Changer de chemin

Aulis se réveille, vérifie la présence de son pendentif à son cou. Elle allonge le bras pour lever l’interrupteur de la lumière. Son plafonnier est grillé, ou bien on lui a encore coupé l’électricité. Elle ne le sait pas trop et s’en moque pas mal à cet instant. Elle se contente de refermer les yeux quelques minutes. Le livreur de journaux, trop bruyant, viens de jeter le journal contre la fenêtre. Elle se demande vaguement si un journal à la capacité à défoncer une vitre. Cette fois, elle se lève. Régler comme une machine, elle met une casserole d’eau à chauffer avant d’aller ramasser l’annuaire à potins ayant atterri au bas de son mur. Elle l’ouvre à la page des actualités et retourne à la cuisine pour verser le liquide chaud sur quelques plantes. La double page parle d’un récent règlement de compte par empoisonnement entre deux gangs et d’étranges statues de glace trouvées sur place. Elle lit l’article de mauvaise facture rédiger par un journaliste trop pressé de sortir un scoop. Tous les superlatifs y sont. Les questions sans aucun intérêt aussi. Aulis soupire, quand est ce qu’on journaliste de ce torchon sortira des sentiers battus et sera capable de pondre un article convenable. Probablement jamais. Un détail retint tout de même son attention : Un survivant. Elle fronce les yeux devant sa photo. Les journalistes n’épargnent rien quand il s’agit de faire un gros titre. Quel manque d’originalité. Le pauvre bougre ne va pas vivre encore bien longtemps de toute façon, mais peut être assez pour parler. Quelques pages plus loin, la jeune femme lit deux ou trois petites annonces et finis avec la page culturelle. Aulis repose le journal et termine de se préparer. Elle se dit qu’il est temps de quitter son trou et d’aller rêver ailleurs.



Aulis avance maintenant dans les rues de Ter Aelis, inspectant l’apparence de chaque maison, chaque détail. Une tuile mal placée, un mur fendillé, une barquette de fleurs qui semble être posée de façon distraite sur un rebord de fenêtre. Elle examine tout de façon méticuleuse avant de sourire. Les murs, de cette ville, ont l’air si banal et normal. Aulis s’approche d’un pavé mal ajusté comme il y en a des centaines dans cette ruelle mais elle écrase celui-ci avec le plat de son escarpin, le remettant droit, avec hargne et sourire carnassier. Le soleil prend son fringant air rouge, il entame sa course pour la journée. Aulis arrange son foulard de lin vert quand une brise salée s’engouffre sur sa nuque. Elle réajuste instinctivement ses fins cheveux auburn. L’air est encore un peu frais à son gout mais le lever du soleil est son moment préféré de la journée, jamais elle ne le rate et cela ne changera certainement pas ici. Elle pose son immense étui et seul bagage avant de respirer à pleins poumons.

-Cette ville est bien calme.

Sephiroth avait suivi une étrange venue dans les rues de Ter Aelis. La cible semblait avoir un sens du détail développé et cacher des secrets. Cela faisait d'elle une personne à rencontrer. Son masque du Zénith au visage, il décida de l'attirer sans lui faire peur. Appuyé contre une balustrade où il n'y avait personne une minute auparavant, ses cheveux se fixèrent au manche de son épée, pour les transformer en une harpe aux fils d'argent. Une coquetterie du sephyrien. Il joua quelques notes douces, en adéquation avec le débit de la ville et la course du soleil.

- Il faut se méfier des eaux qui dorment.

Echo à la remarque de l'étrangère.

Aulis

Aulis fait trois pas et se poste à l’entrée d’une place donnant sur la baie, à deux mètres de la dernière maison et son bagage. La mer derrière elle, elle observe la ville qui sort de sa torpeur. Le soleil lui chauffe le dos. Les premiers marins, font leur apparition, animés d’une volonté immense.

