Danse avec les ombres

Bien que travaillant à la taverne L'Place, Lùthien trainait souvent dans les bouges de la ville, en recherche de bagarre, la plupart du temps, de compagnie, parfois. Quand elle l'avait vu entré, un souvenir avait resurgi : un combat dans les ruelles de Galvorn, un homme avec un masque et surtout un loup. Cela s'était terminé dans les égouts où l'homme avait disparu sans plus de cérémonie que lors de cette réapparition.

L'elfe n'avait pas bougé, vêtue de sa tenue de cuir favorite, dagues cachées un peu partout. Elle l'avait simplement surveillé d'un coin de son oeil doré. L'achat de viande lui confirma qu'il était toujours accompagné de son loup, ce qu'elle avait supposé à son odeur piquante malgré la distance qui les séparait. Sirotant sa vodka tranquillement, Lùthien n'avait toujours pas esquissé un mouvement quand l'homme en noir se "prit les pieds" dans Norbert, un vieux loubard qui se croyait fort avec ses deux manches de fils qui lui servaient de gros bras. Cependant, elle sentit l'hésitation de l'homme masqué.

L'elfe connaissait ses capacités de combattant. Mais elle avait déjà pu constater qu'il préférait souvent ne pas verser le sang. Aussi se leva-t-elle nonchalamment. Toutes les têtes se tournèrent vers elle, intriguées par ce mouvement alors qu'une bagarre allait enfin éclater. De sa démarche chaloupée et ondulante, Lùthien s'approcha de Norbert qui la regardait d'un air méfiant. L'elfe était connue dans les bas quartiers et chacun connaissait sa force. Elle murmura à son oreille d'une voix mélodieuse :

Tu ne devrais pas t'y frotter, il est trop fort pour toi. Et puis, je l'aime bien, finit-elle un ton plus haut pour que tout le monde entende.

Et pour appuyer ses propos, Lùthien se posta à côté de l'homme en noir.

Comme elle l'avait pensé, l'homme évita la bagarre. Elle le regarda sortir, pensive. Norbert commença à s'approcher de l'elfe d'un air agressif mais elle montra les crocs et il se réfugia dans l'ombre en maugréant. Elle regardait toujours la porte, puis haussa les épaules et emprunta le même chemin que le vagabond.

Dehors, il faisait nuit noire. Le croissant de lune était caché par d'épais nuages. Cependant, Lùthien voyait nettement l'homme en noir et son compagnon loup. Un sourire se dessina sur ses lèvres. N'ayant rien de plus intéressant à faire, elle les suivit de loin, curieuse. Ce couple l'intriguait.

Cela faisait un bon quart d'heure qu'ils déambulaient dans les ruelles sombres de la ville quand ce qui devait arriver arriva : Norbert n'avait pas apprécié la manœuvre et venait reprendre les choses là où elles en étaient tout en étant dans un position qu'il pensait de force. L'homme était accompagné de huit gros bras à l'air aussi intelligent que des chiens d'attaque lobotomisés. Ceux-là n'avaient pas de stratégie mais aimaient faire mal et prendre leur temps. De vrais pervers.

Lùthien se fondit dans l'ombre et attendit de voir ce qui se passait.

L’odeur du sang planait dans les ruelles de Galvorn. Kordrok eut un accès de nausée en sortant de la taverne. Le nain trapu, s’appuya contre le mur, vomit ses tripes et les litres de bières en trop. Il ressentait les prémices d’un combat sanglant. Décidément les coupe-jarrets et autres gros bras des bas quartiers ne pouvaient s’empêcher de se chercher querelle. D’un air morose Kordrok attrapa son marteau et s’élança dans la pénombre. Encore une guéguerre intestine à stopper. Son ami elfe, Sephi, lui avait donnée autorité au nom des lunaires de faire respecter les pactes et règles des bas quartiers. Les lunaires espéraient ainsi reprendre une certaine maitrise des lois et agissement des habitants de leur ville.

Après une courte cavalcade dans les ruelles, Kordrok atteignit le lieu du tumulte. Reconnaissant immédiatement Norbert, le nain poussa un soupir désabusé. Décidément lui et sa bande lui causeraient des problèmes tous les soirs. Son arrivée par une ruelle adjacente avait surpris tous les protagonistes. Un homme en noir et un loup isolés au milieu des gros bras de Norbert. En voyant les corps gisant, le nain s’échauffa. Dans un grognement rauque, quelque peu colérique, il s’adressa à Norbert :

Encore toi … Tu importunes encore les voyageurs …
Rappelle tes hommes et file, la confrérie risque de ne pas apprécier tes actes.

