Réminiscence [Rôle Play sur la digue de Saint-Adobe en Ter Aelis]

REMINISCENCE

Cassiopée s’était retrouvée dans les bras de Sang Zoltan qui souhaitait la maintenir au chaud le temps de leur voyage. Pourtant, elle ne s’était pas préparée à tant de précautions, n’ayant encore jamais volé sur un dragon. Shyon semblait être tout particulièrement majestueux.
Elle sentit à peine l’élan des ailes qui les menaient vers les cieux. Elle perçut le souffle des nuages, respirant avec avidité leur légèreté et leur douceur humide.

Mais ils montaient toujours plus, toujours plus haut. Les étoiles semblaient à leur portée et Cassiopée se retint d’en capter la lumière, elle se contenta de recueillir leurs caresses.

Soudain, Shyon l’avertit qu’il était temps pour elle de se concentrer sur les battements de son cœur afin de passer une fenêtre.
Cassiopée n’eut que le temps d’une pulsation pour s’y préparer.

Alors, une main monstrueuse la tenant par la gorge vint lui arracher le cœur… Son souffle coupé recherchait, sans le trouver, l’air qui pourrait la sauver. Autour d’elle, un noir sans vie et sans âme la cernait et une peur colossale lui étreignit les entrailles.
Seul son cerveau était encore capable de percevoir les paroles rassurantes de Sang Zoltan. Mais elles n’avaient pas d’effet sur son pauvre corps en perdition.

Une seconde suffit pour passer la fenêtre et pourtant le temps et le néant avaient failli la détruire.
L’air happé entrait à grand flot dans ses poumons et les battements de son cœur roulaient une canonnade à l’intérieur de son être. Elle était agrippée au Maître dragon, tentant de reprendre son souffle et sa conscience.

Autour d’eux, le ciel resplendissait de mille feux et l’océan lançait vers eux ses reflets verdoyants. Elle reconnut enfin La digue de St Adobe…

C'est ici que nous devions atterrir Shyon...?

Je ne sais pas c'est un peu du hasard...

Il n'y a pas de hasard chez les Dragons de Shyon...

Nous étions passé au dessus de cette digue lors de notre Arrivée... j'aime bien cet endroit...je l'ai enregistré mentalement... .

C'est...

La Digue de Saint Adobe...

C'est...

Il n'y eut pas de suite. Sang reprenait lentement forme et son corps réapparut derrière Cassiopée. Ses yeux pâles se mêlèrent aux reflets marins. Des vagues de fragrance l'enivrèrent. Il aimait la mer comme une vieille dame qui l'aurait bercé et pris soin de lui. Déposant lentement le corps fragile de sa Marraine de façon à ce qu'elle soit allongée, il se jeta au sol et s'approcha des vagues dormantes. Sa main toucha l'eau et une vague de légèreté s'empara de lui. Dans un geste d'élémentaire il fit des cercles et des combinaisons lentes avec ses bras. L'onde s'amplifia et des courants naquirent dans le mouvement. Jusqu'à ce que l'image aquatique de Shyon prit forme et sortit de l'eau.

Je suis plus beau quand même...

Sang ne répondit pas. Au coté de l'image de son compagnon apparurent des nymphes d'eau et tout un décor de fée. Puis l'eau retomba brusquement. Dans la chute un mur se forma qui vint entourer l'Enfant. Il y eut comme une étrange visions: Sang Zoltan cerné de millions de gouttes d'eau ainsi qu'une cascade qui l'étreignait sans oser le toucher.

C'est l'Imitation d'un Paradis. Shyon.

Du néant d’où ils étaient venus, Cassiopée ne conservait qu’un sentiment de douleur et de vide.
La perception de la plage chaude sous sa peau, la résolut à émerger de cette sensation. Elle attrapa une poignée de sable doux, les yeux fermés, se concentrant sur la vie et la chaleur des rayons du soleil qui venaient caresser son visage en laissant son empreinte ardente et vivifiante dans ses veines.
Elle ouvrit enfin les yeux pour voir le soleil luire, géante boule d’énergie vivante, protection ultime contre le froid qui l’avait envahie.

Elle se mit lentement debout, récupérant les fonctions de son corps. Sous ses yeux, Sang jouait avec l’eau… Elle, qui sculptait avec l’onde et la lumière le voyait créer sous ses yeux un dragon de gouttelettes. Elle ne put résister à s’approcher de lui.

Jamais elle n’avait désiré représenter les choses avec les éléments. Pour elle, sculpter avec l’eau répondait à un dégagement de vie. Chacune de ses sculptures se devait d’être vivante et mobile.
A son tour, elle étendit le bras…Mais, ce n’est pas l’onde qui se mut. Une longue trainée de poussières d’étoiles descendait, animée d’une danse molle et hésitante.
Quand le sillage étoilé atteint la mer, elle entraina sur son passage l’écume et quelques gerbes d’eau qui formèrent une haute spirale de lumière liquide. Soudain une vague jaillit des flots, pénétrant la spirale de part en part. C’est alors, que le souffle du vent vint éparpiller l’ensemble, créant une multitude de petites sphères liquides dans lesquelles valsaient les lumières des astres.

