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 The Horror Maniac

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Cassiopée
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D.A.
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D.A.

D.A.


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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Mai - 18:45

Si un gentil tuté ou coordinateur passe par là, pourrait-il sortir ce sujet de l'abîme et le remettre dans les WIP ?

J'ai réussi ! J'ai réussi ! J'ai réussi !

J'ai enfin réussi à faire sa fête à cette histoire... Je n'en suis pas peu fière : c'est ma première finie dans les règles de l'art.
Je ressuscite donc aussi ce topic d'entre les morts après avoir ressuscité avec succès ce qu'il présentait, The Horror Maniac, aussi appelée affectueusement mon bébé déjanté, un récit d'horreur qui en a vu des vertes et des pas mûres dans ma quête ridicule de perfection.
J'ai donc tout bazardé au bout d'un moment en me disant que la perfection était très surfaite. Je l'ai salie, je l'ai dégradée, et j'ai adoré ça.

Je voulais absolument finir le récit en entier avant de l'étaler à nouveau devant vous.
D'ici peu de temps, je vais enfin pouvoir frimer d'avoir clôturé ma toute première histoire. Je remplacerai ce petit encart passionné par la came une fois mes relectures et mes rajouts de dernière minute effectués.

A très, très bientôt Crâne Sautillant
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Mike001
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Mai - 18:51

Je l'ai remis en place. J'ai hâte de lire tout ça (:
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dale cooper

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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Mai - 19:27

Hâte de voir ça aussi Heureux
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Chikoun
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Mai - 19:54

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D.A.

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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeMar 2 Juin - 15:36

-- Je garde ce post vierge pour que l'histoire figure en entier sur la page 3 --


Dernière édition par Anastasis le Mar 2 Juin - 17:19, édité 4 fois
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D.A.

D.A.


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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeMar 2 Juin - 20:16

Crédits image : © Mickaël Brack à gauche, Brom à droite.



Trois ans plus tard, ça y est enfin. Pour la petite histoire, j’ai commencé à visualiser les premières scènes de l’HM en décembre 2012. Ça fait beaucoup pour un récit que je voulais riche et incisif.  

L’Horror Maniac est pour moi un court-métrage d’horreur traînant lascivement ses pieds dans le fantastique. Il est fait pour être court (en comparaison de ce qu’il aurait pu être) et garder ses questions intactes, destiné à transmettre des images saturées de couleur, la plupart dérangeantes. Mais il y a aussi beaucoup de beauté, bien qu’elle puisse être dure à trouver entre ses lignes. C’est également une entrée en matière vers un univers plus vaste. Un peut-être pour le futur. C’est aussi ma première histoire finie dans les règles de l’art.
Elle fait 41 pages pour l’instant, un peu plus de 90.000 signes espaces compris et compte 9 chapitres. Une nouvelle bien charnue.

J’ai bien sûr des tas de questions. J'en ai mis la plupart à la fin du post mais ça reste bien sûr des pistes, je veux avant tout connaître vos impressions brutes, à la lecture du récit complet ou d’un chapitre, tout est bon à prendre. J’ai conscience que c’est long et que nous avons tous nos vies.
Merci d’avance à ceux qui viendront s'en prendre à lui. Et à moi.

Ps : Que les âmes sensibles s'abstiennent.

The Horror Maniac  - Page 2 Sans_t10
The Horror Maniac  - Page 2 Sans_t11

(lien Drive, pour ceux qui préfèrent.)


En tournant à gauche au bon moment dans cette direction, on arrive en pleine campagne, sur la route soixante-sept. Les moteurs rugissant sur la voie rapide se font lointains, les phares disparaissent, et au bout de quelques kilomètres un silence nouveau s’installe, berceau d’un parc d’attractions à l’abandon. Depuis la route on voit plus loin dans la lande, inscrit sur le flanc du fabuleux roller coaster en ruines :  « The Horror Maniac »
Nombreux sont les soirs où les jeunes en quête de sensation fortes s’y retrouvent pour s’imprégner des lieux et ce qu’il renferme en souvenirs. Ici, sur la route soixante-sept, si près de l’endroit où sont nés rires et cris d’effroi, la réalité s’est dissoute à un point peu commun. Tout y parait plus vrai, plus terrible, les plaisirs s’y décuplent au sein d’un chaos bizarre. Un trou dans le monde. La route soixante-sept est le bord de ce précipice, adorée de ses enfants.

1.

«  Les cauchemars ne relèvent pas de la logique et tenter de les expliquer n’aurait aucun intérêt, ce serait contraire à la poésie de la peur. » S. King.

« Nous sommes dans un film tordu, un entrecroisement de vies et de personnages. Nous passons les uns à côté des autres au lieu de nous rencontrer. Certains seraient parfaits pour certains autres, mais on ne se voit pas. On se frôle quand on a de la chance. On rate, aveuglés, des occasions incroyables. Il y a trop de monde dans le Grand Film... Ça grouille. Et c’est une habitude tenace que nous avons tous pris de ne pas regarder, d’ignorer les anges. »
Neith lui souffla une nouvelle bouffée de fumée dans la bouche.
« Laisse tomber, Nathan. Tu délires. »
Neith s’écarta et vit deux silhouettes familières s’approcher de la caisse où ils s’étaient affalés.
Tail et Mary étaient les reines de la route soixante-sept, des habituées. Elles venaient si souvent qu’aujourd’hui tout le monde ici les connaissait de près ou de loin. Deux belles gothiques blondes (une vraie, une fausse) au regard charbonneux, dans des fringues de cuir affriolants et une panoplie d’accessoires underground. Tail présentait une sorte de figure d’autorité dans les environs. Elle faisait partie des plus âgés. A presque vingt-cinq ans, la blonde sulfureuse attirait les autres comme un aimant. Elle intimidait pas mal des gamins du coin. Mary, l’ombre de Tail, était au moins aussi charmante dans un autre style. Son look était plus rock’n’roll, avec ses larges bracelets de cuir et ses colliers de perles scintillants aux poignets. Avec ses quelques années de moins au compteur, Mary était davantage une reine en devenir. Son minois réservé faisait craquer pas mal de spécimens dans les parages. Toutes deux prétendaient à qui voulait l’entendre qu’elles étaient des vampires. Mais il y avait mieux.
Depuis la route soixante-sept, on avait une vue imprenable sur le squelette du grand huit jadis fameux du coin, le Grinslash. Au-dessus du nom du parc, enchâssé dans la structure des loopings, une gigantesque tête de clown dominait la campagne. Tail et Mary juraient que M. Charles était un amant aux capacités illimitées. La sculpture vue sous un certain angle prenait un air de clown de cirque dépravé et l’histoire plaisait aux adolescents qui tentaient leur chance avec elles.
Pour pas mal d’entre eux, la route soixante-sept était un terrain de jeu, l’endroit où aller pour échapper à la réalité, à ne pas divulguer à n’importe qui. Pour les habitués plus vieux comme Tail, Mary et leur bande, cet endroit recelait en magie ce que les clubs, caves, bars et boîtes de nuit ne pouvaient plus leur donner.
Neith, Nathan, Jimmy et Sandy étaient de ces habitués, et ce que Tail et Mary avaient de plus proche d’amis. Accrocs à la frénésie que provoquait en silence la vue du parc à l’abandon, amateurs de fumette et d’autres substances encore moins légales, ils restaient le plus souvent allongés à l’arrière de leur camionnette à faire passer des joints.
Une rumeur avait circulé il y a un certain temps, prétendant qu’un réalisateur avait tourné un de ses films ici. Tail l’avait longtemps traqué sur la toile sans jamais parvenir à le trouver. Elle aurait tué pour voir son bébé en décor de film d’épouvante.
Mais au-delà de ça, c’était le magnétisme vibrant des lieux, c’était la vue imprenable des restes du parc d’attractions et le calme typique de la route, propice aux contes horrifiques, qui les poussait à revenir et faire de cet endroit leur repère. Ni trop près, ni trop loin, ils pouvaient ainsi éprouver l’hypnose languide que provoquait la seule vue du clown de fer géant qui souriait après toutes ces années, fiché dans le bois en ruines du grand huit. M. Charles...
Ce soir, un des enfants avait amené une antique chaîne Hi-Fi qui diffusait en fond sonore « Holding the fog » de Diamond Bride.
Tail fut alertée par le bruit d’un break aux vitres rafistolées de planches en bois qui se garait sur la chaussée. Elle ne l’avait jamais vu dans les parages. Cinq hommes en sortirent. La trentaine, le regard caché sous des lunettes teintées, la peau claire. Des nouveaux.
Le conducteur lui plaisait déjà. Il paraissait plus jeune que le reste de sa bande mais son air joueur se remarquait d’ici. Et il était vraiment beau.
Nathan, Sandy, Jimmy, Neith et Mary regardaient aussi dans la direction des nouveaux venus quand Tail jaugea leur réaction.
« T’en dis quoi, Mary ?
— Qu’est ce qu’on fait encore ici ? »
La jeune blonde n’avait pas l’air insensible à leur charme non plus. Elles se prirent la main et se dirigèrent dans leur direction sous le regard de leurs amis, amusés par la situation. Tail et Mary n’en manquaient pas une.
Les deux jeunes femmes s’étaient rencontrées par hasard dans le bar où travaillait Mary quelques soirs par semaine et ne se lâchaient plus depuis. Leur goût pour les histoires macabres et nimbées de mystère faisait leur lien, ça, et le sexe. Coucher ensemble ne leur plaisait pas vraiment, mais l’acte les rassurait. Alors parfois, pour s’amuser ou guérir des plaies intérieures, elles joignaient leurs langues pour savourer la caresse chaude et sécurisante de l’autre, la présence quasi-fraternelle, l’excitation de leurs doigts glissant sur leur soie intérieure. En dehors de ces moments privilégiés, dont personne d’autre n’avait conscience, elles prenaient plaisir à faire planer un doute quant à la nature de leur relation. Elles s’aimaient d’un amour inconditionnel.
« Salut », lança Tail avec enthousiasme au groupe de gars en noir. Ses seins voluptueux cherchaient à s’échapper de son bustier de vinyle. Le conducteur abaissa ses lunettes sur son nez et lui sourit.
« Hey », dit-il simplement.
Mary fut impressionnée par la couleur bleu glacier de ses yeux. Ils lui faisaient l’effet d’un grand verre d’eau froide qui monte à la tête. Ses lèvres étaient pulpeuses. Elle aimait les lèvres pulpeuses.
« Alors les amis, vous êtes venus faire un tour ou dire bonjour au clown ? » demanda Tail avec son attitude habituelle en présence d’inconnus. Une domination chaleureuse, en bonne maîtresse de minuit. Ses lèvres rouge grenade retenaient l’attention du conducteur. A ses côtés, Mary tripotait les perles irisées à son poignet. Dans le duo qu’elles formaient, Tail était la grande sœur. Mary était encore tendre pour son âge.
« Le clown est un vieil ami à nous. On pensait qu’il se serait cassé la gueule, depuis le temps. »
Tail parut intriguée.
« M. Charles est un dur à cuire. Vous êtes déjà venus ici ? »
La reine protégeait son château des forces ennemies. L’idée fit sourire Mary.
« Il y a longtemps. Je suis Eydolon », dit-il en tendant à tour de rôle sa main aux filles de la nuit. « Tu as l’air de tenir à ton espace. Vous représentez une sorte d’autorité dans le coin ? » demanda-t-il, visiblement amusé.
« Ce sont les reines de la route soixante-sept ! » déclara un gamin à quelques mètres de là, assis sur le bord de sa caisse, clope au bec, déjà loin dans son délire. Il tripotait nerveusement un petit sachet de poudre blanche.
Tail jubilait. Elle adorait son rôle au delà de toute raison.
« Je vois... Et qu’en est-il de l’Horror Maniac ? Y a t-il une autorité reconnue par tes pairs qui préside là-bas aussi ? poursuivit Eydolon, feignant un intérêt croissant.
— L’Horror Maniac est un lieu sauvage. Il n’a pas de maîtres », déclara Tail.
Eydolon sourit si largement qu’elle entrevit ses dents blanches.
« Que diriez-vous d’aller faire un tour à l’intérieur ? »
Tail hésita un court moment. Elle n’était pas retournée vagabonder dans le parc depuis une éternité. Mais l’idée d’aller saluer son amant clown de plus près lui plaisait. Mary avait l’air emballée aussi. Elle acquiesça.
Elle en profita pour saluer les autres membres de la bande d’Eydolon :  quatre hommes aux cheveux de corbeau. Ils ne se privèrent pas de reluquer son corps alors qu’elle circulait entre eux avec Mary. Il n’y avait que rarement d’étrangers ici, la plupart étaient introduits par les bandes déjà existantes. Que faisaient tous ces types ici au même moment ? L’idée d’un sang neuf pour renouveler les soirées sur la route soixante-sept n’était pas sans lui déplaire, mais quelque part elle ressentait l’arrivée de ce groupe comme une intrusion. Ici, c’était chez elle.
Tout cela fut balayé de son esprit au moment où Mary lui tapota l’épaule et attira son attention derrière, à l'autre bout de la route, où elle vit émerger près de la voiture de Neith un homme albinos. Il se planta au bord de la chaussée, les yeux rivés sur le roller coaster. Elle n’avait jamais vu un type pareil auparavant. Gigantesque, il portait un manteau de cuirs raccommodés ensemble. Un manteau de Frankenstein. Et ces cheveux blancs... Ce phare dans la nuit. Elle en resta bouche-bée. Mary n’avait pas l’air plus fière, la bouche ouverte à l’admirer de loin. De nombreuses paires d’yeux glissaient sur cet homme qui restait happé par les ruines du grand manège, par M. Charles. Il pivota brièvement la tête dans leur direction et l'abaissa en un salut discret. Puis il se mit à marcher dans l’herbe, droit en direction du parc déchiqueté. Tail et Mary se jaugèrent. Quelque chose dans leur ventre s’était contracté délicieusement quand l’albinos s’était tourné vers elles. Il les avait regardées.  
Derrière elles, Eydolon souriait de la méprise enfantine des deux vampirettes, véritable destinataire du hochement approbateur de l’albinos. Il voulut en rire, mais il attendrait. Les premiers dés étaient déjà lancés.

