Marine [Récit court]

Marine,
Déjà huit mois. Huit mois de souffrance, huit mois de peine, huit mois d'absence, de vide et de douleur. En huit mois, il aurait pu s'en passer des choses ! Des rires. Des sourires. Des larmes. Des disputes. De la vie, en fait. Et dire que nous nous étions mis d'accord ! Un garçon, c'aurait été Paul. C'est joli, Paul, non? Mais c'était une fille. Et dans cette situation, nous avions choisi Marine. Il nous avait fallu six mois pour en arriver là, après de nombreux conflits.
Oui, c'était une fille. C'était. Et je le revois, comme si la scène avait eu lieu hier.

"C'est une fille."
Nous avions pleuré, de joie sûrement.
"Une fille? Ce sera donc Marine. Tu es d'accord, n'est-ce pas?"
J'avais alors regardé ta maman et lu une sorte de prière dans ses yeux.
"Oui… Marine."
Et puis, plus rien. Le docteur qui n'osait pas nous regarder, la sage-femme qui était sortie précipitamment, et ce silence…
"Docteur?"
La jeune femme avait tourné la tête. Voilà un an exactement qu'elle avait eu son diplôme, nous étions la première famille qu'elle avait en charge.
"Votre… Votre fille."
Alarmés, nous nous sommes regardés, ta mère et moi.
"Oui, et bien?
- Eh bien… Elle… Elle ne respire pas. Son cœur ne bat plus. Je… Je crois qu'elle a cessé de vivre."

Cessé de vivre. Le choc. Les larmes… Ce n'était pas possible; Nous avions remarqué que tu ne frappais pas beaucoup, que tu étais une enfant plutôt calme. Loin de nous inquiéter, cela nous avait rassurés. Après tout, ton frère Cyril ne frappait pas énormément non plus. Tu étais la deuxième, nous étions rassurés. Mais non, tu avais "cessé de vivre". Quelle expression atroce.
Le temps qui s'était arrêté pour quelques secondes a dû reprendre son cours. Nous sommes rentrés sans oser nous regarder. Une fois arrivés à la maison, Cyril nous a sauté dessus, il attendait avec Nanny.

"Alors, papa? J'aurais un frère hein?"

Mais comment expliquer à un enfant de deux ans que sa sœur était morte avant de naître? Nous n'avons rien dit, nous n'en avons pas eu besoin. Nanny a tout de suite compris et a emmené ton frère dans sa chambre pendant que ta mère pleurait sans bruit. Moi? Je fixais le mur, incapable de réfléchir. Ta grand-mère nous a alors rejoints, histoire de vérifier ses doutes. Alors Lily lui a dit, la voix éteinte.

"Marine a… Avait une malformation cardiaque. Je dois aller à l'hôpital dans trois jours pour… l'évacuer."

Je n'ai pas pu, Marine. Je n'ai pas pu tout écouter. Je me suis dirigé vers les toilettes pour vomir. Bile, haine, rancœur. Vomir l'amour que j'avais déjà pour toi et que tu ne recevrais jamais.

Marine… Huit mois. Lily est toujours en dépression, elle a fait une tentative de suicide qui s'est soldée par un échec. Alors elle reste à la campagne avec Nanny pendant que je m'occupe de Cyril. Ton frère a fêté ses trois ans hier, et il nous a demandé quand tu arrivais. Les larmes m'ont empêché de répondre. Va expliquer la mort à un gosse de trois ans. Mais je lui dirai demain. Il le faut.

Marine, sais-tu? J'aurais aimé t'aimer.

C'est juste magnifiquement horrible...ca m'a ramené deux ans en arrière.
Texte plein de sentiments réalistes, fond touchant...

Pour te répondre, Aillas, je crois que Nanny est une appellation qu'on donne à une grand-mère.