-Sang ? Je ne connaissais pas le néant...

Personne ne connaît. Et personne ne peut le connaître. Seul les dragons ont dans leur âme le savoir du Néant. Le flair pour le trouver, le traverser, et aller ou ils veulent à travers Lui... . Et encore...ils en ont peur...souvent.. .

Ce n'était pas le Néant... . C'est juste une impression du Néant. Rien ne vit dans le Néant.

La tête de sang s'était tourné vers Cassiopée. Son regard était d'une mélancolie accrue. Shyon s'envola un peu et vint flirter avec l'eau étoilée de Cassy en jetant son néant contre la vague dispersée. l'Animal sacré ne se préoccupait pas de l'étrange conversation. Il avait son propre avis sur la question et n'aimait pas en parler. Son vol rapide le faisait chasser les gouttes d'eaux. Sang, quand à lui sans s'en rendre compte continuait de modeler ses figurines marines. Le vent s'en mêlait un peu et charriait l'oeuvre mouvante.

Quand nous voyageons la-bas...nous effleurons le Néant. Et ce qui est froit, attirant mais froid et angoissant...c'est l'Appel du Néant... l'Appel du non-vivre, du non-être qui avale tout... . Les contrevents...

Le mot paraissait nimbé d'un respect fasciné sur les lèvres de Sang. Les contrevents. Il rompit le manège de l'eau autour de lui et ses yeux se durcirent. Il s'élança vers la digue sans raison, emportant avec lui des vagues folles et dans sa course il murmurait...

C'est le Paradis...Ici.

Cassiopée regardait Sang s’élancer tel un enfant pataugeant dans l’eau.
« Quel étrange être est mon filleul ! Il semble recueillir les savoirs ancestraux, mais ceux-ci l’accablent ou le tourmentent…»

Sa relation avec son dragon était elle aussi inaccoutumée. Shyon était son propre maître, tout comme Sang. Et pourtant, ils se montraient unis comme jamais elle n’avait connu d’assemblage, au point de s’imaginer parfois les confondre en un seul corps…

Comme Sang s’éloignait sans se préoccuper de sa présence, Cassiopée se tourna vers Shyon.
Le dragon se précipitait vers chacune des bulles de lumière voletant encore ça et là. Il y plongeait ses naseaux faisant éclater les sphères qui l’éclaboussaient de myriades de petites étincelles et de gouttelettes le condamnant à éternuer à chaque explosion. Mais le jeu semblait lui plaire.

Cassiopée pénétra dans l’eau, s’approchant de lui pour admirer sa peau luisante dont les éclats sous le soleil émettaient des lueurs multicolores. Chacune de ses écailles jouait le rôle d’un prisme sous le soleil. Elle tendit la main et une petite boule lumineuse vint s’y poser puis glissa. Elle parcourait les détails de sa peau pour y déposer un film miroitant, si bien que Cassiopée fut bientôt à l’image du dragon, luisante de lumière.
Comme Shyon se lassait de son jeu et qu’il tournait sa haute tête vers elle, elle dit :

-Shyon, toi qui détient les pouvoirs séculaires, accepterais-tu de me dire comment tu as connu Sang ?

Sang s'était figé en entendant la question de Cassiopée résonnant dans la tête de son compagnon.Course stoppée, il tourna lentement sa tête vers eux. Et son regard plongea dans celui de Shyon.

Je...

Shyon...

Shyon battit d'une aile mal à l'aise. Ça paraissait surprenant qu'un Dragon puisse trembler devant ce qui semblait être un simple métamorphe mais l'expression agressive de Sang sembla le désarmer. Sang revint vers le rivage, entouré de vagues augmentant de taille à chaque seconde. Des courants sombres ébranlaient ces murailles et l'on eut dit que des personnages se mouvaient dans l'onde et esquissaient parfois leur forme pour retourner dans l'uniformité violente. La Température baissa.

Tu n'es qu'un Dragon...Shyon..

La voix de Sang avait tonné. Si fort que des tourbillons de poussières naquirent de la digue glacée, sorti de leur silencieux repos.

Tu n'es qu'un Dragon..

Elle avait reculé d’un pas lorsque la voix agressive de Sang avait résonné au milieu de l’océan, et maintenant Cassiopée se tenait prête à intervenir, en état d’auto-défense, le corps en tension.

Shyon n’avait pas pu répondre à sa question. Sang s’y était opposé comme si la question pouvait avoir de graves conséquences pour lui… Le dragon semblait désarmé devant la colère de Sang.