- - - - - - - - - - - - - - - - - -

2.

« But I don’t know which way is up anymore
My heart has been set so long on the roller coaster
Next to me the carousel shines more than ever,
Eyes stuck of those lights, mad horses everywhere,
Will I wake up from the carnival of colors ?
It is beautiful, oh so beautiful... Beautiful, so beautiful,
The Carnival Inside »


Anja avait une voix parfumée à la cannelle. Il lui arrivait souvent de chanter les airs et les paroles qui lui venaient quand elle était seule et marchait dans les allées de l’Horror Maniac.
Elle perçut les vibrations dans la trame du monde. Loin à l’intérieur, elle saisissait les volutes et les soupirs du parc, sa respiration éteinte. Elle se perdit quelques secondes dans le chaos rouge et noir de tourbillons derrière ses paupières, attendrie, inerte. Les yeux clos, elle laissa la réalité se diluer dans le flou étrange auquel elle était habituée. Dans son corps, l’impact de ces altérations faisait l’effet d’un tour de montagnes russes au ralenti. Une sensation douloureuse, comme une torsion dans la tête. Les particules du monde alentour s’écartaient pour occuper plus d’espace, s’étendre sans se désagréger.
Elle ouvrit les yeux pour découvrir le nid de ce bouillonnement. Si quelqu’un s’était trouvé à ses côtés à ce moment-là, il se serait sûrement demandé ce qu’elle observait fixement dans le ciel. Il aurait cru halluciner en voyant dans son regard le reflet d’étincelles étranges. Le ciel crachant de joyeuses flammes multicolores, teinté de lueurs vespérales. Il n’aurait rien vu de semblable en levant la tête. Dans les yeux d’Anja, ces couleurs languides montaient et retombaient.
Car nous naissons pour mourir. Il n’y a pas d’autre sens à la vie.
Des bruits sourds éclataient dans un autre espace du monde, et certains lui parvenaient, mais la réalité était déjà si ralentie qu’elle n’essaya pas de deviner de quoi il pouvait s’agir. Les illuminations étaient belles à voir au dessus du parc, elles lui donnaient un air qu’elle ne lui avait jamais connu. Anja imagina la mine du clown qui veillait sur la lande, cerné de toutes ces guirlandes éphémères. La lumière devait distordre son sourire en une grimace inquiétante.
C’était une nuit chaude, poisseuse. Une nuit au goût de fièvre et de transpiration. L’air était lourd, chargé de fragrances corrompues. Une nuit comme il les aimait.
Un feu blanc éclata au ralenti dans le ciel. Il retomba en fils blafards derrière les arbres qui bordaient le terrain. Son cœur battit plus vite en voyant le ciel crayonné de traces blanches.
Anja avait les cheveux d’un roux pâle, lumineux. Elle avait laissé ses boucles libres sur ses épaules et peint ses lèvres ourlées d’un rose discret. Le reflet des flammes descendait sur son visage comme pour y apposer un masque.
Le monde s’engonça dans un tempo lent qui lui résonna dans ses tympans. Le monde était plus rouge. Le monde pulsait.
Toum-toum, toum-toum.
Le spectacle derrière les arbres vit mourir sa dernière lumière. Anja baissa enfin les yeux et se dirigea vers le centre du parc, où le carrousel attendait.
Il était large et haut, un vrai manège pour tout âge sculpté avec soin. L’Horror Maniac étant dédié aux amateurs de terreur et de sensations avant tout, le carrousel représentait la poignée d’attractions pouvant convenir à tout le monde.
Même après tout ce temps, les chevaux restaient époustouflants de beauté. La peinture était écaillée par endroits mais la personne qui les avait créés avait manifestement mis tout son coeur dans l’ouvrage. Les barres torsadées fichées dans le corps des chevaux avaient leurs dorures intactes. Les destriers affichaient toujours leurs délicates couleurs, leurs mors d’un rouge éclatant. Mais leur pelage avait été peint en bleu brumeux et opaline fantômatique. Anja ne se lassait pas de leur tendre compagnie.
Elle s’approcha pour les voir de plus près. La structure lourde grinça à peine quand elle monta dessus. Même quand elle enfourcha un des chevaux, le carrousel ne broncha pas. Il était si beau une fois les lumières allumées. Dans un coin de son cerveau, elle put revenir deux pas dans le passé, à un moment où elles brillaient autour d’elle et où le manège tournait vite à lui faire peur. Prise au piège dans ce passage du temps, elle revit la silhouette floue qui la regardait tourner, un sourire sardonique aux lèvres. Ces yeux étaient sa chute, ils la firent revenir où elle était censée être : dans l’obscurité ambiante, le noir gluant qui caractérisait l’Horror Maniac au bord du réveil.
Anja se retourna quand elle perçut un bruit venant des chevaux de derrière. La réalité n’était plus ce qu’elle aurait du être. La nuit effaçait ses contours et elle se sentit glisser dans la faille, l’équivalent d’une sensation d’ivresse. Le second cheval derrière... Elle aurait juré voir un insecte dans l’obscurité. Etait-elle en train de tourner comme dans son souvenir ? Un vif vertige s’empara d’elle. Les chevaux couraient derrière elle, transpercés par leurs barres en or. Ils arboraient des expressions humaines dérangeantes.
Elle ferma les yeux et pensa à l’Horror Maniac comme port d’ancrage. Tout allait bien. Tout allait bien.
Une absence de bruit suspecte dans un secteur derrière elle lui fit l’effet d’une douche noire. Une zone d’ombre complexe et terrifiante s’étalait là où on ne l’attendait pas. Une absence totale de particules. Et il était là. L’albinos dans la nuit. Le voir s’approcher d’elle la rendit moite de terreur et de désir. Un mélange auquel il l’avait habituée depuis leur rencontre. Chaque pas qu’il faisait vers elle était une décharge qui finissait de découper la réalité pour la recoller dans le désordre. Toum-toum, toum-toum. Les chevaux derrière n’étaient plus des chevaux. La nuit replongea à pic dans un grand bain rouge chaud. L’angoisse la fit trembler.
Il regarda la robe blanche qu’elle portait près du corps. Les coutures mettaient sa poitrine en valeur.
« Ma fille-fleur... Je t’ai manqué ?
Elle se laissa embrasser par l’albinos penché au dessus de son visage.
— Mekarth… »
Quand il s’écarta, elle toucha sa chevelure blanche et prit une de ses mèches entre deux doigts.
« Allons vers Charles, dit-il. Il nous attend. »

- - - - - - - - - - - - - - - - - -

3.

Drogués, hippies, jeunes perdus et gothiques décadents constituaient la majeure partie des spécimens qu’on pouvait croiser près du parc, sur la route soixante-sept. Ruis fit un plan allongé de la lande. Il partit de la gauche, des arbres de la forêt, revint au milieu pour filmer en vue plongeante le parc à deux cent mètres (il remonta la caméra pour cadrer le sourire du clown sur les loopings de cauchemar), puis finit à trois-cent-soixante degrés en revenant sur les enfants perdus entassés dans leurs vans au bord de la large route d’asphalte. Maintenant, restait à aller à leur rencontre et leur poser des questions à son tour.
Ruis donna un coup de coude à McArthy, captivé par le décolleté plongeant d’une adolescente dans la voiture d’à côté. Son petit-ami n’arrêtait pas de lui embrasser les veines du cou. Il distingua des implants dans sa bouche. Le veinard, songea McArthy. J’aimerais bien y mettre mon nez aussi. Elle devait sentir terriblement bon.
Denver revint vers ses deux amis. La caméra filma son allure pressée. Il avait l’air excité d’un gamin le matin de Noël.
« Matez un peu les pare-chocs de cette nana, là-bas. » Il pointa du doigt la fille en question. Jeune aussi, les cheveux frisés, piercings dans le nez et les oreilles, elle avait une peau de métisse parfaite. Pour ne rien gâcher, elle portait un bustier indigo qui exhibait fièrement ses seins juvéniles.
« Sois plus discret, merde.
— Elle demande à ce qu’on les regarde... »
Les clochettes qu’elle portait dans ses cheveux tintaient quand elle riait à ce que disait un de ses copains. Ils la virent disparaître en direction des arbres avec lui. Leurs intentions étaient claires.
Ruis, Denver et McArthy étudiaient à l’université du coin. Ils avaient entendu parler de l’Horror Maniac par un garçon maigre et mal dans sa peau de leur bahut. Ils en étaient vite venus à la conclusion que ça ferait un bon projet pour leur classe cinéma.
Ils abordèrent la première voiture sur leur chemin. Deux types assis dans le coffre ouvert discutaient. La vingtaine. L’un portait un tee-shirt d’Iron Maiden et l’autre un haut transparent qui laissait apparaître ses piercings aux tétons. Tout deux avaient un désordre de cheveux noirs sur le crâne.
Si Ruis était un peu timide, ça n’était pas le cas des deux autres, qui n’hésitaient pas à foncer dans le tas pour récolter des infos. Copains depuis la maternelle, Ruis avait toujours été le plus réservé des trois, le moins entreprenant, mais il foisonnait d’idées et de talent quand on lui mettait une caméra dans les mains. Il s’était équipé de sa lourde caméra d’épaule (« Bibi ») pour laisser à Denver la caméra discrète fixée au casque audio. McArthy prenait des notes et croquait le paysage et les gens. Ils étaient parés pour leur reportage.
S’ils avaient su ce qui les attendait ils auraient misé sur un crayon de khôl, des bracelets à pics ou des fringues plus sombres, mais ils se fondaient finalement assez bien dans le décor. Juste d’autres enfants perdus et curieux.
McArthy avait voulu arrêter Anja, la belle plante qu’ils avaient vu passer plus tôt. Elle prenait des cours du soir dans leur université, en théâtre et cinéma. McArthy était amoureux d’elle depuis des mois et le fait de la voir dans cet endroit saugrenu l’avait tellement surpris qu’il n’avait pas eu le réflexe d’aller lui parler. Elle s’était dirigée directement vers le parc. Qu’est ce qu’elle pouvait bien y faire toute seule ? Ou peut-être n’était-elle pas seule, qu’il y avait un autre groupe à l’intérieur. Il tenait peut-être un bon levier pour le reportage. Il revint vers Denver, qui interrogeait une fille aux cheveux rouges sur le bord de la route. Elle buvait par petites gorgées une canette de bière à l’effigie d’une gargouille.
« Vous vous connaissez donc tous dans les parages ? Que peux-tu nous dire sur l’intérieur du parc ? Vous y trainez aussi ?
Bien joué, Den, songea McArthy.
— Non. On reste sur la route soixante-sept.
— Pourquoi vous n’y allez pas ?
— Parce que c’est un taudis. Le parc a été incendié et il est resté dans le même état depuis. Tail et Mary y sont déjà allées pour se faire mousser.
— Et la fille qu’on a tous vu passer tout à l’heure, la rouquine ? enchaîna McArthy. Elle y est allée aussi.
Elle tira sur la taffe que lui tendait un type aux longs cheveux clairs.
Ouais... J’ai pas le souvenir. Vous n’allez pas montrer vos vidéos à tout le monde, hein ? On veut que ça reste spécial, ici. Okay ? »


Les trois amis se regroupèrent. Cela faisait un moment qu’ils étaient là et ils avaient déjà accumulé pas mal de matière pour leur petit projet.
Un nouveau groupe débarqua dans la lande tandis qu’ils déblatéraient. Comme ils sortaient de la forêt, ils devaient venir d’une route secondaire et riaient entre eux. Des amis de longue date. Quatre garçons et une fille. Ils faisaient presque penser à des frères et soeurs.
Sur la route soixante-sept, il commençait à être tard et les esprits se déliaient grâce à l’alcool, le cannabis et autres joyeuses substances. Le lendemain l’intérieur des voitures où s’agglutinaient déjà certains aurait l’odeur rance de tous les vices accumulés dans la nuit. Acide, sexe, musique forte. Certains semblaient carrément morts. Ils s’enfonçaient tous dans le flou ; il n’y avait plus grand chose à tirer d’eux.
« On peut partir à la recherche d’Anja, puisqu’on sait qu’elle est quelque part là-bas, ou des fameuses « reines ». Peut-être qu’il s’y trame quelque chose d’intéressant pour la vidéo », proposa McArthy.
Ruis afficha une mine troublée.
« Mais... C’est pas elle, d’ailleurs ? » Il pointa du doigt la seule fille du groupe de rockers qui venaient de débarquer de nulle part.
« Non. Anja portait une robe. Et elle est rousse, insista Denver.  
— Ça pourrait être sa jumelle, Denver...
— Elles sont peut-être sœurs, va savoir. Ça ne va pas faire avancer notre émission.
— On devrait aller lui parler. Elle sait peut-être quelque chose. Au pire, ça sera une nouvelle bande à ajouter à notre collection d’interviews. »
Ils tombèrent d’accord et voulurent aller à leur rencontre, mais le groupe avait disparu de leur champ de vision. Ils avaient pourtant bien donné l’impression de venir vers les voitures. Denver et Ruis n’avaient pas l’air plus intrigués que ça. Seul McArthy, qui connaissait le visage d’Anja pour l’avoir regardé un bon million de fois, était troublé par la ressemblance avec l’autre fille, et la manière dont ils s’étaient évaporés dans la nature.
« Allons directement nous aventurer dans les entrailles de la bête. Il n’y a plus que ça à faire », lança Denver.
Les deux autres acquiescèrent. Ils descendirent côte à côte dans la lande, droit vers le clown souriant.


