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Edea
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Edea


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MessageSujet: Rendus   Rendus Icon_minitimeSam 12 Sep - 17:12

Rendus Creao

Couchée sur le lit, elle regarde le plafond blanc. La douleur lui martèle la tête, lui rappelant sans ménagement pourquoi elle est là. Un soupir las résonne dans la pièce mais personne n'est là pour s'en inquiéter. Le silence règne. Imprégné de solitude. De souffrance. De désespoir. Dans le couloir, elle entend des pas pressés, murmures angoissés, peuplés de peurs et d'espoirs. Des pleurs aussi. Pour certains il est trop tard. Comme pour elle.

Les draps émettent un froissement sonore quand elle se retourne, cherchant à échapper à ses pensées. Seulement, il n'y a rien dans cette chambre trop propre qui puisse la détourner de son marasme. L'empêcher de sentir la masse compacte qui pousse sur son cerveau. De revoir le médecin et ses yeux emplis de pitié. Un instant, la colère flambe dans ses pupilles, avant de s'éteindre, aussi brusquement. A quoi bon. Dans quelques semaines, deux mois tout au plus, tout sera réglé. Définitivement.

Quelques coups légers sur la porte. La poignée qui tourne, une tête qui dépasse puis disparaît. Un murmure apeuré.

« Pardon, je me suis trompé. »

Évidemment. Les seuls visites qu'elle reçoit sont celles des infirmières et du médecin. Et encore. Elle devra partir demain et pourra tranquillement réintégrer son appartement. Ou tout du moins ce qui lui en tient lieu. Un studio ridiculement petit, sombre et à peine salubre. Encombré de cartons. La seule chose à laquelle elle tienne. Et même ça lui sera bientôt retiré. Elle ne peut plus payer. Les examens ont fini de la mettre sur la paille. Pour quel résultat? Un abîme. Le vide. La mort.
Machinalement, sa main se porte à son pendentif. Ses yeux d'eau se ferment. Fuite dans le sommeil.

Le vent soulève ses cheveux blonds, mordant sa peau délicate. Elle a les joues rouges et les yeux qui pétillent. Elle tourne la tête. Et s'enfuit en courant. Criant. Riant. Ses bottes crissent sur la neige alors que derrière elle son frère la poursuit avec des grimaces, faisant le monstre des glaces pour sa plus grande terreur et son plus grand bonheur. Les cristaux jaillissent sous ses pieds, miroitant dans le soleil. Elle va vite. Très vite, du haut de ses 4 ans. Mais le monstre la rattrape, la soulève et la roule dans le coton froid et humide. Elle se débat et rigole, profite d'un relâchement pour reprendre la course, vers ses parents cette fois, se cachant derrière les jambes de son père. Une main chaude et protectrice sur sa tête, un regard confiant.
Joie.
Insouciance.
Innocence.
Blanc.
Noir. Sombre et violent, comme le cœur d'un dément.
Rouge. Ce sang gluant qui se répand.
Peur.
Souffrance.
Vide.
Blanc.
Tout autour d'elle est blanc, encore une fois, mais la douleur irradie. Ses paupières battent, tachant de sortir de la brume son cerveau malmené. Une main touche son visage, humide. Elle se redresse. Seule dans sa chambre. Seule dans sa peine. Seule, depuis que la vie s'est enfuie avec sa famille. Et aujourd'hui, elle n'a plus rien, pas même sa vie. Alors elle se raccroche à ce souvenir fugace, d'un temps meilleur où elle courait dans la neige.