Mais la phrase elle-même se répercutait encore dans la conscience exacerbée de Cassiopée :

-Tu n’es qu’un dragon, Shyon…

Comment un dragonnier pouvait-il prononcer ces mots cruels : Tu n’es qu’un dragon… Alors que la race des dragons était sans doute la plus noble qui soit depuis la nuit des temps…. ?

Les yeux plissés par l’effort de concentration, la dame des étoiles s’était redressée et faisait face au métamorphe qui livrait sa colère à la mer. Elle laissait l’eau lui appartenir pour le moment en retenant l’énergie foudroyante qui effleurait à présent le moindre de ses pores.

Sa question demeurait : Qui était Sang ? D’où arrivait-il ? Que craignait cet être capable de regarder de haut un dragon ?...

Tu n'es qu'un Dragon...

Sang répétait machinalement cette sentence avec une voix de plus en plus grave et de plus en plus agressive. Ses yeux sombres injectés de Sang fixait Shyon, ignorant le reste. Les vagues rageuses vibraient au meme ton que sa colère.Des mers et des rivages glacèes s'élevèrent des pointes de glaces qui frappaient ainsi que des queues de dragons l'air puis vinrent se fixer les une avec les autres formant tout autour de shyon une immense prison de verre et de glace battu par l'élan de la Mer. Celui-ci tenta vainement de sortir du piège naissant mais un vent violent le rabattait sans cesse au sol.

Tu ne te contrôle pas Sang...

Pourquoi aurai-je besoin de me contrôler...

Tu vas faire du mal...

TU vas trop loin.

Elle est..

Il n'eut pas le temps de continuer. Une flèche de glace frôla le museau de Shyon et s'immobilisa a deux centimètres de lui.

Si donc tu te confie autant... on va jouer à un jeu Shyon... Protège là donc... ta Confidente...

Sang tendit sa main et un élan de l'onde se transforma en une flèche d'eau plus aiguisée qu'une lame qui fondit sur Cassiopée retenue par les eaux orageuses.

Une douce mélopée s'éleva de l'extrémité de la digue. Son rythme doux s'accélérait et son intensité montait en puissance en même temps que s'approchait une silhouette encapuchonnée, les mains sur un instrument de bois. La musique figea l'atmosphère, s'insinuant entre chaque particule pour couper les liens qui formaient tout à l'heure une flèche de glace menaçante et qui à cet instant retombaient en neige fine sur le sol humide de la digue.

L'elfe ne cessa pas de jouer tout de suite, tournant son regard doré vers cet être qui semblait démoniaque. Son regard empreint de douceur qui l'interrogeait sur le pourquoi de cette soudaine colère. Ses doigts dansaient sur le tube de bois, dans un tempo de plus en plus lent. Enfin, elle cessa de jouer, alors que les dernières notes résonnaient encore en duo avec le fracas des vagues.

Tàranis s'adressa alors à Sang, dressé, menaçant, au dessus des flots enragés.

Messire, je ne vous connait point, mais je vous en conjure, recouvrez vos sens et voyez la beauté qui vous entoure. Ecoutez les vagues, elles réclament la paix. Les nuages noirs du ciels n'ont pas su étouffer vos élans, ne leur donnez pas plus de travail, apaisez vous, les mots sont plus doux que cette violence.

Elle ne quittait pas l'homme des yeux. Cherchant de son regard les pupilles de ces yeux rouges.

La concentration de Sang fut troublée par l'arrivée de l'Etrangère. Il oublia un instant les vagues et les éléments qu'ils tenait dans sa main. L'onde marine le frappa sans ménagement, le jetant plusieurs mètres plus loin. Le choc avec la glace lui arracha un gémissement.

Il resta couché, le front perlé d'une tâche de sang. Ses yeux rouges se voilèrent un peu. Une angoisse sourde continuait de le dévorer intérieurement. Et cette phrase qui l'obsédait...

Tu n'es qu'un Dragon...Shyon... .

Il voyait au dessus de lui des étoiles merveilleuses qui dansaient et qui lui souvenait son éternité. Il tendit la mains comme pour les attraper.

Je reviens...attendez moi... je reviens...ne vous envolez pas...

Et alors qu'il tendait tout sa force vers le haut comme pour rejoindre le cieux des voix chantaient dans sa tête. C'était un concert de murmure et de consciences bavardes.

Tue l'Etrangère...

C'est de sa faute.

Ne l'épargne pas...

Que te reste-il? Qui es tu ? TUe la!

Et après...

L'Infini...tue la...

Pourquoi la tuer...je ne la connais pas...

Elle a détruit ta flèche...

Elle a violé ton harmonie et l'onde s'est vengée...

Je ne veux pas...

Fais le.