Necropolis était l’une des attractions qui avaient échappé à l’hécatombe du feu. Ruis filmait de près certains détails du décor, en particulier les statuettes qu’on trouvait dans l’ensemble du complexe, représentant des hommes ou des dieux en parures étranges, délicatement gravés dans la pierre. Certaines glissaient hors du réalisme pour seulement suggérer ce qu’était l’anatomie d’un homme. Ces déformations perturbantes pullulaient à mesure qu’on explorait, à tel point que certaines prirent des formes d’aliens futuristes dans la pénombre moite du noyau de l’attraction, semblable à un utérus noir. Une nature violente et ancienne s’en dégageait, un sentiment qui vous donnait envie de vous allonger dans la poussière et de les révérer en silence. Elles semblaient extraites d’un futur mécanique et charnel plongé dans une aberration temporelle. Taillées dans une pierre noire très lisse, elles étaient toutes uniques et plus splendides que les autres. Un travail remarquable. Pas le genre de décor en plastique bâclé qu’on voyait dans la plupart des trains fantômes ouverts au public.
Ce parc d’attractions n’est pas comme les autres.
Denver les observait d’un œil dénué d’intérêt. Être dans le parc était différent que se trouver bien à l’abri sur la route. Il n’avait pas peur, mais un malaise diffus se répandait en lui au compte-goutte, et il s’empêchait de se laisser impressionner. Il s’empara néanmoins d’une des statuettes et la glissa dans sa poche, surpris qu’elle quitte son socle sans opposer de résistance. Il ne comprit pas son geste lui-même.
Ils quittèrent le parcours et pénétrèrent dans un couloir sinueux réservé au personnel.
Puis en descendant, ils débarquèrent dans les coulisses du parc. Certaines portes étaient condamnées par d’épaisses chaînes mais ils réussirent à se frayer un chemin jusqu’à un lieu étrange : une des pièces réunissant leviers et machineries des nombreux manèges à sensations de la surface. A la fois une réserve et une salle de contrôle oubliée. De gigantesques structures occupaient l’espace, ainsi qu’une imposante tuyauterie en cuivre. Dans un coin un amoncellement de tonneaux dominait l’espace, empilés les uns sur les autres comme une montagne de rouille. C’était si sale et assurément infesté de maladies qu’aucun des trois n’osa s’en approcher, mais leur caméra n’en perdit pas une miette. McArthy était déjà excité à l’idée de rentrer chez lui pour monter le film et de le montrer à sa classe cinéma.
Ils s’arrêtèrent là pour filmer plusieurs plans. Denver s’adossa dans un coin. C’était un miracle que les lumières de secours fonctionnent toujours. Elles éclairaient une partie de l’endroit. Leurs lampes torches faisaient le reste.
« PUTAIN ! »
Denver sortit de son malaise pour plonger dans une panique intense. Il n’avait jamais entendu McArthy crier auparavant. Ruis et lui se précipitèrent dans sa direction. Il allait bien, mais il semblait figé sur place. Il avait les yeux rivés sur la tuyauterie du fond.
« Qu’est ce qu’il y a ? Tu nous as fait peur, connard ! » Denver le frappa à l’épaule, énervé. McArthy ne broncha pas. « Quoi ? »
Ils regardèrent de concert derrière les tuyaux. D’épais morceaux de viande jonchaient le sol.
« C’est quoi ce bordel... » lâcha Ruis, déstabilisé par l’odeur soudaine de pourriture.
Certains étaient plus frais que d’autres. Récents. La caméra de Denver continuait de filmer près de son oreille, mais lui ne bougeait plus d’un iota. C’est là qu’ils entendirent quelqu’un fredonner faiblement. Une voix rêche et pervertie par la folie émergea d’un coin.
« Der Kan-niba-le, der Kan-niba-le... der... »
Tout alla très vite. Ruis perdit sa caméra en se retournant. Elle cogna fort un des tonneaux. Tous les autres retentirent en écho. McArthy réagit enfin pour essayer de repérer d’où venait le bruit, et où se situaient ses amis par rapport à lui. En reculant Denver glissa sur un bout de viande sanglant qu’ils n’avaient pas remarqué. Il se redressa pour attraper Ruis qui essayait de ramasser sa caméra et le tira en direction de la sortie. Il déchira son sweat tant la prise était désespérée. Près du panneau Exit, ils se retournèrent pour tenter de voir ce qui se passait, réalisant qu’ils n’étaient que deux; Ils entendirent l’intrus. Ils entendirent une langue qui claquait et mouillait de plaisir. Ils entendirent McArthy hurler, d’abord de peur, puis de pure souffrance. Ils ne surent à quoi correspondait le bruit qui vint ensuite ramper jusqu’à leurs oreilles. Denver supposa que c’était des doigts qui glissaient sous la peau, ou le son qu’aurait la chair en se retournant, souple et humide, combiné d’un bruit de succion. Il tira Ruis vers l’escalier branlant. Il criait aussi. Il parlait de McArthy. Il appelait McArthy. Mais McArthy…
« Der Kannibale...
Der Kannibale... der... »



Il avait si hâte que le noir s’empare de lui. Une vie peut prendre fin en une seconde, sans que personne ne l’aie vue venir. Les cauchemars existent. Les cauchemars prennent parfois la consistance du réel. Il sentait chaque nerf qui s’échauffait sous sa peau. Ils lui faisaient l’effet de fils de fer frottés trop longtemps les uns aux autres, prêts à se rompre. Il s’étouffait avec sa propre salive.
« Les gars... »
Il eut de la peine à prononcer ces mots. Il voulait mourir. Et ce n’était plus tant pour la douleur qui éclosait comme une maladie dans son thorax que la douce libération de ne plus avoir à regarder la créature qui se penchait sur lui. Il ne pouvait pas s’agir d’un homme. C’était impossible.
Il portait une sorte de costume de cuir et de tissus déchirés, imbibés de déjections noirâtres, croûté de sang jusqu’à la mœlle. Il puait la mort et mâchait devant lui un des bouts de viande qu’il avait vu traîner dans la pièce. Ses yeux étaient révulsés, l’incarnation d’une folie pure. Ses quelques cheveux en bataille sur son crâne lisse. Il était totalement perverti par cet endroit, s’y terrant comme un insecte avide de chair humaine.
McArthy avait eu si mal en sentant l’intrusion de ses doigts sous sa peau qu’il lui semblait s’être déconnecté de son corps. Mais voir l’œuvre dans tout ces détails était un sort moins enviable encore. Il aurait tant voulu s’évanouir. Ne plus voir le visage tuméfié, l’œil fou, les grosses lèvres obscènes qu’il sentait sur lui, les dents cassées et les filets rouges entre chacune.
Il avait hurlé en réalisant que son pantalon était baissé et qu’on se nourrissait de lui d’une manière peut-être pire. Quelle quelle soit, la créature prenait tout ce qu’il avait à donner. Son corps répondait malgré lui, soumis à sa propre mécanique.
Puis il entendit autre chose au delà des succions. A demi-conscient, McArthy ne savait plus s’il pouvait croire en ses sens, mais il vit une ombre supplémentaire s’approcher de lui.
Cela, plus encore que le cannibale, plus encore que sa bouche immonde sur lui et l’intérieur de son ventre à l’air libre, le terrifia jusque dans ses retranchements.
Il ne savait pas ce que c’était exactement, mais cela ressemblait à une machine. A chaque fois qu’il clignait des yeux, elle lui paraissait s’être rapprochée.
Elle était toute la malveillance que pouvait regorger cet endroit. L’âme du parc d’attractions. Sa tumeur.  
Le cannibale s’approcha à pas feutrés et caressa avec passion ses rebords tranchants, fou de plaisir de s’y cisailler les mains. Son sang goutta par terre comme une offrande sacrificielle.
La Grande Découpeuse, sa délicieuse amante… Il fit l’amour aux rouages de métal, assailli d’un désir abject, sans prêter attention à son organe sanguinolent dressé dans les ouvertures subtiles de la machine.
McArthy voulait détourner le regard de ce spectacle mais n’y arrivait pas. Son corps ne lui répondait plus, tant qu’il se demanda si son crâne n’était pas ouvert aussi. La machine, la machine… Il avait l’impression d’être regardé, épié, observé par une puissance qu’il aurait qualifié de quasi-divine, si elle ne dégageait pas tant d’infamie. Le vide dans son ventre se creusait, ouvert comme une grenade boursouflée. Plus bas, son propre sexe se reposait des tortures morales infligées par le cannibale.  

Par terre, la caméra de Ruis, Bibi, clignotait. Elle filmait tranquillement l’atrocité.
Le cannibale se régalait, se régalait.

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4.

Ils avaient raison, sur la route soixante-sept. Une grande partie du parc avait été léchée par le feu. The Horror Souls n’avait pas été épargné. Jadis l’attraction célèbre pour laquelle les gens venaient depuis les Etats voisins, elle s’était taillée une réputation sulfureuse dès son inauguration, renouvelant sans cesse son jeu et ses salles. C’était un large bâtiment servant d’entrée sur une série d’entrepôts dans lesquels d’authentiques acteurs déambulaient pour terroriser les passants, les immerger dans de chaudes nuits d’horreurs.
On avait insufflé à ce parcours gigantesque une existence propre. Des bars avaient même prospéré en son sein, tenus par des êtres étranges. Certains décors étaient si réalistes qu’on s’était parfois cru déambuler dans un véritable manoir, l’intérieur bien réelle d’un château hanté, dans un marais humide, des souterrains, et surtout dans une ville ouverte qui ne dormait jamais, abritant des dizaines d’enfants de la nuit.
A l’entrée, on avait exigé des signatures sur une décharge pour éviter les poursuites. Beaucoup de tabous y avaient eu leur place d’honneur. The Horror Souls était le cœur palpitant de l'Horror Maniac, son âme, l’attraction chérie des visiteurs. On racontait aussi qu’il avait s’agit d’un passage sur un mystérieux « envers » du parc, un ascenseur vers les premiers manèges qui avaient été crées avant l’ouverture puis relégués dans les caves.
Mary suivit Tail et Eydolon dans le couloir noirci. L’air y était saturé de charbon et Mary s’était appuyée sur un mur couvert de suie. Sa main droite en était devenue noire.
Eydolon prétendait qu’il y ait des chances que l’albinos se trouve dans ce secteur. Eydolon semblait savoir des choses sur cet endroit qu’elles ne soupçonnaient même pas.
Eydolon était un homme particulier. Ses cheveux bruns étaient bien coupés, son front grand, sa bouche charnue invitait à l’indécence. Son regard bleu était une tentation à part entière. Mary se demandait à quel point il serait agréable d’être regardée par ces yeux, s’il se tenait au dessus d’elle, dans le feu de l’action, les hanches allant et venant entre ses cuisses. Il serait superbe dans son abandon.
Mais comparé aux pensées que l'albinos faisait naître dans leur tête, Eydolon perdait de sa valeur aux yeux des jolies gothiques. Elles l’avaient vu l’espace de quelques secondes et n’étaient pas prêtes d’en finir avec lui. Il avait fait germer une avidité dangereuse entre leurs jambes. Si grand... Propre à s’occuper comme il fallait des deux à la fois. Et Tail et Mary partageaient tout.
« Nous y sommes », déclara Eydolon.
Le couloir débouchait sur une grande salle que l’incendie n’avait pas flambé.
« Un des bars où les gens venaient durant leurs nuits d’horreur. »
Les chaises étaient renversées près de certaines tables, la salle dénombrait beaucoup de poteaux effrités et le bar régnait en plein milieu comme un monstre buveur d’alcool. Une collection de bouteilles poussiéreuses trônait sur des étagères peintes de motifs triangulaires complexes.
Eydolon se pencha derrière le comptoir et activa un bouton qui fit frémir les veilleuses de la pièce : de multiples lueurs bleues et mauves s’éveillèrent autour d’eux.
Tail apprécia d’emblée l’atmosphère. Plusieurs mannequins de couture portaient des corsets à moitié finis, en dentelle blanche écharpée. Sur les murs étaient accrochés différents tissus froissés. La soie sauvage côtoyait le skaï, le cuir vernissé se mélangeait à la tulle trouée et au velours bleu. Dessous, les murs étaient peints d’un pourpre veiné de bleu nuit. A droite du large bar était exposé le tableau d’un buste pâle de femme se recousant nonchalamment le ventre, ouvert sur un vide noir.
Tail ne se gêna pas pour déboucher une des bouteilles brillantes encore pleines et but une longue rasade de vin rouge. L’alcool coula brûlant dans sa gorge en compagnie d’un drôle de goût, âcre et gris, semblable à la cendre.
Eydolon lui souriait. Ils avaient bien ri ensemble en pénétrant illégalement ce terrain de jeu. Elle l’attira vers elle pour aller chercher sa langue de la sienne, rendue chaude et parfumée par le vin. Mary gloussait en buvant à son tour au goulot de la bouteille que Tail avait volé.
Mais est-ce du vol quand plus personne n’est là pour revendiquer son bien ?
Elle tira la langue, agressée par le goût vinaigré du rouge.
Eydolon coucha Tail sur le bar et n’attendit pas pour explorer son entrejambe d’une main. Elle se laissa faire, ravie par l’initiative. Tail s’était lassée des hommes qui tergiversaient trop longtemps avant d’agir. Mary s’accouda sur la poussière du comptoir et les regarda s’affairer, excitée par leur proximité.
« J’ai deux mains », dit-il.
Mary s’approcha et Eydolon l’embrassa comme elle aurait voulu qu’il le fasse. La jeune et innocente Mary. Il caressa la peau sensible de ses cuisses tout en la fixant. Avec elle, il prit davantage son temps. Il était déjà en train de faire de grands mouvements sous la jupe de Tail.
Elle renversa la tête en arrière quand elle sentit les doigts d’Eydolon glisser à l’intérieur d’elle. Se sentir envahie d’un coup au sein du temple de l’Horror Maniac fut un pur délice. Elle s’en mouilla les lèvres, alanguie de plaisir. Elles avaient bien fait d’accepter de le suivre, oui... La sensation l’oppressait de bonheur.
Adossée au bar, la jeune fille alla d’elle-même s’emparer de la bouche charnue d’Eydolon. Il sourit en l’embrassant, la mordit fort et accéléra la cadence comme pour l’encourager.
Elle entendit de nombreux bruits se multiplier autour d’elle. Le couinement du haut en vinyle de Tail contre le verre du bar, les frottements des deux mains s’affairant sous le tissus rigide de leurs fringues, la friction sévère sur la chair tendre, les sons mouillés, les couinements, gémissements, et cette drôle d’agitation qui se développait en fond... Le rire éclatant d’Eydolon.
Ses doigts semblaient maintenant fouiller à la recherche de quelque chose plus que la caresser. Eydolon avait des ongles étrangement longs.
Les bruits s’amplifiaient autour d’elle. Des insectes dans les murs.
Comment fait Tail pour ne pas les entendre ?
Mary la regarda, étonnée. Tail avait la bouche ouverte et laissait échapper ce qui semblait être de longues plaintes de jouissance. Mary n’entendait que ce grouillement ralenti dans ses oreilles. Elle sentait les yeux bleus d’Eydolon sur sa peau, si clairs. Il s’occupait bien de Tail mais ne semblait avoir d’yeux que pour sa cadette. Elle se laissa aller, envahie par cette succulente révélation. Ses doigts allaient et venaient vite. Tail s’était abandonnée sur le comptoir, déhanchée comme une furie sur la main qui soulageait son désir. Elle voulut attraper sa main pour pouvoir partager les vagues de plaisir prodiguées par le splendide spécimen qu’était Eydolon. Elle regarda à nouveau dans sa direction.
Le visage crispé de Tail la sortit de sa transe. Elle la vit retirer brusquement la main d’Eydolon d’entre ses jambes, couverte d’un filet de sang cramoisi. Pourquoi n’entendait-elle plus rien ? Tail semblait crier si fort. Elle croisa le regard d’Eydolon près du sien, d’une clarté effarante. Il souriait largement. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, il lui arrivait la même chose. Elle sentit ses ongles lui tordre violemment l’intérieur ; une  douleur qui remonta en spirales dans sa tête pour exploser dans son dos, comme si des milliers d’aiguilles se plantaient en elle à la même seconde. Elle cria sans percevoir sa propre voix, rien que ces grouillements sinistres, plus puissants que jamais.
A côté d’elle, Tail était tombée à la renverse et se tenait le ventre, repliée à genoux. Engluée dans le bruit de son incompréhension, Mary vit Eydolon la rejoindre et sentit sa langue pénétrer sa bouche. Il lui arracha une moitié de la lèvre avec les dents. Sous le choc, elle porta une main mécanique à sa bouche, terrifiée de ce qu’elle allait sentir.
Un énorme trou. La douleur cuisante se manifesta en retard et la fit retomber en chute libre dans ses sensations. Elle perçut distinctement les cris de Tail par terre, ses mains qui tentaient de stopper quelque chose entre ses jambes. Eydolon s’était assis à une table, la mâchoire barbouillée d’écarlate. Son réflexe fut d’essayer de trouver un objet pour l’assommer avec tant qu’il se repaissait des lamentations de Tail. Un flot de sang jaillissait sous elle sans discontinuer.
Tout peut-il réellement dégénérer si vite ?
Elle attrapa la bouteille qu’ils avaient ouverte mais Eydolon arrêta la main qui s’abattait sur lui et la fracassa contre le rebord du bar. L’explosion dans son bras l’irradia d’une douleur improbable et la fit basculer. Elle s’entailla les genoux avec le verre qui trainait par terre.
A travers les pieds de la table renversée qui la séparait de son âme sœur, elle vit Eydolon se placer au-dessus d’elle. Elle n’arrivait plus à bouger. Il empoigna les cheveux clairs de Tail pour la faire redresser et lui glissa trois doigts dans la gorge. Mary sut tout de suite ce qu’il allait lui faire, cria en voyant la mâchoire de Tail se rompre, saigner jusque dans ses seins.
Il avait déformé son visage à jamais.