Une énergie nouvelle coule en elle. Prenant ses affaires dans l'armoire, elle sort de la chambre, traverse l'immense couloir blanc et sort. Nul ne l'a retenue, elle n'existe déjà plus. Il lui faut plus d'une heure pour rejoindre son antre où elle fouille fébrilement dans un carton. Elle en retire un album, qu'elle feuillette avec mélancolie. De temps en temps un sourire éclaire son jeune visage. Du doigt, elle suit les contours des silhouettes sur le papier glacé. Sa décision s'affermit. Elle ira là-bas, revivre ces moments avant de rendre son dernier souffle. Dans la neige. Il lui faut trouver un moyen d'aller sur place, de louer un endroit où dormir pour environ 2 mois. Novembre débute à peine, ce doit être réalisable encore. Mais avec quel argent? Elle inspecte ses comptes minutieusement, évalue ce qu'elle peut vendre... Même pas assez pour le voyage. Encore moins pour y rester.
Dans les jours qui suivent, elle est prise de frénésie, courant d'agences en banques. Mais qui donnerait de l'argent à quelqu'un qui va mourir? Qui embaucherait une morte-vivante? Elle sait alors qu'elle n'a plus le choix. Cet argent il faudra le prendre. Par la force. Elle n'a plus rien à perdre, tout lui a déjà été pris. Elle souhaite un dernier instant de félicité, se baigner dans ses souvenirs et s'y endormir.
A nouveau, elle fouille dans les cartons. Papa était dans l'armée, il avait des armes personnelles. Elle les a toujours gardées, se disant que ça pourrait lui être utile un jour. En vérité, ce sont des reliques dont elle ne peut se séparer. Religieusement, elle contemple le fusil, luisant sous la lumière crue de la lampe. Il est bien entretenu et, comme beaucoup de jeunes femmes, elle a appris à se servir d'une arme à feu. Plongeant plus loin dans la boîte, elle en retire des cartouches. Sous ses doigts, elle sent quelque chose rouler. Une grenade. Un sourire désabusé passe sur ses lèvres fines. Efficace pour faire peur.
Alors qu'elle se demande où attaquer, comment, quand, et que sa résolution commence à faiblir, la douleur qui lui hante le crâne explose, la jetant, haletante, sur le lino défraichi et à moitié moisi. De longues minutes, elle reste ainsi, prostrée, gémissant en continue sans même s'en rendre compte. Le monde est devenu gris. La crainte de devenir aveugle l'étreint. Les heures passent. Petit à petit, la souffrance redevient tolérable et sa vision s'éclaircit. Un anévrisme certainement. Le médecin l'avait prévenue. Le temps lui est compté. Elle bouge enfin, lentement, précautionneusement, comme si sa tête allait se briser au moindre mouvement. Rampe sur son matelas. Demain, il sera temps.

Elle contemple la vitrine derrière le rideau de pluie. Cachés sous son ciré, fusil et grenade attendent leur heure. Elle hésite. Il n'y a plus qu'une personne dedans. Il est 16h43. Elle entre, dégoulinante. La femme au guichet lui jette à peine un regard, tout comme le vigile. Elle n'existe pas. L'autre s'en va. Elle s'avance, c'est son tour. Le canon du fusil se retrouve sur le comptoir et cette fois la femme écarquille les yeux. Elle murmure un montant et la femme s'empresse d'acquiescer, coopérante. La scène est discrète, mais une lumière rouge avertit le vigile qui s'approche doucement. Au moment où la femme revient, son regard accroche le mouvement, révélant sa présence. Elle se retourne brusquement, menaçante. Une détonation retentit. La seconde rugit. La femme hulule, l'homme s'effondre. Les yeux agrandis par l'effroi, elle s'empare du sac que lui tend la femme. L'instinct a pris le pas. Au loin, une sirène hurle. Elle s'enfuit. Poursuivie. Elle a abattu un homme.

Armée. Dangereuse. Ils n'auront aucune pitié. Perdue, éperdue, elle court, dérape, pleure et saigne de désespoir. C'est un puits dont on ne voit jamais le fond. Ses pas la portent vers la gare. Son destin l'arrête sur un pont. Ils l'ont rejoint. Elle voit la neige dans sa tête; la pluie devant ses yeux. Le son cotonneux des pas sur le manteau blanc imprègne ses tympans; les sirènes hurlent. Le lac gelé; l'eau sous le pont. Ses parents qui lui sourient; les fusils pointés sur elle. Elle tire la goupille. Rejoint sa famille.

Blanc.
Le craquement de la neige sous les pas.
Blanc.
Le rire d'une enfant.
Blanc.