Sang ouvrit deux doigts et tournant son regard fiévreux vers l'Etrangère venu sauver Cassiopée lui murmura

Va t'en...Petite...

Et du vent froid qui glissait vers Taranis, en sortit un Phœnix gris aux ailes dorées allant la traverser de part en part alors que les vagues puissantes étaient proche de venir à bout de la volonté de s Marraine.

Alors que le cœur de Cassiopée avait bondi sauvagement lorsque la flèche décochée des eaux se précipitait vers elle, il battit plus vite encore en reconnaissant la flûte magique de l’elfe Tàramis Linwêlin. Cassiopée s’apprêtait à parer l’attaque de son filleul quand la magie du son émis par l’elfe dissipa le dard en flocons légers qui se contentèrent de l’effleurer à peine.

La venue d’une amie était douce et chaleureuse, elle reconnaissait le timbre harmonieux de la musicienne. Il dégageait une résonnance de bienveillance qui réchauffait l’atmosphère glacée de Sang.

Imperturbablement dressée sur la rive, Cassiopée ne quittait pourtant pas des yeux Sang et son dragon. Elle ne comprenait pas la transformation du multiple. Il semblait être devenu fou, comme prêt à détruire ce qu’il protégeait un moment auparavant.

Concentrant l’énergie en un mince filet de persuasion, elle guida son esprit vers les pensées de l’homme. Pénétrant sans bruit et sans contact, elle se heurta à un chaos de voix agressives et vindicatives. Elle se retira très vite et se projeta à grand pas près de l’elfe. Tàramis resta immobile et attentive, émettant en continu des ondes calmantes. Cassiopée se joignit à elle et s’adressa à Sang en le fixant dans ses yeux écarlates:

-Sang, Tu n’es plus toi-même, protège-toi de l’agression qui te taraude. Ferme leur ton esprit.
Tu es arrivé sur Ter Aelis. Redeviens toi-même, celui qui est lié au dragon, celui qui détient les connaissances bienfaisantes et les effrois du néant. Je t’en prie, éloigne de toi la haine et la violence !

L’onde s’apaisait peu à peu, l’écume, lentement, se fondait au liquide ne laissant que son reflet argenté se reposer sur les flots ondoyant.
Puis se tournant vers Shyon elle le supplia mentalement de l’aider…
Tàramis avait raison, la paix devait pouvoir l’atteindre…

Maelström d'émotions. Voix incessantes. Il émanait de l'être au milieu des flots une rage incontrôlée. Elfe et naïade, épaule contre épaule, femme contre femme, se tenait face à lui, roc de chairs face à la marée de ses émotions.

Grendelor était venue sur la Digue pour y puiser un peu de réconfort et voilà qu'elle se retrouvait au milieu d'un champ de bataille. Un homme et un dragon. Un homme qui lui paraissait multiple. Lié au dragon. La jeune femme retira bien vite son esprit de celui de l'homme de peur d'être entrainée dans sa folie.

Sang

Le nom autant que la couleur résonna à travers l'espace.

Cassiopée tentait d'amadouer l'être en furie. Grendelor s'avança, s'approchant des deux femmes, effleurant leurs épaules d'une main douce et réconfortante.

*Paix*

Calme dans son coeur, calme dans son esprit. Comme la musique de Tàranis, elle envahissait les esprits, relachait les muscles.

*Paix*

Le mot flottait dans les airs essayant de fondre la glace de colère qui enserrait l'homme.

Le visage de Sang se détendit un peu. Une fièvre agressive perturbait sa vue. Il avait l’impression que le paysage tanguait et que l’onde avait remplit le monde d’une houle ravageuse. Il essaya vaguement de se relever mais retomba sur ses genoux. Il avala sa douleur quand une décharge vive foudroya sa tête. Au même temps les étendues de glace retournaient à leur état originel, laissant l’air devenir plus chaud et plus supportable. Sang n’en avait que cure. Il essayait de retrouver l’équilibre de son être sans y parvenir, même une seconde. Cette agitation intérieure désespérante lui arracha un cri de rage. Les eaux tremblèrent.

Quand Cassiopée tenta d’infiltrer sa pensée, sa colère augmenta. Il haïssait ces genres de tentatives vouées à contrôler l’esprit. Il tourna un regard noire vers l’audacieuse. Cette vague émotionnelle lui redonna un peu de force. Il s’y appuya de toute cette force et dirigea sa main vers sa marraine avec une force dévastatrice. Une onde parcourut l’eau en suspens et une vague en pointe frappa de plein fouet. Un bruit comme un coup d’orage fit suite au choc. Shyon s’était interposé. Les deux éléments provoquèrent une explosion de pression mentale. Tout ce qui fut aux alentours fut ébranlé comme si l’espace n’était plus qu’un amas de fragilités évanescentes. Il y eut quelque secondes dans laquelle l’Eternité glissa son manteau d’étoile, quelque seconde ou nul ne sut quelle histoire était en train de s’écrire. Puis le vif retour, les effets dramatiques d’une rencontre entre deux âmes du Néants. Un nuage de poussière couvrit l’endroit du choc puis se dissipa lentement. Devant Cassiopée se tenait le Dragon ; son front d’airain était couvert d’un léger filet de sang et son regard nourrissait une détermination flamboyante. Sang était debout entouré d’un cocon d’eau mouvante. Il semblait renaître dans une énergie nouvelle, plus calme mais tout autant troublée par sa colère. Il avait oublié Taranis et Cassiopée et fixait avec un air de défi Shyon.