Ruis et Denver couraient comme deux déments. Ils n’en revenaient pas du dédale que s’avérait être l’Horror Maniac. D’une manière ou d’une autre, ils se retrouvèrent à un endroit où les cris d’une fille perçaient dans la nuit, mais Denver ne voulut pas s’arrêter pour autant.
« DENVER ! Il faut que quelqu’un sache ce qui se passe ici. Il faut qu’on ramène une preuve avec nous ! »
Ils s’engueulaient depuis un moment. Un boucan propre à rameuter d’autres dégénérés du coin.
« Denver... McArthy, il... (Il renifla une fois) Faut qu’on y aille. Il le faut, merde. (Deux fois) Il le faut. »
Un bloc noir avait implosé à l’intérieur de Denver. Il était si terrifié et sûr qu’ils allaient y rester s’ils jouaient trop au malin que son égoïsme se manifestait d’une manière totalement inattendue. Cette façon qu’il avait eu de se tirer et d’emmener Ruis de force tandis que McArthy était en bas... Ils avaient remonté l’escalier en entendant les sons de sa douleur courir derrière eux comme de dangereuses ombres. Il avait laissé son meilleur ami crever comme un rat dans une cave. Ruis pleurait depuis tout à l’heure. S’il le perdait lui aussi, ça ne servait plus à rien de s’enfuir. Ces deux gars, c’était tout ce qu’il avait jamais eu de précieux. Mais il ne voulait pas claquer ici. Il n’avait rien fait de sa vie.
Je n’ai même jamais touché une fille de ma putain de vie. J’ai juste monté des courts-métrages de merde pour impressionner la galerie de cons de mon bahut.
Denver finit par céder et ils se dirigèrent ensemble vers les hurlements, à l’intérieur d’un complexe gigantesque. Quand Denver releva la tête, sa caméra filma pour lui ce qu’il n’avait pas vu... Une large pancarte indiquant : « The Horror Souls ».
Il leur fallut vingt minutes pour parvenir à l’endroit où les cris s’étaient taris. Ils avancèrent à tâtons dans la salle auréolée de lumières bleues et ne tardèrent pas à remarquer ce qui n’allait pas. Une flaque de sang épaisse s’étalait près du comptoir. Mais aucun corps.
Denver fit comprendre à Ruis d’un regard éloquent qu’il fallait qu’ils foutent le camp tant qu’ils le pouvaient encore, mais Ruis en était incapable.
« Ruis, bordel... On a mis une demi-heure pour arriver là, Dieu sait si on pourra retrouver notre chemin d’ici. Qui que soit celui qui a perdu autant de sang... C’est fichu pour lui. Fichu, merde ! »
Il manqua de se casser la gueule en traversant ce deluge de rouge.
Son ami quittait la pièce pour pénétrer dans l’arrière-salle. Des caisses empilées (sûrement des bouteilles d’alcool abandonnées) saturaient l’espace plongé dans l’obscurité. Grâce à sa lampe, Ruis distingua un couloir dont l’escalier dévoilait l’existence d’un étage supérieur. Les traînées de sang allaient là-haut.
« Ruis... Ruis, putain... Tu es un vrai merdeux ! On a encore nos chances, nous. Regarde tout ce sang partout. C’est foutu. C’est foutu. »
Ruis ne s’était jamais pris pour quelqu’un de courageux, au contraire, mais l’idée d’abandonner la personne blessée, quelle qu’elle soit, lui était insoutenable. Il ne pouvait pas être aussi dégueulasse. Il ne pouvait même pas laisser un chat pleurer seul dans un arbre quand il en croisait un, quitte à se casser les os en tombant. Il coupa le faisceau de la lampe dans l’escalier. En haut, la lumière de la lune rentrait par le toit éventré, et il entendit des bruits en provenir. Denver aussi. Son bloc noir dans le ventre lui serrait les boyaux et il suintait à grosses gouttes en emboîtant le pas de son ami. Heureusement, l’escalier ne faisait pas de bruit.
La fille blessée était allongée sur le dos dans la poussière. Sa poitrine se soulevait difficilement. Un type se tenait au-dessus d’elle. Son bassin allait et venait vite entre ses cuisses écartées. Elle bougeait quelques doigts et laissait échapper quelques plaintes quand il ruait fort dans ses chairs à vif. Ruis se retint de rendre le peu qu’il avait dans le ventre.
Il allait et venait en elle sans relâche. Ses rires se confondaient à ses soupirs. De toute évidence, il aimait l’antre chaude et rouge de la demoiselle. Il lui léchait avidement les lèvres ouvertes et sa mâchoire presque arrachée. Il avait libéré ses seins de leur carcan de vinyle et en avait entièrement ôté la peau. Jamais Denver ou Ruis n’avaient vu quelque chose de semblable.
Denver réalisa avec effroi qu’il filmait un authentique snuff-movie. Un viol odieux dans les combles, au milieu du plâtre éclaté et du bois branlant. Un témoignage de cruauté absolue. Il espérait que la caméra filme tout ce que lui était en mesure de voir, les tortures subies par la blonde, le regard fou de plaisir de ce malade. Il allait morfler quand la cassette parviendrait chez les flics. Cette pensée le motiva à trouver un bon angle pour la lumière. L’escalier grinça, et Eydolon tourna la tête dans leur direction.
Il les voyait. Il les regardait. Il souriait en se redressant et rebouclant sa ceinture. Avec incrédulité, ils réalisèrent que ses yeux étaient rouges et flamboyaient dans la nuit, semblables à deux petites flammèches rubis.
« Vous m’avez pris sous mon meilleur jour ? » jeta Eydolon.
Ruis et Denver dévalèrent les escaliers.

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5.

Ses bottes pendaient dans le vide. Assise sur le bois en ruines du roller coaster, dos à dos avec la tête de clown, son regard se perdait sur le parc et la lande verte qui se divisaient l’horizon. L’air était plus frais à cette hauteur, elle le sentait qui s’infiltrait sous sa veste. Le ciel était dégagé mais peu d’étoiles étaient visibles. Une partie du Grinslash étant sous tunnel, il suffisait de suivre les passages réservés à la maintenance et une fois hors de ce tunnel, il n’y avait qu’une montée périlleuse à escalader pour se retrouver là, en maître au dessus de l’Horror Maniac. Pour siéger à côté de Charles.
C’était leur endroit. Le squelette du terrifiant manège.
La tête appuyée sur la jambe de l’albinos, debout à ses côtés, Anja ferma les yeux. Il lui caressait affectueusement les cheveux. La bouche légèrement entrouverte, elle savoura le contact fugace.
Il s’éloigna et marcha un moment derrière elle, allant et venant sur les rails. Le vide sous eux était saisissant. Il était dans chaque interstice. Mekarth savait ce que ressentait Anja face au vide, c’était sans doute la raison pour laquelle il l’emmenait autant ici. Cet appel vibrant qui donnait à l’idée de la mort un glamour inquiétant, ce désir d’abandon, cette attraction du néant… Il le sentait quand il l’embrassait. Et il adorait le goût que cela donnait à sa chair.
Elle ne se retourna pas pour le regarder mais son image se dessina d’elle-même dans son esprit. Celle d’un albinos imposant, solidement bâti. Rien en lui n’exprimait une quelconque forme de faiblesse. Des muscles dessinés à la limite de l’excès, dissimulés sous les vêtements noirs. Une présence écrasante. Un homme si pâle, aux yeux bleus cernés d’un cercle de sang. Un sourire sardonique qui réinventait la dérision.
Il s‘approcha et s’assit à côté d’elle, les jambes dans le vide. La structure en bois du grand huit craquait par moments, renforçant le sentiment d’insécurité languide qu’Anja éprouvait ici.
Elle perçut un drôle d’air. Il semblait provenir de partout tout en restant lointain, à peine perceptible.
« Ils chantent toujours cette chanson… Ils l’ont chantée à un moment de leur vie, et ça s’entend encore… » dit-elle sans comprendre. « Utilise l’os de Dieu... » Elle répéta ce qui venait jusqu’à elle. Encore un tour joué par les glissements de réalité. Qui chantait ça ? Où ? Dans quel carré du temps ? Ces mots, sers-toi de l’os de Dieu, se répétaient. Ils semblaient prendre de la consistance et se rapprocher. A un moment elle crut même que quelqu’un les chantait juste en dessous d’elle, au pied du Grinslash.
Elle se pencha mais ne distingua personne. Il n’y avait que l’herbe chaude qui avait repoussé depuis la dernière fois.
Anja retrouva le silence néantique qui régnait près de Mekarth.
« J’ai fait un rêve effrayant cette nuit », dit-elle.
Mekarth avait les yeux rivés sur elle quand elle voulut jauger sa réaction. Elle détestait ne pas se rendre compte qu’il la regardait déjà ; cette sensation faisait à chaque fois éclater en elle un malaise indescriptible.
On ne peut se protéger de ce qu’on ne peut voir.
« J’ai rêvé d’une plante qui n’existe pas, que j’aimais quand un enfant, qui noircissait et partait en poussière entre mes doigts. Quand je l’ai ouverte en deux, des centaines de vers blancs lui dévoraient l’intérieur. »
Il comprit où elle voulait en venir. Il imagina les myriades de plantes qu’Anja laissait dépérir pour venir vivre avec lui. Il en éprouvait une satisfaction noire. La douceur des fleurs. Leur chair parfumée. Anja, la fille-fleur… Indépendante et pourtant accrochée à la nébuleuse traîtresse de ses souvenirs, qui ne cessait de mentir.
« Et ensuite ? demanda-t-il.
— Je t’ai retrouvé au Rainbow Room, un club qui n’existe plus depuis près de quarante-cinq ans, sur la vingt-sixième avenue. Un endroit chic aux réceptions mondaines. Il y avait beaucoup de lumières rouges qui rendaient l’ambiance plus pesante que sensuelle. Du monde circulait autour de nous, des ombres sans visages. Je me souviens de ton manteau quand je regardais ton dos et que tu marchais devant moi. Il m’inspirait un océan noir dans lequel j’aurais pu plonger.
« Un spectacle prenait place sur la scène. Un cabaret. Tu m’as emmenée derrière le rideau qui, je le pensais alors, menait sur l’envers du club ou un salon privé. Au lieu de ça, j’ai vu l’étroit passage sur le côté des rails… L’escalier que nous montons pour venir ici. La pente me semblait impraticable, mais nous avons fini par arriver en haut en maîtrisant notre vertige. Nous étions dans l’antichambre du tunnel. Et nous nous sommes couchés dans la poussière près des rails. »
Mekarth acquiesça, le visage à demi éclairé.
« Et tu as dit quelque chose… » reprit Anja.
Elle vit une lueur de curiosité vriller la lumière dans ses yeux.
« Qu’est ce que j’ai dit ?
— Tu as dit : « Je n’apporte aucun refuge car... » Je n’ai pas réussi à entendre la suite, pourtant tes lèvres bougeaient pour la dire. Le son était bloqué. Tu l’as répétée plusieurs fois mais je n’entendais rien. Ne pas pouvoir entendre m’a terrifiée. Pourquoi n’apportes-tu aucun refuge ? »
Mekarth avait connaissance de vérités sur le monde qui la faisaient frémir d’horreur. Des arcanes noires, suintantes et terribles qu’il partageait parfois, qu’il gardait parfois pour lui.
« Je n’apporte aucun refuge car je… » Il prononça la fin dans une langue au goût de roche et de métal, qui lui donna le vertige. Une douleur lancinante naquit dans son nez et ses yeux. Elle constata avec une certaine incompréhension qu’un sang épais coulait d’une de ses narines. Mekarth l’attira sur lui et essuya ses lèvres et son menton. Il admira ses yeux rouges aux veines saillantes.
Il dégagea sa nuque et le vent s’y engouffra au même instant, faisant hérisser le duvet blond qui s’y trouvait. Chaque contact était dangereux. Imprévisible était le personnage. Ses cheveux blancs. Sa langue franche. L’amusement par la cruauté. La beauté compliquée, le manteau en pièces détachées. Mais l’embrasser était tout ce vers quoi son corps et son esprit tendaient, à jamais, pour cette union absolue des âmes.  
Il aurait pu la pousser d’un geste et admirer son crâne éclater en constellation dans l’herbe en contrebas. Ils étaient à près de quarante mètres de hauteur ici, coincés entre les loopings et l’entrée insalubre du tunnel vers l’intérieur. Beaucoup de visiteurs avaient raconté à l’époque combien ils trouvaient étrange que le décor clos du roller coaster soit aussi riche pour le peu qu’en voyaient les touristes à 120 km/h la tête à l’envers, pour les rares qui gardaient les yeux ouverts durant leur tour. Un vrai gâchis. Mais Anja avait eu tout le temps du monde d’admirer ces fresques de malheur. Elle avait vu ce qu’elles représentaient. Elle avait vu les planètes impossibles peintes sur les voûtes. Elle avait vu les traces de rouge criard dans l’espace. Elle avait vu Mekarth l’albinos y déambuler devant elle, et cela était sans doute la vision la plus émouvante qu’elle aurait jamais l’occasion d’assister sans même en prendre conscience.
Alors qu’ils s’embrassaient, ils entendirent de grands cris provenir des entrepôts et du bâtiment principal de l’attraction The Horror Souls. En se retournant vers le vide auquel elle faisait dos Anja se cramponna à l’albinos, le cœur au bord des lèvres. Deux filles hurlaient là-bas. Au moins deux.
« Descendons », dit Mekarth en se redressant avec elle.
Anja jeta son coup d’œil habituel aux peintures à l’intérieur du tunnel. Même plongé dans l’obscurité, on distinguait certains détails essentiels. Ils prirent les escaliers enchâssés au décor et traversèrent les couloirs cachés pour rejoindre la terre ferme. Une fois dehors, ils regardèrent tout deux d’en bas l’endroit qu’ils avaient quitté.
Ils s’éloignèrent du point chaud. Anja comprit à cet instant que Mekarth n’avait jamais eu l’intention d’aller voir ce qui se passait dans les entrepôts du parcours. Il n’en avait strictement rien à faire. Ils quittèrent le parc pour le longer en direction de la route soixante-sept. La lande était si grande. Ils apercevaient de très loin les phares des voitures des enfants perdus. Mekarth s’était arrêté et regardait les arbres, à droite de l’Horror Maniac.
« Tu veux courir ? »
La question était posée sans hostilité, comme la chose la plus naturelle au monde. Pour l’un et l’autre, c’était la suite logique de la soirée. Elle acquiesça.
« Et si on rendait ça plus intéressant ?
Anja saisit dans sa voix quelque chose qui lui faisait particulièrement plaisir. Une ombre nécrosée s’étalait dans ses pensées pour ramper vers elle, semblable à un zombie amoureux.
— Tu as toujours fini par me céder, dit-il.
— Je sais.
— Je veux que tu cèdes encore. Survis-moi pendant une heure. Si je te retrouve dans ce laps de temps, tu resteras avec moi. »
Les yeux d’Anja se confondirent dans la terreur. Elle savait ce que rester signifiait dans sa bouche.
« Je ne veux pas parier ça. Tout sauf ça, pria-t-elle devant le dieu albinos.
— Je te laisserai une bonne avance. Mais le compteur tourne déjà. »
Sans lui laisser le temps de protester, il indiqua la forêt d’un signe de tête. Le souffle court, Anja se sépara de sa veste et se mit à courir.


