HRP : nouvelle franchement spéciale, je préviens. Toute critique est acceptée, bien entendu, d'autant plus sur un truc pareil. Quelques infos nécessaire : à Bordeaux, le tram mène du commissariat central à la rue Sainte-Catherine (commerçante) qui mène à la place de la Victoire tout comme le cours de la Marne, qui comprend pas mal de feux rouges.
Il s'agit d'une impro assez improbable, en fait, et je comprendrais qu'on ne puisse pas comprendre. Bonne lecture
De quelle couleur est le ciel ?
Je le regarde, et le vois gris. Uniforme. Désespérément. Je baisse la tête.
De quelle couleur est la terre ?
Je la regarde, et je la vois grise. Uniforme. Forcément. Celui de l'agent devant le commissariat central, en faction. Eternellement ? Gris.
De quelle couleur suis-je ?
Je suis rouge. Comme mon nez. Et de toutes les couleurs, comme mon pantalon. Je porte ma couleur comme un étendard dérangeant, à l'heure où les drapeaux font peur. Je suis Bozo, le clown.
Entre le ciel et la terre, les hommes. Etranges. Comme des équilibristes, ils excellent dans l'art de rester entre les deux. Trop orgueilleux pour dégénérer en bêtes. Trop ignorants pour régénérer en anges. Demi-hommes. Demi-femmes.
Mon drapeau dérange. Les ectoplasmes me regardent fugitivement, hésitent à prendre forme, puis retournent en fumée. Ils me voient, se détournent et fuient. Des yeux, ils me sentent, présent, et se détournent, inexistants. Car être leur demanderait trop, pensent-ils.
Rue Sainte-Catherine. Noire de monde. Ou plutôt Gris très foncé. Qui dans cette masse du samedi saurait dire qui était cette sainte au nom de laquelle ils se vautrent dans la fange dorée ? Nous sommes déplorables. Je sus déplorable. Mais moi, Bozo, je lève la tête.
De quelles couleurs le ciel est-il fait ? Je regarde, le nez en l'air. Les ectoplasmes aussi, un instant. Ils ne voient pas le ciel. Ils rebaissent le regard vers leurs pied, et ne voient pas l'infinité de gris de ce samedi. Des dizaines de gris, au coeur d'un seul. Tous différents, tous déprimants. Mais je sais que si je baisse la tête vers mes pieds, je verrai les hommes. Encore plus nombreux. Encore plus divers. Encore plus gris.
Victoire. MacDonald. Le clown rencontre le clown. A nous deux, Ronald. Mes fringues ultracolorées ont deux avantages. Elles sont chaudes et elles me dissimulent. Car ceux qui ne se méfient pas de Ronald ne se méfient pas de moi. Enfin pas beaucoup. Certains ont peur, tout de même, parce que je suis bizarre. Ils ignorent volontairement que, comme eux, j'ai peur. Ils sont si bizarres.
J'ai peur aussi de Ronald. Alors je vais vaincre le clown mangeur d'enfants. Je hisse le drapeau noir sur mon nez rouge.
Je suis Bozo, le clown, et je livre ma version de la bataille de la Marne. Je lutte contre les véhicules en leur marchant dessus grâce aux feux, rouges. Je laisse derrière moi des fantômes hébétés, qui prennent enfin un peu de consistance. Je laisse derrière moi un MacDo rouge. S'il n'y avait le fond noir dû à l'explosion, on ne verrait même pas les taches. De toute façon, Ronald nettoiera. Je le sais, car autrefois, Ronald c'était moi, qui regardait les clowns sans comprendre.