Tu veux jouer à l’Enfer…Shyon ?

*Paix*

Chaleur et Tendresse... Grande Soeur?

Il y eut dans son âme une réponse improbable aux vagues de la nouvelle L'étrangère qui infiltrait l'espace, l'empêchant de sentir l'envoi mental qui le frappa de plein fouet. Il vacilla un moment et un léger sourire fleurit sur ses lèvres.

Jusqu'à ce qu'une lumière aveuglante embrasa le ciel, pour laisser place à un Ange Noir, au front serti d'une opale indigo. Des Ailes de feu sombre brillaient indolemment dans son dos. Ses yeux étaient cernés d'arabesques noires. Trois iris brûlaient dans sa paupières. Il dégagea du fourreau une Epée dont la lame obscure était plongée dans un flou de poussière incessant.

Je m'appelle...Shyon... .

Le Dragon trembla. Et l'eau au pied de l'Ange du Néant forma des ombres sombres montant vers son corps transformé.

"Danse, danse, bulle d’air
Sur les remous rendus fous
Par tes valses éphémères.

Mousse, mousse, fée légère
Que naisse de tes jeux flous
L’écume reine des mers."

Les yeux dans le vague, Nahïs rêvait. Longeant la digue, elle offrait son visage aux embruns pailletés de sel. Une mélopée inattendue résonna tout à coup parmi les éléments. Sensible à l'émotion que dégageait le lieu, Nahïs se sentit envahie par une paix intense. Aérienne, ses pas la portaient aussi vite que le vent. Et Nahïs riait aux éclats de cette course face aux éléments. Elle riait encore quand se dressa devant elle un dragon. Un dragon... Subjuguée par l'être extraordinaire, la lutine ne remarqua pas tout de suite l'homme qui faisait face à l'animal. L'homme? Une silhouette ténébreuse, parcourue de volutes sombres... Image de cauchemar. Et trois Grâces qui tentaient de maintenir l'être à la raison.

Cassi...

Le coeur empli d'innocence, Nahïs s'avança jusqu'à croiser les yeux brûlants du ténébreux. Plongeon dans l'embrasement des violences, des ires de ce monde. Effervescence des sens. Avec toute la simplicité de la jeunesse, Nahïs fit face à l'Ange Noir. Une seule pensée. Pureté.

Cassi...

Et la lame se dressa.

Un regard empli de malveillance habitait Sang, il semblait puiser en l’antre intérieure de son être la violence nécessaire pour la hisser hors de lui.

Soudain, dirigeant son bras vers l’objet de sa haine, il la déchargea en une longue déferlante acérée.
Cassiopée vit la vague tranchante l’atteindre avant même d’avoir compris qu’il lui destinait sa hargne. Mais alors qu’elle restait paralysée sous l’assaut, la masse gigantesque de Shyon la domina totalement et le ciel s’embrasa.
La peur du vide s’empara d’elle l’espace d’un si court instant que le vertige qui s’ensuivit lui agrippa la gorge pour l’empêcher de respirer…

« Paix »

L’air afflua et sa poitrine se gonfla inondant son corps d’un baume de chaleur…
Grendelor était proche… Grendelor qui l’avait sortie de l’enfer quand Smirtnoff l’avait transpercée de sa lame destructrice. Grendelor qui veillait sur elle avec tant de tendresse quand elle s’était perdue dans ses sentiments pour le vampire… La paix de Grendelor la galvanisa. Ses sens s’acérèrent sous l’impact du charme.

Elle entendit clairement l’innocence de la charmante lutine approcher. Malgré son désir de l’étreindre pour la protéger, elle ne tourna pas son regard vers elle.

Devant elle, Shyon, venait de redresser la tête et le sang perlait sur son front…

-Oh ! Shyon ! Cet homme est fou !

Mais cet homme n’était pas un homme… Il se dressait, à présent, perfection de lumière sombre. Sa haute silhouette d’ange noir luisait dans un halo vaporeux quand il leva une longue épée dont le pouvoir qui en émanait semblait sorti des ténèbres.