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D.A.

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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeMar 2 Juin - 20:24


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6.

Les compagnons d’Eydolon se rassemblèrent autour du corps de la fille. Ils l’observèrent un moment. Il ne lui restait que ses mitaines et sa jupe remontée. Sa mâchoire détachée captivait leur regard. Eydolon sortit de son jean un briquet gravé d’un diable rouge pour embraser la cigarette de Zonher, son frère. Il se racla la gorge.
« Je vous la laisse. »
Eydolon quitta l’attraction en quelques minutes. Ses passages n’avaient aucun secret pour lui. Il s’étira en regagnant l’allée principale du parc. Il se sentait bien. Rassasié, détendu. Ses muscles étaient chauds et roulaient sous sa peau avec délice. Il embrasa le bout d’une nouvelle cigarette et observa la fumée se tordre autour de lui.
Il avait laissé les gamins se tirer. Il considéra l’idée de faire quelque chose à ce sujet, mais la vérité c’est qu’il était ravi d’être la star de leur film. Il espérait que la bande fasse du voyage.
Derrière lui, l’enseigne crade de The Horror Souls se mit à frémir. Les diodes blanches du panneau sortirent d’un lourd sommeil pour ouvrir les yeux sur leur demeure. Puis ce fut les lampadaires de l’allée principale. Quelqu’un devait jouer avec les boutons de la centrale électrogène. Les lumières étaient blafardes. Une épaisse couche de poussière obscurcissait les ampoules.
Eydolon ne constata la présence intruse à côté de lui qu’assez tard. Il sortit machinalement une autre cigarette du revers de sa veste noire.
« Ça faisait un bail, patron. »
L’albinos acquiesça en s’emparant de la clope qu’on lui tendait. Il se pencha pour qu’Eydolon la lui allume et rejeta ses cheveux blancs en arrière en se redressant. Il exhala une fumée dense de ses narines.
« Nuit productive ? » demanda Eydolon en tirant sur sa taffe.
Un regard suffit comme réponse. Il avait la fille-fleur dans les yeux. Sa drogue dure. Cela fit sourire Eydolon. « Je vois... »
Au même moment, échevelée et sanglotante, Mary sortait enfin du bâtiment qui abritait les perversités des âmes de l’horreur. Les deux hommes pivotèrent de biais vers elle. Voir une fille couverte de sang n’avait pas l’air de les perturber outre mesure.
En voyant l’albinos tant convoité au côté de son bourreau, cigarette aux lèvres, Mary tomba dans le pire vortex de folie qu’elle avait connu. Cette course à travers le parcours lui avait insufflé l’adrénaline du désespoir, une volonté de s’accrocher à la vie qu’elle n’aurait jamais soupçonnée possible. Mais elle sortait de l’enfer pour en rejoindre un pire.
Les lumières de l’allée illuminaient à peine les deux silhouettes. Secouée d’un sanglot nerveux, Mary piocha dans ses dernières ressources pour faire quelques pas de plus. Sa bouche échappa des logorrhées piteuses. Ses jambes cédèrent et elle imagina le spectacle qu’elle offrait à leurs yeux : la lèvre arrachée, chouinant par terre. Une vision d’un pathétique à pleurer. Cette évidence s’avéra plus dure à encaisser que de découvrir que sa rage pour se sortir de l'enfer était vaine.
Eydolon se désintéressa d’elle. Elle n’irait pas bien loin dans cet état. Il se retourna vers l’albinos, qui regardait le parc avec nostalgie. Ses lumières. Ses allées. Son ciel. Il semblait plongé dans un souvenir.
« Il a faim, dit-il en s’extirpant de sa propre mémoire. Nourrissez-le. »
Eydolon acquiesça avec un sourire ravi.
« Je vais aller attraper cette petite conne. »
Il eut droit à un vague hochement approbateur et s’éloigna. Mary s’était relevée et courait à petits pas claudicants vers la sortie. Il était maintenant plus facile de se repérer dans le dédale. Mais avec ces lumières le piège était tellement, tellement plus serré… L’Horror Maniac ouvrait enfin un œil.


Mary avait le meurtre de sa sœur chérie dans les yeux. Le son sinistre de sa mâchoire brisée dans les oreilles. Eydolon courait à petits pas pour la pousser à s’épuiser devant lui. Quand ils furent à la grande entrée de l’Horror Maniac, il jugea que le jeu avait assez duré et la fit basculer dans la poussière, à l’endroit exact ou s’étalait le portail ouvert. Elle sentit la limite métallique de cette frontière dans son dos.
C’était déjà la fin, dès que nous l’avons croisé.
Elle s’était ouvert l’épaule en rentrant dans un élément du décor intérieur. Tant de terreur s’était accumulée dans ses veines. Eydolon était seul au-dessus d’elle ; l’albinos parti. Dans son esprit déjà meurtri, elle ressentit cette négligence comme une insulte de plus : pour eux, elle était déjà fichue. L’évidence la fit pleurer et sa lèvre se déchira davantage sous les spasmes. Son entrejambe éventrée lui faisait endurer les notes aigues d’un tout nouvel éventail de douleurs.
Debout au-dessus d’elle, Eydolon semblait assez déçu du spectacle qu’elle lui offrait. Il se pencha néanmoins vers son visage.
« Je ne sais pas si ça pourra t'apaiser, mais sache que tu étais ma préférée. Ta copine avait une bouche fade. Elle n’était pas encore morte quand tu nous as quittés, tu sais ? Je lui ai donné ce qu’elle attendait de moi. »
Il illustra ses propos en posant une main sur son pantalon, là où dormait son sexe repu.
Mary hurla de toutes ses forces. Eydolon lui embrassa la poitrine et le cou en attendant qu’elle finisse de dilapider ses dernières ressources dans son culte pour l’horreur.
Il sentit avec sa langue les vaisseaux contractés à l’extrême sous la peau rougie. Dans la nuit, il n’y avait que les cris de Mary pour y tenter une percée. Elle criait si fort qu'il paraissait impossible que personne ne l’entende.
« Tu as un vrai bon goût de cerise. (Il se frotta à elle, visage contre visage.) J’ai l’odeur de ton âme sœur sur moi. » Il appuya sur ce terme en ricanant.
Mary ne pouvait plus crier tant les sanglots bloquaient sa trachée. Tail, allongée dans ce manège sordide, sans vie, les jambes écartées… Mon âme sœur…
La nuit était si noire et profonde malgré la lumière malade des allées qu’elle douta que qui que ce soit puisse la retrouver. Le silence de tombe qui régnait autour d’elle était un monde à part entière, qui étouffait le sien. Ses pensées dérivèrent vers la route soixante-sept. Son adorée route soixante-sept… Aux enfants de la nuit occupés à jouir de leurs excès, sans se douter une seconde des horreurs regorgeant dans le parc. Elle avait été des leurs. Inconsciente et jeune.
Plus maintenant. L’Horror Maniac l’avait clamée. Elle lui appartenait toute entière.
Mais elle n’était pas morte. Elle s’entendit le dire avant de sombrer.
« Je ne suis pas morte. »
« Je ne suis pas morte. »
« Pas morte. »



La première chose que vit Ruis en sortant du bâtiment de pierre, ce fut la masse noire qui gisait près des grilles. Comme l’entrée était grande ouverte et dégagée, il était plus que tentant de passer par là pour se ruer vers la route. Ruis trottinait déjà en direction de la silhouette. Il emboîta son pas en jetant des regards circulaires autour d’eux, prêt à bondir au moindre signe de danger. Il prêta à peine attention au corps étendu et jura quand il vit Ruis agenouillé à côté. La sortie leur tendait les bras.
« Combien de fois tu vas jouer au con, tu ne comprends pas qu’il faut qu’on se casse d’ici au lieu d’aller vers les cadavres !
— Elle est peut-être vivante, espèce de connard égoïste », dit Ruis, que la crise de nerf avait gagné d’une manière plus insidieuse, le vidant de ses forces.
Denver regarda l’entrée béante comme s’il s’agissait de la plus merveilleuse vision qu’il ait jamais contemplée.
La sortie semblait si proche. La franchir, si faisable. Elle exerçait sur lui une fascination incroyable. Plus que tout, il voulait aller au-delà de cette limite, comme si tout serait réglé une fois qu’il l’aurait passée. Rester planté là le rendait fou. La vie et l’amitié de son ami étaient de plus en plus légers dans la balance qui les opposait à sa survie. Ce ver noir de doute lui rongeait la raison.
Ruis n’avait jamais eu l’occasion de sentir un pouls, mais il ne distingua rien en prenant la main de la fille ni en palpant son cou. Il se pencha et posa son visage contre ses seins. La situation n’avait rien de sensuelle mais Ruis fut choqué du plaisir qu’il prit à être si proche de cette fille inconsciente. Denver trépignait. Un flux constant d’adrénaline continuait d’alimenter son corps à l’excès, lui interdisant de refroidir son système. Des tics nerveux tressaillaient autour de ses yeux.
Eydolon sortit des ombres à ce moment et éclata les côtes de Ruis d’un grand coup de genou. Le gamin s’effondra par terre dans un chuintement, recouvert par les rires d’Eydolon qui semblaient fuser de toute part. Seul à côté de la frontière (son salut, si proche, si proche...), Denver pratiqua sans réfléchir les derniers pas qui lui restaient à faire pour passer de l’autre côté. L’agresseur releva les yeux vers lui pour lui sourire. La balance pencha définitivement à la défaveur de son ami lorsqu’il croisa ce regard, et Denver laissa sa lâcheté l’engloutir en s’enfuyant dans la lande.
Eydolon se pencha pour glisser deux doigts dans la bouche de Ruis, ouverte par la terreur, étouffant le cri qui s’apprêtait à en sortir.
Sous le choc de l’intrusion, Ruis n’eut même pas la présence d’esprit d’essayer de refermer ses dents. Ces doigts épais au fond de sa gorge étaient couverts de sang et d’autres odeurs. Il lutta pour refouler son envie de rendre et dissuader son assaillant de lui briser le crâne. Il avait vu cet homme violer une fille à moitié morte dans les combles. Il ne pouvait qu’imaginer ce que ce malade était capable de faire à quelqu’un susceptible de lui attirer des ennuis.
Sa bouche était un puits de sang.
Ruis regardait machinalement la fille endormie dans l’espoir d’un soutien quelconque.
« Elle te plait ? »
La question était cruelle. Il se rappela le geste qu’il avait eu à son égard. L’étrange excitation qui l’avait saisi.
« Elle est morte, dit Ruis en fermant les yeux, apeuré à l'idée de ce qui allait suivre.
— Non, non. Il n’est pas l’heure pour la belle Mary. Je vais te laisser avec elle, au cas où tu veuilles profiter un peu de ta jeunesse. Et de la sienne », dit-il en lui adressant un clin d’œil.
Eydolon se releva et s’en alla, laissant l'adolescent frustré qu'était Ruis en compagnie de ces suggestions immondes.
Ruis ne voulut croire à sa chance quand il osa enfin rouvrir les yeux et qu’il constata que son bourreau avait bel et bien disparu dans la nuit.
Ou peut-être qu’il te regarde, pour voir ce que tu vas faire.
Il se redressa et glissa un regard sur la splendide blonde endormie.
Son sein renflé. Sa taille si fine. Son nombril apparent. Les jarretières noires offertes à sa vue. Sa lèvre en lambeaux. Un frisson le parcourut à sa vue.
Comment pouvait-il se laisser si aisément envahir par cette idée de dépravé ? L'idée de la toucher dans cet état le dégoûtait autant qu'elle lui apparaissait... irrésistible. Le garçon était pris dans un carcan défiant peur et excitation. Il en découvrait l’effarante combinaison, la frontière commune.
Il regarda autour de lui. L'endroit où il se trouvait. Il était trop frêle pour la porter jusqu'à la route, et quand bien même, tous ces jeunes étaient aussi perdus que lui et ne seraient pas à même de l'aider à vaincre ce cauchemar.
Il posa une main coupable sur la cuisse découverte de la blonde, effleura la peau tendre et remonta maladroitement la main vers le foyer de sa chaleur, toujours intact malgré ce qu'elle avait vécu. Il éclata en larmes à côté d’elle.