Une musique rythmée sonne dans l’esprit d’Aulis. Quelque chose de brute qui monte dans les graves. Ce son mécanique et lancinant ne vient pas du port où quelques troubadours sont installés. Le bourdonnement, produit directement par son cerveau, deviens mécanique, tel des rouages qui se brisent dans une déflagration. Aulis ferme les yeux. Ce grondement la ramène loin, très loin dans son passé. Des brides rapides se succèdent, un sourire dont elle ne se remémore même plus à qui il appartient, un champ d’orge, la cours pavé de marbre d’une villa. Le fracas insupportable lui brûle les tempes. L’air qui sort de sa bouche à chacun de ses souffles saccadés se transforme en léger brouillard. Son rythme cardiaque augmente. Elle reste immobile. Aucun cri ne sort de sa bouche, ses capacités à parler et bouger disparaissent presque. Elle lutte seulement pour respirer. Elle à un éclair de lucidité, elle pense au sourire vu plus tôt. Il faut absolument qu’elle se tourne vers le soleil. Elle s’essouffle. Le clapotis des vagues n’est plus audible. Elle peine à se mouvoir. Ses gestes sont lourds et lents. Aulis est à bout de souffle et son cœur bat comme s’il allait rompre d’une seconde à l’autre. Le soleil termine son envol et son opale bleue en attrape un rayon. Elle scintille quelques secondes et apporte sa chaleur à sa porteuse. Le rythme cardiaque d’Aulis redescend et sa respiration se calme pour être paisible. Cette fois, Aulis est chanceuse, personne n’était proche d’elle et personne n’aura remarqué sa détresse qui n’aura duré que deux minutes tout au plus.

Ses cheveux auburn et fins virevoltent avec les embruns. Elle ouvre les yeux et une larme s’échappe. Elle respire un grand coup et se frotte les mains et se masse les tempes. Elle contemple le bleu du ciel. Bleu qu’elle trouve plus pastel que dans la ville précédente. Elle cligne rapidement des yeux et soupire encore quand une musique légère et fine se fait entendre. On ne la méprend pas : une Harpe. Aulis aime ce son cristallin complètement à l’opposé de celui que son esprit lui envoi. Apaisée, la jeune femme tourne la tête et cherche la source de cette douceur. Le soleil réchauffe un peu l’air.

- Il faut se méfier des eaux qui dorment.

Aulis regarde d’abord en direction de la place puis de la rue sans rien voir. Elle fronce les sourcils, son esprit lui joue encore un tour. La harpe résonne toujours pourtant et cette voix ne lui est pas familière. Elle lève la tête et aperçoit donc un jeune homme masqué appuyé sur une balustrade. Elle ne fait pas qu’entendre des choses mais peut être a-t-il vu son malaise. Elle réglera cela plus tard. Il ne ressemble en rien aux marins qui manoeuvrent. Il tient plus du guerrier avec sa belle épée, ses cheveux gris et sa posture indique à la jeune femme qu'il doit connaitre les arts du combat. Aulis affiche un sourire merveilleusement chaleureux sans pour autant qu'il soit faux afin de rassurer son interlocuteur et lui lance :

-Une belle journée s’annonce.

Sans attendre de retour, elle se tourne vers le port. Le vas-et-viens des hommes de la mer, pour charger, décharger, réparer, construire, amarrer les navires ou autres petits voiliers est incessant. Le temps de balayer la place du regard, Aulis participe à toutes ses activités tantôt intrigante, tantôt surprenante, tantôt amusante. Personne ne rechigne à sa tâche, ils sont tous très volontaire. Le spectacle l'amuse. Puis elle s'adresse de nouveau à l'homme à la harpe avec le ton particulier de quelqu'un qui aurais déjà vécu ici :

-Cet endroit est particulier n'est ce pas ?

Sephiroth sourit du manège de la femme. C'est une bonne chose qu'elle sache contenir ses émotions. Il lui offre un sourire généreux par dessous son masque et s'arrête de jouer. Pourtant, la musique persiste, remplacée par des sons de la nature, qui composent le tableau d'une existence paisible.

- Particulier, c'est un fait. Mais bientôt, l'Harmonie ici sera perturbée, et cet endroit changera de mélodie. Un sort funeste attend la plupart de ces hommes. La guerre est proche. C'est bien que quelqu'un prenne le temps de contempler ces derniers instants de calme avant la tempête.

Il observe l'inconnue un moment, avant de poser la question:

- Vous n'êtes pas venue ici depuis longtemps, n'est-ce pas? Vous êtes nouvelle, peut-être? En tout cas, cette guerre ne vous semble pas très connue. Vous n'auriez pas contemplé ainsi ce monde, autrement.

Le jeune sephyrien retire son masque et se présente alors à elle:

- Mon nom est Sephiroth. Tutélaire et gardien de Ter Aelis. Vous êtes sur le territoire des lunaires et des Zénith, Galvorn nous appartient. Si vos intentions ne sont pas pures, vous feriez mieux de vous en aller d'ici. Dans le cas contraire, je n'hésiterais pas à abréger votre existence.