Sang ne se calmait pas. L'elfe n'en finissait plus de faire danser ses doigts. Les ondes de paix de Grendelor se propageaient sans discontinuer. Cassiopée n'en revenait plus de la transformation de son filleul. Nahïs, lutine faite d'innocence s'était jointe à eux sans s'en rendre compte. Et face à elles, l'ange noir se dressait, toujours aussi menaçant.

La musique, sans perdre sa douceur devint plus impérative. Elle tenta d'user les barrières violentes qui entouraient l'âme de Sang. Elle voulait l'investir, le ramener à la raison des Hommes. Elle sentait les présences sereines autours d'elle et puisait sa force dans leur conviction. Toutes quatre se soutenaient pour ne pas briser leur tentative d'accalmie.

Ne voulant pas cesser de jouer, elle tenta de communiquer avec Sang par l'esprit.

Sang! Reviens à toi! Oublie ta colère, elle engendre trop de mal! Oublie ta vengeance, elle ne fermera aucune blessure! Regardes nous, vois nous, rejoins nous!

Tàranis ne savait pas si ses paroles atteignaient l'être sombre. Elle ne savait pas plus si ces paroles pouvaient avoir un quelconque effet positif sur lui. Mais elle n'avait rien d'autre que son désir de le faire se calmer pour l'en convaincre et pour l'aider.

La réponse ne se fit pas attendre. Sang perçut les faibles mots de Taranis à travers son voile. Il les entendit plus dans l'âme de Taranis que dans la sienne qui était verrouillée par des murailles mentales toujours plus croissantes.

Il ne prit pas la peine de bouger, une bourrasque fendit l'air et la jeune flutiste bascula en arrière. C'était instinctif. Sang-Shyon regardait le Dragon portant l'affront avec une fierté rageuse. Il lui semblait que l'Animal lui était étranger, il ne le reconnaissait plus vraiment.

C'est le fait d'être né d'une partie de mon Âme qui t'éveille autant d'orgueil...ou c'est juste parce que tu es devenu idiot... tu n'es que le reliquat d'une Mémoire violée, d'une déchirure divine, ma haine et mon silence. Mon gouffre et mes Souvenirs... .Shyon...

Sang s'approcha. Ses pas formaient des nuages d'ombre dans son sillage.

On tua l'Ange de la Révolte blanche...on tua l'Ange de la Conscience révélée...on tua l'Ange en lui arrachant les Mémoires des Siècles...et l'Ange renaquit de l'Infini Néant des Eternités sans Mémoire...

Il leva son épée, des flèches-nuits couvrirent son geste et éclatèrent. Shyon se couvrit de son aile et les projectiles frappèrent ses écailles ainsi que l'orage sur l'Église des Profanes. Des éclats du sort partirent dans tous les sens et une pointe arracha à la joue de Nahis une goutte de sang en même temps que la pression de Sang fit reculer le Dragon jusqu'à Grendelor.

Cassiopée se retrouva en première ligne face à Sang-Shyon qui avait tourné sa tête vers la lutine.

Je t'ai fais mal Innocence..?

Dans un réflexe, Grendelor avait porté son bras à son visage. La puissance de l'attaque avait repoussé le dragon jusqu'à sa hauteur, lui bouchant partiellement la vue.

*Fort, très fort. Un ange? Tuerie et renaissance, mort et souffrance, oubli et réminescences...*

L'ange sembalit s'intéresser à Nahïs, légèrement blessée à la joue. Le sang s'écoulait doucement, larme rouge sur le doux arrondi. Grendelor aurait voulu s'élancer vers elle, vérifier qu'elle n'avait rien de plus. Mais la prudence retînt ses pas et c'est avec circonspection qu'elle s'avança, continuant d'émettre des ondes de douceur, de confiance et de paix, autant pour tenter de percer la carapace de l'ange que pour soutenir les femmes autour d'elle. Tàranis était à terre, à quelques pas de là.

*Il faut que je m'approche d'elles.*

La jeune femme apperçut Cassiopée, directement devant Sang. Son coeur manqua un battement. Le danger se faisait pressant dans son esprit. Elle s'arrêta. Ses pensées tourbillonaient, cherchant une solution à son dilemme.

*Tàra et Nahïs n'ont pas l'air gravement blessées. Mais s'il s'en prend directement à Cassi...*

Affermissant sa résolution, elle vint se placer près de la femme-étoile.

*Il faut déjà le calmer, c'est le seul moyen d'éviter plus de blessures. Mais que faire contre lui? Il semble imperméable...*

Alors elle fit ce qui faisait d'elle un grenadier. Elle inspira profondément, puis expira tout doucement, évacuant toute tension, repensant à tout ce qui faisait qu'elle était heureuse. Calme et joie l'innondèrent et un sourire naquit sur ses lèvres. Lentement, elle s'avança vers l'ange noir, étincelle de bonheur dans le chaos régnant.