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7.


Anja revint vers la route en courant. La lande semblait s'allonger à l'infini pour accroître la difficulté de son pari. La nuit était bien entamée, les adolescents profitaient toujours de la liberté du week-end sur la route soixante-sept. Les fumées de Lucky Strike côtoyaient les volutes de marijuana, les sachets de pilules colorées passaient de main en main, les bouteilles d’alcool bon marché s’épuisaient, si bien que personne ne fit attention à la peur sur le visage de la rousse qui les avait rejoints.
Anja s'arrêta net, sous le coup d’un nouveau choc. Qui était cette brune entourée de rockeurs qui buvait au goulot d'une bouteille de whisky avec le reste des enfants perdus ?
Le monde se suspendit une seconde quand elle croisa son regard. La brune fronça les sourcils à son tour, troublée par l'apparition vêtue de blanc qui la fixait, à quinze mètres de là.
Anja ferma les yeux quelques secondes pour être sûre que ses yeux ne lui jouaient pas de mauvais tour, mais la brune se tenait toujours là-bas quand elle les rouvrit.
Leurs deux visages se ressemblaient au-delà du concevable, à quelques traits près, comme un dessin sur lequel on serait repassé avec une mine différente. Elle se regardait dans le miroir d'une autre vie.
Anja avait l’habitude de ces phénomènes, mais jamais ils n’avaient permis une chose pareille. La soirée s’avérait dangereuse.
Elle tremblait à l’idée de ce qu’il allait se passer au sein de l’Horror Maniac. Elle entrevoyait les dents d’un monstre et lança un regard au grand clown, en quête de réponses. Son sourire semblait donner raison à ses craintes. C’était le soir.
Elle était si tendue par ce que Mekarth attendait d'elle qu'elle choisit à grand peine de ne pas s'approcher davantage de sa jumelle, plantée au milieu de la route, de ne pas laisser la confusion prendre davantage cette réalité. Quelque chose en elle hurla de frustration. Elle n’aurait eu que quelques pas à faire pour la prendre dans ses bras...
Elle se remit à courir vers la forêt, l'esprit embrumé par l'adrénaline fiévreuse de la fuite, tentant de se convaincre qu’elle avait fait le bon choix.


La lune brillait juste assez pour qu'elle sache où marcher entre les arbres noirs. Au bout de plusieurs kilomètres, les jambes échauffées par l'effort, les pieds douloureux, elle reprit son souffle contre un arbre mort, et recommença à courir. Qui savait si Mekarth n'était pas déjà près d'elle, derrière cet arbre, où celui-là, ici, à épier sa peur et s'en nourrir avec délectation.
Les enjeux étaient clairs. S'il l'attrapait dans le temps imparti… C'en était fait elle. Elle était au point de non-retour dans la lutte singulière qui les opposait.
Elle déboucha sur un espace dégagé, à bout de souffle. La forêt s'arrêtait là pour céder place à un vieux bâtiment en friche, vaste et envahi par les herbes hautes. Sur un écriteau poussiéreux près de l'entrée, Anja lut en lettres jadis dorées : « Ugher's Mental Hospital ».
Lors de ces parties de cache-cache, elle avait toujours eu  cette impression malsaine lui collant à la peau : Mekarth orchestrant le labyrinthe qui s'étendait devant elle. Elle se faisait l'effet d'une souris prise au piège dans un dédale aux murs si hauts qu'il en devenait impossible de réaliser sa présence.
Elle observa attentivement l’allure de la bâtisse.
Le cœur d'Anja battait pour ces lieux galvaudés, hantés, reniés. Elle avait pénétré la moiteur mortelle d'un rêve, à demi-consciente. Dépasser un endroit dans ses rêves n'est jamais sans le risque de le perdre à jamais dans les flots sans cesse renouvelés de l'inconscient. Les retours en arrière y sont rares.
Si je le rejette ce soir, je ne le découvrirais jamais.
Cette crainte supplanta celle d’échouer l'espace de quelques secondes, assez pour l’amener à pousser la porte et entrer à l’intérieur.
Devant elle s'étendait un large couloir encombré de morceaux de plâtres, de murs cassés aux planches apparentes et de crasse. Des dizaines d’années d'abandon, comme l'Horror Maniac. Une grande négligence.
A sa gauche, un escalier courbé montait à l'étage supérieur. En face, un long couloir se poursuivait jusque dans un noir d'outre-monde. A droite, une porte enfoncée donnait sur une grande salle pleine de meubles à l'agonie. Une partie du plafond avait éventré le sol en s’effondrant.
Anja choisit les escaliers, qu'elle monta à pas lents, la respiration bloquée dans l'antre de panique qui gouvernait son esprit.
Les fenêtres étant presque toutes éclatées, la lumière entrait par chaque ouverture.
Elle s'enfonça dans la multitude de couloirs alambiqués qui s'étendaient devant elle, consciente de l'improbabilité des chemins. Deux couloirs venaient croiser en diagonale un troisième pour former une étoile. A peine avait-elle choisi sa direction qu'elle l'oublia pour s'enfoncer encore davantage dans le flou.
L’hôpital ne l'acceptait pas. Anja sentait sa réticence à chaque pas. Qu’est ce qui avait bien pu se passer ici ?
Anja ressentait les lieux comme des personnes à part entière, qui lui racontaient leurs histoires quand elle y déambulait, laissait s'imprimer dans son esprit des images troubles du passé, des impressions et des chuchotements. Mais cet hôpital ne parlait pas, et ce silence était plus inquiétant que la pire des histoires qu'elle avait pu entendre.
A ce moment-là, seule dans l'immensité d'un terrain hostile, Anja regretta d'avoir passé le seuil de cette bâtisse. Pendant une seconde, elle douta même que Mekarth puisse la retrouver jusque ici, happée dans le cauchemar palpable qu'était devenu ce lieu à force de mauvais traitements.
Son dos était moite et sa robe lui collait à la peau. Il faisait trop sombre. Le flou l'engluait totalement. Elle n'était même plus sûre d'être à cet endroit. D'être de cette matière. D'être tout court. Elle glissait dans la dissolution. Et tout tournait anormalement vite autour d'elle. Des dizaines de tourbillons troubles régissaient l’hôpital à l’abandon.
Elle franchit une nouvelle porte.
Une porte écarlate.
Elle cacha son visage d'une main, agressée par la lumière crue des néons rouges qui envahissaient l’atmosphère.
Des néons rouges ?
Anja paniqua subitement en analysant l’endroit où elle se trouvait. Un couloir ainsi qu’une pièce séparés par des bâches en plastique transparent, aux fauteuils moisis, aux plafonds ébranlés. Et des néons rouges.
La couleur de ses mains dans cet éclairage lui serra l’abdomen. Elle était sûre d’avoir déjà vu cela quelque part : ses mains rouges ouvertes devant elle. Elle avait déjà rêvé cette scène de son existence.
Puis elle entendit les premiers frottements.
Malgré les néons, les recoins restaient sombres. Elle avança dans l’étroit couloir.
Encombré de vieux meubles, d'escabeaux, de lampes et même d'une gigantesque armoire, l'espace ne permettait pas de se frayer un chemin jusqu'à la pièce suivante, une ouverture à peine visible derrière le désordre.
La salle reliée au couloir était en revanche plus dégagée, pourvue d’un fauteuil et d’un canapé sales, de quelques trésors antiques entassés dans les coins. Une télévision ancienne trônait sur une table basse en face du canapé vert, recouverte d'une épaisse couche de poussière.
Un coup d’oeil rapide lui confirma des signes de vie. Des squatteurs vivaient probablement dans cet hôpital. Il y avait par terre des matelas incrustés de saleté, des couvertures et des boîtes de conserve.
Anja perçut des bruits de pas dans la même pièce qu’elle. Mais ne distingua rien. Elle écouta plus attentivement. La cadence reprit. La démarche de Mekarth.
Elle l'entendait. Il était là quelque part. Dans un espace si confiné, elle ne comprenait pas comment il était possible de ne pas le voir. Les zones d'ombres autour d'elle prenaient une ampleur dramatique, elle les ressentait comme des portes s'ouvrant sur le même piège obscur. Il pouvait être n'importe où. Tous ces angles et ces recoins, comme autant de passages vers le néant…
Des objets qu'elle n'avait pas remarqué se retrouvaient devant elle, dévoilant d'un coup leur présence.
Elle enjamba un jeu de loi défraichi qu'elle n'avait pas distingué par terre pour regagner le vestibule étriqué. La porte par laquelle elle était arrivée ici s'était refermée et de l'autre côté le désordre semblait s'être nourri de lui-même pour grandir.
Peut-être que si elle arrivait à se glisser dans l'interstice pour parvenir à l’autre pièce… Elle s'agenouilla pour regarder l'étroite ouverture. Elle entendit le ricanement sinistre de Mekarth et se blessa à la tête contre une étagère en voulant se  retourner. A quatre pattes dans la fente d'objets antiques, elle réalisa avec horreur que l'espace encombré paraissait se refermer sur elle. Il l'enserrait tant qu’elle eut un mal fou à rebrousser chemin. Une fois hors de l'étroit passage, la respiration accélérée par la panique, il lui parut plus condamné que jamais. Elle porta une main au sang qui coulait de sa tempe. L’étagère contre laquelle elle s’était accrochée était deux mètres au-dessus de sa tête.
Anja se redressa dans sa robe blanche et revint au seuil de la pièce aux fauteuils.
La télévision fut prise d'interférences et de grésillements. La neige laissa place au noir, puis à des images en couleur stériles.
Un vacarme sans précédent envahit la pièce et lui ouvrit la tête en deux comme un fruit mûr. Des chocs, des bourdonnements, des cris et des vibrations. Elle perçut dans le tumulte de sons ce qui semblait être la voix d'un homme, lancinante et sombre, tenta de se focaliser sur ces apparitions, fascinée par la pureté qu’elle dégageait.
“Our roads, entwined… lips... sealed… rainy… never lies.”
C'était si bruyant. Anja fit un mur de ses mains entre le monde et ses oreilles, le front plissé par d'imminents sanglots.
C'est là que Mekarth passa le seuil du couloir, gigantesque. Il avait laissé sa lourde veste quelque part. Sa chemise noire capturait les reflets rouges de la pièce. Son visage s’en trouvait déformé, plus inquiétant que jamais. Anja se releva pour reculer, leva un bras entre eux tandis qu'il approchait dangereusement. Il attrapa son poignet et la tira d'un coup vers lui, si près qu'elle put sentir l'odeur de sa peau – un charme noir et sublime, conjugué à une terreur primitive.
Au cœur de cet éclairage rougeoyant, ses yeux et leur expression lui faisaient plus peur que jamais. Elle haleta près de ses lèvres quand il s'approcha pour la regarder plus près et se retourna sans réfléchir, prise au piège entre lui et la poutre branlante recouverte de plastique.
L'angoisse tirailla à nouveau l'intérieur de son ventre. Loin à l'intérieur. Elle le sentait contre elle, qui la serrait, laissait la moiteur de son affolement recouvrir sa peau d'une pellicule de sueur. Elle entendait le son étouffé de sa robe qui se tordait sous ses mains tandis qu'il resserrait l'emprise autour d'elle. Il ne l'empêchait pas de respirer ni même de bouger, il lui inspirait ce sentiment d'une manière plus subtile. Anja sentit son cœur céder à l’effroi en réalisant qu'il lui parlait à l'oreille. Il l'avait amenée plus près, jolie fleur dans ses bras, avait approché son sourire sardonique de sa joue rose.
« Je veux jouer à Dieu avec toi… Je serai Dieu, et tu seras toi… »*
Les yeux d’Anja étaient deux puits de peur liquide ; deux puits de désir. Il raffolait d'être pour elle cet être sibyllin qu'elle redoutait pour ne s'en trouver que plus désespérement amoureuse. Il voulait être l'incarnation de ce pouvoir.
Et il connaissait l'effet de ces mots, leur sensualité mauvaise ; ce dont il abusait et abusait avec elle.
Elle se rendit compte qu'il desserrait sa prise pour la laisser se retourner. Il voulait sans doute qu'elle le regarde dans les yeux, il adorait ça. Il lui avait déjà dit de le faire auparavant, et sa voix était si assimilée à l'obéissance qu'elle s'était exécutée. Anja avait trop de mal à soutenir ses yeux. Ils étaient trop sombres, trop clairs, trop impossibles. Sans humanité. Ils brisaient la réalité pour n'en laisser qu'un arrière-goût âpre de cauchemar, une carcasse écorchée du monde solide autour d'elle. Depuis qu'il lui avait montré comme il pouvait à loisir détruire ces frontières, elle avait de plus en plus de mal à se réveiller et y revenir. Mais retourner à la normale n'était sans doute plus possible à présent. Au contraire, si c'était vrai, il comptait ancrer le sceau douloureux de son passage à jamais sur et à l'intérieur de son corps.
Loin à l'intérieur. Rappelle-toi. Loin. A. Intérieur.
Les mains sur ses bras tremblants, il caressa sa peau, remonta vers sa nuque. Anja pencha la tête de côté pour le laisser respirer l'odeur de ses cheveux. Il lui avait dit qu'elle avait le parfum des fleurs chatoyantes qui poussent dans les déserts arides et du miel, avec quelque chose de plus âcre en fond, comme le toucher d’un spectre. Il en aimait les reflets roux, dorés au soleil, leur couleur chantante. Mais par dessus-tout, il aimait ses lèvres. Roses, pleines.
Il s'en empara avec violence, tirant ses cheveux pour la faire pencher en arrière.
— My wild flower, my flower girl..., murmura-t-il sur sa bouche.
Il attrapa son oreille entre ses dents et la mordit, lui arrachant un hoquet de surprise.
Anja pris son mal en patience. Elle avait posé ses mains à plat contre lui dans un geste qui se voulait défensif, mais ne tenta pas de le faire reculer. Il prenait toujours un malin plaisir à la prendre au piège entre un mur, une table ou un meuble et son corps à lui ; cette muraille de chair impénétrable.
« Tu as perdu. »
Dans ces mots résidait la décharge dont elle avait besoin pour se rebeller. Elle le repoussa en arrière de toutes ses forces et s’enfuit dans le couloir pour y passer la porte rouge. Elle fut abasourdie en découvrant la pièce aux fauteuils devant elle. La même télévision diffusait ses myriades de couleurs délavées. Elle la traversa précipitamment et franchit la même porte rouge quelques mètres plus loin.
C'était impossible : la pièce et le couloir se répétaient à l'infini en un complexe enchâssé. A bout de souffle, l'esprit torturé par le bruit, l'échec et la terreur, elle abandonna l’idée d’aller plus loin.
Son visage était une rivière de larmes quand Mekarth arriva derrière elle et passa ses bras autour de sa taille, souriant dans ses cheveux. Anja ferma les yeux.
Elle s’attendit à ne plus sentir que la bouche de Mekarth sur elle, un avant-goût de ce que son échec lui permettrait. Au lieu de ça, elle le sentit s’écarter au même moment où une odeur de brûlé s’insinuait dans ses narines.
Elle ouvrit les yeux pour découvrir devant elle un des souterrains de l’Horror Maniac. La tuyauterie métallique, sur laquelle gouttait à intervalle régulier une fuite au plafond. La pile de manèges démembrés dans un renfoncement. Les relents d’un éventail varié de pourriture.
Mais pourtant… elle avait bien parcouru tous ces kilomètres. Comment pouvaient-ils être revenus au point de départ ?
Derrière elle, appuyé à la l’immense tuyauterie, Mekarth souriait. Ses souvenirs lui mentaient, mais elle trouva la réponse à sa question dans le regard cruel de l’albinos.
« L’Horror Maniac et le l’hôpital Ugher sont deux plantes mauvaises dont les racines se sont emmêlées. Je t’initie aux connexions dont tu auras usage dans ta… nouvelle vie, dit-il. Il est temps que nous retournions la voir. »
Le front plissé par la panique, Anja recula en secouant la tête. Non, non, disait-elle, et la dialectique de son corps faisait penser à un oiseau tentant de faire fonctionner ses ailes cassées.
Il lui prit le poignet et la tira derrière lui vers la salle attenante. Il poussa la porte rétive en fer forgé, qui céda dans un grincement plaintif.
L’obscurité de cette pièce, elle s’en souvenait… Elle pénétra à la suite de Mekarth dans l’espace mangé par les ombres. Elle sut tout de suite que ce qu’ils étaient venus visiter était déjà là, avec eux. Quelque part. Si la malveillance avait une voix, c’aurait été celle de ce silence. A ses côtés, Mekarth ne semblait pas effrayé, seulement pensif. Il observait un point fixe dans le noir devant eux.
Anja finit par la distinguer. Démesurée, terrifiante. Le hachoir bien évident au-dessus de leurs têtes. Jamais personne ne l’avait vue bouger, pourtant il était certain qu’elle pouvait se déplacer. Il suffisait d’un clignement, d’une seconde d’inattention, et elle pouvait se trouver devant vous.
La Grande Découpeuse. La machine diabolique. La machine sans âme, qui découpe les âmes.
Anja et Mekarth avancèrent ensemble dans sa direction, en se regardant, comme deux promis marchant vers l’autel. Le degré de tension dans le corps d’Anja atteignait un point dramatique à chaque pas la rapprochant de cette chose.
« Couche-toi dessus. »
Elle ne voulut croire à ce que Mekarth suggérait.
« C’est ici que je désire ma victoire. »
Que je te désire.
Si le fiel animant la Grande Découpeuse avait une langue, c’est le bruit qu’elle aurait fait à l’entente de cette déclaration. Anja implora Mekarth d’un regard.
« Tu as échoué. N’aie pas en plus la stupidité de croire que tu peux encore me fuir. »
Ne me fuis plus.
Ses yeux ruisselaient jusqu’en bas de son visage. Elle suffoquait et tremblait de tous ses membres. Avec une grande peine, elle appuya ses mains en arrière sur le métal froid qui patientait en imaginant ses mains tranchées sur le vif. Mais rien ne se passa. Elle s’allongea entièrement sur la grande machine, sans cesser de pleurer.
Davantage que le dégoût de poser son corps dessus, d’étaler ses cheveux roux dans le sang vicié qui y avait adhéré à force de tortures, elle pleurait pour le sens tragique qu’avait cet acte, reproduisant l’envers de la pire souffrance qu’elle avait eu à endurer.
Elle pencha la tête de côté. Dans un coin par terre, elle distingua le corps d’un jeune homme coupé en quatre quartiers bien distincts. Elle ne saurait jamais qu’il s’agissait d’un garçon qu’elle avait connu, et qui était tombé amoureux d’elle.
Elle tenta de paralyser sa peur en se remémorant les fumées de couleurs qu’elle avait vu exploser dans le ciel. Elle comprit à ce moment là de quoi il avait s’agit. La réponse se manifesta comme un déclic.
Des feux d’artifice…
Les yeux de Mekarth étaient posés sur elle, porteurs d’une mélancolie renforcée de malveillance. Il la rejoignit sans un mot.
Car je t’aurais, quoi qu’il se passe.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

