliothèque, il est coutume de respecter un certain silence. Hors, je ne pense pas que forcer une porte et s'époumoner pour se présenter fait en sorte d'appliquer cette valeur en ce lieu. De ce fait, je vous prierais de bien vouloir attendre que je termine mon analyse avant de poursuivre, merci.

Quinze minute plus tard, Avarras avait enfin réussi à finir son analyse et a trouver le prochain endroit où se rendre. Selon la carte, c'était une immense forêt où se trouvait une coupole isolée au milieu d'une clairière.
Il posa sa plume, ferma les trois livres et se retourna enfin vers l'inconnu.

- Bien, cher Monsieur Septem, si j’entends correctement ce que vous avez dit il y a quelque instant, vous venez d'arriver sur cette terre depuis peu et que vous êtes intéressé par mon entreprise. J'aurais toutefois deux remarques : premièrement Wilwarin est une ville plus que complexe et il faut des mois pour la trouver et des années pour la connaître dans son ensemble. De plus, sa bibliothèque est un immense labyrinthe et comme vous êtes arrivé ici sans tomber sur mes « compagnons » il est clair que vous connaissez très bien ce lieu. Alors veuillez m'en excuser mais j'ai quelque doute concernant votre récente venue en Ter Aelis.
Deuxièmement, vous dite que vous êtes intéressé par mon aventure, fort bien, mais moi suis-je intéressé par vous ? Cela reste à voir... Cependant j'ai besoin de personne supplémentaire pour pouvoir continuer, de ce fait vous allez être... comment dit-on... mis à l'essai ?

Avarras avait un léger sourire au coin des lèvres. Il avait repris le dessus mais au vu de la prestance que dégageait Septem, il valait mieux rester sur ses gardes pour le moment.

- Et bien je crois qu'il est temps que je vous présente à mes cher employés, dit-il, veuillez me suivre je vous prie.

Après plusieurs minutes au sein de l'immense bibliothèque, Avarras retrouva Exodus et Melaka autour de ce qui restait d'Alexandre Régis. Sans prévenir il alla à la rencontre de ce dernier et utilisa un sort mineur de soin afin d'arrêter l'hémorragie.

- Voilà qui est fait. Chère Melaka, cher Exodus, je vous présente Yvean Septem, il nous accompagnera pour la suite des événements. J'espère que vous vous accorderez bien ensemble. J'ai terminé l'analyse des livres que vous m'avez rapporté. J'ai quelques petites affaires à régler, vous avez donc quartier libre pour le moment. Je vous retrouverais dans cinq jours au Saint Egide qui se trouve ici même. Sur ce, je récupère le déchets que je vous ai laissé entre temps et vous remercie de vous être occupé de lui.
Je vous souhaite une agréable fin de soirée et vous dis donc à dans cinq jours, dit-il avec un grand sourire.

Il remis Alexandre sur ses pieds et l'emmena vers la sortie. Après s'être éloigné de la bibliothèque, il alla vers une ruelle afin de s'entretenir avec Alexandre Regis.

- Je sais que tu me méprise encore plus que jamais maintenant, mais rassure toi dans cinq jours ton supplice prendra fin. Je t'en fais la promesse... dit-il avec un regard aussi sombre que la plus noir des onyx.