Ne vois-tu pas que tu lui fais du mal? Son Innocence frémit face à ta fureur. Goutelette pure, elle est balottée par tes sentiments ténébreux. Baisse ton arme, qu'elle puisse te regarder sans être déformée. Baisse ton arme, que l'amour reforge ton âme.

Car s'était d'amour qu'elle rayonnait, d'amour pour la vie, d'amour pour ces femmes qui faisaient face à la noirceur d'un être perdu. D'amour pour celui-ci qu'elle voulait sauver.

Cassiopée gardait Sang dans l’axe de sa vision mais son esprit s’était uni à celui du dragon...
Shyon protégeait d’une muraille épaisse et haute la partie de ses pensées destinées à Sang. Seules lui parvenaient la confusion et la colère. Mais il lui permettait d’accéder aux méandres profonds de ses connaissances immémoriales. Cassiopée engrangeait des sciences inconnues, elle percevait parfaitement la formation de l’univers et les remous des nuages intergalactiques.

Elle ne s’attarda pourtant pas, sentant la présence de Sang Zoltan à la limite de son âme.

Bien lui en prit, car au moment où elle s’éloignait mentalement de lui, Sang leva son long glaive vers le ciel et déversa un chapelet de pointes sombres aux éclats lunaires en leur direction. Protégée par Shyon et sa cuirasse d’écailles impénétrables, elle ne ressentit que la forte pression ambiante qui comprimait l’air sur son passage. Le dragon fut violemment projeté en arrière.

Elle perçut la douleur qui se propageait autour de lui, comme un nuage de nuisances. La vue de Cassiopée se brouillait de Sang.
D’où venait ce sang qui l’envahissait ?

Elle se sentit soudain une proie potentielle à la haine qui émanait de son filleul. Alors, se chargeant de l’énergie ambiante qui ruisselait comme une fontaine autour d’elle, elle draina le magma terrestre et la roche en fusion l’envahit totalement. Elle était lave et nuée ardente, dressée sur la berge. En elle, notre mère la Terre vivait !

Grendelor n'avait fait que quelques pas en direction de Sang quand elle sentit un changement derrière elle. Se retournant vivement, elle vit Cassiopée tel un volcan sur le bord de la Digue.

*Elle veut le... combattre?!*

La jeune femme était incrédule, elle n'avait jamais vu Cassiopée dans cet état. Doucement, un sourire naquit sur ses lèvres, fierté pour celle qui était prête à se perdre pour sauver l'ange noir. Elle hocha la tête imperceptiblement et fit de nouveau face à Sang, rayonnante d'un amour encore plus profond. Autour de l'ange, l'air se chargea d'une odeur douce et entêtante.

Tàranis n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait avant de se retrouver les fesses par terre. Dans sa surprise, elle avait lâché sa flûte, stoppant net la musique envoûtante. Elle ressentit alors une pression extraordinaire sur son âme et porta les mains à ses tempes dans un réflexe de protection inutile. L'objet qui aurait eu le pouvoir de détendre son esprit gisait à quelques pas de là, pauvre et fragile morceau de bois. Mais elle ne pouvait le voir et n'y pensait même pas.

C'est alors qu'une ombre blanche se glissa dans son champ de vision. L'animal ramassa l'instrument et le lui rapporta avant de frotter son museau à son visage. Sa présence avait dressé une aura protectrice autours de l'elfe qui, surprise, posa la main sur le pelage clair.

Nolëwen...

Jamais le renard n'avait fait montre d'une telle force mentale. Cela redonna courage à sa maîtresse qui se releva et vit enfin ce qu'il se passait autours d'elle. Une lutine était arrivée, créature pleine d'innocence blessée. Grendelor s'était avancée face à l'ange noir tandis que Cassiopée se transformait en un menaçant volcan. Cette dernière abandonnait visiblement la technique de seule propagation d'amour et de paix. Elle semblait vouloir affronter réellement l'être violent qui leur faisait face.

Tàranis reprit alors sa flûte, sa seule arme, sa seule défense, et se remit à jouer. Mais l'air qu'elle entonna était loin d'être paisible. Le calme, c'était au renard de s'en charger désormais, tranquillement assis, son regard interrogatif allant d'un personnage à l'autre, comme extérieur au conflit. L'elfe tentait d'insuffler du courage dans sa musique, d'aller blesser l'âme du démon tout en caressant celle de l'homme qu'il avait été. C'était un morceau complexe, aussi violent que doux.

Le feu qu'avait allumé le jeune peintre réchauffait les os de la pauvre fée qui commençait à ne plus sentir son corps tant le froid la consumait. Elle s'approcha un peu en bénissant la destinée d'être tombée sur un être si exceptionnel. Se blottissant un peu plus dans la cape de son sauveur elle observa le soleil et les gens qui se tenait devant. Son coeur commença à s'affoler, il était de nouveau là dehors.