8.

Ça y était.
Ils actionnèrent les manivelles, réveillèrent les projecteurs en cercle autour de la scène, délivrèrent leurs instruments rutilants et les branchèrent aux enceintes. Un riff de guitare trancha le silence comme un coup de couteau. Des faisceaux de lumière blanche firent des percées dans la toile du ciel. Le bord de la scène s’illumina d’ampoules dorées.
Roosrus, Mazale, Feorth, Zonher et Eydolon s’était regroupés après les réjouissances qu’avait engendré cette nuit si particulière. Maintenant il était temps. Il ne faisait jamais plus noir qu’avant l’aube.  
Cette scène de concert était l’endroit favori d’Eydolon. Il avait fait en sorte que le feu ne vienne pas la détruire en s’emparant de l’Horror Maniac.
Elle était située au sud des attractions à sensation et jouissait d’une vue imprenable sur les ombres géantes des montagnes russes et des loopings, des ascenseurs et des structures vertigineuses pour sauts à l’élastique. Elles paraissaient plus hautes et menaçantes encore ce soir-là.
Eydolon était aux anges. Ses quatre confrères se rassemblèrent autour de lui. Il sourit de toutes ses dents.
« Il n’y a plus qu’une chose à faire pour que tout soit parfait : réveiller Charles. Et ils viendront. Tous. »


Les enfants de la route soixante-sept regardaient les lumières qui émanaient du parc comme un halo de chaleur.
Tout le monde sur la route soixante-sept eut un hoquet de surprise en voyant subitement s’allumer les yeux du clown. Un rouge hypnotisant tapissa l’herbe dans la lande. Sa bouche mécanique se désolidarisa pour s’ouvrir plus grand, entama un long manège simulant la parole. Mais tout ce qui sembla en sortir fut une longue plainte déchaînée de guitare et de basse.Un boucan à même de scinder l’horizon en deux.
Electra, une jolie brune aux grands yeux de biche, pointa du doigt l’étrange phénomène.
« Un concert ! »
Il ne s’était jamais produit quelque chose de semblable dans les parages. La route était toujours plongée dans ce calme qui la caractérisait si bien, qui la dissociait du monde toujours en mouvement.
Près de leur caisse, l’esprit embrumé par la chartreuse, Neith, Sandy, Nathan et Jimmy étudièrent ce changement avec incrédulité. Est-ce que Tail et Mary y étaient pour quelque chose ? Les hippies dans leur van plein de fumée s’approchèrent aussi du bord de la route, croyant à une hallucination.
Plus loin, derrière un buisson dense, Sam sortit à grand peine son visage de la poitrine dorée de Tina. Attirés par les bruits de la musique et de leurs amis, ils s’embrassèrent une dernière fois et se rhabillèrent avant de les rejoindre. Les clochettes tintèrent dans les cheveux de la belle métisse qu’était Tina.
« Qu’est ce qui se passe ? » jeta-t-elle à la volée.
La musique reprit de plus belle. Les guitares électriques déchirèrent le silence. Les lumières fusèrent, les projecteurs transpercèrent le ciel noir. Comme un phare, un appel pour ceux qui s’étaient perdus. Et tous ces enfants l’étaient, définitivement.
Hypnotisés, ils se succédèrent les uns les autres à travers la lande pour répondre à l’appel.


Eydolon commençait à transpirer sérieusement. Il y avait un moment qu’il ne s’était pas autant éclaté. La tête renversée en arrière, il riait à s’en décrocher la mâchoire, pris dans le flot déchaîné de la musique. Mazale tapait sur sa batterie avec une force inouïe. Ils calmèrent leur jeu pour ne pas faire fuir les gosses qui passaient au même moment l’une des portes pourries sous les tribunes.
La fosse se remplit peu à peu. Près de trente enfants perdus se noyèrent volontiers dans les ravages de leur concert improvisé. La surprise passée, ils commençaient à chahuter, à danser, à sauter dans les airs pour accompagner le déluge de notes, galvanisés par l’interdit qu’ils venaient de violer en pénétrant enfin le parc d’attractions à l’abandon.
Ruis débarqua comme un dément des coulisses. Sans perdre une seconde, il tenta de les prévenir du danger qu’ils couraient, mais personne ne prit la peine de l’écouter. Ils n’étaient pour la plupart plus en mesure de différencier une vraie menace d’un type qui avait trop abusé des pilules.
Il distingua dans la cohue tous les gens qu’il avait interviewés en soirée, ainsi que la brune qui ressemblait à Anja, accompagnée de sa bande de rockers. Il la vit qui les tirait par le col et les bras pour partir. Ils disparurent tous à sa suite dans un des tunnels sous les vastes gradins. Pour une raison obscure, elle semblait consciente du piège qui se resserrait sur eux.
Une grande mâchoire pâle comme l’os.
Mary arriva peu après en se tenant les côtes, meurtrie, s’appuyant au mur pour ne pas s’écrouler. Même sa lèvre arrachée et le sang sur ses jambes ne fit réagir personne. Dans l’état où elle se trouvait, elle n’était même pas sûre qu’on puisse la reconnaître.
Depuis la scène, Eydolon la vit arriver et sourit en soulevant sa guitare au-dessus de sa tête, entamant un solo mortel. Il avait nettoyé sa figure. Il tira la langue et secoua la tête comme un fou.
Ses compagnons dévoilèrent enfin leur vrai visage. Ceux dans la foule qui purent s’extraire de leur transe assez longtemps pour le regarder en furent épouvantés. La différence était si minime que dans le noir, ça aurait pu passer inaperçu. Mais ça n’était pas le cas.
Leurs visages avaient une consistance impossible. Des langues obscènes, anormalement longues, sortaient de leurs bouches pâles. Leurs expressions exagérées laissaient comme penser qu’il y avait quelque chose en dessous, comme des milliers de vers recouverts de poudre et de peau friable. Leurs dents étaient pointues, en nombre anormalement élevé. Leurs yeux brillaient comme des pierres précieuses.
Ils réalisèrent à cet instant qu’ils étaient en présence de choses défiant leur imagination, défiant leurs croyances, capables de retourner leurs espoirs comme la peau de leurs os. Les premiers commencèrent à crier en cherchant la sortie.


Les démons jouèrent comme des déments, finissant de déchirer la réalité avec leurs riffs d’ailleurs.
Les enfants n’eurent pas le temps de réaliser ce qui se produisait. Tous les projecteurs s’abaissèrent au même moment pour s’évanouir au niveau de leurs pieds.
Le ciel était si sombre. Un large tableau recouvert d’une épaisse acrylique noire. Les démons ouvrirent ensemble leur gueule béante pour les engloutir. L’enfer les avala tous.
Les démons rirent, rirent, jusqu’à ce que le ciel éclate en un million d’étoiles, et que le silence s’empare à nouveau de l’Horror Maniac.


Dans une des loges surplombant la scène de concert, Mekarth regarda passivement le massacre par la fenêtre. Les enfants devenir nourriture pour la faim inextinguible du parc. Il s’empara d’un tissus rêche pour essuyer le sang qui lui coulait des doigts.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

9.