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MessageSujet: Re: Rendus   Rendus Icon_minitimeSam 12 Sep - 17:13

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[td][justify]Couchée sur le lit, elle regarde le plafond blanc. La douleur lui martèle la tête, lui rappelant sans ménagement pourquoi elle est là. Un soupir las résonne dans la pièce mais personne n'est là pour s'en inquiéter. Le silence règne. Imprégné de solitude. De souffrance. De désespoir. Dans le couloir, elle entend des pas pressés, murmures angoissés, peuplés de peurs et d'espoirs. Des pleurs aussi. Pour certains il est trop tard. Comme pour elle.

Les draps émettent un froissement sonore quand elle se retourne, cherchant à échapper à ses pensées. Seulement, il n'y a rien dans cette chambre trop propre qui puisse la détourner de son marasme. L'empêcher de sentir la masse compacte qui pousse sur son cerveau. De revoir le médecin et ses yeux emplis de pitié. Un instant, la colère flambe dans ses pupilles, avant de s'éteindre, aussi brusquement. A quoi bon. Dans quelques semaines, deux mois tout au plus, tout sera réglé. Définitivement.

Quelques coups légers sur la porte. La poignée qui tourne, une tête qui dépasse puis disparaît. Un murmure apeuré.

« Pardon, je me suis trompé. »

Évidemment. Les seuls visites qu'elle reçoit sont celles des infirmières et du médecin. Et encore. Elle devra partir demain et pourra tranquillement réintégrer son appartement. Ou tout du moins ce qui lui en tient lieu. Un studio ridiculement petit, sombre et à peine salubre. Encombré de cartons. La seule chose à laquelle elle tienne. Et même ça lui sera bientôt retiré. Elle ne peut plus payer. Les examens ont fini de la mettre sur la paille. Pour quel résultat? Un abîme. Le vide. La mort.
Machinalement, sa main se porte à son pendentif. Ses yeux d'eau se ferment. Fuite dans le sommeil.

Le vent soulève ses cheveux blonds, mordant sa peau délicate. Elle a les joues rouges et les yeux qui pétillent. Elle tourne la tête. Et s'enfuit en courant. Criant. Riant. Ses bottes crissent sur la neige alors que derrière elle son frère la poursuit avec des grimaces, faisant le monstre des glaces pour sa plus grande terreur et son plus grand bonheur. Les cristaux jaillissent sous ses pieds, miroitant dans le soleil. Elle va vite. Très vite, du haut de ses 4 ans. Mais le monstre la rattrape, la soulève et la roule dans le coton froid et humide. Elle se débat et rigole, profite d'un relâchement pour reprendre la course, vers ses parents cette fois, se cachant derrière les jambes de son père. Une main chaude et protectrice sur sa tête, un regard confiant.
Joie.
Insouciance.
Innocence.
Blanc.
Noir. Sombre et violent, comme le cœur d'un dément.
Rouge. Ce sang gluant qui se répand.
Peur.
Souffrance.
Vide.
Blanc.
Tout autour d'elle est blanc, encore une fois, mais la douleur irradie. Ses paupières battent, tachant de sortir de la brume son cerveau malmené. Une main touche son visage, humide. Elle se redresse. Seule dans sa chambre. Seule dans sa peine. Seule, depuis que la vie s'est enfuie avec sa famille. Et aujourd'hui, elle n'a plus rien, pas même sa vie. Alors elle se raccroche à ce souvenir fugace, d'un temps meilleur où elle courait dans la neige.