Il pointe alors sa longue épée, sa fidèle Masamune, en direction de l'étrangère. Son ton menaçant contraste étrangement avec son visage sympathique et son sourire. Il sait au fond de lui que l'étrangère n'est pas un danger pour eux. Mais il est hors de question de laisser place au doute lorsqu'une guerre comme celle-là est en train de couver.

Aulis

La musique de la harpe cesse. Sephiroth lui explique que l’endroit vit ses derniers instants paisibles. C’est dommage qu’un tel endroit soit soumis aux affres de la guerre pense Aulis, c’est un bien joli port. Certes, les pavés auraient bien besoin d’être recalés à son goût mais puisque cela est voué à disparaitre. Elle affiche une mine boudeuse quelques secondes. Déçue, de se dire que celui qu’elle a remis n’a finalement peut être servi à rien. Le gardien la sort de ses pensées en lui demandant depuis quand elle est arrivée.

-Je suis arrivée dans la nuit.

Le jeune homme se présente enfin et malgré son sourire son ton devient menaçant. Aulis le regarde sans vraiment s’inquiéter lorsqu’il pointe son épée vers elle. Abréger son existence, lui offrir enfin un autre monde. L’idée la charme. Aussi elle ôte son manteau brun et le pose délicatement sur son étui. Il lui a couté une fortune, plus cher que deux paires de ses chaussures, elle ne préfère pas l’abîmer au cas où le gardien en viendrait réellement à vouloir utiliser son épée sur elle.

-Voyez, dit-elle en tournant sur elle-même, je n’ai pas la moindre arme sur moi.

Elle lève les bras, les paumes de mains dirigées vers le ciel. Affichant un sourire en coin. Elle tourne ses yeux devenu entièrement noirs vers Sephiroth. Son opale rechargée en rayon solaire lui assure qu’elle garde le contrôle. Les battements de son cœur et sa respiration s’accélèrent de nouveau. Aux yeux des passants cela passe pour de la peur.

Le sephyrien fait la moue. La vulnérabilité apparente de cette femme semble trop réelle. Trop pour être vraie. Et son sourire a quelque chose d'effronté. Comme ces gens qui ne craignent pas de mourir, parce qu'ils détiennent la certitude de ne pas périr ou bien qu'ils sont suffisamment désespérés que pour rechercher la mort. L'ancien envoyé de la Mort a appris à les reconnaître...

Il fronce les sourcils et cesse de sourire. Sa voix gronde comme l'orage:

- Ne vous moquez pas de moi! Je sais très bien que vous cachez quelque chose!!!

Et comme un coup de tonnere, il fonce sur elle et la transperce de son épée, la fureur déformant les traits de son visage...

Aulis

Aulis le regarde foncer sur elle sans même bouger un cil. En plus de ses yeux, se sont maintenant ces cheveux qui sont devenu entièrement noirs. Son souffle se glace mais à pas cause de la fraicheur envolée de l'aube.

Au moment où Sephiroth touche Aulis celle-ci ce mets à scintiller comme de la glace qui serait exposée au soleil. Un souffle givrant les entoure, d'abord semblable à un brouillard. Aulis ne ressent aucune douleur, pourtant la lame vient de pénétrer sa chair. Elle ne comprend pas ce qui se passe mais la réaction est lancée et l’arrêter maintenant lui demanderait trop d’effort. La dernière fois qu’elle a du déployer autant d’énergie elle a du récupérer durant quelques jours. La vapeur se met à cristalliser tels de petits diamants qui se figeraient en amas. Un craquement semblable à un iceberg qui se brise fini d’achever la statue de glace. Se sentant désormais en sécurité, de fins filets de fumée s’échappent de la jeune femme.

La ville s’est agitée et l’aube est loin, le risque que quelqu’un tombe sur cette scène est de plus en plus grand et elle se demande comment cela se fait que personne ne s’est encore enfui en hurlant et en courant.
Elle commence par se libérer le haut du torse et les jambes, en prenant soin de garder la partie touchée de son corps dans la glace. Elle regarde la statue en face d’elle avec étonnement. Elle ne lui semble comme d’habitude, pas comme tous ces gens qu’elle a déjà transformé. Ces pauvres paumés d’un gang, son dernier travail, qui ont d’ailleurs du décongeler. Elle esquisse un sourire, encore un chemisier en soie de fichu, il risque d’y avoir un trou dedans. C’est malin. Elle décide finalement de briser la glace au niveau de la lame. Elle n’a jamais eu un look aussi ridicule mais il va falloir trouver une solution rapidement parce qu’elle ne gardera pas le contrôle continuellement et elle ne peut pas rester comme ça indéfiniment. Il va falloir soigner cette blessure pour le moment cautérisée par le froid de la glace.


