Un soir après l'turbin ─ même les entités,
Dieux majeurs et mineurs, que le doute rappelle
ont le droit de parler en aparté, entre elles,
en usant des mots doux ─ d'ouvrier du cercueil
la Mort fatigué¹ d'avoir donné au deuil
ses lettres de noblesse osa, en s'asseyant
à sa table au dîner ─ elle portait un seyant
ensemble noir, la cape était d'une beauté !
─ osa dire tout bas qu'elle en avait assez,
que la paie n'était pas ce qu'on peut espérer
pour un métier si dur, où il faut sans arrêt
courir de par le monde, partout à l'aventure.
Elle dit qu'elle arrêtait et que son ossature
en parcourant pâtures, champs, bocages et prés,
avait beaucoup vieilli, qu'elle pensait à l'Après
et qu'en tuant autant on pouvait ressasser.
Elle fit choir, lamentable, sa lame de faucheuse,
regrettant son dîner elle se leva de table
et alla se planter dans le plus confortable
des fauteuils qu'elle avait, devant la cheminée.
Ayant dit, et ayant ─ après tout ─ terminé
sa journée de travail, elle piqua un somme
durant lequel je crois qu'il fallait qu'aucun homme
ne mourût ─ mais sachez que parmi les menteuses
celle qui nous servait était calculatrice
et qu'elle avait compté sur la nature pour
remplacer ses vieux doigts, que le froid rendait gourds ─
puisque des hommes, aucun, ne fut même averti
et n'arrêtant jamais de jeter aux orties
les grands-mères à l'oseille, ou de décapiter
les rois un peu trop fous, en furent dépités.
Et la Mort souriait dans son fauteuil, actrice
d'un des plus beaux romans que l'humain ait écrit
où l'on parle de tous, qu'on appelle destin
mais qui n'est au final rien d'autre qu'un festin
qui a rendu brumeux l'esprit de ce vieillard
jusqu'à perdre sa soif de pratiquer son art.
En clair, pour avoir plaisir à digérer
la Mort à forcé l'homme à bien s'entre-tuer.
Retenez bien qu'un mort ne pousse plus de cris !
(ou sinon je vous jure que vous serez surpris...)
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¹ : combien de fois faudra-t-il le répéter ? La mort est un mal ! (et pour ceux qui ne comprendraient pas l'allusion, la lecture des ouvrages de Terry Pratchett les annales du disque-monde est chaudement recommandée)