- Oh non... pas encore lui !

Comme prise de folie elle se jeta hors du cabanon avec le jeune homme sur ses talons qui essayait de la retenir tant bien que mal. Son visage se durcit encore un peu. Pourquoi cet homme la rendait à ce point folle ?! Il fallait qu'elle éclaircisse ce sentiment une bonne fois pour toute. Kyara vint se planter devant l'inconnu et son dragon.

- Encore ici ? Tu n'as pas honte de souiller ainsi par les flammes un lieu sacré ? Et puis qui es-tu d'abord ?

Aspharoth l'attrapa par le bras pour l'obliger à se reculer mais elle tint bon et se libéra de son emprise en se dégageant. Son regard noisette se planta dans celui de Sang. Elle lui tiendrait tête autant qu'il le faudrait !

- Pourquoi à chaque fois que tu es dans les parages ma colère contre toi monte d'un cran ?!

Cette fois il fallait qu'elle comprenne. C'est à peine si elle avait remarquée ses amies tout autour.

Et la lame se leva.

Eternité. Les yeux plongés dans ceux de l’Ange Noir, plus rien n’atteignait Nahïs; le bruit de la tempête s’était estompé, les cris de Tarà avaient disparu. La jeune fille chutait toujours plus bas dans les tréfonds de l’âme de Sang Zoltan. Dans un ailleurs, où le temps n’avait de prise. Où les haines cristallisent. Cet ailleurs résonnait de l’apaisante Grendelor, présente dans chacun des pores de l’Ange Noir, et qui pulsait en Nahïs. L’envoutante mélopée de la jeune elfe Tarànis courait encore le long des veines de la lutine. Loin dans le gouffre de ses affres, un noyau glacial enserrait les peines et les tourments de l’être sombre. Une glace impitoyable, implacable. Le souffle innocent de Nahïs, petit brin de chaleur porté par l’Amour que distillaient les trois Grâces, se glissa dans le cœur de froideur. L’Innocence dans les bras de la Violence.

Et la lame se leva.

Soudains éclats. Le temps reprit son cours, aussi soudainement qu'il s'était arrêté pour la jeune fille. Une goutte de sang perla sur sa joue. Et la voix de Sang Zoltan lui parvint, à travers le brouillard de ses sens.

-Je t’ai fait mal, Innocence...?

Regard éperdu. Elle porta sa main sur sa joue, délicatement. La perle rouge disparut dans le velouté de sa peau. Et un sourire naquit doucement sur les lèvres de Nahïs. Non, pas de mal.

Détachant enfin son regard de l’elfe, elle vit Cassi dressée, entourée de l’Amour de Grendelor et de Tarà, farouchement sauvage. Mais serait-ce la peine de combattre?

Une inconnue apostrophait maintenant violemment Sang Zoltan. Kyara.

Sang avait entendu ces mots avec l'impression de voir son équilibre durement gagner voler en éclat. Des vagues plus grandes que les autres frappèrent le virage avec une force décuplée. Il avait trouvé une harmonie dans son état d'Ange du Néant et acquis un certain contrôle. Le visage étrange de cette Kyara pulvérisa ses certitudes. Même l'évocation tendre de Nahis ne fut que poussière. L'Epée de SAng engrangea une énergie plus froide et plus agressive.

Toi...

Il plia instinctivement ses genoux, adoptant une allure de loup prêt à bondir. Au même moment l'eau comme une masse terrible s'abattit sur Kyara ainsi qu'une main formidable cherchant à la détruire d'un coup. Dans le flot de rage il y eut une vague confusion où des actions infimes se passèrent en un éclair. Au bout du compte un loup noir avait renversé Kyara et des crocs luisants frôlaient sa gorge. Son épaule gauche avait une entaille sévère qui perlait de sang.

Ce ne sera que la deuxième fois que j'aurai eu envie de te tuer et je ne sais pas pourquoi.

Les crocs acérés se rapprochaient de la peau de sa proie.

Face à la violence animale, seul un animal pouvait répondre. Ainsi, le renard calme une seconde auparavant s'était hérissé lorsque le noir avait bondi. Sa calme aura rassurante disparu en même temps, remplacée par une autre, agressive et pleine d'un courage contagieux. Il s'élança vers le démon et lui sauta dessus, l'emportant dans une roulade qui l'écarta de Kyara. Aussitôt Nolëwen s'écarta sans le quitter des yeux, crocs sortis et son volume doublé par ses poils dressés.

L'elfe Tàranis n'avait pas cessé sa musique qui n'avait pourtant visiblement aucun effet. elle tenta d'accentuer l'écart entre douceur et violence. Elle n'arrivait pas à toucher l'âme même de Sang. Elle ferma les yeux pour mieux se concentrer et redoubla sa volonté, puisant dans le courage imprudent de son compagnon animal.