Elle se retourne alors.

Tout ce temps, Sephiroth est resté derrière elle, à l'observer. Elle a mis le temps à se rendre compte de la supercherie, mais ses capacités d'autodéfense et de riposte sont stupéfiantes. Il lui décoche un grand sourire et lui précise:

- Vous pouvez décongeler sans risque, je ne vous ai pas blessé. Tout ceci n'était qu'une illusion destinée à évaluer vos compétences. Je préférais ne rien laisser au hasard, au vu de ces temps incertains.

Il avança d'un pas vers elle, montrant ses paumes ouvertes pour signifier qu'il était digne de confiance. Tout autour de lui, il dégageait des ondes positives qui rééquilibraient l'Harmonie perturbée par la poussée d'adrénaline et l'atmosphère refroidie qui était le fait de l'inconnue.

Il précisa alors ses intentions:

- Il n'est des combats valables que lorsqu'ils sont loyaux. Je vous propose dès lors de rejoindre notre Cercle où vous pourrez user de vos capacités pour le bien de cette population que vous observiez plus tôt. Si vous m'opposez un refus, je vous laisserai la vie sauve, mais nous nous retrouverions d'une manière ou d'une autre sur le champ de bataille, et je devrais vous traiter en potentielle ennemie. Vous avez le choix. Et les choix façonnent le destin.

A sa surprise le sosie de la statue fait son apparition devant ses yeux. Elle fronce les sourcils et l'explication ne tarde pas à venir :

- Vous pouvez décongeler sans risque, je ne vous ai pas blessé. Tout ceci n'était qu'une illusion destinée à évaluer vos compétences. Je préférais ne rien laisser au hasard, au vu de ces temps incertains.

Elle lève les yeux au ciel. Jamais on ne l’avait eu de cette façon. Cet endroit est vraiment différent de tout ce qu'elle a vu jusqu'à maintenant. De la vapeur fine s'échappe de son ventre et fini de la sécher. Ces vêtements n'ont pas trop souffert. Son étui n'a pas bougé non plus. Elle est ravie, finalement l'homme ne lui semble plus hostile et ses cheveux sont redevenu auburn.

- Il n'est des combats valables que lorsqu'ils sont loyaux. Je vous propose dès lors de rejoindre notre Cercle où vous pourrez user de vos capacités pour le bien de cette population que vous observiez plus tôt. Si vous m'opposez un refus, je vous laisserai la vie sauve, mais nous nous retrouverions d'une manière ou d'une autre sur le champ de bataille, et je devrais vous traiter en potentielle ennemie. Vous avez le choix. Et les choix façonnent le destin.

-Le bien de la population ?

Le bien, cette notion qu'elle trouve galvaudée sortant de la bouche du guerrier aux cheveux d'argent a tout un autre sens. Elle prend tout à coup le sens de protection, d’aide. L’intime conviction qui émane de ces dernières paroles lui fait penser aux sages qui veillaient sur elle et lui apprenaient à ce servir de son pouvoir. Ceux qui lui ont dit ces mêmes mots : « tu as le Choix Aulis». La jeune femme sert le poing, cachant à peine son énervement et l’écrase dans la statue de glace qui explose sous la force de sa rage. Ces mêmes sages qui étaient certains de leurs paroles parce qu’ils savaient et qu’elle prenait pour des fous. Ceux qui lui disaient qu’elle pouvait contrôler le monstre en elle et qui voulaient l’aider. Ceux qui lui disaient qu’il fallait qu’elle trouve un chemin et à qui elle a désobéi par colère et arrogance, avant de s’enfuir à ses 13 ans et de vivre de façon malsaine de ses pouvoirs depuis. Cet homme devant elle, lui faisait penser à eux, avec la même conviction dans ses paroles. Elle reste pensive encore un moment essayant de cerner le joueur de harpe devant elle. Il reste stoïque.

Aulis soupire malicieusement, ramasse son étui et s’approche de Sephiroth. Jamais elle n’a eu à protéger qui que se soit ou quoi que se soit depuis qu’elle s’est enfui du temple. Mais cette ville qu’elle vient juste de découvrir et son soleil qu’elle trouve magnifique, la jeune femme se dit qu’elle a trouvé son nouveau temple. Il est peut être grand temps de faire confiance à ses percepteurs, et de les écouter enfin. Et puis maintenant elle a de l’aide, elle porte machinalement sa main libre à la pierre qui orne son cou.

-Je me nomme Aulis