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| [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape | |
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+5Tr0n Ruby Sanz Mirwane dale cooper 9 participants | Auteur | Message |
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dale cooper
Nombre de messages : 7649 Age : 46 Date d'inscription : 08/09/2008
Personnages RP Pseudo: Pseudo : ▲ Pseudo :
| Sujet: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mar 11 Déc - 21:28 | |
| C’est l’histoire d’un mec qui dérape.
L’histoire d’un gars qui avait appris à se méfier des gens et de leurs bonnes volontés, pour ne plus y voir que leurs propres volontés. Le genre de type qui ne voyait plus que l’hypocrisie dans les sourires et les questions types des formulaires sociaux.
« Bonjour ça va ? Comment que c’ets aujourd’hui ? Bien ? »
De temps en temps il aimait à prendre à contrepieds les réflexes routiniers de ces contemporains en leur lâchant un « non ça va pas ! », juste pour voir l’effet qu’un peu d’honnêteté aurait sur les automatismes de la vie en commun. Le type vivait dans un monde où l’indigence du « SOI » ne pouvait plus supporter l’ingérence de « L’AUTRE ». Un monde autocentré sur MOI, où autrui ne pouvait plus que liker ou passer son chemin.
+1 ou =0
La crise, la guerre, les subprimes et la politique avaient fini par engloutir le monde des gens gentils dans une mélasse nauséeuse. Il leur fallait transformer le goudron en plume, pour pouvoir enfin respirer, s’élever dans leur individualité univoque, et devenir des gens bien, des gens charmants, des gens qu’on a envie de suivre.
Hélas pour lui, le type préférait éclater les bulles de savon, plutôt que voir les iridescents espoirs s’envoler hors de portée de la réalité. Il préférait sentir le parfum, le goût amer et le piquant des bulles dans ses yeux et dans sa bouche. C’est ainsi qu’on lavait le monde, pensait-il. Inutile d’offrir du savon aux cieux, aux dieux et aux rêves. Ceux-ci n’avaient jamais fait que salir la terre et chier sur ceux qui les vénéraient.
C’est ce qu’il croyait.
Et puis un jour, il a dérapé.
Pour de bon.
De bons mots en petites phrases assassines, de calembours en provocations douteuses, il s’était bâti une forteresse où l’humour avait la saveur du cynisme, où le rire était jaune et l’aigreur, suave.
Par vagues incessantes d’acide verbal, il déversait sur son monde ce qu’il tenait pour vrai : tout ce que disait les autres était faux, archi-faux et surtout plein de bons sentiments aigrelets et doucereux. Il n’en pouvait plus de ce calice sucré bu jusqu’à la lie par un monde nordiste et occidental qui ne savait plus que boire au-delà de son nombril.
La mièvrerie, les câlins, les bisous, les accolades, les caresses et les chatons le dégoûtaient. Non qu’il n’avait pas besoin d’amour lui aussi, mais plutôt parce qu’il ne voulait plus de l’hypocrisie et des contacts assurés et rassurants de quasi inconnus. Des gens à peine croisés « mais qui seront toujours là pour toi si tu en as besoin ». A mille kilomètres et derrière un écran, l’amitié était une action bien dévaluée. Son taux dégringolait à mesure que les cœurs et les love se cumulaient sur les murs comme autant de smiles sur une carte d’infidélité.
Alors un jour, il a dérapé.
Pour de bon.
Pris dans sa frénésie autoalimentée, son besoin de réalité terre à terre, à peine maquillée en pirouette irrévérencieuse, lui fit laisser trois ou quatre commentaires de trop. Là où les gens avaient besoin d’encouragement, de pitié, de sollicitude et de tapes sur l’épaule, il s’empressa de distribuer des peaux de banane, des quenelles et rajouta un peu d’huile sur le feu pour faire flamber le tout. Il s’offrit un autodafé de tweets et de posts pour le jour du seigneur. Il avait pris peur de ce qui le menaçait. Il avait pris peur de voir le bonheur, réel ou factice ou simplement copié/collé, se répandre sur son monde, l’engloutir et l’emporter dans un silence de mille voix, de mille opinions, de mille pools. Les êtres qui peuplaient son ordinateur étalaient leur confiture comme autant de petits enfants dans le besoin. Il voyait jour après jour, heures après heures, se faire et se défaire les amis, les amours, les emmerdes et toujours, toujours sans son avis, sans son aval, sans même son choix.
Une pluie de remontrances et de moues pincées s’abattit alors sur son lamentable mur.
Il cru prendre conscience qu’il avait dépassé les bornes. Il avait franchit une limite posée sur le seuil de son esprit. Il pataugeait dans un rubicond vaste comme l’océan.
Il ressassa, mal à l’aise, cette volée de MOIs verts qu’on venait de lui lancer à la figure. L’espace d’un post, il était devenu un pestiféré, un mec qui dérape, un pire que nazi, un coréen du nord.