La voiture filait sur la route comme si elle avait le diable aux trousses. Et c’était pour ainsi dire le cas.
Assise à la place du mort, celle qui ressemblait comme une jumelle à Anja contemplait la chaleur du soleil détruire les résidus de cette nuit infernale. Lever le voile de doutes, rétablir les vérités du monde. Il reconstruisait la réalité telle qu’elle devait être ici.
Elle défit son chignon banane et réajusta la couverture sur ses trois amis qui dormaient derrière, épuisés par ce qu’ils avaient subis durant la nuit.
Devant, son amoureux empoignait convulsivement le volant, les yeux atteints d’une profonde fatigue. Le désir de prendre de la distance avec ce parc maudit prodiguait à chaque vaisseau de son corps sa dose d’adrénaline. Elle caressa sa tempe en un geste apaisant.
Le soleil… La jumelle n’en avait jamais vu de pareil.
Elle n’était pas la jumelle d’Anja, ne l’avait jamais été. Elles s’étaient croisées dans la maille des rêves, où nous nous confondons avec des doubles, ou nous voyageons au sein de réalités lointaines, parfois plus proches que ce que nous croyons.
Elle l’avait vue. Elle l’avait regardée dans les yeux. L’Horror Maniac avait permis cette confusion et cette rencontre, ou peut-être était-ce dû à ces hommes en noirs à même de dissoudre la réalité.
Andreas tripota ses cheveux noirs pour les retirer de son visage et tenta de faire entendre raison à la radio. Il avait besoin de faire baisser la tension qu’il avait dans le corps. Ils avaient tous vus ce que le parc avait fait à ces gamins imprudents. Ils avaient échappé de peu à ce sort. Leur sang aurait pu appartenir à jamais à ce lieu hanté, mêlé à celui des autres en un même océan écarlate.
Tout le monde s’était retrouvé à l’ancienne scène de concert pour mourir.
Il inséra une cassette dans l’antique lecteur et se détendit à vue d’œil en entendant les premières notes de « Play God », la bande acoustique qu’il avait enregistrée la semaine précédente en préambule d’une future chanson.
Il posa une main tremblante sur le pantalon de velours noir de son amoureuse. Elle avait le regard perdu dans l’horizon écaillé de soleil. Peut-être qu’une partie d’elle était morte là-bas… elle ne le saurait jamais.
Elle mêla ses doigts à ceux d’Andreas, hypnotisée par les demi-lunes de poussière noire qu’ils avaient tout deux sous les ongles. De la poudre de feu d’artifice.
Plus ils seraient loin, mieux ce serait. Ils avaient encore beaucoup de route à faire pour sortir de leur esprit le cauchemar vivant qu’était ce parc d’attraction en ruines.
Un sentiment de plénitude se répandit en eux comme une vague chaude quand ils dépassèrent le panneau :

« YOU ARE LEAVING GEORGIA. STATE OF ADVENTURE. »
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeMar 2 Juin - 20:26

Et voici quelques uns de mes questionnements :  

Le plus important : Qu’est ce que ça vous fait ressentir ? Est-ce que ça vous a fait peur, est ce que ça vous a mis mal à l’aise, surpris, excité (on ne sait jamais…) etc, etc… Nous sommes tous un peu blasés de l’horreur aujourd’hui.
Est-ce que l’écriture est fluide, entraînante ? Où sont les lourdeurs ? Y a t-il des passages inutiles dans votre perception des choses ?  
Quels personnages préférez-vous ? Pourquoi ? (Ça, ça m’intéresse beaucoup)
A quoi pensiez-vous à la fin ? Était-ce un grand soupir de soulagement d’être venu à bout de cette nouvelle interminable ou est-ce que ça vous a paru s’arrêter là où il fallait ? Je n’arrive pas savoir si c’est trop long ou non.
Qu’est ce que vous avez pensé de la façon dont s’enchaînent les événements ? Tout se passe en une nuit. Est-ce que la perturbation dans le récit vient trop vite, pas assez vite ?
Est-ce que l’immersion était bonne ? Les descriptions ? Les détails ? Y en a-t-il trop à votre goût ? Est-ce que ça nuit à l’ensemble où est-ce que ça le renforce ?
Dans quel contexte l’avez-vous lue ? Devant la télé, en mangeant une pizza devant le foot, en jouant en parallèle à Doodle Jump ? Dans votre lit le soir ? On ne va pas se mentir, l’ambiance joue aussi sur le plaisir.
Y a t-il des passages notables que vous avez aimé ? Détesté ? Quelque chose vous a fait tiqué, parut étrange ? Des choses étaient-elles mal expliquées, trop obscures ?
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeMer 3 Juin - 16:04

Bon, alors je vais essayer de répondre à toutes ces questions !

(attention spoilers pour ceux qui veulent lire !)

Ce que ça m'a fait ressentir. Ça dépend des passages et des personnages, du coup je vais parler de ce qui m'a marqué ou pas.

- Ruis, McArthy et Denver. La scène avec le cannibale, je ne sais pas trop pourquoi, ne m'a pas fait grand-chose. Le moment où tu décris exactement ce que fait le cannibale est bien, les doigts sous la peau ça m'a fait frissonner, en revanche la grande découpeuse, j'ai trouvé ça bizarre. Premièrement parce qu'on ne sait pas vraiment à quoi elle ressemble, ensuite parce que bien qu'elle soit décrite comme "quasi-divine", comme la quintessence de la "malveillance que pouvait regorger cet endroit", finalement elle ne fait presque rien x)
(ou en tout cas rien qui soit explicité)

C'est comme Mekarth. Avec la machine, ce sont eux deux qui semblent être les âmes les plus "puissantes" du lieu. Pourtant, ils font bien moins peur que leurs sbires. La course-poursuite entre Merkath et Anja n'était pas vraiment trépidante, tellement Anja semblait impuissante Hannibal Lecter

- Anja est le personnage le plus délirant de l'histoire. Sans avoir besoin de drogues ^^ Elle semblait dans un trip perpétuel, du coup je me sentais "en-dehors" de ce qui lui arrivait. Je me disais que ce n'était pas la réalité qui était effrayante, mais son hyper-sensibilité qui transformait tout. Les autres personnages ont tous un lien plus fort avec la réalité qui me fait mieux m'identifier à eux.
Finalement, ce personnage a plus une importance mystique qu'autre chose. J'aimerais bien savoir exactement ce qui lui arrive d'ailleurs.

- Tail et Mary sont vraiment très bien réussies. C'est leur aventure qui m'intéressait le plus.
Anastasis a écrit:
Ses doigts semblaient maintenant fouiller à la recherche de quelque chose plus que la caresser. Eydolon avait des ongles étrangement longs. [...] Elle sentit ses ongles lui tordre violemment l’intérieur ; [...]
Ce passage est celui qui m'a le plus inspiré le sentiment d'horreur Content

- la brune "pas jumelle" d'Anja. Alors celle-là, je ne la connais pas du tout, on se rend compte que c'est un personnage principal seulement à la fin. Du coup je ne me sens pas spécialement "soulagé" quand elle parvient à s'échapper. D'ailleurs, est-ce que Ruis et Mary sont dans la voiture ? Il est indiqué que "trois amis" se trouvent derrière, mais on ne sait pas qui ce sont. Or, Ruis était l'une des rares personnes à ne pas se retrouver hypnotisé par le concert.


Voilà pour les personnages. Quant à ton écriture, elle est super je trouve. Même dans l'horreur, ta plume est très poétique. Quelques coquilles de temps en temps, mais rien de plus normal, tu les as peut-être corrigées depuis.
Bon, je pense que j'ai un peu tout dit ce que je pensais. J'ai lu ton histoire en milieu d'après-midi, sur mon bureau. Je pense que j'y aurais été plus sensible le soir, sur un vrai support papier, seulement illuminé par ma lampe de chevet Clin d\'Oeil
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeJeu 4 Juin - 20:29

Merci pour ce commentaire bien dodu. Je voulais y répondre tout de suite mais mon réflexe a été de prendre des notes et j'ai enchaîné direct sur la réflexion. Je l'ai trouvé vraiment... super, c'est le mot, parce qu'il m'a fait réaliser plein de choses. Je vois déjà une nouvelle version améliorée qui va poindre le bout de son nez.  

J'aimerais dans la mesure du possible que l'histoire comporte toujours 9 chapitres. Mais j'y avais déjà pensé auparavant : la jumelle d'A. et sa bande n'ont pas assez d'impact sur les 8 premiers pour clore l'histoire dignement. C'était une crainte latente. Puisqu'ils me font familiers personnellement, j'ai éludé ce problème pour cette version. Je songe donc à leur consacrer un nouveau chapitre, qui ne porterait que sur eux (et permettrait peut-être de développer aussi un peu la bande d'Eydolon par le même biais, qui restent somme toute assez superficiels par rapport à leur rôle) et faire du chapitre 9 actuel un court épilogue. C'est du moins ce qui m’apparaît comme le meilleur choix.
Du coup, une des remarques suivantes rejoint ça : la brune aura plus d'importance dans le récit.

C'est un peu la même chose avec le personnage de Mekarth. Il m'est si familier que j'ai sans doute négligé dans les mots la peur qu'il peut inspirer. Je vais tenter de le retracer avec un noir plus sévère, ainsi que la GD. C'est vrai que si ces deux-là font moins peur que les autres... Il y a un problème. Même si dans cette histoire-là, Mekarth a un rôle assez contemplatif. Je vais essayer de le durcir quand même. Quant à la course-poursuite, je ne m'en rendais pas vraiment compte, mais c'est... terriblement vrai. Je songe déjà à des moyens tordus de rendre leur échange plus mouvementé.

Anja a peut-être besoin d'être retracée dans un autre sens. J'ai déjà commencé à rajouter quelques lignes pour orienter l'attention du lecteur sur la nature de ce qu'elle ressent, je pense que ça devrait changer cet effet. Quant à sa fin ambiguë, elle était voulue. Je ne sais pas si elle est réussie, mais c'était voulu.  

Lepzulnag a écrit:
Quant à ton écriture, elle est super je trouve. Même dans l'horreur, ta plume est très poétique. Quelques coquilles de temps en temps, mais rien de plus normal, tu les as peut-être corrigées depuis.

Coeur

(non, je n'ai pas vu de coquilles, je suis aveugle donc il ne faut pas hésiter si quelqu'un en revoit une)


Note à part : Je suis assez hallucinée. Au début, avant de poster cette version, j'avais vraiment l'impression que c'était hyper long et que j'avais des tas de choses à élaguer. Maintenant que je le vois sur TA, c'est peut-être trompeur, mais j'ai l'impression qu'il est très court et que j'aurais pu l'allonger encore un peu ! Je me suis contenue à bien des moments.

Merci encore Lepzulnag, c'est un avis que j'ai vraiment apprécié, qui va m'être très utile.
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeVen 5 Juin - 2:52

Ah voilà, j'ai retrouvé la coquille qui m'avait le plus marqué ! (celle-là, il fallait que je te la dise)
Il y a quelque chose qui cloche dans cette phrase :
Ana a écrit:
J’ai rêvé d’une plante qui n’existe pas, que j’aimais quand un enfant, qui noircissait et partait en poussière entre mes doigts.
'quand'  --->  'comme',  peut-être.
Encore que non, sinon ce serait "comme une enfant". À moins que l'idée soit : "comme mon propre enfant".
Enfin bref !

Pour les autres erreurs, il faudrait que je relise tout en prenant des notes. Peut-être pour ta prochaine version Content Moi non plus je n'arrive pas à voir mes propres bourdes : je connais mes phrases tellement par cœur que mes yeux "passent" dessus sans les lire. Généralement, il me faut attendre 2 semaines minimum sans penser à mon histoire, sans y toucher, pour pouvoir ensuite m'auto-corriger correctement.


Citation :
C'est un peu la même chose avec le personnage de Mekarth. Il m'est si familier que j'ai sans doute négligé dans les mots la peur qu'il peut inspirer.
Oui, c'est cette impression que j'ai eu : que tu connaissais les personnages bien mieux que le lecteur ; que chacun d'entre eux avait un sens profond pour toi.

Je sais plus quel écrivain, a dit que l'écriture ne devait pas se faire dans le "feu de la passion". J'étais outré à l'époque où j'ai entendu ça (j'étais ado Satisfait), car pour moi l'écriture était justement une question de passion ; mais au fil du temps je me suis rendu compte qu'il avait indéniablement raison.
Si l'on écrit pour son plaisir personnel, rien n'est plus jouissif que de le faire dans le feu de sa passion.
En revanche, si on le fait pour le plaisir de ses lecteurs, alors il faut se modérer. Quitter son mental, armé de l'essence brûlante de sa passion, pour doucement l'implanter dans l'esprit de celui qui va lire. Or, c'est pas facile x)
En tout cas pour ton œuvre qui, sur ce point-là je trouve, met la barre vraiment haute.
Mais tu t'en sors très bien (:
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeVen 5 Juin - 12:39

Lecture en cours.

Je reviens vers toi dès que j'ai fini de tout lire.


Pour l'instant j'en suis au début du deuxième chapitre.

Pour ce que j'ai pu voir jusqu'ici, ça s'annonce pas trop mal. Il y a peut-être quelques faiblesses dans certains enchaînements de scènes (un tout petit peu trop précipités) et je me souviens avoir un peu tiqué à certaines expressions ou tournures qui me semblaient trop risquées ou un peu maladroites.

Si tu as l'occasion de passer dans le coin avec une version imprimée, on pourra s'y pencher dessus, si tu veux Heureux

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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Juin - 21:47

J'ai téléchargé ta nouvelle, je vais la lire... dès que j'arrive à la faire rentrer sur ma liseuse.
En recherche de solution technique, mais promis je vais la lire. (je veux juste pas le faire sur écran de PC, c'est trop long)
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Lilith
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeLun 22 Juin - 11:27

Petit passage éclair pour te dire que moi aussi je l'ai imprimé pour la lire au calme, (c'est à dire pas la nuit ni le soir pq je fais des cauchemars sinon Heureux ).
Le bisou!
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitimeLun 22 Juin - 11:50

Merci vous deux Coeur A très bientôt.
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MessageSujet: Re: The Horror Maniac    The Horror Maniac  - Page 2 Icon_minitime

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