Le regard du nain était lourd de sens, quant à l’avenir de Norbert dans cette ville s’il continuait dans cette voie. L’homme regarda le nain et fit signe à ses hommes de continuer l’assaut. La lame de l’homme en noir siffla, décapitant un des gros bras. Le marteau du nain frappa le sol. Un instant plus tard la terre se mit à trembler dans la zone des combats. La voix de Kordrok s’éleva dans un rugissement :

Stopper ce massacre, Homme !

Dit-il s’adressant à l’homme noir. Ce faisant, un cercle de flamme entoura l’individu, le séparant de la bande de coupe-jarret. Se retournant vers Norbert il ajouta d’une voix suave, d’où perçait une menace :

Tu tiens si peux à la vie, que pour un refus de paiement tu la perdrais ?

Saokorame déambule tard dans les rues du port. Ordinairement, elle est déjà au chaud à la maison à siroter un chocolat chaud ou tout autre boisson pouvant s’accompagner du dis arôme. Son épuisette claque sur les pavés. Soudain, le filet se coince. La lolita regarde son outil de travail d’un air furibond en se disant que cet objet est un bon à rien. Elle se retourne et fait deux pas afin de démêler le filet de la pierre sous laquelle il a élu domicile. Sao reprend son chemin, la nuit dans le port ne la rassure pas plus que ça et puis elle est fatiguée et n’a pas eu sa dose de chocolat depuis longtemps. Cela à, le don de la mettre de mauvaise humeur.


Elle tourne un moment en rond. Elle est perdue, encore une fois. Elle peste contre les rues de la ville. Pour elle, elles sont toutes les mêmes. La lolita traine ses plateformes, elle n’a plus envie d’avancer et continue de pester. Elle ne comprend rien aux indications fournies par les panneaux. Saoko se dit qu’elle devrait apprendre à lire la langue de pays, elle éviterait bien des ennuis.

Après avoir continué à tourner en rond une dizaine de minutes, elle aperçoit un groupe de gens. Ils ont tous l’air plus louche les uns que les autres mais elle est complètement paumée et à vraiment envie de retourner à la maison.

La jeune fille arrive à hauteur des hommes et des flammes jaillissent soudainement. Elle les regarde éberluée. Des flammes, qui sortent comme ça de terre. Les gens d’ici la trouve étrange avec son obsession de la chasse aux poules et aux lapins en chocolat mais ceux-ci ne sont pas tous à fait clairs non plus. Elle ne sait pas trop ce qui se passe mais quelques pas résonnent derrière elle. Il semblerait que d’autres personnes approchent derrière elle. Sao panique. Elle regarde très rapidement derrière elle : des hommes courent dans sa direction. Elle s’écarte rapidement du chemin mais comme à son habitude l’épuisette traine. La chasseuse de chocolat la maudit quand un des hommes s’emmêlent les pieds dedans. Voilà des ennuis qui risquent de lui retomber dessus. Foutu outil, mal conçu. Pourquoi est ce qu’elle n’a pas eu un appeau comme les autres. L’homme se relève en grognant et continue de courir pour rattraper ses camarades sans prêter la moindre attention à la jeune femme.


Elle ramasse son filet, que le badaud a molesté. Et là une chose inconcevable pour la chasseuse de chocolat arrive devant son nez. Le filet de son épuisette a une maille qui s’est décrochée. Cette fois elle est furieuse. Elle dirige un regard noir vers l’homme qui a abimé son plus fidèle compagnon. D’un pas de marche forcée elle avance jusqu’au groupe qui semble ne plus savoir quoi faire. Tous regardent leur chef, l’homme au centre des flammes ou encore le nain qui viens de sommer un ordre. Personne ne lui prête attention, tous semblent tendus. Arrivée à hauteur de l’homme en question, elle lève son épuisette et frappe l’homme sur la tête de toutes ses forces.

L'elfe retint difficilement un éclat de rire en voyant l'épuisette taper durement le crâne d'un des gros bras de Nestor. Vraiment, il n'a pas choisi son soir ni la bonne proie. Tout Galvorn rira de lui demain, enfin s'il est encore vivant.