En une ou deux phrases, il était désormais la honte de ses contacts.
Alors, isolé et banni, il se mit à réfléchir.
Il voulu se remettre en question.
Il pesa le pour, le contre, le moyen.
Il prit la température et souffla le chaud et le froid.
La vérité s’évapora autour de lui. Le monde était tiède. La gentillesse de principe était indéterminée et la méchanceté insaisissable.
On ne pouvait plus prendre à bras le corps une idée, un concept et surtout pas une opinion. Un avis n’était jamais tranché ni même mitigé. Il était « positif ».
Lorsqu’on tempêtait en faisant le moins de vague possible, on se faisait élire troll de l’année.
Lorsqu’on échouait à un concours, on finissait ex-aequo avec plus de félicitations que le gagnant.
Lorsqu’on bridait un poste de modérateur pour s’élever dans l’échelle électro-sociale (et pour pouvoir le mettre sur son real-CV), on postulait la tête haute et sans ciller, dans l’espoir que son nom fasse le poids dans la balance de l’indifférence.
Et lorsqu’on modérait, la neutralité était de mise, à peine rehaussée d’un sourcil froncé paternaliste et moralisateur.
Son tort avait été de mettre le doigt là où ça grattait. Il avait pris les soubresauts univoques et impersonnels de ses amis, pour autant d’appels au secours inconscients. Il voulait les soulager de cette démangeaison égoïste qui les étouffait. Il avait espoir qu’avec un peu de piment il les ferait éternuer. Alors il leur avait soufflé un peu dans les bronches.
Cependant il dû se rendre compte qu’on n’avait vu en lui que méchanceté et irrespect. Les gens n’aimaient pas qu’on leur mette le nez dedans. Ils n’appréciaient pas l’invasion barbare d’un taunt sur leur pré carré, aussi numérique et dématérialisé fut-il.
Les gens ne supportaient plus d’être contredits, d’être mis à mal par une tierce opinion. Froisser quelqu’un relevait du crime de lèse-individualité et la chaine face book avait force de vox populi.
Alors il eut envie, dans un dernier baroud, dans un énième tour de piste, de hurler sa vérité vraie aux millions de petits cochons cachés derrière leurs écrans, à l’abri du grand méchant Troll.
Cette fois-ci, il ne hurla pas. Il se contenta de susurrer, pour ne pas heurter les sensibilités :
« Comme il était autrefois interdit par la morale de lever la main sur son prochain, il est aujourd’hui répréhensible de poser le verbe sur son ami.
L’autosatisfaction permanente dans laquelle le cocon numérique vous choie, a fait de vous tous des êtres socialement douillets. »
Dislike it Throw it Fin du pamphlet | |
| | | Mirwane Coordonnateur Chromatique
Nombre de messages : 1161 Age : 30 Localisation : 2ème étoile à gauche et tout droit jusqu'au matin Date d'inscription : 03/04/2010
Personnages RP Pseudo: Mirwane Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mar 11 Déc - 22:21 | |
| - Citation :
- La mièvrerie, les câlins, les bisous, les accolades, les caresses et les chatons le dégoûtaient.
Non mais... Comment on peut ne pas aimer les chatons ? Je l'aime bien ton texte, je le trouve un peu triste ton bonhomme, mais c'est bien fait, et c'est intéressant de voir comment la peur de se retrouver seul (je le prend comme ça) l'aigrie peu à peu, jusqu’à le rendre vraiment seul... En même temps sa vision à des éclats de justesses, et certaines choses sont vraies... J'aime beaucoup ! | |
| | | Sanz Littéraire et rôliste
Nombre de messages : 1197 Age : 37 Date d'inscription : 26/08/2008
Personnages RP Pseudo: Hezeriel Shinobi ( I) Pseudo : Sanz Pseudo : Anwen
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mar 11 Déc - 23:06 | |
| L'introspection est valeur sure, répandue sur l'observation des autres dans une forme de regard.
Un regard, c'est tout un art. Plongé en bien ou en mal, où selon la Saison. | |
| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mer 12 Déc - 0:17 | |
| Un texte en forme de reproche mais c'est bien de parler, d'exploser. Le pire dans nos sociétés c'est le non-dit et le non-retour. Encore plus dans des sociétés où le liant est moins fort et où tout est pris comme un coup de hache sur la corde raide.
Ce que j'aime bien dans ton écriture et en général c'est que c'est une écriture du " populaire" pas dans le sens négatif, dans le sens réaliste où tu parles d'une époque qui se dessine depuis un moment et dans laquelle on est, qui se forme d'un nouveau langage. Alors des fois c'est difficile de s'y habituer, un smiley en plein milieu d'un texte, limite j'aurai préféré que tu le nomalises. Parfaite argumentation: thèse contre, thèse pour et ensuite tu nous reprends à contre pied, dans une sorte de synthèse ou de retour à la première solution.