Une énergie nouvelle coule en elle. Prenant ses affaires dans l'armoire, elle sort de la chambre, traverse l'immense couloir blanc et sort. Nul ne l'a retenue, elle n'existe déjà plus. Il lui faut plus d'une heure pour rejoindre son antre où elle fouille fébrilement dans un carton. Elle en retire un album, qu'elle feuillette avec mélancolie. De temps en temps un sourire éclaire son jeune visage. Du doigt, elle suit les contours des silhouettes sur le papier glacé. Sa décision s'affermit. Elle ira là-bas, revivre ces moments avant de rendre son dernier souffle. Dans la neige. Il lui faut trouver un moyen d'aller sur place, de louer un endroit où dormir pour environ 2 mois. Novembre débute à peine, ce doit être réalisable encore. Mais avec quel argent? Elle inspecte ses comptes minutieusement, évalue ce qu'elle peut vendre... Même pas assez pour le voyage. Encore moins pour y rester.
Dans les jours qui suivent, elle est prise de frénésie, courant d'agences en banques. Mais qui donnerait de l'argent à quelqu'un qui va mourir? Qui embaucherait une morte-vivante? Elle sait alors qu'elle n'a plus le choix. Cet argent il faudra le prendre. Par la force. Elle n'a plus rien à perdre, tout lui a déjà été pris. Elle souhaite un dernier instant de félicité, se baigner dans ses souvenirs et s'y endormir.
A nouveau, elle fouille dans les cartons. Papa était dans l'armée, il avait des armes personnelles. Elle les a toujours gardées, se disant que ça pourrait lui être utile un jour. En vérité, ce sont des reliques dont elle ne peut se séparer. Religieusement, elle contemple le fusil, luisant sous la lumière crue de la lampe. Il est bien entretenu et, comme beaucoup de jeunes femmes, elle a appris à se servir d'une arme à feu. Plongeant plus loin dans la boîte, elle en retire des cartouches. Sous ses doigts, elle sent quelque chose rouler. Une grenade. Un sourire désabusé passe sur ses lèvres fines. Efficace pour faire peur.
Alors qu'elle se demande où attaquer, comment, quand, et que sa résolution commence à faiblir, la douleur qui lui hante le crâne explose, la jetant, haletante, sur le lino défraichi et à moitié moisi. De longues minutes, elle reste ainsi, prostrée, gémissant en continue sans même s'en rendre compte. Le monde est devenu gris. La crainte de devenir aveugle l'étreint. Les heures passent. Petit à petit, la souffrance redevient tolérable et sa vision s'éclaircit. Un anévrisme certainement. Le médecin l'avait prévenue. Le temps lui est compté. Elle bouge enfin, lentement, précautionneusement, comme si sa tête allait se briser au moindre mouvement. Rampe sur son matelas. Demain, il sera temps.

Elle contemple la vitrine derrière le rideau de pluie. Cachés sous son ciré, fusil et grenade attendent leur heure. Elle hésite. Il n'y a plus qu'une personne dedans. Il est 16h43. Elle entre, dégoulinante. La femme au guichet lui jette à peine un regard, tout comme le vigile. Elle n'existe pas. L'autre s'en va. Elle s'avance, c'est son tour. Le canon du fusil se retrouve sur le comptoir et cette fois la femme écarquille les yeux. Elle murmure un montant et la femme s'empresse d'acquiescer, coopérante. La scène est discrète, mais une lumière rouge avertit le vigile qui s'approche doucement. Au moment où la femme revient, son regard accroche le mouvement, révélant sa présence. Elle se retourne brusquement, menaçante. Une détonation retentit. La seconde rugit. La femme hulule, l'homme s'effondre. Les yeux agrandis par l'effroi, elle s'empare du sac que lui tend la femme. L'instinct a pris le pas. Au loin, une sirène hurle. Elle s'enfuit. Poursuivie. Elle a abattu un homme.

Armée. Dangereuse. Ils n'auront aucune pitié. Perdue, éperdue, elle court, dérape, pleure et saigne de désespoir. C'est un puits dont on ne voit jamais le fond. Ses pas la portent vers la gare. Son destin l'arrête sur un pont. Ils l'ont rejoint. Elle voit la neige dans sa tête; la pluie devant ses yeux. Le son cotonneux des pas sur le manteau blanc imprègne ses tympans; les sirènes hurlent. Le lac gelé; l'eau sous le pont. Ses parents qui lui sourient; les fusils pointés sur elle. Elle tire la goupille. Rejoint sa famille.

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Le rire d'une enfant.
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