L'intervention de Kordrok n'a pas étonné Lùthien. Depuis que les Lunaires ont fait main basse sur la ville, ils essaient de réduire le nombre de morts par nuit. Difficile projet et par forcément intelligent, de son point de vue. Mieux vaut que les requins se mangent entre eux et qu'ils n'en restent que quelques très gros et bien juteux à se mettre sous la dent. Mais c'est l'instinct du prédateur qui parle ainsi.

Pour le moment, bien que cocasses, les choses semblent sous contrôle. Lùthien garde un oeil sur la jeune fille à l'épuisette qui pourrait se révéler aussi fragile qu'elle en a l'air... ou non. Encore un personnage intéressant. Un sourire satisfait se glisse sur les lèvres de l'elfe.

Kordrok fut déconcerté par l'arrivée de cette demoiselle à l'épuisette. Le gros bras de Norbert s'affaisse, assommé par la puissance du coup.
Surveillant la scène, le nain distingue une boule au centre du cercle de feu. L'homme semble mal supporter la présence de flamme. Intéressant, les hommes de Norbert se tournent vers lui et lui murmurent des paroles inaudibles au nain.
Son marteau frappe le sol une nouvelle fois. Attirant l'attention des vermines de Galvorn, diminuant aussi nettement le cercle de flamme à une limite rougeâtre prête à s'enflammer de nouveau.

Que comptez vous faire alors ? Ma patience à des limites.

Puis le nain se tourna vers la jeune fille, qui regarde l'homme qu'elle vient de frapper.

Ne reste pas là fillette! Viens là, cette homme pourrait vouloir se venger de ce coup magistral.

Le regard du nain était perçant, fixant Norbert dans l'attente d'une réponse ou d'un acte. Derrière lui, l'homme noir semblait se relever doucement. La fillette s'était quelques peu rapproché de lui aussi.
Se tournant de nouveau vers Norbert, il attend patiemment sa réponse, l'homme semble hésiter. La peur d'affronter la guilde se lit clairement en lui. Un sourire satisfait, Kordrok poursuit.

Après si ta honte est tel Norbert, pourquoi ne pas affronter ton ennemi en combat singulier ? Nous éviterions le massacre de cette manière. Bien que je préférerais que vous partiez de suite.

Fillette !! Fillette !! Le mot ne fit qu'un tour dans la tête de la jeune fille. Se venger, quelle idée, jamais il ne le fera sinon il en regretterait. Ce n’est pas parce qu’elle a des plateformes et une épuisette qu’elle ne sait pas se bagarrer. Courir après les poules et leur voler dans les plumes forge le caractère. Le gros bras mettra certainement longtemps à se réveiller.

Elle effectua une moue boudeuse et se rapprocha tout de même de l’homme au marteau. Il lui inspirait confiance. Elle aperçoit au milieu des flammes, près de l’homme, un loup. Un mangeur de poules pondeuses d’œufs en chocolat. Décidemment, elle aurait mieux fait d’apprendre à lire la langue de ce pays, cela lui aurais évité bien des rencontres désagréables et quelle idée de s’être perdue. Le pire étant le manque de chocolat dans cet environnement. La jeune lolita semble tout à coup dans la lune. Elle rêve, comme si c’était le moment, de la world chocolate compagny.

-World chocolate compagny,  lâche-t-elle soudainement devant les gros bras qui lui éclatent de rire au nez.

Sao revient brutalement à la réalité. Qu’est ce que ces nigauds peuvent bien trouver drôle et puis d’abord qu’est ce qu’ils veulent à ce pauvre homme en train de rôtir aux milieux des flammes avec un mangeur de poules. Elle n’a aucune idée de ce que peut être l’argent. Chez elle, tout à toujours fonctionné en échange, en troc. Elle se dit que cela ne doit pas être bien important au final et que ces idiots méritent une leçon sur la vraie valeur des choses.

Après si ta honte est tel Norbert, pourquoi ne pas affronter ton ennemi en combat singulier ? Nous éviterions le massacre de cette manière. Bien que je préférerais que vous partiez de suite.

les mots du nain sont justes mais les hommes n'ont pas l'air très réceptif à son message. Elle fronce les sourcils, et sa posture change radicalement devenant guerrière, prête à en découdre.