C'est assez sociétal comme texte, bon regard sur les choses. En espérant que tu ne tiennes pas parole sur le baroud d'honneur.
J'avais aperçu une phrase qui dans sa mélodie me plaisait beaucoup je la retrouve plus.
Je trouve que ton vocabulaire d'écriture s'est étoffé et homogénéisé. | |
| | | Tr0n
Nombre de messages : 3306 Age : 44 Date d'inscription : 13/03/2008
Personnages RP Pseudo: Sucedebout Pseudo : Grocube Pseudo : Tron
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Jeu 13 Déc - 13:19 | |
| [Commentaire envoyé sur ta boîte MP. C'est plutôt une discussion philosophique d'ailleurs petit pote]. | |
| | | Mike001 Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 2662 Age : 23 Localisation : West Coast ; Phare Ouest Date d'inscription : 26/09/2010
Personnages RP Pseudo: Mike le Fremen Pseudo : Hannibal Smith Pseudo : Davy et Mickey
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Jeu 13 Déc - 15:08 | |
| Commentaire envoyé par recommandé passant par la Chine et le Brésil. | |
| | | gaba
Nombre de messages : 598 Age : 37 Date d'inscription : 28/11/2011
Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mer 23 Jan - 20:40 | |
| Commentaire en retard (eh oui) : Un texte qui rappelle à quel point il est difficile de distinguer le vrai "bon sentiment" de l'hypocrisie. Et on hésite toujours à prendre partie, entre une société de l'hypocrisie et un homme qui refuse de faire le tri et rejette tout en bloc.
Un texte qui fait réfléchir sur la raison d'être des codes qui régissent l'interaction sociale, l'amitié serait-elle possible sans la politesse ? | |
| | | Erlidann
Nombre de messages : 2380 Age : 35 Localisation : Sur Terre Date d'inscription : 24/04/2009
Personnages RP Pseudo: Erlidann Pseudo : Magel Pseudo :
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Mer 23 Jan - 23:43 | |
| Tiens, je n'avais pas lu ce texte.
D'un autre côté, je n'en ai lu que très peu depuis peu. Peu de mois, 6 à peine.
Je peux donc peupler de quelques mots qui peuvent être nombreux, soyons fous ce néant numérique mais tentaculaire, cette toile d'araignée. Si on oublie l'arachnide au centre de la toile. Mais tissons des réseaux entre nous plutôt qu'entre eux, tout ira mieux.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ton texte m'a fait réfléchir. Oui, c'est amusant car c'est une réflexion qui du coup en amène d'autres et elles s'enchaînent et se déchaînent dans une suite de pensées désordonnées.
Mais j'accorde beaucoup d'intérêt à ce sujet, la relation à autrui. Comment discutons-nous ? De quoi ? Et comment apprenons nous à nous renseigner de détails que nous n'écoutons pas pour tisser des liens sociaux.
C'est une façon de jouer. Jouons aux relations sociales. Par contre chacun apprend les règles, triche et gagne ou perd comme il l'entend. Quoique chacun puisse faire perdre les autres. Mais il parait que c'est plutôt mal vu. Mais faisable pour la plupart.
Il ne faut pas penser à soi. Surtout pas. Mais ceux qui pense aux autres, on les respecte car nous, on n'y penserait pas. Par contre, celui qui aide son prochain, il peut et même doit le faire. Mais pas trop hein, chacun sa merde.
Et les méchants ? Ceux qui rabaissent les autres ? Et bien ça dépend ! Si c'est drôle, c'est normal, il faut bien vanner les autres sinon, qu'est-ce qu'on ferait sinon rabaisser ses copains ? ha ha ! Faire de l'humour normal sur les minorités ethniques ? Non, il ne faudrait pas abuser. Les nègres et les juifs ont déjà assez morflé comme ça. Mais balancer sur les autres, c'est pas bien. Dire qu'un autre est plutôt brouillon dans son exposé, c'est mal. Mais lui dire, c'est pas mal continue, c'est super.
C'est pas mal, continue. | |
| | | Dear Nymph
Nombre de messages : 15 Age : 33 Date d'inscription : 14/01/2013
| Sujet: Re: [pamphlet] L'histoire du mec qui dérape Jeu 24 Jan - 0:56 | |
| J'aime.
Très bon texte, pour preuve : je l'ai lu jusqu'à la fin ce qui est rare dans mon cas... Je n'ai pas tout à fait saisi le sens profond du texte, peut-être parce que je ne traîne pas suffisamment sur les "réseaux sociaux" comme on appelle ça à la télé. Peut-être parce que j'ai deux nuits de sommeil qui ont sauté et que je devrais aller dormir au lieu de lire des nouvelles. | |
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